B. LE CONTENU DES CONTRATS : UN ÉVENTAIL LARGE DE PROJETS DIVERSEMENT PERTINENTS

1. Un cadre contractuel formalisé par le ministère autour de priorités nationales, mais qui ne se retrouve pas toujours dans les contrats

Le pilotage des COMP se voulait innovant par rapport au DSG en priorisant la contractualisation autour d'objectifs nationaux, renforçant le pilotage du ministère autours d'orientations prioritaires. Ce canevas, structuré autour de 6 objectifs, devait garantir la cohérence des contrats.

Ces six objectifs sont les suivants :

- renforcer le pilotage de l'offre de formation, pour améliorer la réussite des étudiants et leur insertion professionnelle ;

- développer la recherche et l'innovation au meilleur niveau européen et international ;

- mobiliser l'enseignement supérieur et de la recherche en faveur de la transition écologique et le développement soutenable (TEDS) dans l'ensemble de ses dimensions ;

- améliorer le bien-être et la réussite des étudiants ;

- améliorer la gestion et le pilotage de l'établissement ;

- s'y ajoute un objectif dit « signature », propre à chaque établissement.

Présentation des objectifs - Extraits du guide méthodologique
de la vague 2

Source : commission des finances d'après le guide méthodologique de la vague 2

Dans le cas spécifique des COMP dits « aménagés », ces objectifs sont réduits au nombre de deux axes obligatoires (pilotage de l'offre de formation et transition écologique) et un axe facultatif.

Chacun de ces objectifs se décline en plusieurs sous-objectifs, eux-mêmes accompagnés d'indicateurs. Théoriquement, les circulaires prévoient que chaque objectif doit contenir :

- une description de la stratégie générale de l'établissement et de la manière dont le COMP permettra de franchir une étape supplémentaire ;

- une description très opérationnelle de l'action qui fera l'objet du COMP ;

- un indicateur de résultat du déploiement de l'action ;

- un modèle économique précis, exposant la trajectoire financière pendant trois ans.

Là encore, si le cadre fixé par le ministère semble pertinent, très peu d'établissements ont réellement fait figurer l'ensemble de ces indications dans leurs COMP. En particulier, l'inscription des actions dans un modèle économique plus large est quasiment inexistante, ce qui est particulièrement dommageable dans un contexte de contraction des ressources des établissements. Si de nombreuses actions sont listées, leur coût n'est quasiment jamais évoqué dans les contrats, leur impact sur la performance de l'établissement encore moins (à l'exception de l'axe « pilotage », davantage chiffré).

2. Des objectifs diversement pertinents qui mériteraient d'être recentrés sur les actions les plus structurantes

Les six objectifs n'ont cependant pas tous un intérêt identique en termes d'amélioration du pilotage de l'enseignement supérieur.

a) Une réelle plus-value de l'axe « formation »

Les établissements comme le ministère s'accordent sur l'intérêt de l'axe « Formation ». Sur ce point, les COMP ont pu constituer un prolongement des dispositifs ORE, en y intégrant, et cela constitue un important atout, une notion de performance. Le rapporteur spécial avait mis en évidence le manque de suivi de l'efficience des dispositifs et une absence de vision globale du ministère sur les places à l'université19(*). L'outil Quadrant est en partie venu répondre à ces critiques et constitue une nette amélioration du pilotage de l'offre de formations au niveau national.

Un outil de suivi des places disponibles dans les différentes formations :
une évolution positive

Le rapporteur spécial avait fait du déploiement d'un système d'information centralisé au niveau du ministère permettant le suivi des places ouvertes dans les formations une recommandation centrale de son rapport précédemment mentionné sur le suivi de la loi ORE.

De fait, le ministère a mis en place un système spécifique répondant partiellement à cette observation. Cet outil, dénommé Quadrant, permet à chaque établissement de disposer de données d'analyse de performance comparative de leur offre de formation en matière de réussite étudiante et d'insertion professionnelle.

La Cour des comptes souligne certaines limites de l'outil :

- les données de performance introduites dans l'outil sont anciennes (données remontées en années n-3) avec un risque d'obsolescence. Certains établissements ont pu recevoir des listes de formations à transformer qu'ils avaient déjà transformées, voire supprimées.

- en matière d'insertion professionnelle, seules les sorties en emploi salarié en France sont prises en compte à ce jour, ce qui peut être problématique pour les formations tournées vers l'international, mais aussi pour celles dont l'insertion en emploi peut relever pour tout ou partie de statut libéral ou indépendant.

