PREMIÈRE
PARTIE :
SYNTHÈSE DES DONNÉES DE L'APPLICATION DES
LOIS
I. LE BILAN ANNUEL DE L'APPLICATION DES
LOIS :
UN OUTIL DE CONTRÔLE INDISPENSABLE DU SENAT
A. UN EXERCICE ENCADRÉ DANS LE TEMPS RÉPONDANT À UNE EXIGENCE DÉMOCRATIQUE
1. Un caractère obligatoire
Le Conseil d'État a consacré, dès 1962, l'obligation pour le Gouvernement de prendre des mesures règlementaires d'application des lois1(*). Ainsi, toute personne intéressée à agir peut saisir le Conseil d'État après l'écoulement d'un délai raisonnable2(*) afin d'enjoindre le Gouvernement de prendre les textes en question3(*).
Comme le souligne régulièrement les juges dans leurs décisions, « l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi »4(*).
2. Un exercice encadré dans le temps
Le Sénat assure le suivi de l'application des lois depuis cinquante ans. Le présent rapport constitue ainsi un bilan de l'application des lois adoptées au cours de la session 2023-2024, c'est-à-dire entre le 1er octobre 2023 et le 30 septembre 2024.
Il est établi au 31 mars 2025, soit six mois après la clôture de la session. Depuis la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008, le Gouvernement s'est en effet fixé pour objectif un délai de six mois pour publier les mesures réglementaires d'application des lois. Cet objectif a été réaffirmé par la circulaire de la Première ministre du 27 décembre 2022 relative à l'application des lois.
3. Une exigence démocratique
Outre la mention du délai de six mois, la circulaire du 27 décembre 2022 réaffirme le rôle central du SGG et des correspondants ministériels de l'application des lois. Elle insiste sur la nécessité d'une application rapide de la loi, qui répond à « une triple exigence de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ». Elle précise que « chaque disposition législative qui demeure inappliquée est une marque d'irrespect envers la représentation nationale et de négligence vis-à-vis de nos concitoyens ».
En effet, même si les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent - ou, en l'absence de précision, le lendemain de leur publication - , certaines de leurs dispositions ne sont toutefois applicables qu'une fois publiées les mesures réglementaires - décrets et arrêtés - nécessaires à leur mise en oeuvre.
La méconnaissance du processus complet d'adoption et de mise en oeuvre des lois, associée à une lenteur excessive dans la prise des textes réglementaires requis, peuvent susciter des incompréhensions d'autant plus grandes que la médiatisation des projets du Gouvernement a été forte.
L'exécutif, qui cherche à faire converger le temps du législateur avec celui de l'information, ne semble pas parvenir à se conformer à la rigueur de l'application des lois. Le suivi des textes pris en application de dispositions législatives, exercé de longue date par le Sénat apparaît donc, dans ces conditions, toujours plus nécessaire.
* 1 Conseil d'État, 13 juillet 1962, Sieur Kevers Pascalis, n° 45 891 et Conseil d'État, Assemblée, 27 novembre 1964, Dame Veuve Renard, n° 59 068.
* 2 Conseil d'État, 28 juillet 2000, n° 204 024, Rec.
* 3 La seule limite de cette obligation tient au cas où la loi méconnaîtrait un engagement international de la France, notamment le droit de l'Union européenne. Dans un tel cas, le Gouvernement a, au contraire, l'obligation de ne pas appliquer cette loi et, par conséquent, de ne pas prendre les décrets d'application correspondants (Conseil d'État, 24 février 1999, Association de patients de la médecine d'orientation anthroposophique, n° 195 354, Rec.)
* 4 Ce rappel figure notamment dans la décision n° 459 252 du Conseil d'État du 13 novembre 2023. Cette décision enjoint le Gouvernement à prendre dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, un décret relatif à la chasse prévu par la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité.