- L'ESSENTIEL
- PORTER LE COMBAT POUR LES DROITS DES
FEMMES
À L'INTERNATIONAL
- AVANT PROPOS
- PORTER LE COMBAT POUR LES DROITS DES FEMMES
À L'INTERNATIONAL
- I. LA CSW, LE PLUS IMPORTANT FORUM MONDIAL ANNUEL
SUR LES DROITS DES FEMMES
- A. LA CSW, À LA FOIS COMMISSION OFFICIELLE
DES NATIONS UNIES DÉDIÉE AUX DROITS DES FEMMES ET ESPACE DE
RENCONTRES
- B. LA CSW69, UN BILAN EN DEMI-TEINTE DANS UN
CONTEXTE DE CRISES MULTIPLES ET DE MENACES PESANT SUR LES DROITS DES
FEMMES
- 1. Un contexte international complexe pour les
droits des filles et des femmes
- a) Des progrès depuis 30 ans mais un
contexte international difficile selon le bilan du secrétaire
général de l'ONU
- b) Une montée des mouvements hostiles aux
droits et à la santé sexuels et reproductifs
- c) Des inquiétudes liées aux
conséquences, aux États-Unis et dans le reste du monde, des
annonces de la nouvelle administration Trump et de la révocation de la
jurisprudence Roe v. Wade de la Cour suprême
- d) Une situation dramatique pour les femmes et
filles iraniennes et afghanes
- a) Des progrès depuis 30 ans mais un
contexte international difficile selon le bilan du secrétaire
général de l'ONU
- 2. Une déclaration politique dont
l'existence doit être saluée mais dont le contenu est
incomplet
- 1. Un contexte international complexe pour les
droits des filles et des femmes
- A. LA CSW, À LA FOIS COMMISSION OFFICIELLE
DES NATIONS UNIES DÉDIÉE AUX DROITS DES FEMMES ET ESPACE DE
RENCONTRES
- II. LA DIPLOMATIE FÉMINISTE
FRANÇAISE, UN LEVIER POUR DÉFENDRE LES DROITS DES FEMMES À
L'ÉCHELLE INTERNATIONALE
- I. LA CSW, LE PLUS IMPORTANT FORUM MONDIAL ANNUEL
SUR LES DROITS DES FEMMES
- COMPTE RENDU DE L'ÉVÉNEMENT
PARALLÈLE CONSACRÉ AUX VIOLENCES PORNOGRAPHIQUES
- Propos liminaires
- Table ronde
- La France appelle à l'action
- Les conséquences
délétères de la pornographie : résultats des
recherches sur les conséquences sociétales et psychologiques de
la pornographie
- La réalité de l'industrie du porno :
témoignage d'une organisation qui soutient les victimes de l'industrie
du porno et met en lumière l'exploitation et les abus de cette
industrie
- Le rôle des décideurs
politiques : discussion sur les mesures législatives prises ou
à prendre pour protéger les femmes et les enfants
- Intervention de Dominique Vérien,
présidente de la délégation aux droits des femmes du
Sénat
- Intervention de Christine Jardine,
députée d'Édimbourg-Ouest, vice-présidente de la
commission des femmes et de l'égalité du Parlement
britannique
- Intervention de Jin Sun-mee, membre de
l'Assemblée nationale de la République de Corée, ancienne
ministre de l'égalité des sexes et de la famille
- Intervention de Dominique Vérien,
présidente de la délégation aux droits des femmes du
Sénat
- La France appelle à l'action
- Échanges entre panélistes et avec le
public
- Conclusion
- Propos liminaires
- EXAMEN EN DÉLÉGATION
- PROGRAMME DU DÉPLACEMENT DU 9 AU 14 MARS
2025 À NEW YORK (ÉTATS-UNIS)
- ANNEXES
N° 706
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur le déplacement de la délégation à New York dans le cadre de la 69e Commission de la condition de la femme de l'ONU (CSW69), du 9 au 14 mars 2025,
Par Mme Dominique VÉRIEN,
Sénatrice
(1) Cette délégation est composée de : Mme Dominique Vérien, présidente ; Mmes Annick Billon, Evelyne Corbière Naminzo, Laure Darcos, Béatrice Gosselin, M. Marc Laménie, Mmes Marie Mercier, Marie-Pierre Monier, Guylène Pantel, Marie-Laure Phinera-Horth, Laurence Rossignol, Elsa Schalck, Anne Souyris, vice-présidents ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Jocelyne Antoine, Agnès Evren, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Hussein Bourgi, Mmes Colombe Brossel, Samantha Cazebonne, M. Gilbert Favreau, Mme Véronique Guillotin, M. Loïc Hervé, Mmes Micheline Jacques, Lauriane Josende, Else Joseph, Annie Le Houerou, Marie-Claude Lermytte, Brigitte Micouleau, Raymonde Poncet Monge, Olivia Richard, Marie-Pierre Richer, M. Laurent Somon, Mmes Sylvie Valente Le Hir, Marie-Claude Varaillas, M. Adel Ziane.
L'ESSENTIEL
PORTER LE COMBAT POUR LES DROITS DES
FEMMES
À L'INTERNATIONAL
Du 9 au 14 mars 2025, sept sénatrices de la délégation aux droits des femmes du Sénat se sont rendues au siège des Nations Unies à New York pour participer à la 69e session de la CSW (Commission on the Status of Women / Commission sur la condition de la femme), plus grand rassemblement mondial annuel dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes et à l'autonomisation des femmes. |
I. LA CSW, LE PLUS IMPORTANT FORUM MONDIAL ANNUEL SUR LES DROITS DES FEMMES
A. LA CSW, À LA FOIS COMMISSION OFFICIELLE DES NATIONS UNIES DÉDIÉE AUX DROITS DES FEMMES ET ESPACE DE RENCONTRES
Depuis 1946, la CSW est un organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations unies. Administrée par ONU Femmes, qui en assure le Secrétariat, elle est le principal organe intergouvernemental mondial dédié à la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes. |
Chaque année, pendant deux semaines en mars, des représentantes et représentants des États membres des Nations Unies, d'organisations de la société civile et d'entités des Nations Unies se réunissent au siège de l'ONU à New York à l'occasion de la session annuelle de la CSW.
Chaque session comprend un segment ministériel avec un débat général, des tables rondes ministérielles et des dialogues interactifs à un haut-niveau. L'objectif est de faire le point sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing de 1995 - documents de référence en matière de lutte pour l'égalité femmes-hommes à l'échelle internationale -, d'identifier les défis à relever, et de promouvoir des politiques et normes mondiales.
La CSW est également un moment de rassemblement et d'échanges pour tous les défenseurs des droits des femmes : près de 10 000 personnes sont présentes à New York à cette occasion.
Des centaines d'événements parallèles ont également lieu. Ainsi, la délégation a organisé un événement consacré aux violences pornographiques, dans la lignée de son rapport Porno : l'enfer du décor publié en 2022. Cet événement, qui a réuni 70 participants d'une quinzaine de pays différents, a donné de la visibilité aux travaux de recherche et aux témoignages de victimes de l'industrie pornographique et permis, grâce à un panel mêlant organisations de la société civile et décideurs politiques, d'engager des discussions sur les initiatives juridiques de nature à lutter contre ces violences.
B. LA CSW 69, UN BILAN EN DEMI-TEINTE DANS UN CONTEXTE DE CRISES MULTIPLES ET DE MENACES PESANT SUR LES DROITS DES FEMMES
Bilan des avancées en matière d'égalité des sexes
trente ans après la Conférence mondiale sur les femmes de 1995 (Beijing+30)
et à cinq ans de l'échéance des Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030
Source : ONU-Femmes, Le point sur les droits des femmes 30 ans après Beijing, mars 2025.
La 69e session de la CSW est intervenue dans un contexte international difficile, marqué par de nombreux conflits armés, crises politiques, économiques, sociales, humanitaires, sanitaires et climatiques, et offensives idéologiques, dont les femmes et les personnes LGBTQIA+ sont souvent les premières victimes.
En outre, de nombreux pays du monde sont aujourd'hui confrontés à un contexte global d'hostilité envers les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, souvent qualifié de « backlash ». Cela se manifeste notamment par une montée des mouvements hostiles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR), qui se professionnalisent, alors que 40 % des femmes en âge de procréer (soit 753 millions de femmes) vivent dans des régions du monde où la législation en matière d'accès à l'avortement est restrictive.
Dans un tel contexte international, l'adoption, par consensus, d'une déclaration politique par les États membres de la CSW, est une victoire qui doit être saluée, en dépit du peu de progrès de ce texte par rapport aux années précédentes.
II. LA DIPLOMATIE FÉMINISTE FRANÇAISE, UN LEVIER POUR DÉFENDRE LES DROITS DES FEMMES À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE
A. UNE DIPLOMATIE FÉMINISTE DE MIEUX EN MIEUX STRUCTURÉE
La présence à la CSW d'une délégation officielle française particulièrement plus étoffée, avec en son sein une délégation parlementaire bicamérale et transpartisane, témoigne de l'engagement de la France dans la défense des droits des femmes à l'échelle internationale, dans la lignée de la diplomatie féministe adoptée par la France depuis 2019.
Piliers de la stratégie pour la diplomatie féministe française, publiée en mars 2025
La délégation appelle de ses voeux un renforcement de la dimension féministe de la diplomatie parlementaire, à travers une mobilisation continue en faveur des droits des femmes dans le monde, une participation régulière aux conférences internationales dans ce domaine et des échanges renforcés avec des partenaires étrangers - à la fois parlementaires et organisations de la société civile - investis sur ces problématiques. Elle souhaite également que les parlementaires puissent être davantage associés aux actions menées par le Gouvernement, en particulier par la mise en place d'un volet parlementaire lors d'événements consacrés à la diplomatie féministe, tels que la conférence des politiques étrangères féministe que la France accueillera à l'automne 2025.
B. UN SOUTIEN AUX ORGANISATIONS FÉMINISTES QUI DOIT SE POURSUIVRE
La France est l'un des pays qui apporte le soutien financier le plus élevé aux organisations féministes, qu'elle appuie, depuis 2020, via un fonds national dédié : le Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), copiloté par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et l'Agence Française de Développement (Afd), en concertation avec la société civile. Doté initialement d'un financement global de 120 millions d'euros pour la période 2020-2022, il a été renouvelé à hauteur de 250 millions d'euros pour la période 2023-2027.
Bilan 2020-2023 du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF)
Source : Agence française de
développement, bilan d'activité 2020-2023 du Fonds de
soutien
aux organisations féministes
POUR EN SAVOIR +
- Le rapport d'ONU Femmes « Le point sur les droits des femmes 30 ans après Beijing »
- La déclaration politique et le programme de travail pluriannuels issus de la CSW 69
AVANT PROPOS
PORTER LE COMBAT POUR LES DROITS DES FEMMES À L'INTERNATIONAL
Du 9 au 14 mars 2025, sept sénatrices de la délégation aux droits des femmes du Sénat se sont rendues au siège des Nations Unies à New York pour participer à la 69e session de la CSW (Commission on the Status of Women / Commission sur la condition de la femme), plus grand rassemblement mondial annuel dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes et à l'autonomisation des femmes.
La délégation, conduite par la présidente Dominique Vérien, était composée d'Annick Billon, Agnès Evren, Béatrice Gosselin, Marie-Pierre Monier, Olivia Richard et Laurence Rossignol.
Une quinzaine de députés étaient également présents, menés par Guillaume Gouffier-Valente, vice-président de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et président du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF), Véronique Riotton, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale et membre du bureau des femmes parlementaires de l'Union interparlementaire (UIP), faisait partie de la délégation de députés.
Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, menait quant à elle une délégation de près de quatre-vingts personnes, dont Isabelle Rome, Ambassadrice pour les droits de l'Homme et la mémoire internationale de la Shoah, Delphine O, Ambassadrice et Secrétaire Générale du Forum Génération Égalité, des représentants des administrations françaises concernées, d'anciennes ministres et secrétaires d'État, des représentants du secteur privé, des personnalités qualifiées et de nombreuses organisations de la société civile.
La présence à la CSW d'une délégation parlementaire bicamérale et transpartisane particulièrement étoffée, aux côtés de la délégation ministérielle, a été perçue comme un signal fort de l'implication des parlementaires français, et plus largement de la France, dans le combat pour les droits des femmes dans le monde, envoyé à l'ensemble de nos partenaires, des autres États membres et des instances onusiennes.
La délégation parlementaire au siège des Nations Unies
De gauche à droite : Gabrielle Cathala, Marie-Pierre Monier, Béatrice Gosselin, Guillaume Gouffier-Valente, Dominique Vérien, Prisca Thevenot, Agnès Evren, Sandrine Josso, Annick Billon, Karine Lebon, Marie-Noëlle Battistel, Véronique Riotton, Marie-Charlotte Garin, Anne-Cécile Violland
Devant : Julie Delpech, Olivia Richard, Sandra Regol
Une partie de la délégation parlementaire,
dans les locaux de la Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies,
aux côtés de la Ministre Aurore Bergé et de Jay Dharmadhikari, représentant permanent adjoint à la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, chargé d'affaires
De gauche à droite : Jay Dharmadhikari, Béatrice Gosselin, Stéphane Mazars, Annick Billon, Véronique Riotton, Anne-Cécile Violland, Guillaume Gouffier-Valente, Aurore Bergé, Dominique Vérien, Agnès Evren, Laurence Rossignol, Éléonore Caroit, Marie-Pierre Monier, Céline Thiébaut-Martinez
Au cours de son déplacement, la délégation parlementaire a participé à des conférences organisées au siège des Nations Unies dans le cadre de la CSW, notamment sur le rôle des parlements pour faire progresser l'égalité femmes-hommes, sur la lutte contre les cyberviolences et sur la situation des femmes et filles afghanes.
Elle a procédé à des entretiens avec les équipes des principaux organes des Nations Unies qui travaillent sur les problématiques des droits des femmes et des filles - ONU Femmes, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP/UNFPA) et Unicef - ainsi qu'avec les équipes de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies.
Elle a également échangé avec de nombreuses délégations venues du monde entier, des ministres, des parlementaires, ainsi que des représentants de la société civile. Elle s'est ainsi entretenue avec des parlementaires du Royaume-Uni, d'Espagne, du Canada et de Corée du Sud, des membres d'associations ukrainiennes, des activistes afghanes ou encore des femmes engagées en Afrique, soutenues par l'Alliance féministe francophone.
La présence des parlementaires à New York a aussi été l'occasion d'échanges avec des membres de la communauté française de New York, avec les équipes du consulat de France à New York et avec des chercheures françaises installées aux États-Unis.
Enfin, temps fort du déplacement, la délégation aux droits des femmes du Sénat a organisé un événement parallèle de haut niveau consacré aux violences pornographiques. Dans la lignée du rapport Porno : l'enfer du décor1(*), publié en 2022, cet événement, qui a réuni plus de soixante-dix participants, a donné une dimension internationale à l'engagement de la délégation dans la lutte contre les violences pornographiques et leurs conséquences.
À l'issue de cette semaine de déplacement, riche en rencontres, échanges et enseignements, la délégation est plus que jamais convaincue de la nécessité de porter le combat pour les droits des femmes à l'international. En effet, les droits des femmes constituent un impératif universel.
Dans un contexte international difficile et face à la montée des mouvements anti-droits, hostiles à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, la délégation soutient les efforts de la diplomatie féministe française pour défendre les droits et l'autonomie des femmes dans le monde, organiser une coordination des États partenaires et soutenir les organisations féministes de terrain.
Le présent rapport s'articule autour de deux volets :
· une présentation de la CSW et de la diplomatie féministe française ;
· une retranscription des échanges tenus lors de l'événement parallèle de la délégation consacré aux violences pornographiques.
I. LA CSW, LE PLUS IMPORTANT FORUM MONDIAL ANNUEL SUR LES DROITS DES FEMMES
Si, chaque année, la tenue de la CSW (Commission on the Status of Women / Commission sur la condition de la femme) donne lieu à un immense rassemblement mondial consacré aux droits des femmes, la 69e édition de la CSW (CSW69) revêtait une importance particulière à un double titre.
D'une part, comme tous les cinq ans, elle s'est accompagnée de bilans nationaux, régionaux et mondiaux sur les progrès accomplis en matière de droits des femmes et a donné lieu à l'adoption d'une déclaration politique et d'un programme de travail fixant des orientations et priorités pour les années à venir.
D'autre part, elle s'est inscrite dans un contexte international marqué par de nombreux conflits et crises, dont les femmes sont bien souvent les premières victimes, ainsi que par un mouvement de contestation voire de recul des droits des femmes dans de nombreuses régions du monde, y compris aux États-Unis, où se tient chaque année la CSW. Ce mouvement - souvent qualifié de « backlash » ou « retour de bâton » - a été au centre de nombreux échanges de la délégation tant avec des instances onusiennes qu'avec des organisations de la société civile, inquiètes des conséquences pour des millions de femmes et filles.
A. LA CSW, À LA FOIS COMMISSION OFFICIELLE DES NATIONS UNIES DÉDIÉE AUX DROITS DES FEMMES ET ESPACE DE RENCONTRES
1. Un organe du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), administré par ONU Femmes
a) Un organe onusien dédié aux droits des femmes depuis les années 1940
Dès les années 1940, sous l'impulsion d'Eleanor Roosevelt, une première Sous-Commission des Nations Unies sur la condition de la femme s'est mise en place afin de conseiller la Commission des droits de l'homme de l'ONU, précurseur du Conseil des droits de l'homme.
En 1946, cette instance est officiellement devenue la Commission sur la condition de la femme, organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations unies. Administrée par ONU Femmes, qui en assure le Secrétariat, elle est le principal organe intergouvernemental mondial dédié à la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes.
Au cours de ses premières années d'existence, la CSW a eu pour principal mandat de contribuer à l'établissement des normes mondiales dans les domaines précités et à l'intégration d'une perspective de genre dans les activités des Nations Unies.
Elle a ainsi contribué à l'élaboration de conventions internationales majeures et :
· permis l'introduction d'un langage inclusif dans la version finale de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1948 ;
· rédigé, à la demande de l'Assemblée générale, la Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de 1967 ;
· rédigé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de 1979 ;
· joué un rôle central dans l'adoption de la déclaration et du programme d'action de Beijing de 1995.
La déclaration et le programme d'action de Beijing, adoptés par les représentants de 189 gouvernements lors de la conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995, constituent, encore aujourd'hui, les documents de référence en matière de lutte pour l'égalité des sexes à l'échelle internationale. Ils couvrent douze sujets de préoccupation essentiels : la pauvreté, l'éducation et les formations, la santé, la violence, les conflits armés, l'économie, le pouvoir et les prises de décisions, les mécanismes institutionnels, les droits humains, les médias, l'environnement et les filles. Pour chaque sujet, des objectifs stratégiques sont identifiés, ainsi qu'un catalogue détaillé des mesures associées qui incombent aux gouvernements et aux autres parties prenantes.
La CSW est chargée de suivre et évaluer les progrès réalisés et les problèmes rencontrés dans leur mise en oeuvre.
La délégation aux droits des femmes du Sénat entretient un lien particulier avec la conférence mondiale sur les femmes de Beijing puisqu'elle en est, en quelque sorte, issue. En effet, après sa participation à cette conférence, la sénatrice Michelle Demessine a demandé au Sénat de mettre en place une structure de réflexion sur la place des femmes dans la vie politique et sur l'accès des femmes aux responsabilités. Cette mission d'information a conduit, deux ans plus tard, en 1999, à l'adoption d'une loi créant, dans chaque assemblée, une délégation aux droits des femmes, dont l'idée avait ainsi commencé à germer dès la conférence de Beijing quatre ans auparavant.
b) Une réunion annuelle en mars
Chaque année, pendant deux semaines en mars, des représentantes et représentants des États membres des Nations Unies, d'organisations de la société civile et d'entités des Nations Unies se réunissent au siège de l'ONU à New York à l'occasion de la session annuelle de la CSW.
Si plus de cent de pays sont représentés, seuls quarante-cinq États membres de l'ONU sont formellement membres de la CSW et négocient l'adoption d'un texte. Ces membres sont élus par ECOSOC sur la base d'une répartition géographique équitable, pour une période de quatre ans. S'agissant de l'Union européenne, des négociations se font d'abord entre pays européens, afin de porter une voix commune.
Chaque session de la CSW comprend un segment ministériel avec un débat général, des tables rondes ministérielles et des dialogues interactifs à un haut-niveau. L'objectif est de faire le point sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing de 1995, identifier les défis à relever, et encourager des politiques et normes mondiales.
À la fin de chaque session, la Commission adopte des « conclusions concertées », sur un thème annuel ciblant une priorité précise et reprenant les positions communes des États sur ce thème et plus largement sur les questions liées à l'égalité femmes-hommes. Tous les cinq ans, et ce fut le cas lors de la CSW69 en mars 2025, sont adoptés deux documents : une « déclaration politique » et un programme de travail pluriannuel déterminant les thèmes des travaux des quatre prochaines sessions de la CSW.
2. Un moment de rassemblement et d'échanges pour tous les défenseurs des droits des femmes
a) Des centaines d'événements parallèles
En parallèle de chaque CSW, des centaines d'événements sont organisés :
- des « side events » organisés par des organes de l'ONU, des gouvernements, des parlements ou des représentations permanentes des États membres, au siège de l'ONU ou au sein des représentations permanentes ;
- des « parallel events » organisés par des organisations de la société civile, dans des salles proches du siège de l'ONU.
Ces événements permettent aux entités organisatrices de mettre sur le devant de la scène les thématiques de leur choix, de partager informations, données et témoignages, d'organiser un espace d'échanges avec des intervenants venant de différents pays et de mener des activités de plaidoyer.
C'est dans ce cadre que la délégation a organisé, le 12 mars 2025, un événement parallèle, intitulé “Violence in Porn = Violence Against Women. Understanding and Addressing Pornography's Societal Impact" / « Violence dans le porno = Violence contre les femmes. Lutter contre les conséquences de la pornographie dans la société », dont le compte rendu est retranscrit dans le présent rapport.
La délégation entendait ainsi renforcer l'écho international de son rapport Porno : l'enfer du décor2(*), qui a fait l'objet de plusieurs articles de presse internationale (notamment dépêche AFP en anglais, Euronews, The Guardian, AP News, The Independent...) depuis sa publication en septembre 2022 et a suscité un intérêt de la part de diverses organisations et institutions travaillant sur cette question dans d'autres pays.