- les données de performance ne tiennent pas compte du contexte socio-économique des formations priorisées et notamment du profil et du niveau des étudiants accueillis dans les formations. La Cour des comptes appelle donc à ancrer cet outil sur des indices de valeur ajoutée des établissements.

Si le ministère doit travailler sur ces aspects, Quadrant constitue toutefois une avancée permettant au ministère d'avoir une vision globale et à chaque établissement de pouvoir se comparer à d'autres. À cet égard, si Quadrant n'a pas vocation à être l'unique grille de pilotage de l'offre de formation, il est crucial que les établissements continuent de s'en emparer.

Source : commission des finances

Les établissements de la première vague étaient déjà incités à axer leurs réflexions sur la rénovation de leurs formations. Quadrant n'a pu être utilisé pour la construction du COMP que pour les établissements de la deuxième vague. Il a alors constitué un référentiel commun permettant aux établissements d'évaluer le nombre de formations transformées (ouvertes, fermées ou renforcées), sur la base de la performance en termes d'insertion professionnelle déterminée grâce à Quadrant.

27 COMP de la vague 2 contiennent une cible de formations transformées. Celle-ci va d'ailleurs du simple au quadruple selon les établissements, sans que les établissements les plus gros ne soient forcément ceux qui modifient le plus leurs formations. Au total, 204 formations devraient être transformées pour la seule vague 2.

Indicateur « Nombre de formations transformées parmi les moins performantes » pour les établissements de la vague 2

Établissement

 

Cible 2025 de formations transformées

Université d'Artois

 

8

Université d'Orléans

 

6

Cergy

 

6

Université Le Mans

 

8

Université du Littoral Côte d'Opale

 

7

Université Lyon 3

 

5

Université Claude Bernard - Lyon 1

 

4

Université Lumière Lyon 2

 

10

Université Paul-Valéry Montpellier 3

 

13

Université de Haute-Alsace

 

2

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

11

Université de Pau et des Pays de l'Adour

 

7

Université de Reims Champagne-Ardenne

 

10

Université de Rouen Normandie

 

16

Université de Toulon

 

7

Université de Tours

 

5

Université Paris 10 - Nanterre

 

17

Université Bretagne Sud

 

3

Université d'Evry-Val d'Essonne

 

10

Université de Franche-Comté

 

8

Université de Caen Normandie

 

10

Université de Nîmes

 

6

Université Paris-Est Créteil

 

4

Université Picardie Jules Verne

 

7

Université de Perpignan

 

10

Université Savoie Mont blanc

 

4

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

 

Modalités de calcul à définir

Total

 

204

Source : commission des finances

b) En dehors de l'axe « pilotage et gestion », des projets moins transformants

L'axe « Pilotage et gestion » a pu réellement constituer un levier d'amélioration structurant. Les établissements s'accordent sur la plus-value d'une contractualisation avec l'État sur ces sujets, notamment la réalisation d'un schéma immobilier, dont la présence dans les COMP est fréquente. On note là encore une forte hétérogénéité des actions figurant dans les contrats, allant des ressources humaines (mise en place d'un baromètre du bien-être au travail, limitation des vacances de postes...) ; aux systèmes d'information (notamment renforcement de la sécurité des systèmes d'information), en passant par l'immobilier.

Les fonctions supports, qui représentent les très grandes masses financières, doivent être davantage au coeur de la réflexion stratégique. La vertu des COMP est certes d'avoir inscrit ces enjeux dans un dialogue stratégique mais il serait souhaitable que ce soit davantage le cas à l'avenir.

L'axe « transition écologique », faisant figure de passage obligé de l'action publique, s'est pour de nombreux établissements uniquement traduit par la mise en place d'actions de formation au développement durable, figurant obligatoirement dans les COMP des trois vagues20(*). Cet axe a davantage permis aux établissements de valoriser en opportunité les actions qu'ils menaient déjà, alors que le principal levier sur la réduction de l'impact environnemental des universités est la rénovation thermique des bâtiments, et alors même que l'immobilier relève de l'axe « Pilotage ». Sans remettre en cause l'intérêt théorique de cet objectif, il apparaît que les projets portés sont moins structurants (citons ainsi la construction d'abris à vélo ou de panneaux photovoltaïques, dont on peut se demander s'ils relèvent du niveau d'un contrat avec l'État).

Les actions dédiées à la réussite et au bien-être des étudiants paraissent pour certaines anecdotiques (construction d'une maison des associations ou d'une maison des étudiants, achat d'un véhicule de type « Doctobus », etc...). En outre, les établissements disposent déjà d'un financement fléché sur ces actions par le biais de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC). Certains établissements ne se sont d'ailleurs pas du tout emparés de cet axe (le COMP de l'université Lyon 3 ne mentionne aucun sous-objectif et aucun indicateur sur ce volet).

