III. UNE GRANDE DIVERSITÉ DE SITUATION FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS À NE PAS SOUS-ESTIMER DANS LE CADRE DE LEUR CONTRACTUALISATION
Au-delà des données macroéconomiques, la situation des établissements est très variable selon leurs caractéristiques. Si le schéma d'ensemble n'est pas inquiétant, dans un contexte de contraction de la dépense publique qui a jusqu'à présent comparativement préservé l'enseignement supérieur, il est néanmoins vrai que de plus en plus d'établissements font face à des difficultés financières.
Le cadre juridique visant à déterminer les établissements dont la situation budgétaire n'est plus soutenable a été très récemment rénové. Depuis un décret de décembre 20249(*) modifiant l'article R. 719-61 du code de l'éducation, l'analyse de la soutenabilité budgétaire d'un établissement repose sur trois critères : la trésorerie, le niveau du fonds de roulement et les charges de personnel. Ces critères remplacent le précédent critère de la perte au compte de résultat sur deux comptes financiers successifs. Le décret prévoit également de supprimer l'autorisation préalable du recteur de région académique pour que les établissements puissent prélever sur leurs réserves.
Les seuils d'alerte sont fixés par un arrêté également publié en décembre 202410(*). Pour se trouver dans une situation financière considérée comme soutenable, les établissements doivent :
- disposer d'un niveau de trésorerie supérieur à 30 jours de fonctionnement de l'établissement ;
- disposer d'un niveau de son fonds de roulement supérieur à 15 jours de fonctionnement ;
- ne pas voir leurs charges de personnel dépasser 83 % (ou 85 % dans le cas des établissements en lettres et sciences humaines) de leurs recettes.
Concernant le niveau de trésorerie, d'après la Cour des comptes11(*), la part de la trésorerie fléchée pour l'ensemble des opérateurs du programme 150 a nettement progressé sur les années 2020-2023 : la part des ressources non immédiatement mobilisables a augmenté de 30 % en quatre ans.
La médiane du niveau de trésorerie pour l'ensemble des établissements RCE reste deux fois supérieure au seuil d'alerte de 30 jours, malgré une dégradation par rapport aux années précédentes. En revanche, une vingtaine d'établissements sont proches du seuil d'alerte.
Évolution de la trésorerie des établissements d'enseignement supérieur
(en jours de trésorerie disponible)
Source : commission des finances d'après les données du ministère
La capacité d'autofinancement des établissements d'enseignement supérieur a diminué sur la période de 25 %. Les dettes financières atteignent ainsi un niveau élevé de 866 millions d'euros pour l'ensemble des opérateurs du programme 150.
Concernant le deuxième critère, les niveaux des fonds de roulement des établissements d'enseignement supérieur commencent à refluer après avoir atteint des niveaux particulièrement élevés au cours des dernières années.
Le nombre d'établissements en difficulté au sens du nouveau décret est néanmoins en hausse : un seul établissement disposait d'un fonds de roulement inférieur à 15 jours en 2023. Ils étaient 24 en 2024. En revanche, 44 établissements conservaient un fonds de roulement supérieur à 50 jours. Pour 21 établissements, le fonds de roulement était supérieur à 80 jours de fonctionnement.
Évolution des fonds de roulement disponibles
(en jours et en nombre d'établissements)
Note : ce graphique représente le fonds de roulement des seuls établissements RCE
Source : commission des finances d'après les données du ministère. Données 2024 non définitives.
Concernant le dernier critère, en 2024, 28 établissements ont des charges de personnels supérieures à 83 % de leurs produits.
Il faut noter que cette même année, seuls 6 établissements remplissaient cumulativement les trois critères et concentrent les plus grandes difficultés qui appellent à une vigilance accrue.
L'analyse macroéconomique de la situation des établissements d'enseignement supérieur va dans le sens d'une résilience des indicateurs financiers, dans un contexte de croissance des budgets et des moyens octroyés par l'État depuis la loi LRU, même si les dépenses augmentent, elles, parallèlement plus vite. La contractualisation avec les établissements doit constituer un outil de pilotage pour les établissements les mieux dotés et de sauvegarde pour ceux les plus en difficulté.
* 9 Décret n° 2024-1108 du 2 décembre 2024 relatif au budget et au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
* 10 Arrêté du 5 décembre 2024 relatif aux seuils de soutenabilité budgétaire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel du ministère chargé de l'enseignement supérieur.
* 11 Analyse de l'exécution budgétaire 2023 sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », Cour des comptes, avril 2024.