En inscrivant la problématique des violences pornographiques à l'agenda officiel des « side events », publié par ONU Femmes3(*), et en donnant de la visibilité aux travaux de recherche et aux témoignages de victimes de l'industrie pornographique, la délégation participe à la prise de conscience en cours, à l'échelle internationale, de l'ampleur des violences pornographiques et de leurs conséquences.
L'organisation d'un panel mêlant organisations de la société civile et décideurs politiques a également permis d'engager des discussions sur les initiatives juridiques de nature à lutter contre ces violences. La France ne peut en effet agir seule sur un tel sujet.
La participation d'intervenants de haut niveau - en particulier la ministre Aurore Bergé, l'Ambassadrice Delphine O et une représentante officielle d'ONU Femmes - témoigne de l'intérêt suscité par cette problématique.
Au total, cet événement a réuni plus de 70 participants venus du monde entier, notamment des parlementaires du Royaume-Uni, de République de Corée, d'Espagne, de Suède, du Danemark, des représentants officiels d'Allemagne, du Danemark et du Vatican, ainsi que des organisations de la société civile française, américaine, britannique, canadienne, indienne et indonésienne.
b) Près de 10 000 participantes et participants
Chaque année, des dizaines de milliers de personnes viennent du monde entier pour participer à la CSW et aux multiples événements parallèles : membres de gouvernements, parlementaires et organisations de la société civile. Il s'agit d'un moment privilégié de rencontres et d'échanges entre ces représentants du monde entier.
Profitant de cette opportunité unique, la délégation parlementaire a pu s'entretenir, à la fois dans le cadre d'entretiens officiels et de rencontres informelles, avec des représentants des principaux organes onusiens travaillant dans le domaine des droits des femmes et des filles, avec des parlementaires du Royaume-Uni, d'Espagne, du Canada et de République de Corée, et avec des dizaines de personnalités engagées et représentantes de la société civile venues d'Ukraine, de Roumanie d'Afghanistan, du Sahel, du Maghreb, ou des États-Unis.
B. LA CSW69, UN BILAN EN DEMI-TEINTE DANS UN CONTEXTE DE CRISES MULTIPLES ET DE MENACES PESANT SUR LES DROITS DES FEMMES
La 69e session de la CSW est intervenue dans un contexte international difficile, marqué par de nombreux conflits armés et crises politiques, économiques, sociales, humanitaires, sanitaires et climatiques, dont on sait que les femmes sont souvent les premières victimes.
De nombreux pays du monde sont aujourd'hui confrontés à un contexte global d'hostilité envers les droits des femmes, l'égalité femmes-hommes et les droits des personnes LGBTQIA+, souvent qualifié de « backlash ».
Théorisé par la journaliste américaine Susan Faluidi en 1991, le terme « backlash » ou « retour de bâton » décrivait à l'origine la réaction des conservateurs aux États-Unis face aux mouvements de libération des femmes dans les années 1970-80. Depuis, les mouvements féministes à travers le monde se sont réapproprié le concept pour décrire des situations de recul des législations nationales sur divers enjeux liés aux droits des femmes : avortement, droits reproductifs, programmes d'éducation sexuelle, discrimination positive et quotas, droits des personnes LGBTQIA+, etc. Le terme renvoie plus globalement à la diffusion d'une rhétorique et de politiques anti-féministes.
Le « backlash » observé aujourd'hui est généralement présenté comme une réaction au mouvement #MeToo lancé en 2017, qui avait permis une libération de la parole des femmes sur le sujet des violences sexistes et sexuelles. Les crises économiques, politiques et sociales liées au Covid-19 ont également contribué à créer un climat propice à des législations plus conservatrices, ainsi que l'avait déjà envisagé Simone de Beauvoir lorsqu'elle déclarait : « il suffira d'une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question ».
Le peu de progrès de la déclaration politique issue de la CSW69 par rapport aux précédentes déclarations politiques s'explique par ce contexte particulier.
Pour autant, l'existence même d'une déclaration politique, adoptée par consensus, est une victoire qui doit être saluée, alors que des doutes ont existé jusqu'au dernier moment et que l'adoption de conclusions concertées lors de la prochaine CSW pourrait être encore plus complexe, les États-Unis rejoignant les membres officiels de la Commission.
1. Un contexte international complexe pour les droits des filles et des femmes
a) Des progrès depuis 30 ans mais un contexte international difficile selon le bilan du secrétaire général de l'ONU
Comme tous les cinq ans, 2025 était une année de bilan. Il s'agissait d'évaluer les progrès réalisés et les défis restant à surmonter, trente ans après la Conférence mondiale sur les femmes de 1995 (Beijing+30) et à cinq ans de l'échéance des Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030.
159 États membres des Nations Unies ont établi des rapports nationaux, qui ont été revus dans le cadre de commissions régionales des Nations Unies. En outre, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a publié un rapport préparatoire à la CSW dressant un bilan des progrès et des obstacles à l'égalité des sexes, fondé sur les évaluations régionales et nationales.
Ce rapport du Secrétaire général, synthétisé par ONU Femmes, dans une publication intitulée Le point sur le droit des femmes, 30 ans après Beijing4(*), fait état de progrès depuis 1995 :
· la parité est atteinte dans l'éducation des filles ;
· la mortalité maternelle a chuté d'un tiers ;
· la représentation des femmes au sein des parlements a plus que doublé ;
· les pays continuent d'abroger les lois discriminatoires.
En dépit de ces progrès notables, seuls 87 pays ont déjà été dirigés par une femme. Près de la moitié de la population mondiale pense que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes et 43 % pensent que les hommes font de meilleurs chefs d'entreprise que les femmes. Le rapport relève également que le numérique et l'intelligence artificielle propagent des stéréotypes néfastes, tandis que la fracture numérique entre les sexes restreint les perspectives offertes aux femmes.
Le rapport met un accent particulier sur les violences auxquelles les femmes et les filles sont exposées. Au cours des dix dernières années, une augmentation alarmante de 50 % du nombre de femmes vivant en situation de conflit a été observée à l'échelle mondiale. En outre, une femme sur trois subit au cours de sa vie des violences physiques ou sexuelles perpétrées par un partenaire intime ou des violences sexuelles commises par une autre personne. Une femme ou une fille est tuée toutes les 10 minutes par un partenaire ou un membre de sa propre famille. Plus d'un quart de la population mondiale pense qu'il est justifié qu'un homme batte sa femme. Les défenseuses des droits des femmes sont quant à elle confrontées à un harcèlement quotidien, à des attaques personnelles, certaines mortelles.
Enfin, qu'il s'agisse de la pandémie de COVID-19, du dérèglement climatique ou de la flambée des prix des denrées alimentaires et des carburants, le rapport note que les crises mondiales récentes - qui ne sont pas neutres du point de vue du genre - ne font qu'intensifier l'urgence d'une réponse. Les femmes et les enfants sont 14 fois plus susceptibles de mourir que les hommes lors de catastrophes naturelles.
Bilan des avancées en matière d'égalité des sexes
depuis la Déclaration et le Programme d'action de Beijing de 1995
Source : ONU-Femmes, Le point sur les droits des femmes 30 ans après Beijing, mars 2025.
Au-delà de ce panorama global, selon l'ONU, partout dans le monde, les droits des femmes et des filles font l'objet de menaces grandissantes sans précédent : discrimination croissante, protection juridique faible, diminution des ressources financières allouées aux programmes et institutions consacrés au soutien et à la protection des femmes.
Cela se manifeste notamment par une montée des mouvements hostiles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR).
b) Une montée des mouvements hostiles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs
Les mouvements anti-droits et anti-choix - qu'ils émanent des dirigeants politiques ou de la société civile - se caractérisent par la mise en avant de quatre thématiques principales :
· le rôle de la famille et celui particulier des filles et des femmes au sein de la famille ;
· la lutte contre l'avortement et la défense des « enfants non nés » ;
· le refus des programmes d'éducation complète à la sexualité ;
· la négation de toute notion de « genre » et des droits des personnes LGBTQIA+.
Comme la délégation le rappelle régulièrement, la remise en cause, dans de nombreux pays, des droits sexuels et reproductifs - au premier rang desquels le droit à l'avortement - constitue une violence faite aux femmes, menace leur santé et remet en cause leur droit à disposer de leur corps et à prendre en toute autonomie les décisions relatives à leur santé et à leur avenir.
Aujourd'hui, 40 % des femmes en âge de procréer (soit 753 millions de femmes) vivent dans des régions du monde où la législation en matière d'accès à l'avortement est restrictive. L'avortement est strictement interdit dans 21 pays, autorisé seulement pour sauver la vie de la mère dans 44 pays et seulement pour raisons médicales dans 47 pays.
En 2020, trente-cinq pays ont signé la Déclaration de consensus de Genève sur la promotion de la santé de la femme et le renforcement de la famille. Cette déclaration est en réalité un manifeste contre l'avortement et met en avant le « rôle critique dans la famille » des femmes.
Les représentants du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP/UNFPA), organe de l'ONU en charge des questions de santé sexuelle et reproductive, ont fait part à la délégation de leurs inquiétudes sur les enjeux de santé gynécologique et maternelle, d'accès à l'avortement, de violences sexuelles, de mariages d'enfants et de grossesses précoces. Selon l'OMS, toutes les deux minutes, une femme meurt lors de sa grossesse ou de son accouchement et presque tous ces décès pourraient être évités. En outre, toujours selon l'OMS, les avortements non sécurisés sont à l'origine d'environ 39 000 décès chaque année et entraînent l'hospitalisation de millions de femmes supplémentaires en raison de complications.
Les sénatrices ont échangé avec plusieurs organisations de la société civile engagées dans la défense des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR), qui documentent et analysent les stratégies des mouvements anti-droits et masculinistes. Ces organisations ont toutes témoigné d'une professionnalisation des mouvements anti-droits et d'une évolution de leurs stratégies et discours, qui reprennent la terminologie et les codes du droit international et des mouvements féministes.
Pour Paola Salwan Daher, directrice pour l'action collective chez Women Deliver, « ces mouvements n'ont plus recours à des argumentaires absurdes mais reprennent les termes et normes de droit international, qu'ils instrumentalisent, et organisent leurs discours autour des notions de liberté, liberté d'expression, liberté religieuse... ».
Jeanne Hefez, chargée de plaidoyer pour Ipas, a souligné auprès des parlementaires le poids des organisations de la société civile anti-genre et anti-droits, désormais plus audacieuses, plus stratégiques et plus coordonnées, qui collaborent avec certains pays et groupes régionaux pour alimenter des positions conservatrices à l'ONU.
Selon Ipas et Women Deliver, ces mouvements pratiquent également une stratégie d'entrisme, en s'enregistrant comme organisations de la société civile auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) et en cherchant à positionner leurs experts dans les instances internationales.
Les travaux d'Ipas documentent également les modes d'action de nombreux mouvements de jeunes engagés contre l'avortement et l'éducation complète à la sexualité, qui mènent des actions choc et viennent perturber les discussions lors d'événements féministes.
Les militantes africaines rencontrées par la délégation ont, elles aussi, témoigné de la montée d'un discours de haine à l'égard des féministes et des actes de violence auxquels elles sont exposées.
Enfin, les mouvements anti-droits profitent de l'organisation de la CSW pour faire passer leurs messages.
De façon concomitante à la CSW, ont ainsi été organisés deux jours de conférence sur la condition des femmes et de la famille (Conference on the state of women and family, CSWF), sorte de « contre-CSW » pilotée par C-Fam (Center for Family & Human Rights), The Heritage Foundation, Universal Peace Federation et United Families International. Parmi les objectifs affichés par cette conférence sur son site internet :
· changer la culture de la CSW pour y inclure l'importance des enfants (y compris non-nés), du mariage, de la parentalité, et de la foi ;
· diffuser le message selon lequel il y a de nombreuses options pour une femme de réussir sa vie ;
· ne pas laisser la voix pro-famille et pro-vie être réduite au silence à la CSW.
Dans ce cadre, l'un des événements, portant sur l'accord de coopération au développement entre l'Union européenne et les pays du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP-EU), en faisait la présentation suivante : « les femmes et les filles sont les premières à risquer de souffrir de ce traité en raison des exigences trompeuses relatives à la légalisation de l'avortement, de la prostitution, du mariage entre personnes de même sexe, de l'agenda LGBT - dont le transgenrisme est particulièrement dangereux pour les femmes et les filles - ainsi qu'à la sexualisation des enfants à travers les obligations de mettre en oeuvre des documents soi-disant inoffensifs sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, guidés par les orientations internationales de l'Unesco sur l'éducation à la sexualité. »
Par ailleurs, les organisations pilotant la CSWF sont intervenues lors de divers événements parallèles à la CSW69, organisés au siège des Nations Unies par le Saint-Siège, Djibouti ou le Paraguay, gagnant là une visibilité importante.
La délégation apporte un soutien sans équivoque et continu à la défense de la santé et des droits sexuels et reproductifs, face à de tels mouvements anti-droits.
Elle a toutefois été interpellée par les argumentaires de certaines organisations de la société civile françaises présentes à la CSW faisant un amalgame entre la pression des mouvements anti-droits et la lutte contre la prostitution et la pornographie - présentées comme un supposé « travail du sexe ». Elle le réaffirme avec force : la lutte contre la prostitution et la pornographie, qui correspond au positionnement abolitionniste de la France depuis 2016, est un enjeu de société, de droits des femmes et de droits humains, et constitue une priorité de la délégation. Ce combat ne saurait en rien être assimilé à une pression des mouvements anti-droits comme certaines publications, relatives aux événements parallèles organisés par la ministre Aurore Bergé d'une part, et par la délégation parlementaire d'autre part, l'ont laissé entendre.
La délégation se félicite d'avoir pu organiser un événement parallèle à la CSW consacré aux violences pornographiques, de nature à renforcer la prise de conscience globale autour de cette problématique, et se réjouit également d'avoir pu échanger avec de nombreuses organisations impliquées dans la lutte contre l'exploitation sexuelle dans divers pays, notamment au Royaume-Uni, en Roumanie et aux États-Unis. Les sénatrices ont été particulièrement marquées par leurs échanges avec Ioana Bauer, présidente de l'ONG roumaine Liberare, qui leur a indiqué que les principales victimes d'exploitation sexuelle en Europe aujourd'hui sont des femmes et filles roumaines, pour moitié mineures, qu'il y a désormais systématiquement une dimension numérique ou pornographique dans le parcours des victimes d'exploitation sexuelle, qui sont, en outre, de moins en moins reconnues en tant que victimes ; une reconnaissance pourtant nécessaire pour obtenir l'accès à des services spécialisés, une indemnisation, un soutien pour les études, etc.
c) Des inquiétudes liées aux conséquences, aux États-Unis et dans le reste du monde, des annonces de la nouvelle administration Trump et de la révocation de la jurisprudence Roe v. Wade de la Cour suprême
La montée des mouvements hostiles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs a été particulièrement notable aux États-Unis. En juin 2022, la Cour suprême des États-Unis a révoqué sa jurisprudence Roe v. Wade qui garantissait le droit à l'avortement au niveau fédéral. Désormais, l'avortement fait l'objet d'une réglementation à l'échelle de chaque État et a été fortement restreint voire interdit dans de nombreux États.
Législation en matière d'accès à l'avortement au sein des différents États fédérés des États-Unis
Source : Center for reproductive rights, mai 2025
Au-delà des inquiétudes autour de l'accès à l'avortement, l'élection, le 5 novembre 2024, de Donal Trump à la Présidence des États-Unis et ses nombreuses annonces depuis le début de son mandat font peser des craintes importantes sur les avancées précédemment obtenues en matière de droits des femmes et de soutien à l'autonomisation des femmes aux États-Unis et dans le monde.
Le jour même de son investiture, le président Donal Trump a signé plusieurs dizaines de décrets présidentiels (presidential actions et notamment executive orders), mettant fin aux politiques de diversité et d'inclusion, dites DEI (diversity equality inclusion) et engageant une réforme de l'appareil administratif, affectant en particulier des structures finançant des programmes ou recherches en lien avec les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes.
À la suite de ces annonces, le journal américain The New York Times a compilé une liste de 200 termes dont ils ont constaté la disparition sur les sites internet gouvernementaux. Y figurent de nombreux termes liés à l'identité de genre et à la justice sociale, notamment : femmes, féminisme, stéréotypes, biais implicites, systémique, discrimination, inégalités, sous-représentation des femmes, DEI, violences fondées sur le genre, victimes, traumatisme, sexualité, préférences sexuelles, LGBT, transgenre...
Alors qu'aucune liste officielle ne semble avoir été publiée, une telle stratégie alimente une importante forme d'auto-censure. D'après les témoignages recueillis par les sénatrices, les chercheurs ainsi que les responsables de programmes sont invités par leurs institutions à réécrire tous leurs projets et demandes de financement dans un sens conforme aux orientations de la nouvelle administration, en se basant notamment sur les mots signalés comme déconseillés dans la presse et sur les réseaux sociaux. Ainsi, une chercheure française rencontrée à New York a exprimé ses craintes quant à la poursuite de ses recherches portant sur le cancer de l'endomètre et les différences entre femmes noires et femmes blanches s'agissant de cette pathologie. Afin d'éviter tout risque et de maximiser leurs chances de continuer à bénéficier de financements, des acteurs pourtant favorables à des programmes ou recherches en faveur des droits des femmes ou de l'égalité femmes-hommes peuvent avoir eux-mêmes une vision extensive du champ des termes à ne plus employer.
Plusieurs milliards de dollars d'aides publiques fédérales (subventions, allocations et aides d'urgence notamment) ont été réévalués à l'aune des nouvelles priorités politiques de l'administration Trump, avec des conséquences aux États-Unis mais aussi à l'étranger.
Dans ce cadre, le 10 mars 2025, le Secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a annoncé la suppression de 83 % des programmes de l'USAID, l'Agence pour le développement international, premier contributeur à l'aide publique au développement dans le monde.
Greeta Rao Gupta, ambassadrice américaine pour les droits des femmes dans le monde, de 2023 à début 2025, a partagé son inquiétude auprès de la délégation, alors que ses anciens collègues lui ont fait part de la suppression de tous les crédits accordés à des programmes comportant le mot « genre » mais aussi « femme, paix, sécurité ».
La suspension puis la suppression des crédits auparavant attribués à des dizaines de programmes d'aide alimentaire et médicale aura des conséquences, parfois vitales, sur la santé des femmes et des enfants dans de nombreux pays du monde, en particulier en Afrique.
Ainsi, Diene Keita, directrice exécutive adjointe du FNUAP, a indiqué à la délégation que 47 projets auparavant financés par USAID devaient être arrêtés, notamment des projets portant sur la santé maternelle. Elle a insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas de « projets LGBTQIA+ ».
Les États-Unis se sont en outre retirés de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à laquelle ils n'apportent désormais plus aucun financement.
Lors d'une réunion du bureau exécutif d'ONU Femmes, le 10 février 2025, Jonathan Shrier, représentant des États-Unis auprès d'ECOSOC, a effectué la déclaration suivante, laissant augurer des pressions à venir sur les stratégies et actions menées par ONU Femmes : « à la suite du décret du président Trump, les États-Unis revoient actuellement les organisations internationales et autres instances dont nous sommes membres pour évaluer nos relations et déterminer quelles organisations sont alignées avec les intérêts américains [...] Nous appelons ONU Femmes à se concentrer sur les efforts visant à assurer l'égalité des femmes et des filles et nous insistons sur la nécessité d'éviter une focalisation sur des causes radicales telles que les politiques DEI et l'idéologie de genre, qui n'amélioreront pas le fonctionnement d'ONU Femmes et qui sont dégradantes, injustes et dangereuses pour les femmes et les filles. »
d) Une situation dramatique pour les femmes et filles iraniennes et afghanes
Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, l'Afghanistan est le pays le plus répressif au monde pour les femmes et les filles : interdiction pour les filles d'aller à l'école au-delà de 12 ans, interdiction d'accéder aux établissements d'enseignement médical, interdiction pour les femmes d'occuper des postes dans la fonction publique, des ONG et des ambassades, interdiction de se rendre dans des salles de sport et salons de coiffure, interdiction de chanter ou de lire à voix haute en public, de se maquiller ou de se parfumer, obligation de se couvrir entièrement le corps en présence d'un homme qui n'est pas leur mari, obligation d'obstruer les fenêtres donnant sur des espaces résidentiels occupés par des femmes...
Lors d'un side event intitulé “From Afghanistan to New York: Afghan Women Calling for Action. An Interactive Dialogue with Afghan Women from inside Afghanistan and in Exile”, la délégation a entendu, avec émotion, de nombreux témoignages de femmes afghanes. Au-delà des atteintes dramatiques directes à leurs droits, ces femmes ont détaillé l'engrenage vicieux causé par les conséquences que les mesures prises à l'encontre des femmes ont également sur les hommes afghans. Tout d'abord, les hommes doivent accompagner systématiquement toute femme de la famille qui souhaite sortir ou qui doit aller travailler, ce qui conduit inévitablement à des choix, notamment lorsque l'homme doit lui-même se rendre à son travail. Ensuite, en pratique, ce sont souvent les hommes qui imposent des restrictions fortes aux femmes de leur famille par crainte pour leur propre sécurité, puisque lorsqu'une femme bafoue la loi, son père, son mari, son frère ou tout autre homme de sa parentèle est également souvent emprisonné et torturé. Ce système double ainsi le contrôle étatique des femmes d'un contrôle familial et n'incite pas les hommes à défendre les droits des filles et femmes de leur famille.
Lors de cet événement, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un « apartheid de genre » et appeler à reconnaître et codifier ce terme. De nombreux experts internationaux estiment nécessaire d'en faire un crime contre l'humanité, sur le modèle de l'apartheid de genre.
Au-delà de cette démarche juridique fondamentale, l'association Farageer, organisatrice de l'événement, a formulé plusieurs recommandations concrètes à destination des acteurs internationaux :
- renforcer la pression sur les talibans afin qu'ils reviennent sur les restrictions mises en place ;
- fournir un soutien pour répondre aux crises humanitaires en cours en Afghanistan ;
- nouer un dialogue avec les femmes afghanes et soutenir leur plaidoyer pour la justice et l'égalité ;
- augmenter les financements directs aux organisations opérant en Afghanistan ;
- fournir davantage d'opportunité de télétravail et d'apprentissage à distance aux femmes et filles d'Afghanistan ;
- financer des actions de soutien à la santé mentale et des sessions de thérapie en ligne gratuites ;
- remettre en place des opérations d'exfiltration et de relocalisation de femmes menacées.
Les sénatrices ont également pu s'entretenir avec l'activiste afghane Zarqa Yaftali, voix majeure dans la documentation et la lutte contre les violences et discriminations envers les femmes en Afghanistan, qui a pu bénéficier d'une exfiltration en 2021 et habite désormais au Canada, tout en étant en contact permanent avec l'Afghanistan. Elle a, elle aussi, insisté sur l'urgence d'évacuer les militantes féministes afghanes et plus largement toutes les femmes afghanes qui le souhaitent, déplorant que, « aujourd'hui, il n'y a aucun futur pour les femmes en Afghanistan ». Si elle s'est félicitée du fait que la France accorde désormais le droit d'asile aux femmes afghanes en tant que groupe menacé, elle a néanmoins estimé que cela devait s'accompagner d'actions pour permettre à ces femmes de rejoindre la France en toute sécurité.
La situation particulièrement dramatique des femmes afghanes ne saurait faire oublier celle des femmes iraniennes, victimes d'atteintes flagrantes et systématiques à leurs droits et d'une répression brutale lorsqu'elles cherchent à défendre ceux-ci ou ne se plient pas à l'obligation d'un port strict du hidjab, comme l'a mis en lumière de façon particulièrement tragique la mort de Mahsa Amini en septembre 2022.
La délégation, et plus largement le Sénat, sont particulièrement attentifs à la situation des femmes dans ces deux pays :
- dès août 2021, la délégation exprimait, par communiqué de presse5(*), sa profonde inquiétude quant au sort des femmes afghanes, premières cibles des talibans, et en appelait à la mobilisation de la communauté européenne et internationale ;
- en novembre 2021, la délégation a organisé une table ronde sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan6(*) ;
- en septembre 2022, la délégation exprimait, par communiqué de presse7(*), sa solidarité sans faille avec les femmes iraniennes après la mort de Masha Amini ;
- en novembre 2022, la délégation et le groupe de liaison et de solidarité avec les chrétiens et les minorités au Moyen-Orient ont organisé, sous le haut patronage du Président du Sénat, une conférence sur le mouvement Femmes, vie, liberté ! et les actions militantes des femmes iraniennes8(*) ;
- en octobre 2024, la délégation a entendu Marzieh Hamidi, taekwondoïste afghane de 22 ans, qui a fui l'Afghanistan en 2021 après la prise de pouvoir par les talibans, et s'est réfugiée en France9(*) ;
- en novembre 2024, le Sénat a adopté une résolution visant à prendre des mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux des femmes en Afghanistan commises par le régime des talibans10(*) ;
- en novembre 2024, à l'initiative de Dominique Vérien, présidente de la délégation, 158 sénateurs ont publié une tribune dénonçant la situation des femmes en Afghanistan11(*) ;
- en janvier 2025, la délégation a entendu Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix et militante iranienne pour les droits des femmes et pour les droits humains12(*) ;
- lors de la CSW, les sénatrices se sont entretenues avec plusieurs femmes afghanes, auxquelles elles ont exprimé tout leur soutien ;
- en mai 2025, la délégation a reçu Hamida Aman, fondatrice et présidente de l'ONG afghane Begum Organization for Women et de Radio Begum, station de radio afghane.
La délégation continuera à suivre avec attention toute évolution de la situation des femmes et filles afghanes et iraniennes et à appeler à une mobilisation du gouvernement français et de la communauté internationale en leur faveur.
2. Une déclaration politique dont l'existence doit être saluée mais dont le contenu est incomplet
Dans un tel contexte international, le simple fait d'être parvenu à un accord, avec une déclaration politique adoptée par consensus, est déjà positif. La rupture par les États-Unis de la procédure de silence, qui prévaut en principe lors des négociations, a laissé craindre jusqu'au dernier moment qu'un des pays partie prenante aux négociations appelle au vote. Or, dans le système onusien, un texte adopté par vote a moins de légitimité qu'un texte adopté par consensus, qui devient du langage agréé, réutilisable par la suite, car l'appel au vote signifie qu'il y a eu des divisions et désaccords entre pays. Jusqu'à présent, il n'y a jamais eu de vote sur des déclarations politiques de la CSW.
Le texte de la déclaration a fait l'objet de débats sur chaque phrase voire chaque mot pendant un mois, entre négociateurs. Certains pays militaient en faveur d'une déclaration très courte. Surtout, plusieurs pays ont manifesté une opposition systématique à l'utilisation du mot genre - ce fut le cas des États-Unis - et aux références aux droits sexuels et reproductifs.
Le fait d'avoir finalement une déclaration politique aussi étoffée, adoptée par consensus, constitue, selon un expert de la Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, « une victoire symbolique sur les États les plus conservateurs sur les questions de genre ».
Parmi les éléments dont on peut saluer la présence au sein de la déclaration politique :
· des références plus approfondies à l'architecture des droits humains et des libertés fondamentales ;
· des mentions des violences sexuelles et en particulier des violences sexuelles en temps de conflit et de la nécessité de tenir les coupables responsables ;
· une mention de la lutte contre les violences facilitées par les technologies ;
· des références à la santé mentale et à la santé menstruelle, qui sont encore tabou dans de nombreux pays ;
· des dispositions plus approfondies sur le rôle des femmes dans les processus de paix et sur l'éducation ;
· une référence aux stéréotypes de genre, alors que pour certains pays ces stéréotypes ne posent pas problème en tant que tels ;
· une mention de la place de la société civile ;
· une mention de la nécessité de proposer des candidates femmes lors du prochain renouvellement du Secrétaire général des Nations Unies et plus globalement dans le système onusien.
Les experts de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies ont souligné auprès des parlementaires l'importance des dispositions de la déclaration politique pour les organisations de la société civile, qui peuvent s'appuyer sur le langage agréé pour tenir leurs gouvernements responsables de leurs engagements.
Par ailleurs, les experts français se sont félicités de l'absence d'un paragraphe, initialement proposé par certains pays, qui mettait en avant la place particulière des femmes et des filles dans la famille ; d'autant que ce paragraphe aurait été placé au début, semblant irriguer tout le texte.
En revanche, les négociateurs français et européens n'ont pas obtenu l'ajout au sein de la déclaration de plusieurs dispositions souhaitées. Le plus notable est l'absence de toute mention des droits sexuels et reproductifs, un repoussoir pour de nombreux États. Selon les experts de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, les États progressistes ont préféré s'y résoudre plutôt que d'accepter des dispositions au rabais.
Ne figurent également pas de références à :
· la violence conjugale ;
· la représentation égale et inclusive des femmes aux processus de décision, défendue par la recommandation générale n° 40 (RG40) du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), que la France soutient ;
· l'éducation complète à la sexualité ;
· la protection des défenseurs des droits humains ;
· les droits des personnes LGBTQIA+.
Thomas Brisson, coordinateur du Forum Génération-Égalité au cabinet de la directrice exécutive d'ONU Femmes, a également déploré auprès des parlementaires la faiblesse des dispositions relatives à ONU Femmes : certes, son mandat est conservé, mais, selon lui, le langage adopté ne lui donne pas un mandat de coordination des acteurs et resserre son champ d'action par rapport aux dispositions de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing. Dans le même temps, il a déploré le manque de poids politique d'ONU Femmes, essentiellement composée non pas de personnalités politiques mais de spécialistes des droits des femmes et de la mise en place de programmes en faveur des droits des femmes.
II. LA DIPLOMATIE FÉMINISTE FRANÇAISE, UN LEVIER POUR DÉFENDRE LES DROITS DES FEMMES À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE
La présence d'une importante délégation française à la CSW - l'une des plus importantes délégations nationales - témoigne de l'engagement de la France dans la défense des droits des femmes à l'échelle internationale. Cet engagement se manifeste par l'adoption et la mise en oeuvre d'une « diplomatie féministe » et par un soutien, à la fois financier et logistique, aux organisations féministes qui interviennent dans de nombreux pays du monde.
La délégation se félicite de cette orientation de la diplomatie française, dont elle appelait déjà à un renforcement des ambitions, notamment dans le cadre de l'aide publique au développement, dans son rapport d'information intitulé « L'égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale », publié en 202113(*).
A. UNE DIPLOMATIE FÉMINISTE DE MIEUX EN MIEUX STRUCTURÉE
1. La France, quatrième pays au monde à adopter une diplomatie féministe en 2019
La France a été le quatrième pays à adopter une diplomatie féministe en 2019, après la Suède, le Canada et le Luxembourg. Ces pays ont en commun d'avoir fait des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes une des priorités de leurs politiques étrangères et de leur politique d'aide au développement.
Dans ce cadre, la France a notamment coprésidé, avec le Mexique et en partenariat avec la société civile et la jeunesse, le Forum Génération Égalité, qui s'est tenu à Paris en juin 2021. Ce fut le rassemblement mondial féministe le plus important depuis la Conférence de Beijing en 1995. Une somme historique de 40 milliards de dollars sur cinq ans en faveur des droits des femmes a alors été levée.
Delphine O, Ambassadrice, secrétaire générale du Forum Génération Égalité, continue à faire vivre les engagements pris lors de ce Forum et, plus largement, à porter sur le plan international la voix de la France sur les questions de droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes. De même, en tant qu'Ambassadrice pour les droits de l'homme, Isabelle Rome porte elle aussi l'engagement international de la France en faveur des droits des femmes et contre les violences.
2. Une stratégie internationale pour la diplomatie féministe française publiée en mars 2025
La France s'est dotée de plusieurs stratégies internationales pour l'égalité entre les femmes et les hommes. La quatrième édition de la stratégie internationale (2025-2030) a été présentée en mars 2025 et vise à définir une « stratégie pour une diplomatie féministe ».
Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, définit la diplomatie féministe en ces termes : « une diplomatie d'action au service des droits des femmes »14(*).
Le document stratégique 2025-2030 apporte les précisions suivantes : « Un État ayant adopté une diplomatie féministe place les droits des femmes et des filles et l'égalité de genre au coeur de sa politique étrangère [...] Toutes les modalités de l'action diplomatique, bilatérale et multilatérale, ainsi que l'activité consulaire, sont concernées. ».
Cinq piliers sont définis :
- défendre les droits et libertés des femmes et des filles, en particulier les droits et la santé sexuels et reproductifs, « pierre angulaire de la diplomatie féministe portée par la France » ;
- favoriser la participation et la représentation des femmes dans toutes les dimensions de la vie politique, sociale et économique, et dans tous les processus de décision, y compris dans les processus de prévention, de gestion et de règlement des conflits ;
- lutter contre toutes les formes d'inégalités et de violences fondées sur le genre, dans tous les contextes y compris dans l'environnement numérique et dans les situations de crises et de conflits armés ;
- mobiliser des financements pour avancer vers l'égalité de genre, notamment en prenant en compte systématiquement l'égalité de genre dans les financements bilatéraux et multilatéraux ;
- adopter et promouvoir une méthodologie féministe (transversalité et cohérence de l'action ; partenariats et coalitions ; formation et expertise ; réalisations concrètes et redevabilité).
La stratégie 2025-2030 met également l'accent sur le rôle des consulats, amenés à intervenir en soutien aux Françaises établies hors de France et aux Françaises de passage qui seraient victimes de violences physiques ou sexuelles. Elle fixe pour objectif de renforcer l'action du réseau diplomatique et consulaire pour assurer la protection des ressortissantes victimes de violences à l'étranger, sécuriser les victimes, les accompagner dans leurs démarches et les orienter vers les structures et les services adaptés, aussi bien localement qu'en France.
La délégation est particulièrement attachée au soutien aux femmes françaises victimes de violences, quel que soit leur lieu de résidence. Elle a pu échanger sur l'action consulaire en la matière avec Myriam Gil, consule générale adjointe, et Camille Boyer, cheffe du service social du consulat général de France à New-York, qui ont détaillé plusieurs partenariats noués avec des associations locales. Il apparaît cependant que le rôle des consulats en la matière est encore peu connu et peu développé.
Dans ce contexte, la délégation se réjouit de la signature, en mars 2025, d'une convention tripartite entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le ministère et la plateforme « Save You ». Cette plateforme téléphonique, accessible gratuitement partout dans le monde, propose une écoute et un accompagnement juridique, psychologique et social aux femmes établies hors de France victimes de violences intrafamiliales, en lien avec les institutions et associations compétentes.
Un autre dispositif innovant a été porté à la connaissance de la délégation : une permanence de consultations juridiques gratuites, de droit français et de droit singapourien, à destination de femmes françaises établies à Singapour et victimes de violences dans le cadre privé ou professionnel. Ce projet, porté par Chloé Viallard, avocate établie à Singapour, est le fruit d'un partenariat entre la Law Society of Singapore, le Barreau de Paris et l'Ambassade de France à Singapour15(*). Au-delà des conseils juridiques, fournis par des avocats bénévoles français et singapouriens, les femmes bénéficient également d'informations pratiques et peuvent être orientées vers d'autres formes de soutien (écoute, soutien psychologique, recrutement, hébergement...). Des discussions semblent en cours entre la Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire et le Barreau de Paris afin d'envisager de dupliquer cette initiative dans d'autres pays.
De nombreux autres projets et initiatives s'inscrivent dans le cadre de la diplomatie féministe française. Parmi eux, le Prix Simone Veil de la République française pour l'égalité femmes-hommes distingue, chaque année depuis 2019, une personne ou un collectif, sans considération de nationalité, qui oeuvre en faveur des droits des femmes.
L'édition 2025, qui avait pour thème « la lutte contre les violences faites aux femmes dans l'environnement numérique », a récompensé le travail du collectif argentin Organizacion género y TIC (Gentic). La principale réussite de Gentic est sa mobilisation dans la rédaction et l'adoption, en 2023, de la loi Olimpia, qui reconnaît pour la première fois en Argentine la spécificité des violences numériques à l'égard des femmes. La délégation a pu s'entretenir, le 13 mai 2025, avec Maria Florencia Zerda, avocate et fondatrice de Gentic, dont l'implication dans la lutte contre les violences numériques rejoint les préoccupations de ses membres.
La délégation se félicite d'une telle initiative qui donne de la visibilité aux personnalités et structures qui agissent en faveur des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes dans le monde, comme elle le fait elle-même avec le Prix annuel de la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Au-delà de ces initiatives et projets portés par les acteurs gouvernementaux, et principalement par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, la réflexion sur l'engagement de la France dans une diplomatie féministe s'étend à la fois aux parlementaires et aux collectivités territoriales. Ainsi, s'est tenu au Sénat, le 23 mai dernier, sous le haut patronage du Président, Gérard Larcher, et à l'initiative de Loïc Hervé, vice-président du Sénat et membre de la délégation, un colloque ayant pour thème « Quel rôle pour les diplomaties en faveur des droits des femmes dans un contexte de multiplication des crises ? »16(*) qui a permis d'aborder, au cours de trois séquences :
· l'exacerbation des inégalités de genre en situations de crise ;
· la mobilisation du Sénat en faveur des droits des femmes et la diplomatie féministe mise en oeuvre par l'État ;
· la diplomatie féministe portée par les collectivités territoriales dans un monde en tension.
La délégation appelle de ses voeux un renforcement de la dimension féministe de la diplomatie parlementaire, à travers une mobilisation continue en faveur des droits des femmes dans le monde, une participation régulière aux conférences internationales dans ce domaine et des échanges renforcés avec des partenaires étrangers - à la fois parlementaires et organisations de la société civile - investis sur ces problématiques. Elle souhaite également que les parlementaires puissent être davantage associés aux actions menées par le Gouvernement, en particulier par la mise en place d'un volet parlementaire lors d'événements consacrés à la diplomatie féministe.
3. Un groupe des politiques étrangères féministes (FFP+), qui réunit aujourd'hui dix-sept États
Dix-sept États font aujourd'hui partie du groupe des politiques étrangères féministes (FFP+) et des discussions sont en cours afin que d'autres États s'engagent dans cette démarche.
Trois conférences des politiques étrangères féministes, rassemblant États et représentants de la société civile, se sont tenues, en Allemagne (2022), aux Pays-Bas (2023) et au Mexique (2024), et la France accueillera la prochaine conférence, à l'automne 2025. La délégation appelle le Gouvernement à associer les parlementaires à cette conférence, via une séquence parlementaire dédiée.
B. UN SOUTIEN AUX ORGANISATIONS FÉMINISTES QUI DOIT SE POURSUIVRE
1. Un fonds dédié au soutien aux organisations féministes (FSOF)
La France est l'un des pays qui soutient financièrement le plus les organisations féministes, qu'elle appuie depuis 2020 via un fonds national dédié : le Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), copiloté par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et l'Agence Française de Développement (Afd), en concertation avec la société civile.
Doté initialement d'un financement global de 120 millions d'euros pour la période 2020-2022, il a été renouvelé à hauteur de 250 millions d'euros pour la période 2023-2027.
Entre 2020 et 2023, ce fonds a approuvé 194 millions d'euros de financements, dont 110 millions ont été versés au cours de cette période. Ce sont plus de 1 400 organisations de la société civile intervenant dans 75 pays qui ont ainsi été soutenues, à la fois pour des actions ponctuelles ciblées mais aussi pour le renforcement de leurs capacités d'action (recrutement et formation de personnel en particulier).
Principalement tourné vers les pays prioritaires de la politique de développement française (a minima 65 % en faveur des initiatives localisées en Afrique), le fonds finance également des organisations de la société civile dans d'autres pays où les enjeux d'égalité sont significatifs.
Bilan 2020-2023 du Fonds de soutien aux organisations féministes
Source : Agence française de développement, bilan d'activité 2020-2023 du Fonds de soutien aux organisations féministes
La délégation sénatoriale a pu s'entretenir, lors de la CSW, avec de nombreuses organisations soutenues par le FSOF, en particulier des organisations qui interviennent au Maghreb, au Sahel et en Ukraine. Toutes ont salué l'appui bienvenu de ce fonds, qui soutient directement des associations qui agissent sur le terrain.
Le FSOF a également soutenu pendant deux ans l'ONG Begum Organization for Women en Afghanistan - dont la délégation a rencontré la présidente en mai dernier - afin de proposer des programmes éducatifs et récréatifs aux femmes et aux filles afghanes, via les émissions de radio de l'organisation.
Alors que le financement de l'aide publique au développement (APD) est menacé, dans un contexte budgétaire contraint, la délégation rappelle son attachement à la mise en oeuvre d'une APD genrée et dont une partie des fonds doit continuer à bénéficier directement à des organisations féministes de terrain.
2. Un appui à la participation d'organisations féministes aux instances multilatérales
La délégation se félicite du lancement de l'Alliance féministe francophone, un consortium d'organisations de la société civile coordonné par Equipop, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée (FFMed) et la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH) - organisations avec lesquelles elle a pu échanger lors de la CSW.
Ce projet vise à favoriser la participation d'organisations féministes francophones aux processus de négociation et de décision au sein des instances multilatérales et des sommets internationaux et à renforcer leurs capacités techniques pour agir sur les enjeux multilatéraux.
Alors que les mouvements anti-droits parviennent de mieux en mieux à faire entendre leur voix, de façon professionnalisée et structurée, au sein des instances multilatérales et lors des sommets internationaux, l'objectif est de permettre aux organisations et militantes féministes de se faire, elles aussi, mieux entendre et de lever les principaux obstacles auxquels elles se heurtent, tels que la faiblesse des financements, le manque d'espace de coordination et de formation, et la barrière linguistique.
Les activités de l'Alliance, lancées en 2025, s'appuient sur un financement du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, à travers un mécanisme de l'Agence française de développement (AFD), à hauteur de cinq millions d'euros sur trois ans.
La délégation suivra avec attention la mise en oeuvre de ce projet ainsi que son financement, dans un contexte où les crédits octroyés à l'aide publique au développement sont aujourd'hui menacés.
3. Un laboratoire pour soutenir les organisations travaillant sur les violences fondées sur le genre en ligne
La défense des droits des femmes et des filles dans l'environnement numérique constitue l'une des priorités de la diplomatie féministe de la France, qui a, conjointement avec les Pays-Bas, porté et fait adopter en 2024 une résolution à l'Assemblée générale des Nations unies sur les violences faites aux femmes et aux filles en ligne.
Dans ce cadre, a été lancé, en 2024, le Laboratoire pour les droits des femmes en ligne, qui se veut une plateforme de collaboration et d'échanges et un incubateur de projets concrets destinés à identifier, prévenir et endiguer les violences fondées sur le genre en ligne et facilitées par la technologie. Les projets sélectionnés dans le cadre d'un appel à projet annuel bénéficient d'un accompagnement des membres du Laboratoire et d'un soutien financier du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.
Ainsi, l'association Brain Builders Youth Initiative, une des lauréates de l'appel à projets, a développé un chatbot généré par intelligence artificielle, en anglais et français, qui permettra d'accompagner, de soutenir et de venir en aide aux victimes de violences fondées sur le genre, en ligne ou facilitées par la technologie (cyberharcèlement, deepfake pornographique, diffusion de données personnelles, diffusion non consentie de contenus intimes, etc.). Cet outil sera disponible au Nigéria, au Ghana, au Togo, au Cameroun et au Bénin.
Delphine O, Ambassadrice, secrétaire générale du Forum Génération Égalité (Pékin+25), a présenté ce laboratoire en conclusion de l'événement parallèle organisé par la délégation et ainsi souligné le fait que si l'intelligence artificielle peut être utilisée à mauvais escient, par exemple s'agissant des deepfakes pornographiques, elle peut aussi l'être à bon escient pour soutenir la cause des femmes et venir en aide aux femmes victimes de cyberviolences.
COMPTE RENDU DE L'ÉVÉNEMENT PARALLÈLE CONSACRÉ AUX VIOLENCES PORNOGRAPHIQUES
Propos liminaires
Intervention d'Aurore Bergé, ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
La France, vous le savez, est aux avant-postes des combats pour les droits des femmes. À l'heure où les droits humains, et en particulier ceux des femmes, sont attaqués partout dans le monde, nous affirmons, avec force et ensemble, que la liberté des femmes est la condition première de toute société juste, de toute humanité.
C'est le message que j'ai adressé hier, au nom de la France, lors du débat général de cette 69e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies.