Enfin, l'axe « Recherche » rejoint les enjeux liés au développement des ressources propres des établissements et à l'accroissement du taux de financement européen de projets de recherche français. À cet égard, il constitue une des pistes intéressantes des COMP, malgré la faible association des organismes de recherche (cf. infra).

Recommandation : recentrer les COMP sur les objectifs liés au pilotage et à la gestion des établissements d'une part, et à la formation et à la recherche d'autre part (DGESIP)

3. Une réflexion encore inaboutie autour de la définition de la « signature » des établissements

Les COMP se voulant un outil de développement stratégique des établissements, les axes nationaux ont été complétés par un axe dit « signature ». Celui-ci a vocation à présenter l'enjeu ou l'axe de développement principal de l'établissement. L'existence de cet axe « signature » a été salué par beaucoup d'établissements - et par la Cour des comptes - comme ayant permis de cristalliser la réflexion des établissements sur la définition de leur profil stratégique.

La circulaire méthodologique de la vague 3 est très claire : la « signature » du COMP n'est pas une partie descriptive exhaustive des activités de l'établissement. Elle exige de l'établissement qu'il choisisse un angle de présentation et expose les points saillants qui constitueront pour les trois années du COMP les défis auxquels il entend se confronter et qu'il s'engage à relever ». Le ministère indique que « la « signature » doit donc correspondre à l'élément clé qui permettra à l'établissement, au terme de la durée du COMP, d'être immédiatement identifié et reconnu sur le segment choisi ».

Là encore, la réalité des contrats montre de grandes différences de compréhension de cette consigne selon les établissements. L'examen des axes « signatures » des établissements de la vague 2 révèle qu'in fine, peu d'entre eux ont été capables de mettre en place un objectif relevant véritablement de la stratégie de l'établissement, réalisable et assorti d'indicateurs crédibles.

Si plusieurs établissements ont fait le choix d'une thématique spécifique (l'intelligence artificielle et le développement international étant deux enjeux récurrents), nombre d'entre eux n'ont pas réussi à sélectionner un seul objectif stratégique. Certains établissements ont au contraire accumulé plusieurs items, parfois sans aucun lien et fréquemment sans que ceux-ci ne soient assortis d'indicateurs. Ainsi, l'université Lyon 2 a pour axe signature un triple objectif « structurer la démarche partenariale ; mettre en place des collaborations innovantes ; lancer une politique structurée du Réseau Alumni ». De même, l'université de Reims Champagne-Ardenne accumule également plusieurs signatures : « renforcer l'identité et la visibilité de l'URCA et la positionner comme le leader académique dans le domaine de la bioéconomie et de l'environnement ; Consolider l'engagement, attirer et fidéliser les talents et passer du sentiment d'appartenance au sentiment de fierté ; Identifier les valeurs et construire l'image renouvelée de l'URCA ».

D'autres établissements ont indiqué comme étant leur objectif « signature » des enjeux qui relèvent clairement des autres axes du contrat. À titre d'exemple, l'axe signature de l'université du Littoral Côte d'Opale, est « améliorer la réussite étudiante et l'insertion professionnelle », ce qui constitue un doublon avec les axes « réussite étudiante » et « bien-être étudiant », communs à tous les établissements. L'université Paris-Est Créteil a pour objectif signature la production d'un schéma directeur des ressources humaines, qui aurait eu toute sa place dans l'axe « Pilotage ».

Certaines signatures demeurent assez pauvres sur le plan stratégique, mobilisant des concepts vagues et peu adaptés à une contractualisation à la performance. L'université du Mans a pour objectif d'être « un acteur du développement socio-économique du territoire et une université efficiente et agile au service de ses communautés ». L'INSA Lyon a pour objectif de « développer le Groupe INSA et les grands réseaux internationaux pour répondre aux enjeux socio-écologiques ». Enfin, l'axe signature de l'Université d'Orléans consiste à « construire la signature de l'établissement ».

Si le principe d'un axe adapté aux priorités de l'établissement doit être conservé, les prochains COMP devront nécessairement s'accompagner d'un travail d'harmonisation afin de parvenir à une amélioration générale de la qualité des actions et des indicateurs.

Recommandation : limiter à deux au total les indicateurs au choix de l'établissement et assurer une harmonisation de la qualité des actions et des indicateurs (DGESIP et rectorats)

Axes « signature » des établissements de la vague 2

Université d'Artois

Développer des outils d'intelligence artificielle (IA) appliqués au domaine de la logistique

Sciences-Po 

Promotion des valeurs de la République - Exemplarité en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination

Université d'Orléans

Construire la signature de l'établissement (réalisation de cartographies comparatives, actions de communication ...)

