B. L'ESSOR DES POLICES MUNICIPALES TÉMOIGNE D'UN BESOIN CROISSANT DE SÉCURITÉ DANS NOS TERRITOIRES

1. Une dynamique soutenue des effectifs des polices municipales

Les polices municipales ont connu un essor important au cours des dernières années, ce qui témoigne du besoin croissant de sécurité dans nos territoires mais aussi, sans doute, d'un sentiment d'éloignement du terrain des forces de sécurité intérieure.

Le nombre de policiers municipaux a connu une progression très importante au cours de la dernière décennie. Il s'élève ainsi à 28 161 agents en 2023, soit une hausse de 45 % depuis 2012. Ces agents sont employés par 3 812 communes ou EPCI.

Cette progression est également observable sur la longue durée, puisqu'on dénombrait en 1984, soit au lendemain des lois de décentralisation, un total de 5 541 agents de police municipale employés par 1 748 communes.

Cette dynamique est appelée à se poursuivre, alors que l'enjeu de la sécurité du quotidien a vocation à s'imposer comme un élément structurant de la campagne des élections municipales de 2026. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a ainsi estimé ainsi que 11 000 nouveaux policiers municipaux pourraient être recrutés entre 2020 et 2026.

Évolution du nombre d'agents de police municipale entre 2012 et 2023

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

Si cet essor concerne l'ensemble du territoire, une concentration des policiers municipaux peut être constatée dans les départements du Sud-Est, où l'on comptait environ 1 policier municipal pour 1 000 habitants en 2021 (voir carte ci-dessous).

Nombre de policiers municipaux pour 10 000 habitants par département en 2021

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

Les effectifs sont également hétérogènes selon les collectivités, puisque plus de la moitié d'entre elles (1 905) emploient moins de trois agents, tandis que 525 d'entre elles emploient plus de 10 agents, et parmi lesquelles seules 24, les plus grandes villes, emploient plus de 100 agents.

Distribution des effectifs des polices municipales

Nombre de policiers municipaux

Nombre de collectivités

Part des collectivités

2 agents ou moins

1 905

49,7 %

Entre 3 et 10 agents

1 382

36 %

Plus de 10 agents

525

14,3 %

Dont plus de 100 agents

24

0,6 %

Total

3 812

 

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

Les quinze communes disposant des principaux effectifs de police municipale
(en nombre d'agents)

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

Au titre de l'année 2023, l'effort consenti par le bloc communal au titre des polices municipales, estimé par l'Observatoire de la gestion et des finances publiques locales à environ 2,5 milliards d'euros, est également marqué par son dynamisme, malgré des disparités importantes entre les communes, liées à une série de facteurs identifiés (situation géographique, caractère touristique de la commune, richesse, taille, positionnement politique de la majorité municipale)19(*).

Dans le détail :

- les dépenses de fonctionnement afférentes s'élèveraient à 2,2 milliards d'euros, soit 3,8 % du total de ces dépenses (contre 3,1 % en 2017) ;

- les dépenses d'investissement, qui représentent environ 155 millions d'euros par an en moyenne depuis 2018, s'élèveraient à environ 260 millions d'euros en 2023. Quatre postes principaux seraient concernés : la construction ou la rénovation des bâtiments, le matériel et l'outillage techniques (dans lequel peuvent s'inscrire l'armement mais aussi tous les autres équipements techniques nécessaires aux missions des polices municipales), les systèmes de vidéoprotection et les véhicules de transport.

Le nombre de gardes champêtres est quant à lui plus modeste, et en régression : 603 agents étaient dénombrés en 2023, soit environ deux fois moins qu'en 2012 (1 240)20(*). Ce cadre d'emplois, en tout état de cause, a vocation à être préservé. La mission d'information, dont les travaux ont mis en évidence le rôle précieux de ces agents dans les campagnes, est pour autant loin de considérer que cette diminution soit synonyme d'effacement.

2. Signe du durcissement du contexte sécuritaire, l'armement des polices municipales s'est banalisé

Il ressort également des auditions que l'armement des polices municipales, qui n'allait pas de soi historiquement, s'impose désormais comme une évidence pour une large majorité de communes.

La mission d'information y voit un signe du durcissement du contexte sécuritaire dans lequel les polices municipales interviennent, et d'un souci de protection des agents. Lorsque le maire le décide et sur autorisation du préfet, les policiers municipaux peuvent faire l'objet d'une large gamme d'armes relevant des catégories B (arme à feu de poing type pistolet ou revolver, flash-ball de catégorie B, pistolet à impulsion électrique, bombe lacrymogène d'une capacité supérieure à 100 ml), C (flash-ball de catégorie C) et D (matraques de type « bâton de défense », bâton télescopique, gaz lacrymogène d'une capacité inférieure ou égale à 100 ml, projecteurs hypodermiques pour la capture des animaux dangereux ou errants) 21(*).

Ainsi, on dénombrait 3 168 communes ou intercommunalités dotées d'un service de police municipale armé en 2023 (soit 83,1 % des collectivités concernées), contre 2 516 en 2016.

Le nombre de policiers municipaux armés est passé de 15 765 en 2012 à 21 762 en 2023 (soit 77,2 % des agents22(*)). Il peut ainsi être observé que, malgré la croissance très importante des agents de police municipale, le nombre d'agents armés s'est maintenu à un niveau élevé, proche de 80 %. Une exception notable est toutefois à signaler : la Ville de Paris est dotée depuis 2021 d'une police municipale comptant environ 1 229 agents, tous non armés.