C'est aussi le message que vous adressez aujourd'hui avec cet événement qui est une des preuves éclatantes du rôle déterminant de la diplomatie parlementaire française dans la construction d'une société plus juste et aussi plus protectrice des droits des femmes. Je sais à quel point je peux compter sur l'engagement des parlementaires, sur vos idées pour porter ces combats à tous les niveaux, en France et dans toutes les enceintes internationales dans lesquelles vous êtes représentés.
Et cette année, vous avez fait le choix fort, et je vous en remercie vivement, d'aborder un sujet qui a été trop longtemps minimisé : l'impact de la pornographie sur la société et, plus spécifiquement, la banalisation des violences qu'elle véhicule à l'encontre des femmes.
Cette violence n'est pas une fiction. Cette violence, elle est bien réelle. Elle blesse, elle traumatise et elle détruit des vies.
En 2022, le rapport sénatorial Porno, l'enfer du décor - dont je vous montre un exemplaire - a dressé un état des lieux glaçant : violences sexuelles, proxénétisme, exploitation des femmes, diffusion massive de contenus violents accessibles aux mineurs... Un véritable système d'exploitation sexuelle et de dégradation du corps des femmes à l'échelle industrielle, dénoncé également par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les gommes (HCE) en 2023.
Je tiens ici à saluer et reconnaître le rôle pionnier du Sénat et l'engagement sans faille des sénatrices qui ont porté ce rapport. Deux co-rapporteures sont présentes ce matin : Laurence Rossignol et Annick Billon.
Votre travail a permis d'ouvrir les yeux du grand public sur cette réalité insoutenable.
Voici la réalité : 90 % des scènes pornographiques comportent des violences.
Des violences systémiques, où les femmes, souvent jeunes et vulnérables, sont exploitées, humiliées et réduites au silence. Des producteurs sans scrupules instrumentalisent leur précarité économique et psychologique, les poussant à accepter des tournages dans des conditions déplorables et dangereuses.
Certaines, parfois mineures, sont manipulées pour signer des contrats qui leur ôtent tout droit sur leur image, les laissant piégées et privées de liberté. Pire encore, une fois en ligne, ces vidéos deviennent quasi impossibles à retirer. On impose aux femmes de payer pour effacer la trace de leur exploitation et ce sont des sommes qui représentent près de dix fois ce qu'elles ont été payées au moment du tournage.
La violence physique, la violence sexuelle, la violence verbale et la violence psychologique, elles, ne sont pas simulées. Elles sont réelles, elles sont infligées à chaque scène, elles sont recommencées à chaque prise.
Ce n'est pas un spectacle, ce sont des souffrances vécues. Les regarder, c'est en être complice.
Ces souffrances vécues façonnent les imaginaires, imprègnent la culture et, insidieusement, légitiment et banalisent la domination masculine et les violences. Elles altèrent profondément la perception du consentement, brouillent les repères entre désir et contrainte, façonnent un référentiel toxique où la violence devient un langage ordinaire des relations intimes.
Les premières victimes de cette industrialisation de la violence, ce sont nos enfants et adolescents, de plus en plus jeunes.
Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des moins de 12 ans ont déjà été exposés à des contenus pornographiques. Chaque mois, près d'un tiers des garçons de moins de 15 ans consultent ces sites.
Ces images omniprésentes modèlent leur perception des relations, les amenant à assimiler des dynamiques de domination et de violence comme des éléments normaux, constitutifs de la sexualité. Elles corrompent aussi la construction du désir, instillent l'idée pernicieuse que la soumission est un synonyme d'attirance, et enracinent des schémas de domination qui entravent l'égalité et l'émancipation. Plongés seuls dans un univers où les relations sexuelles sont réduites à des actes mécaniques, souvent violents, ils peuvent en venir à considérer le sexe comme un terrain sans respect ni des limites ni du consentement.
Cette vision déformée peut aussi les pousser à adopter des comportements à risque, à expérimenter des pratiques dangereuses, sans comprendre les implications réelles sur leur corps et sur leur santé.
Face à cette situation, la France est en action.
Le travail parlementaire a grandement contribué à faire enfin émerger la lutte contre les violences dans l'industrie pornographique comme un enjeu de politique publique. Nous avons engagé une politique résolue pour combattre ces violences.
Je pense à la loi sécurité et régulation de l'espace numérique, adoptée en mai 2024, qui renforce la lutte contre les contenus illégaux et notamment pédopornographiques, et impose enfin des obligations réelles aux plateformes pornographiques. Nous avons renforcé l'obligation de la vérification d'âge sur les sites pornographiques, avec des sanctions inédites contre ceux qui y contreviennent. Nous avons créé une nouvelle infraction pour mieux lutter contre les deepfakes pornographiques, qui portent une atteinte insupportable à la dignité des femmes.
Nous voyons aujourd'hui que les sites pornographiques veulent porter des recours sur nos législations. C'est sans nul doute la marque de leur efficacité.
En 2024, l'actualité française a été marquée par le procès des viols de Mazan, qui a révélé l'indicible continuum entre pornographie, exploitation sexuelle en ligne et violence sexuelle. Le courage et la dignité de Gisèle Pelicot, qui a refusé le huis-clos au cours du procès de ses violeurs, ont largement dépassé nos frontières et ont été salués dans le monde entier, la plaçant parmi les femmes de l'année 2025 pour le magazine Time. Ils ont aussi déclenché une attente inédite, face à laquelle nous ne pouvons pas rester indifférents.
C'est pourquoi, au nom de la France, j'ai choisi de parrainer hier un événement, organisé par Osez le féminisme, consacré à la lutte contre les cyberviolences.
Cet événement a bénéficié du soutien de trois autres pays : le Mexique, le Canada et la Suède. Ensemble, nous avons réaffirmé une exigence commune : il est urgent que la communauté internationale se mobilise pour bâtir un monde numérique sans violence, où la dignité et les droits des femmes et des filles ne seront plus jamais compromis.
Nous en sommes convaincus : face à des industries qui se jouent des frontières, le combat ne peut être mené seul. La coopération internationale est essentielle.
À travers sa diplomatie féministe, la France porte une voix forte, exigeante, déterminée.
Nous agissons d'abord aux côtés de nos partenaires européens. Ces dernières années, le cadre législatif de l'Union européenne s'est considérablement renforcé. Je veux notamment souligner l'apport du Digital Services Act qui impose aux plateformes des obligations strictes en matière de modération des contenus illégaux.
Au-delà de nos engagements européens, la France est attentive aux initiatives menées dans d'autres pays pour mieux lutter contre les violences. Au Royaume-Uni, par exemple, un rapport gouvernemental, publié en février 2025, recommande d'interdire spécifiquement les contenus pornographiques mettant en scène des actes de strangulation et de mieux protéger les victimes d'abus d'images intimes. En Islande, un partenariat avec une plateforme de contenus pornographiques permet d'afficher un message d'alerte automatique lorsqu'un internaute recherche des contenus pédocriminels. S'il clique sur « OK », il est redirigé vers un site qui propose un accompagnement social et psychologique pour prévenir les passages à l'acte.
Oui, la violence dans la pornographie est une violence contre toutes les femmes. Elle ne saurait jamais être tolérée.
La France continuera à mener ce combat, avec détermination et ambition, avec toutes celles et ceux qui refusent que la domination et l'exploitation soient la norme. Car la France ne transigera jamais avec ce principe fondamental : la liberté des femmes n'est pas négociable.
Intervention de Belen Sanz, directrice régionale Europe-Asie centrale à ONU Femmes
Au nom d'ONU Femmes, c'est un réel plaisir d'être ici ce matin pour prendre part à cette conversation essentielle et contribuer à un dialogue collectif sur le rôle de la pornographie dans la perpétuation des violences à l'encontre des femmes.
Je tiens à féliciter le Sénat et l'Assemblée nationale français, la mission française auprès de l'ONU, ainsi que la ministre Aurore Bergé et l'ambassadrice Delphine O.
Comme l'a démontré l'intervention de la ministre Aurore Bergé, les efforts significatifs que la France mène, notamment dans le cadre de l'Union européenne, pour lutter contre les conséquences de la pornographie, nous font comprendre que c'est une question à traiter collectivement ; et je suis très intéressée par les différentes mesures prises par la France en la matière, qui servent déjà de modèle pour d'autres régions du monde.
Nous sommes également très fiers de constater que la France a développé une politique ambitieuse, tant sur le plan national qu'international, pour aborder les questions des droits des femmes. Elle devient une référence, à un moment où nous sommes confrontés à un « backlash », des résistances croissantes contre les avancées en matière d'égalité des sexes, dans certaines régions, y compris en Europe, mettant en péril de nombreux progrès et investissements réalisés en faveur de l'égalité femmes-hommes.
Dans ce contexte, je voudrais partager quelques éléments issus du rapport du Secrétaire général de l'ONU sur l'examen et l'évaluation de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing (Beijing +30). 88 % des États membres déclarent que l'élimination des violences contre les femmes est une priorité pour eux. Des progrès significatifs ont été accomplis au cours des cinq dernières années, 90 % des États membres ont renforcé leurs dispositifs législatifs, 79 % ont adopté ou actualisé un plan d'action national et 75 % ont mis la priorité sur des stratégies de prévention des violences. Ce sont des avancées importantes.
Cependant, en dépit de ces progrès, la mise en application de ces mesures et l'atteinte de l'égalité réelle ne sont pas aussi efficaces que nous le souhaiterions. Nous ne parvenons pas éliminer les violences, notamment sexuelles, contre les femmes et les filles, qui persistent à des taux alarmants, affectant au moins une femme sur trois au cours de sa vie, d'après les données dont nous disposons sur les vingt dernières années. Les stéréotypes sexuels persistent, surtout chez les jeunes générations, appelant à développer des stratégies de prévention.
Nous avons constaté que les technologies et plateformes numériques exacerbent les violences sexistes et sexuelles, et ce dans tous les pays pour lesquels nous avons des données.
Le récent rapport du Secrétaire général sur l'intensification de l'action menée pour éliminer toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des filles souligne la persistance mais aussi l'évolution des violences fondées sur le genre dans l'espace numérique.
L'espace numérique est devenu un espace à la fois d'autonomisation et d'exploitation. D'un côté, les technologies et le numérique offrent un potentiel énorme pour faire avancer l'égalité femmes-hommes, à travers l'accès à davantage d'opportunités, d'informations et de services essentiels, et pour offrir aux femmes des outils d'organisation collective et de plaidoyer.
D'un autre côté, l'espace numérique amplifie les violences et les risques d'abus et exploitation sexuels. Par conséquent, tous les rapports de l'ONU appellent à étudier les voies les plus pertinentes pour prévenir ce type de violence.
L'utilisation accrue de l'intelligence artificielle générative renforce et intensifie ces manifestations de violences. Une étude estime que 90 % de l'ensemble des deepfakes en ligne sont des images pornographiques non-consensuelles, dont 90 % représentent des femmes.
Comme souligné par le rapport du Secrétaire général, nous avons pleinement conscience que les violences sexistes et sexuelles dans la pornographie sont largement et librement disponibles sur internet.
Les hommes et les garçons consomment statistiquement davantage de contenus pornographiques violents que les femmes et les filles. Il y a de plus en plus d'études qui démontrent que les hommes et les garçons qui consomment de la pornographie violente sont davantage susceptibles de faire pression sur leur partenaire pour reproduire ce qu'ils ont vu dans la pornographie et davantage susceptibles d'être auteurs d'abus sexuels.
Pour conclure, quelques questions importantes pour notre réflexion collective : Quel est le coût pour une société d'avoir de la violence normalisée en tant que divertissement ? Quelles sont les conséquences à long terme sur les relations, sur l'égalité entre les sexes et pour les futures générations qui auront grandi en consommant des narratifs aussi déformés ? Quelles sont les implications en matière d'exploitation sexuelle ?
La France et les Pays-Bas ont co-facilité la résolution sur l'intensification des efforts pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles dans l'environnement numérique. Cette résolution appelle les États à prendre des mesures globales, multi-sectorielles, coordonnées, efficaces et sensibles au genre pour prévenir et éliminer toutes les formes de violences à l'égard des femmes et des filles. Elle appelle aussi les États à s'attaquer aux causes structurelles et sous-jacentes et aux facteurs de risque de violence, qui permettent la perpétuation des violences.
Notre discussion d'aujourd'hui va porter sur les contenus pornographiques mais surtout sur leurs conséquences pour les droits fondamentaux des femmes et des filles. Je me réjouis de participer à cette discussion et d'en apprendre davantage sur ce que différents États mettent en oeuvre.
Je tiens à remercier la France pour son engagement et sa promotion des bonnes pratiques et des réflexions.
Table ronde
La France appelle à l'action
Introduction par Laurence Rossignol, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, modératrice de l'événement
En guise d'introduction à ce panel, je voudrais partager avec vous toutes et tous les raisons et l'objectif que nous avions quand nous avons lancé une mission de la délégation des droits des femmes du Sénat sur la pornographie.
D'abord, il faut avoir en tête que la pornographie a complètement muté depuis l'ère numérique. Nous ne sommes plus au temps du film pornographique dans une petite rue sombre, avec une trentaine de films qui tournaient chaque semaine dans toute la France. Le numérique a changé le volume de production et la nature des contenus.
Le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat est le premier rapport que nous ayons eu en France d'une institution qui s'est intéressée à l'industrie pornographique. De manière assez commune, il était considéré que la consommation ou la production de films pornographiques relevait de la liberté du commerce et de l'industrie pour ceux qui les produisaient, et de la vie privée pour ceux qui les regardaient. Nous avons décidé d'en faire un sujet de politique publique et particulièrement un sujet de santé publique.
Dans ce rapport, nous avons tout d'abord étudié les mécanismes de fonctionnement de l'industrie pornographique et en particulier le sort réservé aux femmes qui sont dans ces films. Je n'arrive pas à les appeler des actrices, j'en suis désolée, je les appelle des victimes. Les femmes qui sont dans ces films, c'est déjà un premier sujet de préoccupation et d'indignation.
Nous nous sommes aussi intéressées, bien sûr, au contenu de ces vidéos, de ces films, de ces produits pornographiques et à leur influence dans la société sur la représentation de la sexualité, particulièrement à l'égard des femmes. Ces films font l'apologie du viol, de la violence, de l'inceste et sont des films lesbophobes et racistes.
Voilà donc ce sur quoi nous avons travaillé.
Bien entendu, dès lors que j'ai posé mon introduction dans le cadre du développement du numérique, il est clair que les solutions ne peuvent pas être nationales, pour personne.
Les solutions et les réponses de politique publique doivent intervenir, d'abord à l'échelon européen pour nous Français, et bien entendu à l'échelon international. Même si, à l'échelon français, nous avons déjà pris des mesures, nous en avons d'autres à prendre puisque le résultat n'est pas encore totalement probant.
C'est la raison pour laquelle la délégation parlementaire française a souhaité, avec cet événement, que nous puissions échanger :
- premièrement, sur le niveau de conscience de nos sociétés respectives sur ce sujet -qui n'est pas aussi évident qu'on pourrait le penser ;
- deuxièmement, sur les politiques publiques qui sont mises en oeuvre dans les différents pays ;
- et troisièmement, sur ce que nous pouvons faire ensemble pour démultiplier à la fois notre prise de conscience, notre mobilisation et la régulation du monde du numérique.
Je vais tout d'abord passer la parole à Gemma Kelly de CEASE pour une présentation des résultats de recherche sur les conséquences sociétales et psychologiques de la pornographie.
Les conséquences délétères de la pornographie : résultats des recherches sur les conséquences sociétales et psychologiques de la pornographie
Intervention de Gemma Kelly, responsable des politiques et des affaires publiques au CEASE (Centre to End All Sexual Exploitation), Royaume-Uni
Je suis honorée d'être ici aujourd'hui pour participer à cette discussion d'une importance cruciale.
À CEASE, nous considérons que la pornographie est, par essence, une forme de violence à l'encontre des femmes et des filles. Dans la pornographie mainstream, les femmes et les filles sont déshumanisées, dégradées, torturées et dépouillées de toute humanité.
Les femmes sont la cible d'agressions physiques et verbales dans 90 % des scènes de contenu pornographique, et la majorité du temps, les agresseurs sont des hommes.
D'autres études montrent que, dans ces scènes de violences sexuelles, 95 % du temps, les femmes dans les vidéos réagissent soit positivement, soit avec indifférence. Ce point est très important car cela apprend aux personnes qui regardent ces vidéos pornographiques qu'il y a consentement, qu'elles ne disent pas non. Mais nous le savons, si elles ne disent pas non, c'est qu'elles ne le peuvent pas.
En 2021, des chercheurs ont analysé plus de 130 000 titres de vidéos recommandées aux nouveaux utilisateurs sur Pornhub, XVideos et XHamster, qui sont trois grands sites pornographiques. Ils ont constaté que :
- un titre sur huit décrivait des actes sexuels correspondant à une forme de violence sexuelle, telle que définie par l'Organisation mondiale de la santé ;
- le mot « teen » (adolescente) était le terme le plus fréquent dans l'ensemble des titres analysés ;
- les trois mots les plus courants dans les vidéos impliquant de la coercition et de l'exploitation étaient « schoolgirl » (écolière), « girl » (fille) et « teen » (adolescente) ;
- l'activité sexuelle entre membres d'une même famille, c'est-à-dire l'inceste, était la forme de violence sexuelle la plus fréquemment représentée ;
- la deuxième catégorie la plus courante concernait les agressions physiques et les violences sexuelles.
Ces vidéos étaient proposées à des primo-utilisateurs de sites pornographiques, y compris des enfants.
En 2023, la Children's Commissioner for England a révélé que l'âge moyen auquel les enfants britanniques regardent pour la première fois de la pornographie est désormais de 13 ans, avec 27 % d'entre eux y ayant été exposés dès 11 ans et 10 % dès l'âge de 9 ans. Cela correspond à ce que nous voyons dans d'autres études à travers le monde.
La consommation de pornographie en ligne banalise les agressions sexuelles, les pratiques sexuelles à risque et la domination sexuelle violente des hommes sur les femmes. Elle réduit les femmes et les filles à de simples objets sur lesquels sont exercés des actes sexuels et violents.
Ainsi, la pornographie violente et misogyne façonne profondément les comportements sexuels, aussi bien chez les adultes que chez les enfants.
Les femmes, en particulier les plus jeunes, se sentent sous pression pour reproduire les « scripts » que leurs partenaires masculins ont appris dans la pornographie. Elles sont poussées à accepter des pratiques sexuelles douloureuses et dangereuses, comme l'étranglement ou la sodomie, que les hommes et les garçons sont conditionnés à désirer par la pornographie.
Une enquête menée en 2019 auprès d'un échantillon représentatif de 2 000 femmes britanniques âgées de 18 à 39 ans a révélé que :
- 38 % d'entre elles avaient subi des gifles, des étranglements, des bâillonnements ou des crachats pendant un rapport sexuel - autant de pratiques qui sont courantes dans la pornographie ;
- 42 % avaient ressenti de la pression, avaient été contraintes ou forcées à accepter ces actes sexuels violents.
Au Royaume-Uni, les professionnels de santé rapportent que des femmes souffrent d'incontinence fécale due à des rapports anaux violents - une situation qu'ils disent n'avoir jamais rencontrée auparavant. Ils constatent également une augmentation des blessures liées à des étranglements non mortels.
La pornographie a complètement banalisé l'étranglement pendant les rapports sexuels. Bien qu'il soit souvent qualifié de « breath play » (jeu respiratoire) ou de « choking » (étranglement) pour minimiser sa dangerosité, l'étranglement non mortel peut en réalité entraîner de graves séquelles médicales : arrêt cardiaque, accident vasculaire cérébral, fausse couche, incontinence, crises d'épilepsie, paralysie, troubles de la parole et autres lésions cérébrales irréversibles. Dans le pire des cas, il peut conduire à la mort.
Pourtant, une simple recherche sur un seul site pornographique a permis d'identifier 26 millions de vidéos mettant en scène des actes d'étranglement pendant un rapport sexuel.
Il n'est donc pas surprenant que le rapport de la Children's Commissioner mentionné plus tôt ait révélé que :
- 47 % des jeunes interrogés pensent que les filles s'attendent à ce que les relations sexuelles impliquent de l'agression physique ;
- 42 % estiment que les filles apprécient les actes sexuels physiquement agressifs.
Il n'est pas non plus surprenant que les jeunes interrogés dans cette étude aient eux-mêmes exprimé leurs inquiétudes sur l'impact de la pornographie violente sur leur compréhension de la frontière entre plaisir sexuel et violence.
La consommation de pornographie est également associée à une probabilité accrue de commettre des actes d'agression sexuelle, qu'ils soient verbaux ou physiques.
Comme dans d'autres pays, la violence à l'encontre des femmes et des filles a atteint des proportions épidémiques au Royaume-Uni. Nous sommes à un point critique, et de nombreuses preuves indiquent que l'un des principaux facteurs de cette recrudescence des violences sexistes et sexuelles est l'accès libre et illimité à la pornographie en ligne.
Un rapport du gouvernement britannique de 2020 a reconnu qu'il existe « des preuves substantielles d'une association entre la consommation de pornographie et l'adoption d'attitudes et de comportements sexuels préjudiciables envers les femmes ».
Ce même rapport a révélé que la plupart des personnes interrogées estiment que « l'augmentation de la pornographie violente a conduit à une hausse du nombre de personnes acceptant des actes sexuels violents et à une augmentation des agressions sexuelles ».
D'autres études indiquent que les consommateurs de pornographie sont :
- plus susceptibles d'exprimer une intention de violer ;
- moins enclins à intervenir lors d'une agression sexuelle ;
- plus enclins à blâmer les victimes d'agression sexuelle ;
- plus susceptibles de soutenir les violences faites aux femmes ;
- plus enclins à diffuser des « sextos » sans consentement ;
- plus susceptibles de commettre des violences sexuelles.
L'industrie pornographique n'est pas neutre dans cette prolifération des violences sexuelles. Bien au contraire, elle en est le fondement même. C'est la base de son modèle économique : comme toutes les plateformes en ligne, elle repose sur le principe du « contenu roi », avec pour objectif ultime d'augmenter son trafic. Plus un site attire de visiteurs, plus il est rentable. L'industrie pornographique vend la violence sexuelle comme un divertissement et représente aujourd'hui un marché estimé à 97 milliards de dollars dans le monde.