École centrale de Marseille

Soutenir et transformer la politique RH

IAE Paris-Sorbonne

Obtenir une accréditation internationale dédiée aux écoles de management

Inalco

Accompagner la numérisation des outils de pilotage et de diffusion de l'offre de formation de l'Inalco

INSA Toulouse

Rénover le modèle social de l'INSA

INSA Lyon

Développer le Groupe INSA et les grands réseaux internationaux pour répondre aux enjeux socio- écologiques

Université Le Mans

Construire une stratégie de marketing universitaire et territorial ; Être un acteur du développement socio-économique du territoire ; Une université efficiente et agile au service de ses communautés

Université du Littoral Côte d'Opale

Améliorer la réussite étudiante et l'insertion professionnelle

Université de Lorraine

Développer de nouvelles formes de présence de l'université dans les territoires

Université Lyon 3

Renforcer l'accessibilité et l'inclusion

Université Claude Bernard - Lyon 1

Mettre en place des « Graduate schools »(GS) ; Structurer et pérenniser les partenariats académiques et socio-économiques de l'UCBL

Université Lumière Lyon 2

Structurer la démarche partenariale ; Mettre en place des collaborations innovantes ; Lancer une politique structurée du Réseau Alumni

Université Paul-Valéry Montpellier 3

Développer une recherche intensive en Lettres Langues Arts Sciences Humaines et Sociales (LLASHS)

Université de Haute-Alsace

Sensibiliser la communauté à l'IA

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Faire de Paris 1 Panthéon-Sorbonne une université internationale

Université de Pau et des Pays de l'Adour

Déployer un programme de formation au développement d'une carrière international (DUI) pour être un acteur du dynamisme des territoires à l'échelle régionale, nationale, européenne et internationale

Université de Reims Champagne-Ardenne

Renforcer l'identité et la visibilité de l'URCA et la positionner comme le leader académique dans le domaine de la bioéconomie et de l'environnement ; Consolider l'engagement, attirer et fidéliser les talents et passer du sentiment d'appartenance au sentiment de fierté ; Identifier les valeurs et construire l'image renouvelée de l'URCA

Université de Rouen Normandie

Affirmer la signature/identité de l'université autour de la transition socio-écologique et du développement soutenable

Université de Toulon

Renforcer la communication externe de l'UTLN ; Élaborer et lancer le schéma directeur de la communication

Université de Tours

Porter à l'échelle européenne l'offre de master et doctorat sur les domaines d'excellence du projet "Loire Val-Health" (biomédicaments, infectiologie et one healt , santé mentale) ; Poursuivre la structuration des plateformes d'analyse biologique et de bioproduction et leur insertion dans des infrastructures nationales ; Structurer les échanges avec les ONR

Université Paris 10 - Nanterre

Développer la signature "innovation sociale" de l'établissement en équipant de nouvelles salles (EAD et Coil) et en améliorant la connectivité de l'établissement

Université Bretagne Sud

Consolider la notoriété spontanée de l'UBS per l'attractivité de l'UBS ; Développer un sentiment d'appartenance à l'UBS et de fierté auprès de toute notre communauté ; Attirer des collaborateurs et fidéliser ceux déjà en poste (marque employeur)

Université d'Evry-Val d'Essonne

Créer une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU)

Université de Caen Normandie

Soutenir le déploiement de Services Publics + ; Lutter contre les VSS, les discriminations et le harcèlement (cellule d'écoute, projet INEDI)

Université de Nîmes

Mettre en oeuvre le transfert de la gestion de l'antenne de Mende de l'université de Perpignan vers l'université de Nîmes

Université Paris-Est Créteil

Produire un SDRH (Schéma Directeur des Ressources Humaines)

Université Picardie Jules Verne

Améliorer l'accompagnement des mobilités ; Développer l'internationalisation des formations

Université de Perpignan

Renforcer la marque UPVD

Université Savoie Mont blanc

Établir une cartographie de l'ensemble des partenariats internationaux et renforcer l'attractivité de l'USMB

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Développer une filière ingénieur NewSpace

Source : commission des finances


* 19 Bilan du financement de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), rapport d'information de Vanina PAOLI-GAGIN, n° 790 (2022-2023), déposé le 28 juin 2023.

* 20 Il faut cependant noter que certains COMP font figurer l'action de formation aux enjeux écologiques dans l'axe « formation » et non dans l'axe « transition écologique ».

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