Évolution du nombre et de la part d'agents de police municipale armés
entre 2012 et 2023

(Échelle de gauche : nombre d'agents ; échelle de droite : pourcentage)

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

La police municipale de Paris

La possibilité pour la Ville de Paris de créer une police municipale a été ouverte par l'article 6 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés (dite « Sécurité globale »).

Historiquement, conformément à l'arrêté du 12 messidor de l'an VIII, les pouvoirs et attributions de police administrative sur le territoire de la ville relevaient du seul préfet de police, autorité de police de droit commun. Ce statut particulier se justifiait par le fait que Paris, en tant que capitale, est le siège des pouvoirs publics constitutionnels.

Les prérogatives du maire de Paris en matière de police ont toutefois été progressivement étendues par des lois successives adoptées à partir de la seconde moitié des années 1980. Ainsi, à la veille de l'adoption de la loi « Sécurité globale », ce dernier était déjà compétent dans les matières suivantes : la salubrité sur la voie publique ; la salubrité des bâtiments à usage d'habitation et d'hébergement ; la police des immeubles menaçant ruine ; les bruits de voisinage ; la police des funérailles et des lieux de sépulture ; le maintien du bon ordre dans les foires et marchés ; la police des baignades ; la police de la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au domaine public de la Ville de Paris ; la défense extérieure contre l'incendie ; une partie de la police de circulation et du stationnement.

Si la ville de Paris était ainsi, pour l'exercice de ces compétences, autorisée à se doter d'un service de police, ses agents ne bénéficiaient pas du statut d'agents de police judiciaire adjoint (APJA), à l'instar des policiers municipaux.

Effectivement créée en 2021, la police municipale de Paris est régie par les dispositions particulières prévues aux articles L. 531-1 à L. 531-5 du code de la sécurité intérieure. Ce cadre légal comporte plusieurs spécificités par rapport aux dispositions de droit commun régissant les polices municipales.

Ses agents relèvent d'un corps de fonctionnaires territoriaux spécifique, recruté par un concours ad hoc. Ils reçoivent une formation délivrée non par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) mais par l'École des métiers de la sécurité de la ville de Paris. Ils sont agréés par le seul procureur de la République.

En outre, les policiers municipaux de la Ville de Paris peuvent constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du préfet de police relatifs au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité et la tranquillité publiques, à l'exception des interdictions de manifestation sur la voie publique, qui relèvent du seul préfet de police (article L. 533-4 du code de la sécurité intérieure).

Selon les données communiquées par le ministère de l'intérieur, la ville de Paris employait 1 229 agents de police municipale au 31 décembre 2023, soit l'effectif le plus élevé du pays. La police municipale de Paris a par ailleurs la particularité de ne pas être armée.

Source : commission des lois du Sénat

Si la part d'agents de police municipale armés est donc restée stable, il doit être relevé que la part d'agents dotés d'une arme à feu de poing cependant a quant à elle considérablement augmenté sur la même période. En 2023, on en dénombrait 16 546 (contre 7 360 en 2012), soit 76 % des agents armés (contre 46 %) et 58 % du total (contre 38 %). La grande majorité des agents armés sont en outre dotés d'une arme de catégorie D (91 %).

L'armement des agents de police municipale (APM) au 31 décembre 2023

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

Évolution du nombre et de la part d'agents de police municipale (APM) armés entre 2012 et 2023

(Échelle de gauche : nombre d'agents ; échelle de droite : pourcentage)

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur

Enfin, sur décision du maire prise après délibération du conseil municipal23(*) et sous réserve de l'existence d'une convention de coordination avec les forces de sécurité intérieure, les polices municipales peuvent se doter d'une brigade cynophile pour l'accomplissement de leurs missions24(*). En particulier, celles-ci ont vocation à intervenir pour les tâches de prévention, de surveillance de l'accès à un bâtiment communal et dans les services publics de transport de voyageurs, de sécurisation des voies publiques, des voies privées ouvertes au public et des lieux publics ainsi que des manifestations sportives, récréatives ou culturelles ou encore sur la capture de chiens errants ou dangereux25(*). Elles n'ont en revanche pas vocation à accomplir des actes d'enquête judiciaire (par exemple pour détecter des produits stupéfiants).

En 2023, 216 communes ou EPCI étaient dotées d'une brigade cynophile (soit 6 % des communes ou EPCI dotés d'une police municipale). Le nombre de chiens de patrouille dans la police municipale s'élevait à 453.


* 19 Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL), Les enjeux financiers des polices municipales, collection « Cap sur... », octobre 2024.

* 20 Ces données du ministère de l'intérieur sont contestées par la Fédération nationale des gardes champêtres, qui estime qu'environ 900 gardes champêtres sont en activité.

* 21 La liste des armes autorisées figure à l'article R. 511-12 du code de la sécurité intérieure.

* 22 Hors police municipale de Paris, non armée, la part des agents de police municipale armés s'élève à 80,8 % en 2023.

* 23 Ou, le cas échéant en présence d'une police intercommunale, sur décision conjointe du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

* 24 Articles L. 511-5-2 et R. 511-34-1 à R. 511-34-7 du code de la sécurité intérieure.

* 25 Article R. 511-34-2 du code de la sécurité intérieure.

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