Cette industrie a prouvé à maintes reprises qu'elle ne sacrifiera jamais ses profits pour protéger les femmes et les enfants. Elle fait tout pour éviter toute forme de la régulation.
C'est pourquoi une réponse forte et coordonnée des gouvernements à travers le monde est indispensable. Je me réjouis donc d'être ici et de voir un public aussi nombreux et enthousiaste.
Malgré les ravages déjà causés par la pornographie, il n'est pas trop tard pour protéger les adultes et les enfants de ses effets dévastateurs. J'ai hâte d'échanger avec vous sur la manière dont nous pouvons agir ensemble pour demander des comptes à cette industrie dangereuse.
Laurence Rossignol : Je passe maintenant la parole à Maïna Cerniawsky de l'ONG française Osez le féminisme, qui va nous livrer un témoignage des violences subies par les victimes de l'industrie pornographique.
La réalité de l'industrie du porno : témoignage d'une organisation qui soutient les victimes de l'industrie du porno et met en lumière l'exploitation et les abus de cette industrie
Intervention de Maïna Cerniawsky, vice-présidente et porte-parole de l'ONG française Osez le féminisme !
Je souhaite commencer par saluer le courage des survivantes dont les voix et les expériences seront partagées ici. Je suis ici au nom d'Osez le Féminisme, une organisation qui lutte depuis des années contre le système prostitutionnel.
Depuis 2020, nous avons accompagné une soixantaine de survivantes de l'industrie pornographique, en leur offrant une assistance juridique, un soutien psychologique et un accompagnement social.
Nous les aidons également à comprendre la dimension systémique de leur exploitation, en leur rappelant qu'elles ne sont pas responsables de ce qu'elles ont subi. Ces femmes ont été trompées, contraintes et brutalement violentées. Leur souffrance n'est pas un simple effet collatéral de cette industrie : elle en est le modèle économique, comme l'a dit ma collègue Gemma Kelly.
Un exemple frappant de cette réalité est l'affaire French Bukkake, l'un des plus grands scandales de violences sexuelles en France. Plus de 50 femmes se sont manifestées comme victimes, révélant une organisation criminelle où des femmes ont été manipulées, droguées et violées, le tout sous couvert de « pornographie ».
Je vais vous raconter l'histoire de Julie, l'une de ces victimes. Son parcours illustre parfaitement le fonctionnement de ce système.
Le cauchemar de Julie a commencé lorsqu'un homme, Julien D., a noué contact avec elle en ligne sous une fausse identité, se faisant passer pour une femme nommée Axelle. Il a passé des mois à gagner sa confiance et son amitié. Lorsque Julie lui a confié ses difficultés financières, « Axelle » lui a suggéré de se tourner vers des services d'escort, lui présentant cette solution comme facile et divertissante. Hésitante mais désespérée, Julie a accepté de rencontrer un client dans un hôtel de luxe.
Mais à son arrivée, elle a été confrontée à la violence. L'homme l'a brutalement violée. C'est ce qu'on appelle un « viol d'abattage », une agression délibérée et méthodique visant à briser la victime psychologiquement pour la soumettre à une exploitation future. L'homme a également refusé de la payer.
Traumatisée, Julie a cherché de l'aide auprès d'« Axelle », son amie, qui lui a témoigné une fausse compassion, avant de lui dire que, comme le client ne l'avait pas payée, elle devait maintenant rembourser les frais d'hôtel et de transport.
Terrifiée, elle a été manipulée et contrainte à tourner une scène pornographique pour « rembourser sa dette », soi-disant pour des clients canadiens.
C'est ainsi qu'elle a rencontré Pascal OP, le créateur de French Bukkake. Ce qu'elle ignorait, c'est que son violeur de l'hôtel était en réalité Julien D., la même personne à laquelle elle s'était confiée.
Julie s'est rendue à Paris, où elle a été emmenée dans un lieu isolé. Là, elle a découvert avec horreur que Pascal OP lui-même allait participer à la scène. Elle a de nouveau été violée, cette fois, devant la caméra.
Elle pensait pouvoir partir ensuite. Au lieu de cela, elle a été amenée dans un appartement épouvantable, recouvert de moisissures, et on lui a dit qu'elle devait passer la nuit sur un matelas crasseux, posé à même le sol. Elle a imploré de rentrer chez elle mais on l'a ignorée et on lui a dit que le véritable tournage était prévu pour le lendemain. Cette nuit-là, sans caméra pour le documenter, Pascal OP l'a violée une fois de plus.
Au matin, Julie était à peine consciente, droguée et affaiblie. Au moment de débuter le tournage, elle s'attendait à un seul homme. Mais près d'une dizaine d'hommes sont arrivés. Elle a été victime d'un viol collectif d'une brutalité extrême. Elle a été complètement déshumanisée.
Et sa souffrance ne s'est pas arrêtée là. Ils lui avaient menti, lui assurant que les vidéos ne seraient diffusées qu'au Canada. Peu après, elle a découvert que ces vidéos étaient accessibles en France et que des personnes de son entourage les avaient visionnées. Lorsqu'elle a supplié qu'elles soient retirées, on lui a répondu qu'elle devrait payer pour cela.
Julie n'est pas seule. Des dizaines de femmes sont piégées, droguées, forcées à subir des actes de violence extrêmes contre leur volonté.
Comme l'a dit une autre survivante, Fanny : « Je n'ai pas seulement été violée. J'étais en souffrance, je saignais... À un moment, l'un des hommes a crié : Achevez-la !' »
La vérité, c'est que Pascal OP a organisé ces prétendues « scènes de bukkake » chaque dimanche à Paris pendant plus de dix ans, trouvant sans cesse de nouvelles victimes.
Une autre survivante, Soraya, a témoigné : « J'ai été violée 240 fois. Est-ce que ce n'est pas de la torture ? 88 fois en un tournage, 44 fois en une heure... »
Aujourd'hui, seuls dix-sept hommes sont poursuivis en justice, alors que la police dispose des scans de 500 pièces d'identité d'hommes ayant participé à ces viols collectifs.
Il ne s'agit pas seulement d'une industrie : il s'agit d'un système de violence à l'encontre des femmes.
Je suis impatiente d'écouter les autres participantes et de discuter de la façon dont nous pouvons lutter contre cette industrie et protéger les victimes.
Laurence Rossignol : Je passe la parole à Dominique Vérien, présidente de la délégation, pour une séquence consacrée aux politiques publiques qui peuvent être mises en place. Sa prise de parole sera suivie de l'intervention de deux autres parlementaires, du Royaume-Uni et de Corée du Sud.
Le rôle des décideurs politiques : discussion sur les mesures législatives prises ou à prendre pour protéger les femmes et les enfants
Intervention de Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat
Merci d'être si nombreux et nombreuses à cet événement.
Comme l'évoquait ma collègue sénatrice Laurence Rossignol en introduction, la délégation aux droits des femmes du Sénat français a publié en 2022 un rapport majeur, intitulé Porno : l'enfer du décor. La ministre l'a montré tout à l'heure et je vous en montre à mon tour un exemplaire ; il est disponible en ligne.
Ce rapport, ce fut : six mois d'enquête, une plongée dans la réalité brute de l'industrie pornographique, l'analyse des principaux contenus disponibles et le recueil des témoignages de femmes victimes.
Les conclusions de notre rapport rejoignent celles des nombreux travaux de recherche et celles des associations d'aide aux victimes qui viennent de nous être présentées par les deux précédentes oratrices. Il faut sortir de toute vision datée, faussée et édulcorée du porno. Le porno aujourd'hui, ce sont des contenus violents, dégradants, humiliants, qui conduisent à une banalisation des violences sexuelles dans toute la société.
Le procès dit des viols de Mazan en a offert une illustration glaçante. Chez presque tous les accusés, les experts ont relevé une consommation compulsive de pornographie.
Les constats accablants de notre rapport nous ont conduit à des prises de position fortes et à des recommandations précises, qui commencent à produire leurs effets.
En mars 2023, le Sénat a adopté, à l'unanimité, une proposition de résolution appelant le Gouvernement à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique.
J'aimerais ce matin mettre l'accent sur deux chantiers prioritaires, sur lesquels la France avance et sur lesquels nous appelons nos partenaires à avancer avec nous.
Premier sujet : le blocage de l'accès des mineurs aux sites pornographiques.
En France, un tiers des enfants de moins de 12 ans et deux tiers des enfants de moins de 15 ans ont déjà été exposés à des contenus pornographiques. Chaque mois, près d'un tiers des garçons de moins de 15 ans se rend sur un site porno.
Pourtant, notre législation est claire : les sites pornographiques ont l'obligation de garantir que les mineurs ne puissent pas y accéder. Depuis 2020, la loi précise que le contrôle de l'âge ne peut pas se limiter à une simple déclaration sur l'honneur.
Après des années de batailles juridiques, nous avons enfin obtenu des avancées concrètes. En octobre 2024, la Cour d'appel de Paris a pu ordonner le blocage de plusieurs sites pornographiques extra-européens non conformes.
Notre rapport recommandait de compléter l'action judiciaire par des pouvoirs renforcés donnés à l'Arcom, le régulateur français de la communication audiovisuelle et numérique.
Résultat :
- la loi SREN du 21 mai 2024 a doté l'Arcom de pouvoirs de sanction financière, de blocage et de déréférencement des sites pornographiques laissés accessibles aux mineurs ;
- en janvier 2025, l'Arcom a publié un référentiel technique exigeant des sites un contrôle effectif de l'âge, basé sur un double anonymat ;
- l'Arcom a inspecté les six sites les plus fréquentés. Aucun n'est en conformité. Si rien n'est mis en oeuvre dans les prochains mois, l'Arcom demandera aux fournisseurs d'accès à internet, aux fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine et aux moteurs de recherche de bloquer et déréférencer ces sites ;
- enfin, un arrêté ministériel, publié le 6 mars 2025, dresse une liste des dix-sept premiers sites européens, désormais sous le coup de sanctions à l'issue d'un délai de trois mois.
Nous savons que d'autres pays cherchent à avancer sur ce sujet, notamment le Royaume-Uni avec le Online Safety Act, et je me réjouis de pouvoir en discuter avec ma collègue Christine Jardine.
Deuxième sujet sur lequel nous cherchons à avancer : la protection des femmes victimes de l'industrie pornographique.
Depuis 2016, la France défend une position abolitionniste en matière de prostitution. Nous pénalisons l'achat d'actes sexuels, tout en mettant en place des mesures pour protéger les femmes et leur permettre de sortir des griffes des réseaux.
Notre rapport a dressé de nombreux parallèles entre la prostitution et la pornographie, qui forment un continuum d'exploitation sexuelle.
L'affaire dite French Bukkake, que Maïna Cerniawsky vient d'évoquer et qui va bientôt être jugée en France, en est une illustration terrible. Les producteurs de ce site avaient mis en place un système organisé de recrutement de jeunes femmes précaires et fragiles, soumises à un processus de déshumanisation et à des actes sexuels forcés. Seize hommes seront jugés devant la cour criminelle départementale de Paris pour des faits de viols, viols en réunion et traite d'êtres humains.
Nous attendons beaucoup de ce procès. Nous sommes convaincus qu'il permettra d'aller plus loin dans la prise de conscience de la réalité des violences pornographiques.
Nous avons des preuves, nous avons des outils, nous avons des avancées législatives et judiciaires concrètes.
Mais la lutte contre les violences pornographiques ne peut pas être menée pays par pays, en ordre dispersé. Tant que des plateformes hébergées à l'étranger pourront continuer à prospérer en toute impunité, nos efforts resteront insuffisants.
Nous avons besoin d'une mobilisation internationale forte, pour :
- sanctionner les plateformes qui bafouent nos lois, où qu'elles soient basées ;
- harmoniser nos législations pour garantir une véritable protection des mineurs ;
- et renforcer la coopération entre nos régulateurs et nos services judiciaires.
Merci pour votre attention. Je suis à votre disposition pour poursuivre cet échange.
Laurence Rossignol : Je laisse maintenant la parole à Christine Jardine, députée d'Édimbourg-Ouest, vice-présidente de la commission des femmes et de l'égalité du Parlement britannique.
Intervention de Christine Jardine, députée d'Édimbourg-Ouest, vice-présidente de la commission des femmes et de l'égalité du Parlement britannique
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui à cet événement important. C'est un privilège.
Je suis vice-présidente de la commission des femmes et de l'égalité du Parlement britannique et porte-parole de mon parti - les démocrates libéraux - sur les questions de droits des femmes.
Je suis là pour écouter et pour apprendre. Les précédentes interventions sur la façon dont l'industrie pornographie contribue aux violences étaient particulièrement intéressantes.
Peut-être plus que toute autre, la question de la violence croissante à l'égard des femmes et des filles, ainsi que la misogynie qui en est le moteur, préoccupe les femmes politiques - et aussi mes collègues masculins - au Royaume-Uni. Malheureusement, ce problème est commun à l'ensemble de la planète.
Les attitudes sexuelles néfastes, les comportements abusifs sur les réseaux sociaux et en personne montrent que les avancées que nous avons réalisées en matière d'égalité des droits ralentissent, voire que la situation empire. Et nous savons que les attitudes sexuelles violentes à l'égard des femmes et les violences qu'elles subissent sont intrinsèquement liées. Les recherches montrent très clairement que les contenus explicites, facilement accessibles, contribuent à ces attitudes.
Au Royaume-Uni, nous nous efforçons de mettre en place des mécanismes pour améliorer ces comportements. Espérons que le Online Safety Act sera un outil utile. Il faut un changement de société, mais aussi des changements concrets.
Il faut éduquer les jeunes à avoir une vision plus saine, plus éclairée, de ce qu'ils peuvent voir. Il faut s'attaquer à la misogynie qui se développe sur internet et les réseaux sociaux, d'une manière que nous n'aurions sans doute jamais imaginée à l'époque où nous découvrions le potentiel d'internet. Au Royaume-Uni, de plus en plus de voix s'élèvent pour que la misogynie soit reconnue comme un crime de haine, et traitée comme le racisme dans le cadre des infractions pénales.
Ces dernières années, nous avons observé un intérêt croissant de la part des gouvernements successifs, à commencer par notre ancienne Première ministre, Theresa May, qui a lancé le projet de loi sur les violences domestiques. Le gouvernement actuel a, quant à lui, clairement affirmé son ambition de réduire de moitié les violences faites aux femmes et aux filles. Toutes les formes de violence sont concernées : physique, psychologique, financière et en ligne. En écoutant les précédentes intervenantes, je pense qu'il est très important de traiter de l'étranglement non mortel.
Je m'exprime aujourd'hui en tant que députée d'opposition et vice-présidente de la commission Femmes et Égalité du Parlement britannique. Nous avons fait de toutes ces formes de violences faites aux femmes et aux filles une priorité de nos travaux -- et, en particulier pour aujourd'hui, dans notre récent rapport sur les abus liés aux images intimes non consensuelles.
Dans ce rapport, nous avons demandé au gouvernement britannique de faire de la possession et de l'exploitation de ces images un délit distinct, à part entière. Cet appel fait suite à des auditions au cours desquelles nous avons entendu des témoignages alarmants : la production et l'exploitation de ces contenus évoluent à un rythme tel que même les plateformes les plus sophistiquées ont du mal à suivre et à contrôler la situation, si tant est qu'elles le veuillent - et nous devons les forcer à le faire. Les méthodes les plus récentes de surveillance et de modération paraissent déjà obsolètes. Dès qu'une loi est adoptée, elle est déjà datée.
Au Royaume-Uni, nous constatons que, si de nombreuses plateformes suppriment volontairement les contenus à caractère intime non consensuel (NCII), environ 10 % de ces contenus nocifs restent en ligne et accessibles. Cela se produit souvent lorsque les sites ne répondent tout simplement pas aux demandes de retrait.
Un des principaux obstacles à la suppression de tous ces contenus, c'est que de nombreux sites en infraction ne sont pas hébergés au Royaume-Uni. Et tant que notre cadre législatif ne sera pas modifié, les fournisseurs d'accès à internet ne bloqueront pas ces contenus, sauf si cela leur est expressément ordonné par Ofcom -- l'autorité de régulation britannique.
Nous avons également demandé au gouvernement et à l'ensemble du système judiciaire de faire davantage pour que les auteurs condamnés pour détention d'images sexuelles non-consensuelles n'aient plus aucun accès possible à ces contenus.
Les victimes, elles aussi, ont besoin de plus de soutien. Nous proposons la création d'un nouvel organisme statutaire chargé de défendre les droits des personnes touchées par les abus liés aux images intimes non consensuelles, et de travailler aux côtés des tribunaux.
Nous ne devons pas sous-estimer l'importance de cette action. L'exploitation d'images intimes sans consentement est un crime profondément personnel, aux conséquences parfois irréversibles et potentiellement mortelles pour un nombre croissant de victimes.
Les effets de cette forme d'abus perdurent chez les victimes, et sont souvent aggravés par le traitement qu'elles reçoivent dans le système judiciaire. Bien trop souvent, ces personnes sont abandonnées, au lieu d'être accueillies avec respect et dignité.
Nous devons faire plus. De façon générale, nous devons nous attaquer à l'industrie pornographique et aux attitudes problématiques vis-à-vis des femmes qu'elle encourage. Quand les hommes et garçons visionnent des actes pornographiques violents, comment leur faire comprendre qu'il n'est pas normal de traiter les femmes ainsi ? Il faut renforcer notre système pénal.
Je suis convaincue que des événements comme celui-ci nous permettront de travailler ensemble, d'apprendre les uns des autres, et de progresser pour mieux protéger les générations futures de femmes et de filles contre toutes les formes de violence et d'abus, qui sont inacceptables.
Laurence Rossignol : Je laisse maintenant la parole à notre dernière panéliste, Jin Sun-mee, membre de l'Assemblée nationale de la République de Corée, ancienne ministre de l'égalité des sexes et de la famille.
Intervention de Jin Sun-mee, membre de l'Assemblée nationale de la République de Corée, ancienne ministre de l'égalité des sexes et de la famille
Je vais m'exprimer principalement sur la problématique des deepfakes pornographiques.
Récemment, la technologie des deepfakes s'est développée grâce à l'intelligence artificielle (IA), permettant de synthétiser le visage ou la voix d'une personne spécifique de manière à ce que cela paraisse réel. L'usage abusif de cette technologie entraîne de graves violations des droits humains et porte atteinte à la réputation des individus.
En particulier, les deepfakes à caractère pornographique consistent à utiliser le visage d'une personne, sans son consentement, dans du contenu sexuel. Cela cause des dommages psychologiques et sociaux très graves pour les victimes. Il s'agit d'un acte criminel qui détruit la dignité d'un individu.
Ce qui est encore plus préoccupant, c'est que les crimes sexuels impliquant des deepfakes deviennent de plus en plus sophistiqués et se répandent rapidement en ligne. Compte tenu de la rapidité de développement de l'intelligence artificielle, on craint que ces crimes ne se multiplient et ne deviennent encore plus complexes à l'avenir.
Dans le cadre de « l'affaire Nth Room » survenue en Corée du Sud entre 2019 et 2020 via l'application Telegram, de nombreuses victimes, y compris des mineures, ont été victimes de la production et de la diffusion de vidéos d'exploitation sexuelle.
À l'époque, il n'existait aucune loi permettant de sanctionner les auteurs de deepfakes.
En 2020, l'Assemblée nationale de la République de Corée a modifié la « Loi spéciale sur la répression des crimes sexuels » pour établir une base juridique permettant de punir les personnes qui manipulent ou diffusent de fausses vidéos.
À cette période, j'occupais le poste de ministre de l'Égalité des genres et de la Famille. J'ai travaillé avec plusieurs ministères, dont l'Agence nationale de la police, pour mettre en place des services de suppression rapide des vidéos illégalement filmées, coordonner un conseil interministériel pour éradiquer les violences sexuelles et les crimes sexuels numériques, et élaborer des mesures de soutien aux victimes, dans le but de protéger la sécurité des femmes face à la violence sexuelle numérique.
Par la suite, il y a eu « l'affaire Nth Room de l'Université nationale de Séoul » et « l'affaire Deepfake de l'Université d'Inha ». Ainsi, les crimes sexuels par deepfake sont devenus un problème social majeur en Corée. Beaucoup de victimes se sont suicidées. C'est une tragédie.
Aujourd'hui, l'Assemblée nationale ainsi que le Gouvernement travaillent en étroite collaboration pour y faire face.
Premièrement, notre Assemblée nationale a modifié la loi spéciale sur la répression des crimes sexuels afin de faire passer la peine encourue pour manipulation ou diffusion de fausses vidéos de « jusqu'à 5 ans » à « jusqu'à 7 ans », et a introduit de nouvelles dispositions pénales pour ceux qui possèdent ou visionnent de telles vidéos.
Le Gouvernement a mis en place un « Groupe de travail interministériel sur la réponse aux deepfakes » et élabore des mesures en recueillant divers avis de ministères concernés, d'experts, d'entreprises et en effectuant des visites de terrain.
Nous avons également mis en place un système de soutien complet pour les victimes, avec la création d'un centre d'aide aux victimes de crimes sexuels numériques.
Nous renforçons aussi notre soutien à la recherche et développement en matière de technologies de blocage et de détection afin de mieux répondre à la propagation de ces crimes d'un point de vue technique. Il faut s'assurer que ces contenus soient désormais totalement supprimés.
Nous intégrons également ces sujets dans notre système éducatif afin de sensibiliser les élèves dès l'école au fait que produire, diffuser ou visionner des vidéos sexuelles falsifiées constituent un crime grave.
Pour sensibiliser l'opinion publique, nous avons lancé des campagnes de communication d'intérêt général, des contenus en ligne, ainsi que des actions de relations publiques via les médias, les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Il est important que le grand public comprenne qu'il s'agit d'un crime très grave.
Comme cela a déjà été mentionné, ces crimes n'ont pas de frontière, les vidéos réalisées dans un pays sont très facilement accessibles sur les téléphones portables du monde entier. C'est pourquoi il faut travailler au niveau international et mettre en place des mécanismes puissants et efficaces, de telle sorte que les plateformes telles que Telegram soient régulées vis-à-vis de ce type de contenu et sachent qu'elles ont l'obligation de se soumettre à des réglementations.
