III. RÉPONDRE AU MAL-ÊTRE DE LA PSYCHIATRIE : PRIORISER LE RENFORCEMENT DES CENTRES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET DE L'ALLER-VERS
A. LE SYSTÈME DE PRISE EN CHARGE EN PSYCHIATRIE EST EMBOLISÉ ET CARACTÉRISÉ PAR DE FORTES INÉGALITÉS TERRITORIALES
1. Le manque d'attractivité de l'exercice de la psychiatrie, surtout en territoire rural, compromet l'égal accès aux soins
Bien que le nombre de psychiatres en France soit comparable à la moyenne des pays européens, la démographie médicale ne parvient pas, dans certains territoires, à répondre à la forte croissance des besoins : sur ces vingt dernières années, le nombre d'enfants et d'adolescents suivis en pédopsychiatrie a augmenté de 60 % et les hospitalisations ont plus que doublé.
En psychiatrie publique, un tiers des postes de psychiatres sont vacants. La situation est plus alarmante encore en pédopsychiatrie : le nombre de salariés hospitaliers a diminué de 40 % entre 2010 et 2025, et un quart des départements sont dépourvus de pédopsychiatre.
Densité moyenne de pédopsychiatres par département au 1er janvier 2025
Source : Conseil national de l'Ordre des médecins
Le déficit d'attractivité de la psychiatrie s'explique tant par des causes historiques (représentations sociales stigmatisantes et misérabilistes de la psychiatrie) que par des causes plus conjoncturelles, liées aux conditions d'exercice (contraintes associées aux hospitalisations sans consentement, violences physiques et verbales des patients, charge de travail qui se répercute sur la qualité de l'accompagnement et du soin).
La désertification médicale empêche la prise en charge des patients dans des délais raisonnables, concourant à la chronicisation des troubles, laquelle alimente à son tour la dynamique à la hausse des besoins en soins et l'engorgement des services des urgences psychiatriques.
Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu'il serait utile de cartographier les besoins en soins psychiatriques à l'échelle du territoire national, pour flécher les moyens vers les territoires les plus en tension. À court terme, le renforcement des effectifs pourrait également être facilité par la simplification du dispositif d'autorisation d'exercice des praticiens étrangers (Padhue) d'une part, et l'augmentation du nombre de stages réalisés par les étudiants en médecine en psychiatrie, en priorisant les hôpitaux non universitaires.
2. Les centres médico-psychologiques (CMP), pierre angulaire du système de prise en charge en psychiatrie, sont embolisés
Les CMP assurent la majeure partie des soins psychiatriques réalisés en ambulatoire. Du fait de leur positionnement entre la prise en charge de premier niveau et l'hospitalisation, ils sont la pierre angulaire du système de prise en charge des patients atteints de troubles psychiques.
Ce rôle contraste néanmoins avec le manque de moyens dont ils souffrent et les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous médical (jusqu'à 6 mois, par exemple, dans les Pays de la Loire). Les CMP sont en effet saturés, en lien avec la croissance des besoins : en 2017, près de 1,6 million de patients sont pris en charge par les dispositifs ambulatoires soit une multiplication par trois depuis 1989. Dépassés, les CMP peinent à accomplir toutes les missions qui leur incombent, notamment en matière de prévention et de suivi à domicile.
En réponse à ces difficultés, une enveloppe de 56 millions d'euros a été annoncée en 2021 pour renforcer les CMP, avec un effort particulier pour les structures infanto-juvéniles, dans l'optique de recruter 800 équivalents temps plein (ETP) non médicaux (infirmiers, psychologues). Toutefois, les CMP se heurtent à d'importantes difficultés de recrutement.
3. Les établissements psychiatriques et les urgences sont saturés
Les établissements psychiatriques sont également en grande difficulté, particulièrement dans les territoires ruraux et semi-ruraux, qui cumulent les carences : effectifs de praticiens hospitaliers faibles et dégressifs, secteur libéral en cours de délitement voire absent et population défavorisée. En effet, en zone rurale, le taux d'occupation des hôpitaux psychiatriques dépasse souvent les 85 % recommandés.
Ces tensions résultent en grande partie du manque de professionnels de santé observé dans ces territoires, vers lesquels les étudiants en médecine n'affluent pas. Plus globalement, la saturation des établissements psychiatriques est favorisée par l'embolisation des structures chargées de la prise en charge de premier niveau et des CMP. Les rapporteurs relèvent également que le manque de solutions médico-sociales se répercute sur les taux et les durées d'hospitalisation.
Enfin, les services des urgences ne sont pas épargnés par les difficultés de prise en charge des patients en souffrance psychique. Les passages aux urgences pour motifs psychiatriques sont en augmentation ces dernières années (+ 21 % sur la période 2019-2023), concourant à la saturation des services. Les rapporteurs estiment que l'amélioration du recours aux soins de proximité et le développement des dispositifs pour mieux orienter les patients (filières psychiatriques des services d'accès aux soins - SAS Psy, centres renforcés d'urgences psychiatriques - CRUP notamment) seraient de nature à réduire cette saturation.
4. Le déploiement des IPA en psychiatrie et santé mentale : une lueur d'espoir ?
Les compétences élargies des IPA mention psychiatrie et santé mentale (PSM), s'agissant par exemple du renouvellement de prescription, du suivi de l'observance des traitements, de la coordination des parcours, leur autonomie accrue et leur spécialisation en font des professionnels précieux pour tous les lieux de prise en charge psychiatriques.
À rebours de certaines réticences concernant les IPA, les rapporteurs ont constaté qu'un large consensus prévalait dans le corps médical, et notamment chez les psychiatres, quant à la plus-value des IPA mention PSM. Il convient dès lors d'encourager leur recrutement dans les services psychiatriques, les CMP mais, également, au sein de l'éducation nationale ou de l'ASE puisque cette possibilité a récemment été ouverte par la loi.
Le faible nombre des IPA PSM (548 au niveau national) s'explique par le caractère récent de cette profession mais également par certains freins qu'il convient de lever. Le développement plus rapide des IPA PSM achoppe sur les modalités de formation à la pratique avancée des infirmières. Plus généralement, la rémunération des IPA, dans la fonction publique comme en libéral, ne rend pas cette profession attractive.
Recommandation n° 17 : Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique (Pouvoir règlementaire).
Recommandation n° 18 : Revoir le modèle économique des IPA PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral (Assurance maladie).