Mesdames et Messieurs les parlementaires, l'un des mandats les plus importants qui nous incombe aujourd'hui est d'établir des normes sociales et éthiques afin que le développement technologique s'effectue dans le respect de la dignité et de la valeur humaine. Les droits et la dignité de chaque individu doivent primer sur tout progrès technologique.
J'espère que notre rencontre aujourd'hui permettra des échanges riches, le partage de solutions concrètes et une véritable coopération.
Je vous remercie de votre attention.
Échanges entre panélistes et avec le public
Laurence Rossignol : Merci beaucoup à toutes pour vos interventions. Nous allons maintenant passer aux échanges avec le public.
J'aimerais que nous commencions par entendre Lídia Guinart Moreno, députée espagnole, présidente de la commission parlementaire de suivi et d'évaluation des dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes.
Lídia Guinart Moreno, députée espagnole : Nous sommes une délégation du Congrès des députés d'Espagne. Plusieurs députés de différents partis politiques ont travaillé à la rénovation et à la mise à jour du Pacte d'État contre les violences faites aux femmes, au sein d'une commission parlementaire que j'ai présidée. Le Pacte, que nous avons adopté à l'unanimité en 2017 et que nous avons maintenant actualisé, intègre différentes formes de violences, y compris les cyberviolences, la violence économique et les violences exercées contre les enfants et les adolescents.
Compte tenu de la gravité du problème, nous avons inclus des dispositions pour prévenir l'accès des mineurs à la pornographie. À cet égard, nous abordons la réglementation de l'accès aux sites pornographiques avec vérification d'âge et nous promouvons des mesures législatives et de sensibilisation pour éviter que des plateformes comme Sugardaddy, Oliphant et d'autres similaires ne deviennent des outils de recrutement des enfants pour l'exploitation sexuelle. Nous souhaitons aussi engager la responsabilité des entreprises qui hébergent ces contenus.
Le Pacte d'État contre les violences faites aux femmes est un outil unique en Espagne qui montre l'engagement de tous les partis démocratiques, à l'exception de l'extrême-droite. Il comprend 470 mesures allant de la prévention et la sensibilisation à la répression de la violence et à la réparation des victimes.
Nous savons que la pornographie est un passage vers la violence et l'exploitation sexuelle. C'est pourquoi nous sommes convaincus que, alors que nous commémorons le vingtième anniversaire de la loi espagnole contre la violence générale, pionnière en la matière, le Pacte d'État contre les violences faites aux femmes, tel qu'actualisé en y intégrant des mesures contre les cyberviolences basées sur le genre, est extrêmement important.
Merci beaucoup pour cette possibilité d'échanges sur ce sujet !
Laura Castel Fort, sénatrice espagnole, membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : Félicitations pour cet important événement ! Je suis membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et rapporteure d'un rapport très important qui sera consacré aux violences pornographiques. Je suis donc très heureuse de pouvoir échanger avec vous. Encore merci pour le rapport du Sénat français, particulièrement éclairant. Vous avez évoqué des études très intéressantes, sur lesquelles je m'appuierai dans mon rapport.
Parlementaire danoise : Je suis membre du Parlement danois et du réseau parlementaire transpartisan pour la santé et les droits sexuels et reproductifs.
Le Danemark a légalisé la pornographie il y a des années mais c'était un autre monde. Nous constatons que des enfants, de plus en plus jeunes, regardent de la pornographie. Je suis tout à fait d'accord avec les perspectives qui ont été partagées aujourd'hui et sur la nécessité de se coordonner pour agir.
Au Danemark, nous avons adopté, l'année dernière, une loi sur le consentement. Il y a eu un débat important sur la définition du viol car, pendant des années, la police a ignoré des faits de viol alléguant qu'il y avait eu consentement. Désormais, il faut qu'il y ait un « oui » pour indiquer que l'on consent à une relation sexuelle. Cela change les mentalités des hommes et des garçons. Je ne sais pas si ce type de dispositif juridique existe dans d'autres pays mais je voulais partager cela avec vous.
Il faut aussi bien sûr parler de la responsabilité de l'industrie pornographique mais aussi de celle des grandes entreprises de la tech.
Annick Billon, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat : Je souhaite remercier la délégation aux droits des femmes du Sénat d'avoir organisé cet événement, qui s'inscrit dans la continuité des travaux sur les violences pornographiques que nous avions lancés lorsque j'étais présidente de cette délégation. Nous étions alors quatre rapporteures : Alexandra Borchio-Fontimp, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et moi-même.
Pendant six mois, nous avons été plongées dans l'horreur. Lors de notre première audition avec des associations dont certaines sont parmi nous ce matin, nous avons toutes été extrêmement choquées par les témoignages de la violence de l'industrie pornographique. Dans notre rapport, nous avons démontré les liens entre prostitution, proxénétisme et pornographie.
Les intervenantes l'ont dit : il faut une réglementation forte. Il faut notamment toucher au porte-monnaie car l'industrie pornographique génère des milliards de dollars.
Sur ce sujet financier, il faut par ailleurs savoir que faire retirer une vidéo coûte aux femmes quatre fois plus cher que les quelques 400 euros qu'elles ont pu toucher pour un tournage.
Notre rapport a permis une prise de conscience lors de sa publication. Tout le monde est concerné. Aujourd'hui il y a urgence à porter ce sujet. La manifestation de soi-disant « travailleurs du sexe » qui nous a accueillis ce matin, à l'entrée du bâtiment, le démontre.
Dolores Gonzalez-Hayes, Women Graduates US : Tout d'abord, un grand merci pour ce panel incroyable. C'est une problématique très importante.
J'ai travaillé pendant des années à soutenir des organisations qui aident des femmes victimes de la traite des êtres humains, surtout des Africaines. Je travaille désormais dans le domaine de l'éducation depuis dix ans.
J'ai découvert un outil numérique très utile, développé par l'Union européenne, à destination des écoliers, collégiens et lycéens, concernant les tactiques des recruteurs en ligne. Je suis intéressée par tout autre outil de ce type dont vous pourriez avoir connaissance et que je pourrais partager avec des enseignants et avec des parents pour qu'ils informent les jeunes de cette problématique.
Barbara Sessa, vice-présidente senior de la division produits grand public pour l'Europe chez Mastercard, Responsable du réseau des femmes de Mastercard : Je travaille pour Mastercard, service international de paiement, et je voulais apporter le regard d'une entreprise privée qui déploie en permanence des actions contre les contenus illégaux en ligne.
Notre annonce la plus récente concerne l'application des exigences en matière d'enregistrement des commerçants spécialisés aux commerçants de contenus pornographiques. Cela signifie que nous demandons aux banques qui connectent les commerçants à nos réseaux de certifier que le vendeur de contenu pornographique a mis en place des contrôles efficaces pour surveiller, bloquer et, si nécessaire, retirer tout contenu illégal. Si les banques ne mettent pas en place ces actions de contrôle, elles ne sont pas autorisées à effectuer des transactions dans le cadre du contrat qui les lie à Mastercard.
Nous parlions tout à l'heure des intérêts économiques. C'est cela qu'il faut faire : toucher les intérêts économiques est la seule façon d'avancer.
Stéphanie Caradec, directrice générale du Mouvement du Nid : Merci beaucoup pour l'organisation de cet événement. Je suis la directrice générale du Mouvement du Nid, une association de soutien aux personnes en situation de prostitution. Nous sommes partie civile dans l'affaire French Bukkake, aux côtés d'Osez le féminisme (OLF).
Je voulais appuyer ce qu'a dit Maïna Cerniawsky d'OLF sur l'importance de donner la parole aux victimes de la pornographie, que nous qualifions de prostitution filmée.
Cela fait plus d'une quinzaine d'années que, dans nos permanences, nous avons de plus en plus de personnes qui sont victimes à la fois de prostitution et de pornographie. La porosité entre ces deux milieux augmente : avec l'utilisation du téléphone portable, les clients demandent à filmer les actes et, dans le même temps, les personnes qui sont dans la pornographie se voient proposer des activités prostitutionnelles plus classiques.
Je voudrais revenir sur la manifestation qui s'est déroulée en bas du bâtiment ce matin. Il ne faut pas imaginer qu'il y aurait une binarité entre d'un côté des personnes qui se diraient travailleurs ou travailleuses du sexe, seraient concernées et connaîtraient la réalité, et d'un autre côté des personnes qui, de façon idéologique et hors sol, proposeraient d'interdire la prostitution et la pornographie.
Au quotidien, nous rencontrons des victimes et nous portons leur parole. Je vous invite à aller regarder notre podcast La vie en rouge dans lequel des victimes parlent de ce qu'elles ont vécu dans la pornographie.
Il faut faire attention à une instrumentalisation par des lobbies qui sont là pour protéger des intérêts financiers très forts.
Je vous remercie donc d'avoir porté la parole des survivantes. Nous attendons, avec impatience mais aussi fébrilité, le procès French Bukkake. Il y a soixante victimes qui ont toujours leurs vidéos en ligne et qui seront surexposées à l'occasion du procès.
Élise Pereira Nunes, adjointe au maire de Tours déléguée à l'égalité des genres et aux relations internationales, présidente de la dynamique Genre de Cités Unies France : Je représente ici différents réseaux de collectivités territoriales et de gouvernements locaux : Cités Unies France et Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU). Nous travaillons avec des collectivités du monde entier sur les enjeux d'égalité femmes-hommes et de lutte contre les violences.
Dans la lutte contre les violences, nous constatons la difficulté à prévenir les comportements. Il existe des freins, en France comme ailleurs, dès lors qu'il s'agit d'aborder avec les enfants et les adolescents les questions du corps, du consentement, du respect et de la vie affective dans les organes d'éducation publique. Il faut réussir à empêcher l'attirance des jeunes gens pour les contenus pornographiques qu'ils vont ensuite décliner dans leur vie privée. Au-delà du contrôle, il faut insister sur la prévention.
Laurence Rossignol : Merci beaucoup à toutes et tous pour ces interventions très riches. Je laisse la parole, pour la conclusion de cet événement, à Delphine O, ambassadrice, secrétaire générale du Forum Génération Égalité.
Conclusion
Intervention de Delphine O, ambassadrice, secrétaire générale du Forum Génération Égalité (Pékin+25)
Merci beaucoup à la délégation aux droits des femmes du Sénat de m'avoir invitée pour prononcer quelques mots de conclusion que je consacrerai aux initiatives françaises dans le cadre multilatéral et international pour lutter plus largement contre les violences en ligne fondées sur le genre et les cyberviolences.
Je ne reviendrai pas sur le Digital Service Act (DSA), le Règlement européen sur les services numériques, ni sur la Directive sur les violences faites aux femmes, que vous connaissez toutes et tous par coeur. Je noterai simplement que la France est à la fois pionnière dans la mise en oeuvre du DSA et qu'elle a également introduit un certain nombre de mesures supplémentaires par rapport à la réglementation européenne pour lutter contre les cyberviolences, dans le cadre de la loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique, dite SREN, adoptée en 2024 en France. Je mentionnerai par exemple la prérogative du juge qui dispose du droit d'interdire à une personne condamnée pour cyberviolence d'utiliser un compte sur les réseaux sociaux pendant le temps d'une enquête judiciaire, et également la reconnaissance de la sextortion entre adultes dans le code pénal.
S'agissant des deepfakes, la loi française impose de supprimer rapidement ces contenus à caractère sexuel qui sont diffusés sans consentement. Elle va là aussi plus loin que la réglementation européenne, parce que l'Union européenne ne criminalise les deepfakes que lorsqu'ils sont susceptibles de nuire ; c'est donc une conditionnalité que la loi française n'a pas introduite.
Maintenant, en ma qualité d'ambassadrice et de porteuse de la diplomatie féministe française, je voulais partager les initiatives internationales dont la France a été porteuse et leader ou qu'elle a rejointes ces dernières années.
L'année dernière, lors de la 79e session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, la France a co-porté avec les Pays- Bas la première résolution historique portant sur les violences faites aux femmes et aux filles dans l'environnement numérique. Cette résolution inclut de nouveaux termes qui n'existaient jusqu'à présent dans aucun texte de l'ONU, à la fois les biais sur l'intelligence artificielle, le doxing, les deepfakes, le cyberharcèlement, et elle mentionne même les mouvements masculinistes en ligne. Nous faisons donc avancer avec du soft power le droit international sur la question des cyberviolences.
Nous avons également rejoint en 2023 la première plateforme multilatérale de coordination intergouvernementale pour lutter contre les cyberviolences. Nous n'en sommes pas à l'initiative, ce sont les Etats-Unis qui l'ont lancée en 2022. Nous l'avons rejointe notamment aux côtés du Royaume- Uni, de l'Australie, du Mexique et d'une quinzaine d'autres pays. Cette plateforme est très importante, elle nous permet de nous coordonner entre gouvernements pour pousser des avancées sur la question des cyberviolences. Nous l'avons fait dans le cadre du pacte numérique mondial adopté l'an dernier, du pacte sur le futur, et évidemment de la CSW et de l'Assemblée Générale des Nations Unies. C'est donc une plateforme qui est extrêmement précieuse et la France va prendre davantage de responsabilités puisque les Etats-Unis vont malheureusement se retirer de cette initiative.
Je voulais évidemment mentionner l'initiative phare du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères pour lutter contre les cyberviolences : le laboratoire pour les droits des femmes en ligne, annoncé l'an dernier, le 8 mars 2024. C'est tout d'abord une plateforme de coordination et d'échange de bonnes pratiques multi-acteurs ; pas seulement entre gouvernements, puisque nous allons faire entrer à la fois des gouvernements, des entreprises de la tech, des instituts de recherche, des coalitions de survivants et survivantes de cyberviolences et des organisations internationales comme l'UNESCO, ONU Femmes ou l'UNFPA. Et nous travaillons évidemment avec l'Union Européenne.
Ce laboratoire, c'est aussi un incubateur de projets portés par des associations féministes de terrain de pays du Sud qui luttent contre les cyberviolences.
En marge du sommet sur l'intelligence artificielle, il y a un mois, nous avons été ravis d'accueillir le premier événement de ce laboratoire avec notre ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Nous avons fait venir de République dominicaine, du Nigeria, d'Afrique du Sud et des territoires palestiniens, des ONG féministes de terrain qui développent des applications, des chatbots et des campagnes de sensibilisation sur les cyberviolences. Et, c'est là où c'est extrêmement intéressant, elles développent des solutions technologiques innovantes utilisant l'intelligence artificielle pour venir en aide aux femmes victimes de cyberviolence. On voit là que l'intelligence artificielle peut être utilisée à mauvais escient, malheureusement, lorsqu'on parle des deepfakes, mais aussi à bon escient pour soutenir la cause des femmes.
Je finirais peut-être justement sur cette question des deepfakes. Je voulais vous donner un exemple de coopération bilatérale et cet exemple tombe bien puisque c'est une coopération bilatérale que nous menons avec la Corée du Sud. Je suis ravie de la présence de la députée coréenne ici. En effet, la Corée du Sud nous a contactés à travers notre poste diplomatique à Séoul pour mener un échange de bonnes pratiques justement sur la question des deepfakes pornographiques.
Je le rappelle, dans un deepfake pornographique, vous avez généralement l'image d'une véritable personne, collée sur une image à caractère pornographique. C'est donc en général son vrai visage, mais ce n'est pas son corps. Il faut rappeler qu'il y a deux idées reçues sur les deepfakes pornographiques. Premièrement, c'est que ce ne sont pas des images réelles - effectivement ce ne sont pas des images qui ont été prises avec un appareil photographique. Deuxièmement, c'est que les dommages sont minimaux puisque ce ne sont pas des vraies images.
En réalité, toutes les victimes de deepfakes pornographiques disent qu'elles ont ressenti la diffusion de ces deepfakes comme des véritables agressions sexuelles, en plus d'être une violation de leur vie privée et évidemment de leur dignité.
Au Royaume-Uni - puisque nous avons également une députée britannique - la criminalisation des deepfakes avec le Online Safety Act, qui va bientôt être passé, commence déjà à fonctionner puisque, d'après nos interlocuteurs britanniques, lorsque le gouvernement britannique a annoncé que le Online Safety Act allait être mis en oeuvre, le plus grand site de deepfakes pornographiques au monde a immédiatement bloqué l'accès aux internautes britanniques par peur de représailles légales.
Je reviens au sujet de la Corée du Sud : elle nous avait interrogé puisque nous avons un partenariat entre l'ARCOM, le régulateur français des télécommunications et du numérique, et le KCSC qui est le régulateur sud- coréen, dans le contexte de ce scandale qui a été mentionné par la députée coréenne où des deepfakes pornographiques ont été diffusés par dizaines de milliers via Telegram. Or, il se trouve, que Pavel Durov, le CEO de Telegram, a été arrêté sur le sol français et le régulateur coréen nous informe que depuis l'arrestation de M. Durov, Telegram coopère de manière extrêmement efficace pour le retrait des deepfakes pornographiques sur ses réseaux en Corée du Sud. Donc la coopération internationale fonctionne !
La France en est à l'initiative très souvent et nous continuerons de travailler sur ce sujet des cyberviolences qui fait partie, et je finirai là-dessus, de la nouvelle stratégie internationale de la France pour une diplomatie féministe qui place la question des enjeux du genre et du numérique comme une des nouvelles priorités de la France. Merci beaucoup !
Laurence Rossignol : Cet événement est désormais terminé. Je veux remercier l'ensemble des intervenantes et des participants. C'était un moment important pour les deux délégations parlementaires aux droits des femmes de la France d'avoir pu vous réunir toutes et d'avoir réuni aussi des actrices engagées dans le public. J'espère que cet événement nous permettra de continuer de travailler en réseau, toutes ensemble, car nous en avons besoin. Les solutions sont au-delà de chacune de nos frontières. Merci beaucoup et bonne continuation !
EXAMEN EN DÉLÉGATION
Réunie le jeudi 5 juin 2025, sous la présidence de Dominique Vérien, présidente, la délégation a examiné le rapport d'information.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Mes chers collègues, en mars dernier, sept sénatrices de notre délégation se sont rendues au siège des Nations Unies à New York, afin de participer à la CSW (Commission on the Status of Women), le plus grand rassemblement mondial annuel consacré aux droits des femmes et à l'égalité femmes-hommes.
Ont participé à ce déplacement nos collègues Annick Billon, Agnès Evren, Béatrice Gosselin, Marie-Pierre Monier, Olivia Richard, Laurence Rossignol et moi-même.
Une douzaine de collègues députés étaient également présents, dont mon homologue à l'Assemblée nationale Véronique Riotton et notre collègue député Guillaume Gouffier Valente, nous permettant de constituer une délégation parlementaire transpartisane particulièrement étoffée et ainsi d'envoyer un signal fort de l'implication des parlementaires français dans le combat pour les droits des femmes dans le monde.
Ce premier déplacement institutionnel de notre délégation à la CSW fut, selon moi, un réel succès.
C'était pour la plupart d'entre nous une découverte, et quelle découverte : quelle effervescence générale, quel dynamisme, quelle richesse des échanges... La multiplicité des entretiens, rencontres et événements auxquels nous avons participés nous a ouvert de nouveaux champs de réflexions et de préoccupations, tant les menaces qui pèsent sur les femmes, leur santé, leur liberté et leur dignité sont nombreuses. Mais ces échanges nous ont aussi apporté un incroyable élan d'enthousiasme admiratif devant l'engagement de toutes ces femmes - et aussi de ces hommes - qui se mobilisent, dans leurs pays, en faveur des droits des femmes et de l'égalité et qui, par des initiatives concrètes, font bouger les lignes et changent des vies, parfois en risquant la leur.
C'est pour cette raison que ce déplacement fait aujourd'hui l'objet d'une communication devant notre délégation et de la publication d'un rapport d'information.
Notre programme, commun à l'ensemble de la délégation parlementaire, a été très dense et en partie « à la carte » tant les événements concomitants étaient nombreux.
Car la CSW, c'est à la fois :
• une commission officielle des Nations Unies, avec des réunions des États membres au niveau ministériel ;
• et un espace d'échanges, avec des centaines d'événements parallèles (ou side events) et des opportunités de rencontres uniques, puisque des dizaines de milliers de défenseurs et défenseuses des droits des femmes, venus du monde entier, sont réunis, pour une semaine ou deux, dans un même lieu. Certaines de ces personnes n'obtiendront peut-être pas de visa l'année prochaine puisque l'administration Trump vient d'annoncer que les citoyens de douze pays seraient désormais interdits d'entrée aux États-Unis.
Nous avons ainsi eu des entretiens avec les équipes des principaux organes des Nations Unies qui travaillent sur les problématiques des droits des femmes et des filles - ONU Femmes, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP/UNFPA) et Unicef - ainsi qu'avec les équipes de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, qui nous ont détaillé les coulisses des négociations de la CSW. J'ai notamment appris que seuls quarante-cinq pays participaient officiellement aux négociations. Les États-Unis n'en faisaient pas partie cette année mais en feront partie l'année prochaine, ce qui compliquera certainement l'adoption d'un texte.
Nous avons également échangé avec de nombreuses délégations venues du monde entier, des ministres, des parlementaires, ainsi que des représentants de la société civile. Nous nous sommes ainsi entretenus avec des parlementaires du Royaume-Uni, d'Espagne, du Canada et de Corée du Sud, des membres d'associations ukrainiennes, des activistes afghanes ou encore des femmes engagées en Afrique, soutenues par l'Alliance féministe francophone.
Grâce à l'EPF - le forum européen pour les droits sexuels et reproductifs - je me suis rendue à Washington pour échanger avec des membres du Congrès américain, notamment Sarah McBride et Grace Meng, et des représentants de la société civile américaine sur la situation actuelle en matière d'accès à l'avortement et de remise en cause des politiques de diversité, égalité et inclusion aux États-Unis.
Nous avons bien senti que l'ambiance globale aux États-Unis n'était pas vraiment favorable aux droits des femmes et aux droits des minorités. Nous avons aussi été marquées par le témoignage d'une ancienne employée d'USAID, travaillant désormais pour l'initiative Spotlight, qui nous a relaté la façon dont elle et ses collègues avaient appris de façon abrupte leur licenciement, via un écran noir sur leur ordinateur ou, pour l'un d'entre eux, en découvrant lors d'un passage aux urgences qu'il n'avait plus de couverture sociale.
Les membres de la délégation parlementaire ont également assisté à divers side events en fonction de leurs centres d'intérêt : sur le rôle des parlements pour faire progresser l'égalité femmes-hommes, sur la lutte contre les cyberviolences ou encore sur la situation des femmes et filles afghanes.
Et, surtout - ce fut un temps fort de notre déplacement - nous avons organisé notre propre événement parallèle consacré aux violences pornographiques, dans la lignée de notre rapport Porno : l'enfer du décor, publié en 2022. Nous avions la chance de compter dans notre délégation deux des co-rapporteures de ce rapport : notre ancienne présidente Annick Billon et notre vice-présidente Laurence Rossignol.
Cet événement, qui a réuni plus de soixante-dix participants, venus d'une quinzaine de pays différents, a donné une dimension internationale à l'engagement de notre délégation dans la lutte contre les violences pornographiques et leurs conséquences.
En donnant de la visibilité aux travaux de recherche et aux témoignages de victimes de l'industrie pornographique, nous avons apporté notre participation à la prise de conscience en cours, au niveau international, de l'ampleur des violences pornographiques.
L'organisation d'un panel mêlant organisations de la société civile et décideurs politiques a également permis d'engager des discussions sur les initiatives juridiques de nature à lutter contre ces violences. La France ne peut agir seule sur un tel sujet !
À l'issue d'une semaine de déplacement, riche en échanges, j'aimerais insister sur trois éléments qui me semblent particulièrement importants.
Premièrement, en dépit de progrès réalisés depuis trente ans, le contexte international est aujourd'hui globalement peu favorable aux droits des femmes et des filles. Il semblerait même qu'il le soit malheureusement moins qu'il ne l'était lors de la conférence mondiale sur les femmes de Beijing de 1995, qui avait donné lieu à des engagements majeurs de la part de 189 États. Nous fêtions cette année les trente ans de cette conférence et nous avons réalisé qu'il ne s'agissait pas de trente ans de progrès - en tout cas pas uniquement. Non seulement les femmes et les filles sont souvent les premières victimes des conflits armés et des crises qui se multiplient, mais nous faisons face à un contexte global d'hostilité envers les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, souvent qualifié de « backlash ».
J'ai été particulièrement marquée par les explications que nous avons reçues sur la structuration de plus en plus professionnelle des mouvements hostiles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR). Ces mouvements anti-droits reprennent la terminologie et les codes du droit international et des mouvements féministes et parviennent à se faire entendre, y compris au sein de la CSW.
De façon notable, la déclaration politique adoptée lors de la CSW ne contient aucune référence à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.
De façon incidente, j'ai récemment appris qu'au Royaume-Uni la police mène aujourd'hui des enquêtes après des fausses couches afin de vérifier si ces fausses couches ne dissimulent pas des IVG illégales.
Le deuxième élément sur lequel j'aimerais revenir est celui de la lutte contre l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, qui est un combat que nous devons continuer à porter.
En effet, nous avons été interpellées par les argumentaires de certaines organisations de la société civile, notamment françaises, présentes à la CSW, faisant un amalgame entre la lutte contre la prostitution et la pornographie - présentées comme un supposé « travail du sexe » - et la pression des mouvements anti-droits. Nous ne pouvons que déplorer les critiques et contestations soulevées à la fois par le side event ministériel français consacré aux cyberviolences et par notre side event consacré aux violences pornographiques.
Nous devons le réaffirmer avec force : la lutte contre la prostitution et la pornographie, en accord avec le positionnement abolitionniste de la France depuis 2016, est un enjeu de société, de droits des femmes et de droits humains, et constitue une priorité de notre délégation.
Enfin, le troisième élément important est le rôle de la diplomatie féministe française. La France a été le quatrième pays au monde à adopter une diplomatie féministe en 2019 et dispose désormais d'une stratégie internationale clairement définie.
Notre délégation apporte évidemment tout son soutien à cette diplomatie féministe, au sujet de laquelle nous devons avoir trois points de vigilance :
- tout d'abord, alors que le financement de l'aide publique au développement est menacé, nous devons veiller à préserver le soutien financier et technique apporté aux organisations féministes de terrain via le FSOF (fonds de soutien aux organisations féministes), dont nous avons pu rencontrer plusieurs bénéficiaires et ainsi constater le rôle majeur ;
- ensuite, l'action consulaire doit pleinement s'inscrire dans cette orientation et l'aide apportée aux Françaises victimes de violences sexuelles ou intrafamiliales à l'étranger doit être renforcée - je sais que c'est un combat de notre collègue Olivia Richard ;
- enfin, les parlementaires doivent aussi s'inscrire dans cette diplomatie féministe. Je souhaite notamment qu'une séquence parlementaire dédiée soit organisée lors de la prochaine conférence des politiques étrangères féministes que la France accueillera en octobre 2025.
Nous ne pourrons sans doute pas organiser un déplacement institutionnel lors de la prochaine CSW, en raison des élections municipales de mars 2026, mais nous continuerons à porter le combat pour les droits des femmes à l'international et à organiser ou participer à des événements sur cette problématique majeure. En effet, les droits des femmes sont un impératif universel, un enjeu de justice, de paix et de dignité.
Merci à vous pour votre attention.
Est-ce que des collègues présentes à la CSW souhaitent également partager leurs retours d'expérience, réflexions et remarques ?
Mme Laurence Rossignol. - Merci beaucoup pour ce rapport, dont je viens de prendre connaissance. J'aimerais qu'il soit ajouté, au sein du rapport et de l'Essentiel, une mention de l'offensive idéologique menée contre les droits des personnes LGBTQIA+.
Mme Dominique Vérien. - C'est effectivement un sujet important. Les droits des personnes LGBTQIA+ sont déjà mentionnés dans le rapport mais nous allons ajouter un paragraphe supplémentaire.
Mme Marie-Pierre Monier. - J'ai été ravie de participer à ce déplacement à la CSW, qui a permis des échanges très riches. On nous a beaucoup félicités, en tant que parlementaires français, pour l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, ce qui a fait du bien à entendre. J'ai été particulièrement marquée par la réunion que nous avons eue sur les mouvements anti-droits et masculinistes.
Mme Annick Billon. - J'aimerais également remercier la délégation, et sa présidente, pour l'organisation de ce déplacement. Le rapport d'information illustre bien tout l'intérêt pour notre délégation de s'être rendue à la CSW et d'avoir participé à tous ces échanges, qui ont été passionnants.
Mme Dominique Vérien. - Merci à toutes pour vos remarques.
Nous devons maintenant formellement adopter le rapport d'information et en autoriser la publication. Ai-je bien votre accord ? Le rapport est donc adopté.
S'agissant du titre du rapport, je vous propose : « Porter le combat pour les droits des femmes à l'international ».
PROGRAMME DU DÉPLACEMENT DU 9 AU 14 MARS 2025 À NEW YORK (ÉTATS-UNIS)
Dimanche 9 mars 2025
- Rencontre avec Thomas Brisson, coordinateur du Forum Génération-Égalité au cabinet de la directrice exécutive d'ONU Femmes
- Événement « équipe France » avec l'ensemble de la délégation française présente à la CSW (parlementaires, société civile, entreprises, personnalités qualifiées...)
Lundi 10 mars 2025
- Échanges avec la Ministre Aurore Bergé et les organisations de la société civile françaises présentes à la CSW
- Rencontre avec Women Deliver sur les politiques de santé et droits sexuels et reproductifs : Maliha Khan, présidente-directrice générale, et Paola Salwan Daher, directrice pour l'action collective
- Rencontre avec IPAS, EPF (forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs) et le Planning familial sur l'organisation et le financement des mouvements anti-droits et les groupes masculinistes dans le monde
- Échanges avec la délégation canadienne présente à la CSW
- Rencontre avec Geeta Rao Gupta, ancienne ambassadrice itinérante des Etats-Unis sur les questions mondiales relatives aux femmes, et Varina Winder, son ancienne directrice de cabinet
- Rencontre avec les experts de la représentation permanente de la France auprès de l'ONU sur le déroulement des négociations à la CSW : Sylvain Fournel, conseiller juridique, chef du service juridique, droits de l'Homme, humanitaire et influence, Anne Freudenreich, cheffe de service adjointe, Emmanuel Leclerc, expert droits de l'homme, Julie Wagner, experte droits de l'homme
Mardi 11 mars 2025
- Rencontre avec des Ukrainiennes engagées dans la défense des droits des femmes : Olena Ohonovska et Yaryna Voloshyn de JurFem, Iryna Trokhym, Luba Maksymovych et Galina Berezhnaya du Centre for Women's Perspective, Anzhelika Bielova et Liliia Zaiets de Voice of Romni
- Side event organisé par l'Union inter-parlementaire (UIP) et ONU Femmes « Les parlements et Beijing +30 : résister aux retours en arrière et changer de paradigme en faveur de l'égalité des sexes »
- Side event officiel de la France consacré aux cyberviolences sexuelles et sexistes (« Sexual and gender-based cyberviolence: Challenges and solutions to counter backlash and build a digital world free from violence against women and girls »)
- Rencontre avec les équipes d'Equipop, du Fonds pour les Femmes en Me'diterrane'e (FFMed) et de la Fe'de'ration Internationale pour les Droits Humains (FIDH) qui coordonnent l'Alliance francophone féministe et avec des activistes qu'elles soutiennent au Maroc, en Tunisie et au Sahel
- Rencontre avec l'activiste afghane Zarqa Yaftali, Directrice exécutive du Women and Children Legal Research Foundation, et une activiste afghane oeuvrant toujours en Afghanistan
- Réception, autour de la Ministre Aurore Bergé, avec la communauté française de New York
Mercredi 12 mars 2025
- Side event de la délégation parlementaire française consacré aux violences pornographiques (« Violence in Porn = Violence Against Women. Understanding and Addressing Pornography's Societal Impact »)
- Rencontre avec le FNUAP/UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) : Diene Keita, directrice exécutive adjointe
- Rencontre avec Unicef Gender Team sur les droits des filles et des adolescentes
- Rencontre avec ONU Femmes : Alice Shackelford, directrice adjointe de la coordination, et Ziad Sheikh, directeur du Hub Génération Égalité
- Rencontre avec les équipes du consulat général de France à New York, notamment sur le soutien aux femmes françaises victimes de violences : Myriam Gil, consule générale adjointe, et Camille Boyer, cheffe du service social
- Participation à l'événement de lancement de l'Alliance féministe francophone
- Échanges avec la ministre Aurore Bergé et les équipes de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies
Jeudi 13 mars 2025
- Rencontre avec Jay Dharmadhikari, représentant permanent adjoint à la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, chargé d'affaires
- Side event consacré aux femmes afghanes
- Réunion des délégations francophones et rencontre avec Viviane Teitelbaum, Présidente du Réseau des femmes parlementaires de l'Assemblée parlementaire de la francophonie
- Rencontre avec les équipes de l'initiative Spotlight 2.0 contre les violences faites aux femmes et aux filles : Raddia Bakkouch, Civil Society and Program Officer au Secrétariat général de l'ONU
Vendredi 14 mars 2025
- Rencontre avec Ioana Bauer, présidente de l'ONG roumaine eLiberare, Tsitsi Matekaire d'Equality Now et la rabbine Diana Gerson de l'Interfaith Alliance for Safer Communities, sur les problématiques d'exploitation sexuelle et de pornographie
- Rencontre avec des chercheures françaises travaillant aux Etats-Unis
ANNEXES
DÉCLARATION POLITIQUE ADOPTÉE PAR LA CSW À L'OCCASION DU TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES
Nous, Ministres et représentantes et représentants de gouvernements,
Réunis à la soixante-neuvième session de la Commission de la condition de la femme, à New York, à l'occasion du trentième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, conférence historique qui s'était tenue à Beijing en 1995, pour entreprendre un examen et une évaluation de la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing17(*) et des documents finaux de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle »18(*), y compris en ce qui concerne les défis rencontrés à l'heure actuelle et les lacunes qui freinent la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et la réalisation de l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et les filles, ainsi que la pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales par toutes les femmes et les filles tout au long de leur vie, et sa contribution à la prise en compte des questions de genre dans l'application du Programme de développement durable à l'horizon 203019(*), ainsi que pour assurer l'accélération de la mise en oeuvre du Programme d'action, en s'engageant à assurer l'intégration d'une perspective de genre dans les préparatifs, la mise en oeuvre intégrée et coordonnée et le suivi de toutes les grandes conférences et réunions au sommet des Nations Unies dans les domaines du développement, notamment du développement économique, social, environnemental, humanitaire et autre, afin de contribuer efficacement à la réalisation de l'égalité des genres et à l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles,
1. Réaffirmons la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, les documents finaux de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale et les déclarations adoptées par la Commission de la condition de la femme à l'occasion des dixième, quinzième, vingtième et vingt-cinquième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes20(*), et nous engageons à assurer leur application intégrale, effective et accélérée ;
2. Soulignons que l'application intégrale, effective et accélérée de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et le respect des obligations découlant de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes21(*) ont des effets synergiques en ce qui concerne la réalisation de l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et les filles, ainsi que la pleine et égale jouissance de tous leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales et invitons les États qui ne l'ont pas encore fait à envisager de ratifier la Convention et le Protocole facultatif s'y rapportant22(*) ou d'y adhérer ;
3. Savons que l'année 2025 est une occasion unique de rassembler les États Membres afin d'intensifier les mesures prises pour appliquer la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et parvenir à l'égalité des genres et à l'avancement de toutes les femmes et les filles, dans le contexte du trentième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et d'autres plateformes et processus de premier plan ;
4. Réaffirmons que la Déclaration universelle des droits de l'homme23(*), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que les protocoles facultatifs s'y rapportant24(*), de même que les autres conventions et traités pertinents, tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels25(*), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques26(*), la Convention relative aux droits des personnes handicapées27(*), la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale28(*)et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille29(*), définissent un régime juridique international appuyant l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles, ainsi que leur pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales, tout au long de leur vie ;
5. Réaffirmons la nécessité de respecter, de protéger et de promouvoir tous les droits humains et toutes les libertés fondamentales, les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, y compris le droit au développement, pour toutes les femmes et les filles tout au long de leur vie, sans distinction aucune, tout en faisant respecter l'état de droit et les principes d'égalité et de non-discrimination, et en garantissant l'égalité d'accès à la justice, l'absence de violence et l'élimination de tous les obstacles structurels à l'avancement de toutes les femmes et les filles, en tenant compte de la diversité des situations, des contextes et des conditions des femmes et des filles ;
6. Réaffirmons également que l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et les filles sont essentiels au développement durable et à la réalisation de la promesse que nous avons faite de ne laisser personne de côté, et soulignons qu'il existe une relation synergique entre l'égalité des genres et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, la prise en compte des questions de genre dans l'application du Programme 2030, et les résultats des grandes conférences et réunions au sommet de l'Organisation des Nations Unie ;
7. Nous félicitons des progrès accomplis en vue de l'application intégrale, effective et accélérée de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing grâce à une action politique concertée aux niveaux national, régional et mondial, ainsi que des activités d'examen entreprises par les gouvernements dans ce contexte ; nous félicitons en outre des examens régionaux lancés par les commissions régionales de l'Organisation des Nations Unies, à l'occasion du trentième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, sachant les contributions importantes apportées par la société civile et toutes les autres parties prenantes, telles que les institutions nationales des droits humains existantes, et attendons avec intérêt la réunion de haut niveau de l'Assemblée générale à sa quatre-vingtième session, qui sera l'occasion de définir des mesures concrètes pour accélérer encore la réalisation de l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles ;
8. Constatons que, 30 ans après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, aucun pays n'a pleinement réalisé l'égalité des genres et l'avancement des femmes et des filles et exprimons notre inquiétude du fait que, dans l'ensemble, les progrès accomplis dans le respect des engagements pris dans les 12 domaines critiques du Programme d'action de Beijing ont été lents et inégaux, que des lacunes et des obstacles majeurs subsistent, notamment des barrières structurelles, des lois et pratiques discriminatoires, des stéréotypes de genre et des normes sociales négatives, toutes les formes de violence et de discrimination à l'égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique, les conflits armés et la féminisation de la pauvreté, et que des niveaux importants d'inégalité persistent au niveau mondial, y compris une sous-représentation dans la prise de décision à tous les niveaux, et que de nombreuses femmes et filles subissent des formes multiples et croisées de discrimination, de vulnérabilité et de marginalisation tout au long de leur vie, sachant que peuvent être touchées, entre autres, les femmes et les filles africaines et les femmes et les filles d'ascendance africaine, les femmes et les filles vivant avec le VIH et le sida, les femmes et les filles vivant avec des maladies rares, les femmes et les filles vivant en milieu rural et celles vivant dans des régions reculées ou maritimes, les femmes et les filles autochtones, les femmes et les filles appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, les femmes et les filles vivant dans des situations de conflit armé, les femmes enceintes, les femmes et les filles en situation de handicap, les femmes et les filles migrantes, déplacées à l'intérieur de leur pays et réfugiées, ainsi que les femmes âgées ;
9. Constatons également que la pauvreté, les inégalités économiques mondiales et le manque d'équité dans la répartition des gains de développement au sein des pays et entre eux constituent des défis fondamentaux pour appliquer la Déclaration et le Programme d'action de Beijing ;
10. Constatons en outre que les femmes et les filles jouent un rôle vital en tant qu'actrices du changement et que la pleine réalisation du potentiel humain et du développement durable sera un objectif irréalisable tant que la moitié de l'humanité continuera de se voir refuser la plénitude de ses droits humains et de ses chances ;
11. Constatons que toutes les femmes et les filles, y compris les adolescentes, contribuent à leur société, et qu'il est possible de leur permettre de contribuer encore davantage aux processus de prise de décision et en tant qu'actrices du changement, ainsi que de garantir leur accès égal à une technologie numérique sûre, accessible et abordable, à une éducation complète et équitable de qualité, y compris en ce qui concerne l'éducation physique et le sport, et de promouvoir l'apprentissage tout au long de la vie, ainsi que l'accès aux services de santé, et de leur donner des moyens d'agir et de faire respecter tous leurs droits humains et leurs libertés fondamentales, et de mettre fin à toutes les formes de violence et de discrimination dont elles sont victimes ;
12. Constatons également le rôle positif que jouent les jeunes femmes, en tant que leadeuses, influenceuses, mentors et innovatrices, ainsi que leur participation et leur mobilisation pleines, égales et réelles dans les processus politiques et décisionnels, et qu'il faut engager un dialogue intergénérationnel afin de répondre aux besoins des générations actuelles et futures et de défendre leurs intérêts dans une société libre et juste dans laquelle toutes les femmes et les filles puissent réaliser pleinement leur potentiel, à l'abri de la discrimination, du harcèlement, de la violence et des pratiques néfastes, y compris les mutilations génitales féminines et les mariages d'enfants, précoces et forcés ;
13. Constatons en outre qu'il est important que les hommes et les garçons se mobilisent pleinement en tant que partenaires et alliés stratégiques, ainsi qu'en tant qu'acteurs et bénéficiaires du changement, en faveur de la réalisation de l'égalité des genres et de l'avancement de toutes les femmes et les filles, y compris leur avancement économique, et de la pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales, et qu'il est nécessaire de concevoir et de mettre en oeuvre des politiques et des programmes nationaux visant à associer pleinement les hommes et les garçons aux efforts déployés pour assurer la mise en oeuvre intégrale, effective et accélérée de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, notamment en s'attaquant aux causes profondes des inégalités de genre, telles que les normes sociales négatives et les stéréotypes de genre, et en éliminant toutes les formes de violence et de discrimination à l'égard des femmes et des filles ;
14. Réaffirmons qu'il est nécessaire d'assurer un financement adéquat, prévisible, durable et à long terme, y compris une affectation transparente et efficace des ressources, afin d'éliminer les inégalités structurelles qui constituent des obstacles fondamentaux à la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, notamment en créant et en offrant des possibilités réelles à toutes les femmes et à toutes les filles, en intégrant les femmes dans les systèmes financiers formels et en investissant dans le travail décent pour les femmes, dans des systèmes de protection sociale et des services publics universels, accessibles et durables et en encourageant le développement durable, et constatons qu'il est urgent de mobiliser les ressources nationales et internationales pour donner à toutes les femmes et à toutes les filles les moyens d'agir grâce à des mécanismes novateurs, équitables et efficaces, tels que l'amélioration des régimes fiscaux, l'augmentation des investissements publics, le renforcement de la coopération Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire, ainsi que des partenariats public-privé, et le respect des engagements pris en matière d'aide publique au développement, et en réorientant les politiques fiscales et monétaires, en adoptant une budgétisation tenant compte systématiquement des questions de genre et en élaborant des mesures ventilées et genrées des progrès accomplis en matière de développement durable ;
15. Constatons que de nouvelles difficultés ont vu le jour et réaffirmons fermement notre volonté politique et notre détermination résolue de relever les défis existants et émergents et de remédier aux défauts d'application qui subsistent dans les 12 domaines critiques que sont les femmes et la pauvreté, l'éducation et la formation des femmes, les femmes et la santé, la violence contre les femmes, les femmes et les conflits armés, les femmes et l'économie, les femmes au pouvoir et dans la prise de décision, les mécanismes institutionnels de promotion des femmes, les droits humains des femmes, les femmes et les médias, les femmes et l'environnement, et les filles, et nous engageons à nouveau à prendre de nouvelles mesures concrètes pour assurer la mise en oeuvre intégrale, effective et accélérée de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et des documents finaux de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale, qui peuvent contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable, et à y consacrer les ressources nécessaires, notamment par les moyens suivants :
a) Garantir l'avancement économique des femmes en favorisant leur accès au crédit et à la création d'entreprise, ainsi que le renforcement des capacités, l'inclusion financière et l'alphabétisation financière des femmes et des filles, et en renforçant la coopération avec toutes les parties prenantes concernées, et en promouvant, respectant, protégeant et réalisant les droits des femmes au travail, en tenant compte des obligations découlant des conventions pertinentes de l'Organisation internationale du Travail, en améliorant le plein accès des femmes au marché du travail et l'égalité des chances sur ce marché, ainsi que le travail décent, en prenant des mesures efficaces contre la discrimination, notamment à l'égard des femmes qui deviennent mères, ainsi que contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, en faisant respecter les droits du travail, y compris le droit d'organisation et de négociation collective, en promouvant l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, en assurant la sécurité sociale, en favorisant le passage du travail informel au travail formel dans tous les secteurs, en adoptant toutes les mesures nécessaires pour réduire la ségrégation sur le marché du travail, et en remédiant aux inégalités de salaires et de pensions ;
b) Tenir compte du fait que les femmes et les filles assument une part disproportionnée des soins non rémunérés et du travail domestique, la réduire et la redistribuer, en promouvant le partage égal des responsabilités entre les femmes et les hommes au sein du ménage et en favorisant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, notamment en accordant la priorité aux investissements publics visant à développer et à étendre les systèmes de soins intégrés, y compris les politiques de congé pour soins, la fourniture de services universels de soins et de soutien tout au long de la vie et la reconnaissance, la représentation, la rémunération et la récompense adéquates des aidant(e)s salarié(e)s ;
c) Exploiter le potentiel offert par la technologie et l'innovation et réduire les fractures numériques au sein des pays et entre eux, y compris la fracture numérique entre genres, afin de faire progresser l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et les filles, ainsi que d'élargir les possibilités d'apprentissage numérique, d'alphabétisation et de renforcement des capacités et de faire face aux risques et aux problèmes découlant de l'utilisation des technologies, dans le plein respect des droits humains de toutes les femmes et les filles, tant en ligne que hors ligne, et d'intégrer une perspective de genre dans les décisions politiques et les cadres qui guident le développement des technologies numériques, y compris de l'intelligence artificielle ;
d) Sachant que les femmes et les filles sont davantage exposées au risque de pauvreté, et prenant par conséquent des mesures globales et ciblées pour éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, y compris l'extrême pauvreté, la féminisation de la pauvreté, la pauvreté multidimensionnelle et intergénérationnelle, ainsi que les inégalités structurelles entre les pays et à l'intérieur des pays dans la distribution des services, des ressources et des infrastructures et l'accès à ces derniers, ainsi qu'à l'accès à l'alimentation, à l'eau, à la santé, à une éducation de qualité, à la formation et aux possibilités d'emploi et de travail décent dans les zones urbaines et rurales, isolées et maritimes et dans d'autres établissements humains, afin de briser le cycle de la pauvreté et de la vulnérabilité, et d'éliminer les obstacles structurels à cet égard ;
e) Veiller à ce que toutes les femmes, tout au long de leur vie, y compris celles qui travaillent dans l'économie informelle, dans des emplois précaires et dans des secteurs faiblement rémunérés, ainsi que les femmes chefs de famille, bénéficient d'un accès égal, tant en droit qu'en pratique, à des systèmes de protection sociale complets et universels tenant compte des questions de genre, y compris en ce qui concerne les planchers, les services publics et financiers, les ressources productives, les infrastructures durables, les marchés et les réseaux, ainsi que les technologies d'un coût abordable ;
f) Promouvoir, respecter et protéger le droit de toutes les femmes et de toutes les filles de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, tout au long de leur vie et sans distinction aucune, en vue de la réalisation d'une couverture sanitaire universelle, y compris en ce qui concerne l'offre de services de santé sûrs, disponibles, abordables, accessibles, de qualité et inclusifs, ainsi que la santé maternelle et néonatale, la santé menstruelle et la gestion de l'hygiène, et toutes les maladies transmissibles et non transmissibles ;
g) Promouvoir, protéger et réaliser le droit à l'éducation en tant que moteur essentiel de l'égalité des genres, de l'avancement de toutes les femmes et les filles et de la réalisation du développement durable, en garantissant l'accès à une éducation de qualité inclusive et équitable et en favorisant les possibilités d'apprentissage tout au long de la vie pour toutes les femmes et les filles, notamment en éliminant les obstacles structurels qui entravent leur participation, en renforçant la coopération internationale, en investissant dans les systèmes et les infrastructures d'éducation publique et en assurant la formation et le développement des compétences, y compris dans les domaines des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques, ainsi que des technologies de l'information et de la communication ;
h) Garantir la sécurité alimentaire, la nutrition et le bien-être des femmes et des filles, notamment en travaillant auprès des organisations féminines locales et en soutenant les femmes et les filles vivant en zones rurales, les femmes autochtones, les petites exploitantes et les agricultrices, en accélérant le rythme des efforts déployés pour en finir avec la pauvreté, la faim et les inégalités et en soutenant la transition vers des systèmes agroalimentaires plus durables ;
i) Adopter, financer et mettre en oeuvre des plans d'action nationaux pour prévenir, éliminer et combattre la violence contre toutes les femmes et les filles sous toutes ses formes et manifestations, dans les espaces publics et privés, en ligne et hors ligne, y compris par des approches multisectorielles et coordonnées pour enquêter et traduire en justice et punir les auteurs de violences et mettre fin à l'impunité, et prendre des mesures appropriées pour créer un environnement sûr, favorable et exempt de violence pour les femmes et les filles ;
j) Adopter une approche globale pour éliminer la violence qui se produit par le biais de l'utilisation de la technologie ou qui est amplifiée par celle-ci, y compris dans sa conception, son développement et son déploiement, en luttant contre l'utilisation d'outils numériques, tels que les médias sociaux et les plateformes en ligne et l'intelligence artificielle, à des fins de harcèlement, de racisme, de traite des êtres humains et de toutes les formes d'exploitation et d'atteintes sexuelles contre les femmes et les filles ;
k) Veiller à ce que les victimes et les survivantes de toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des filles, y compris la violence sexuelle et sexiste et la violence sexuelle dans les conflits, bénéficient d'un accès rapide et universel à des services sociaux et de santé de qualité, tels que des services psychologiques et de conseil, ainsi que d'un accès à la justice, y compris à des services juridiques pour mettre fin à l'impunité ;
l) Mobiliser et renforcer les communautés, les institutions et toutes les parties prenantes concernées afin de prévenir, d'éliminer et de combattre toutes les formes de violence à l'encontre des femmes et des filles, ainsi que leurs causes profondes ;
m) Accélérer les progrès vers la participation pleine, égale et réelle des femmes à la direction et à la prise de décision, dans tous les secteurs et à tous les niveaux, y compris, le cas échéant, par des mesures temporaires spéciales, et garantir un environnement sûr et favorable aux femmes et aux filles et supprimer tous les obstacles structurels qui empêchent leur participation ;
n) Mettre en place des mécanismes nationaux efficaces et dotés de ressources suffisantes pour promouvoir, coordonner, mettre en oeuvre et évaluer les politiques et les programmes visant à réaliser l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et les filles, ainsi qu'à assurer la pleine et égale jouissance de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales ;
o) Adopter et mettre en oeuvre une approche globale de l'intégration de la dimension de genre dans les processus de planification, de budgétisation et de financement, notamment par le biais d'une budgétisation et d'un suivi tenant compte des questions de genre dans tous les secteurs ;
p) Promouvoir l'instauration d'environnements sûrs et favorables pour les acteurs de la société civile, en particulier les femmes, les jeunes femmes, les filles, les organisations locales et communautaires, les groupes ruraux, autochtones et féministes, les femmes d'ascendance africaine, les femmes journalistes et les professionnels des médias, ainsi que les syndicats, pour la défense, la protection et la promotion des droits humains et des libertés fondamentales, et prévenir la discrimination, les violations et les atteintes contre ces acteurs, et, conformément aux priorités nationales, promouvoir l'accès à des financements souples, durables et sur le long terme et au renforcement des capacités, afin de favoriser une coopération étroite entre la société civile et les personnes qui sont aux responsabilités, dans le contexte de la promotion de l'égalité des genres et de l'avancement de toutes les femmes et les filles ;
q) Renforcer la protection de toutes les femmes et de toutes les filles en temps de conflit armé et garantir la participation pleine et entière des femmes, sur un pied d'égalité, à tous les niveaux de décision et à toutes les étapes des processus de paix et des efforts de médiation, de la prévention et du règlement des conflits armés, de la consolidation de la paix, de la reconstruction au sortir des conflits et de l'action humanitaire, d'autant qu'il s'agit d'un facteur essentiel pour le maintien et la promotion de la paix et de la sécurité, et encourager l'élaboration, la mise en oeuvre et le financement de plans d'action nationaux, ainsi que le soutien aux organisations locales de femmes et aux artisans de la paix, dans le cadre de la prévention des conflits, de la consolidation de la paix et de la pérennisation de la paix ;
r) Intégrer une perspective de genre dans les politiques relatives à l'environnement, aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe, reconnaître les effets disproportionnés qu'ont les changements climatiques et les catastrophes naturelles sur les femmes et les filles, en particulier celles qui se trouvent dans des situations vulnérables, renforcer la résilience et les capacités d'adaptation des femmes et des filles face aux effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes naturelles, et promouvoir la participation et le leadership des femmes dans la prise de décision sur les questions relatives à l'environnement et aux changements climatiques ;
16. Réaffirmons que la Commission de la condition de la femme est l'entité chef de file en ce qui concerne la suite donnée à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et aux documents finaux de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale et rappelons le travail de suivi accompli par la Commission à cet égard, réaffirmons également son rôle de catalyseur dans la promotion de l'égalité des genres et de l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles, dans la promotion et le suivi de l'intégration des questions de genre au sein du système des Nations Unies, et dans la coordination de la mise en oeuvre et du suivi de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, dans lesquels il est reconnu que la pleine réalisation de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales de toutes les femmes et de toutes les filles est essentielle pour parvenir à l'égalité des genres et à l'avancement des femmes et des filles, et prendre note de l'engagement qui a été pris dans le Pacte pour l'avenir30(*) d'étudier les possibilités de revitaliser la Commission de la condition de la femme, dans le cadre d'un processus intergouvernemental inclusif, avec la participation de tous les États Membres, tout en réaffirmant le mandat de la Commission ;
17. Entendons renforcer les capacités des instituts nationaux de statistiques et de production de données, des institutions gouvernementales et d'autres organismes de recherche et améliorer la coordination de leurs activités en leur donnant des ressources financières, techniques et humains, y compris aux pays en développement, pour améliorer la collecte, l'analyse, la production, la diffusion et l'utilisation éthiques des statistiques et des données genrées ventilées en fonction du revenu, du sexe, de l'âge, de la race, de l'origine ethnique, de la situation matrimoniale, du statut migratoire, du handicap, de la situation géographique et d'autres caractéristiques pertinentes dans les contextes nationaux, tout en préservant les droits à la vie privée et la protection des données, afin d'éclairer la conception, l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation de politiques et de programmes fondés sur des données probantes, et d'identifier les lacunes, d'informer les mesures prises, de suivre et d'évaluer les progrès accomplis en ce qui concerne l'égalité de genre et l'avancement de toutes les femmes et les filles ;
18. Saluons le quinzième anniversaire de la création de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes) et réaffirmons le rôle important qu'elle joue dans la promotion de l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et filles, ainsi que dans l'apport d'un soutien aux États Membres et la coordination du système des Nations Unies et la mobilisation de la société civile, du secteur privé et d'autres parties prenantes concernées, à tous les niveaux, à l'appui de l'application intégrale, effective et accélérée de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et de prise en compte des questions de genre dans l'application du Programme de développement durable à l'horizon 2030 ;
19. Demandons au système des Nations Unies de continuer à soutenir la mise en oeuvre intégrale, effective et accélérée de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, notamment au moyen de l'intégration systématique de la dimension de genre, de partenariats multipartites, de la mobilisation de ressources pour obtenir des résultats et du suivi et de l'évaluation des progrès à l'aide de données ventilées et de systèmes de responsabilité solides et, à cet égard, prenons note de la stratégie du Secrétaire général pour la parité entre les sexes à l'échelle du système et du Plan pour l'accélération de la réalisation de l'égalité des genres dans le système des Nations Unies, ainsi que de la politique de tolérance zéro à l'égard de l'exploitation et des atteintes sexuelles ainsi que du harcèlement sexuel ;
20. Encourageons les États Membres à envisager de présenter des femmes comme candidates lors du prochain processus de sélection au poste de Secrétaire générale et au poste de Présidente de l'Assemblée générale ;
21. Nous félicitons des contributions apportées par la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, les organisations de femmes et les organisations communautaires, les organisations dirigées par des jeunes et toutes les autres parties prenantes, telles que les institutions nationales de défense des droits humains, le cas échéant, à l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, et nous engageons à continuer à apporter un soutien, au moyen de ressources accrues, souples et durables, aux niveaux local, national, régional et mondial, aux efforts déployés par la société civile pour faire progresser et promouvoir l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et les filles, ainsi que la pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales par toutes les femmes et les filles, notamment en promouvant et en garantissant l'instauration d'un environnement sûr et favorable, et constatons qu'il est important d'engager un dialogue ouvert, inclusif et transparent avec la société civile pour favoriser la réalisation de l'égalité des genres et à l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles ;
22. Réaffirmons notre détermination à appliquer de manière intégrale, effective et accélérée la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, les documents finaux de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale et les déclarations de la Commission de la condition de la femme, sachant que c'est un moyen de contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l'horizon 2030 en renforçant nos efforts collectifs pour parvenir à l'égalité des genres et à l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles, y compris au plein exercice de leurs droits humains.
PROGRAMME DE TRAVAIL PLURIANNUEL DE LA CSW (2026-2029) SOUMIS AU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Le Conseil économique et social,
Rappelant que, dans ses résolutions 1987/24 du 26 mai 1987, 1990/15 du 24 mai 1990, 1996/6 du 22 juillet 1996, 2001/4 du 24 juillet 2001, 2006/9 du 25 juillet 2006, 2009/15 du 28 juillet 2009, 2013/18 du 24 juillet 2013, 2016/3 du 2 juin 2016 et 2020/15 du 27 juillet 2020, il a adopté des programmes de travail pluriannuels pour permettre une approche ciblée et thématique pour la Commission de la condition de la femme,
Rappelant également que, dans sa résolution 2022/5, du 8 juin 2022, il a demandé à la Commission de décider, lors de sa soixante-neuvième session, de son futur programme de travail pluriannuel,
Rappelant en outre sa résolution 2022/4, du 8 juin 2022, dans laquelle il a prié la Commission de continuer à utiliser une approche thématique pour ses travaux et d'adopter un programme de travail pluriannuel afin d'assurer la prévisibilité et de disposer de suffisamment de temps pour les préparatifs, et de prendre en considération, dans le choix de son thème prioritaire, outre la Déclaration et le Programme d'action de Beijing31(*) et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale32(*), le programme de travail du Conseil ainsi que le Programme de développement durable à l'horizon 203033(*), de façon à créer des effets de synergie et à contribuer aux travaux du Conseil et à ceux du forum politique de haut niveau pour le développement durable,
Rappelant que l'Assemblée générale, la Commission de la condition de la femme, et lui-même, conformément à leurs mandats respectifs et à la résolution 48/162 de l'Assemblée générale, du 20 décembre 1993 et à d'autres résolutions sur la question, devraient constituer un mécanisme intergouvernemental à trois niveaux qui joue le premier rôle dans l'élaboration et le suivi de politiques globales et dans la coordination de la mise en oeuvre et du suivi de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et des textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire et réaffirmant le rôle de catalyseur que joue la Commission dans la prise en compte systématique des questions de genre dans les politiques et programmes,
Sachant que le Programme d'action de Beijing occupe une place centrale dans les travaux de la Commission de la condition de la femme, et sachant qu'un cadre de suivi et d'examen solide, volontaire, efficace, participatif, transparent et intégré du Programme 2030 apportera une contribution essentielle à la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et aidera les pays à maximiser et à suivre les progrès réalisés afin de veiller à ne laisser personne de côté,
A. Thèmes pour la période 2026-2029
1. Décide que le programme de travail pluriannuel de la Commission de la condition de la femme pour les soixante-dixième, soixante et onzième, soixante-douzième et soixante-treizième sessions sera le suivant :
a) Soixante-dixième session (2026) :
i) Thème prioritaire : Garantir et renforcer l'accès de toutes les femmes et de toutes les filles à la justice, notamment en promouvant des systèmes juridiques inclusifs et équitables, en éliminant les lois, politiques et pratiques discriminatoires et en s'attaquant aux obstacles structurels ;
ii) Thème de l'évaluation : Participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique et élimination de la violence, en vue d'atteindre l'égalité des sexes et l'autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles (conclusions concertées de la soixante-cinquième session) ;
b) Soixante et onzième session (2027) :
i) Thème prioritaire : Accélérer la réalisation de l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles dans le contexte du Programme de développement durable à l'horizon 2030 ;
ii) Thème de l'évaluation : Réalisation de l'égalité des genres et avancement de toutes les femmes et de toutes les filles dans le contexte des politiques et programmes relatifs aux changements climatiques et à la réduction des risques environnementaux et des risques de catastrophes (conclusions concertées de la soixante-sixième session) ;
c) Soixante-douzième session (2028) :
i) Thème prioritaire : Reconnaître et renforcer les systèmes de soins et de soutien pour assurer l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles ;
ii) Thème de l'évaluation : Innovation et évolution technologique, et éducation à l'ère du numérique aux fins de la réalisation de l'égalité des sexes et de l'autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles (conclusions concertées de la soixante-septième session) ;
d) Soixante-treizième session (2029) :
i) Thème prioritaire : Les femmes et les filles dans les situations d'urgence humanitaire : promouvoir la participation et le leadership des femmes et assurer l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles dans ce contexte ;
ii) Thème de l'évaluation : Accélération de la réalisation de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes et des filles par la lutte contre la pauvreté, le renforcement des institutions et un financement tenant compte des questions de genre (conclusions concertées de la soixante-huitième session) ;
2. Prie la Commission d'examiner, à sa soixante et onzième session, en 2027, la meilleure façon de profiter de l'année 2030, année du trente-cinquième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, pour accélérer la réalisation de l'égalité des genres et l'avancement de toutes les femmes et de toutes les filles, ainsi que le plein exercice de leurs droits humains, et de formuler une recommandation à ce sujet ;
3. Affirme que la Commission contribuera, dans le cadre du forum politique de haut niveau pour le développement durable, aux examens thématiques des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable ;
4. Rappelle le paragraphe 67 de la résolution 79/147 de l'Assemblée générale du 17 décembre 2024, et invite la Commission à envisager de faire de la question de la réalisation de l'égalité des genres et de l'avancement de toutes les femmes âgées un domaine d'intervention de sa soixante-dixième session ;
B. Méthodes de travail de la Commission de la condition de la femme
5. Rappelle qu'à sa soixante et onzième session, en 2027, la Commission devrait revoir, le cas échéant, ses méthodes de travail, adoptées par le Conseil économique et social dans sa résolution 2022/4, en tenant compte des résultats du processus d'alignement des ordres du jour de l'Assemblée générale et du Conseil et de ses organes subsidiaires, pour que les travaux de la Commission aient encore davantage d'impact ;
6. Prie le Secrétaire général de présenter à la Commission, à sa soixante et onzième session, un rapport sur les moyens de renforcer encore l'impact des travaux de la Commission, notamment en tenant compte des documents finaux du prochain processus intergouvernemental ouvert à tous, auquel participeront tous les États Membres, en vue d'étudier les possibilités de revitaliser la Commission une fois ce processus achevé, sous les auspices du Président du Conseil économique et social, dans le contexte du trentième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.
* 1 https://www.senat.fr/rap/r21-900-1/r21-900-1.html
* 2 Rapport d'information n° 900 (2021-2022) de Mmes Annick BILLON, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Laurence COHEN et Laurence ROSSIGNOL, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 27 septembre 2022.
* 3 https://www.unwomen.org/en/csw/csw69-2025/side-events/schedule
* 4 https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2025/03/womens-rights-in-review-30-years-after-beijing
* 5 https://www.senat.fr/salle-de-presse/communiques-de-presse/presse/cp20210823.html
* 6 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20211122/ddf_2021_11_25.html
* 7 https://www.senat.fr/salle-de-presse/communiques-de-presse/presse/cp20220927.html
* 8 https://videos.senat.fr/video.3129887_6383f32476fec.conference-femmes-vie-liberte-!---iran-revolte-ou-revolution--
* 9 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20241021/ddf.html#toc4
* 10 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr23-762.html
* 11 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/office-et-delegations/delegation-aux-droits-des-femmes-et-a-legalite-des-chances/detail-actualite/cest-un-veritable-apartheid-fonde-sur-le-genre-qui-se-deroule-sous-nos-yeux-en-afghanistan-4099.html
* 12 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20250120/2025-23-01_ddf_narges_mohammadi.html
* 13Rapport d'information n° 550 (2020-2021) de Mme Claudine LEPAGE : https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-550-notice.html
* 14 https://www.vie-publique.fr/discours/297690-jean-noel-barrot-08032025-diplomatie-feministe
* 15 https://sg.ambafrance.org/Femmes-victimes-de-violences-numeros-d-appel
* 16 https://videos.senat.fr/video.5420062_682f3ddef0c0f.les-diplomaties-en-faveur-des-droits-des-femmes-
* 17 Rapport de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 4-15 septembre 1995 (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.96.IV.13), chap. I, résolution 1, annexes I et II.
* 18 Résolutions S-23/2, annexe, et S-23/3, annexe.
* 19 Résolution 70/1 de l'Assemblée générale.
* 20 Voir Documents officiels du Conseil économique et social, 2005, Supplément no 7 et rectificatif (E/2005/27 et E/2005/27/Corr.1), chap. I, sect. A. et décision 2005/232 du Conseil économique et social ; Documents officiels du Conseil économique et social, 2010, Supplément no 7 et rectificatif (E/2010/27 et E/2010/27/Corr.1) chap. I, sect. A, et 2010/232 du Conseil économique et social ; Documents officiels du Conseil économique et social, 2015, Supplément no 7 (E/2015/27), chap. I, sect. C, résolution 59/1, annexe ; et ibid., 2020, Supplément no 7 (E/2020/27), chap. I, sect. A.
* 21 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1249, no 203
* 22 Ibid., vol. 2131, no 203
* 23 Résolution 217 A (III) de l'Assemblée générale, annexe.
* 24 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1577, 2171, 2173 et 2983, no 27531.
* 25 Voir résolution 2200 A (XXI) de l'Assemblée générale, annexe.
* 26 Ibid.
* 27 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2515, no 449
* 28 Ibid., vol. 660, no 9464.
* 29 Ibid., vol. 2220, no 39481 ?
* 30 Résolution 79/1 de l'Assemblée générale.
* 31 Rapport de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 4-15 septembre 1995 (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.96.IV.13), chap. I, résolution 1, annexes I et II.
* 32 Résolutions S-23/2, annexe, et S-23/3, annexe, de l'Assemblée générale ?
* 33 Résolution 70/1 de l'Assemblée générale.