IV. LE FNADT : UN OUTIL À FORT POTENTIEL AU SERVICE DES POLITIQUES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE QU'IL CONVIENT DE CONSOLIDER

Face à un outil de financement souple aux effets économiques vertueux, mais qui n'entre pas dans les cases budgétaires traditionnelles, tout en conférant une grande marge de manoeuvre à l'autorité préfectorale, le rapporteur spécial pressent, à l'issue de son contrôle budgétaire, une menace sérieuse sur la pérennité du FNADT. Au regard des montants très modestes en jeu (entre 150 et 300 millions d'euros selon les années), de l'effort consenti au titre de la loi de finances pour 2025 et de l'importance du dispositif pour la politique d'aménagement du territoire, il s'oppose à toute suppression, réduction ou fusion du FNADT, qu'il considèrerait contre-productives et dangereuses pour la cohésion territoriale.

Le rapporteur spécial tient notamment à mettre en garde contre les effets particulièrement néfastes que susciterait une nouvelle amputation des crédits alloués au FNADT. Il n'est pas concevable que les politiques publiques rattachées au FNADT disparaissent, qu'il s'agisse des dispositifs contractualisés ou nationaux. Revenir en arrière sur des politiques que décline le plan France ruralités et plébiscitées par les acteurs de terrain, tels que les espaces France services, lui paraitrait un contresens majeur et incompréhensible au regard du faible gain budgétaire escompté. Il met également en garde contre une diminution supplémentaire des crédits contractualisés, sur lesquels comptent les élus locaux, soulignant qu'une telle évolution fragiliserait encore davantage le lien de confiance entre l'État et les collectivités territoriales.

Au contraire, un renforcement du FNADT dès 2026 est nécessaire pour concrétiser les engagements pris par le Gouvernement lors du comité interministériel aux ruralités du 20 juin 2025, par exemple en matière de labellisation de nouveaux espaces France services. En effet, lors du comité interministériel aux ruralités du 20 juin 2025, le Premier ministre a fait part de sa volonté de « prolonger l'élan des territoires ruraux », en vantant un « acte II du plan France ruralités », ce qui ne serait pas compatible avec une nouvelle diminution des crédits alloués au FNADT.

Recommandation n° 4 : Inscrire au budget les crédits nécessaires au financement des engagements pris par le Premier ministre lors du comité interministériel aux ruralités du 20 juin 2025. (Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Ministère de la Cohésion des territoires)

De la même manière, le rapporteur spécial s'oppose à l'hypothèse parfois avancée de la fusion en une seule dotation des principales dotations finançant actuellement les investissements locaux (DETR, DSIL, Fonds vert et FNADT notamment). Cette fusion lui paraît inenvisageable car contre-productive et incompatible avec la souplesse unique et plébiscitée du FNADT.

D'abord, l'argument selon lequel une telle fusion permettrait un alignement des calendriers de sollicitation des diverses dotations - calendrier actuellement disparate - et une simplification, du point de vue des collectivités grâce à la mise en place d'un dossier unique, lui apparaît infondé. Rien n'interdit d'ores et déjà à l'État d'uniformiser les calendriers et de faciliter la mise en place d'un dossier commun (et non pas unique) aux diverses demandes de subventions d'investissement, tout en conservant l'existence de ces différentes dotations. Cet argument souligne aussi le carcan administratif qui pèse actuellement sur les collectivités dans la recherche de financements étatiques. La mise en place d'un calendrier uniformisé produirait des bénéfices similaires tout en gardant les spécificités de dotations qui n'ont ni le même objet, ni les mêmes conditions d'attribution, ni les mêmes modalités de financement et qui, à ce titre, n'ont pas vocation à être regroupées.

Ensuite, le rapporteur spécial rappelle que chacune de ces dotations porte des objectifs différents. Les petites collectivités rurales et leurs groupements seraient les grands perdants d'une telle concentration puisqu'ils sont actuellement les principaux bénéficiaires de la DETR, laquelle est fléchée, sous conditions de richesse et de densité de population37(*), vers les communes de moins de 2 000 habitants (3 500 habitants dans les outre-mer) et vers les EPCI de moins de 75 000 habitants (150 000 habitants dans les outre-mer). Il serait tout à fait inopportun de noyer cette dotation au sein d'un dispositif unique, au regard des spécificités qu'elle présente et de sa parfaite identification dans les territoires ruraux.

De la même manière, la physionomie du FNADT ne se prête absolument pas à une quelconque absorption au sein d'une dotation unique d'investissement. Comme cela a déjà été longuement évoqué, la souplesse du FNADT tant dans les dispositifs accompagnés que dans les acteurs ciblés, publics ou privés, serait nécessairement altérée par une dilution au sein d'un outil de financement plus rigide.

Le rapporteur spécial souligne à ce titre que cette position est partagée par la quasi-totalité des représentants de l'État et l'ensemble des élus locaux qu'il a auditionnés.

Recommandation n° 1 : Maintenir impérativement le FNADT à l'écart de toute fusion des diverses subventions d'investissement local. (Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, ministère de la Cohésion des territoires)

Le rapporteur spécial suggère même d'aller à rebours de cette idée et reprend à son compte une suggestion de la Cour des comptes38(*) qui propose « d'élargir la démarche (de souplesse du FNADT) à d'autres dotations aux collectivités (DSIL et DETR) relevant d'autres programmes. » Au même titre, il considère qu'il faudrait éviter l'éparpillement dans la maquette budgétaire de certains dispositifs indissociables du FNADT mais qui ne relèvent pas à ce jour du programme 112 comme le financement des conseillers numériques France services39(*).

Il considère également qu'une réponse pragmatique au manque de lisibilité, largement reconnu, de la politique d'aménagement territorial de l'État consisterait à faire du FNADT l'instrument unique de son financement. Il soutient en effet que plusieurs dispositifs budgétaires éparpillés gagneraient à être regroupés sous la coupe du FNADT pour gagner en souplesse d'utilisation et donc en efficacité. C'est le cas, par exemple, du fonds pour le recyclage des friches et du fonds de « développement des mobilités durables en zones rurales ».

Recommandation n° 5 : Engager une réflexion pour faire du FNADT l'outil de financement principal de la politique d'aménagement du territoire de l'État, afin de la rendre plus lisible et efficace, notamment sur l'opportunité d'une intégration au sein du FNADT du fonds pour le recyclage des friches et du fonds : « développement des mobilités durables en zones rurales ». (Ministère de la Cohésion des territoires, Parlement)

Le rapporteur spécial relève avec intérêt que la totalité des représentants des élus locaux auditionnés font du maintien des crédits du FNADT une priorité, comme en témoigne l'extrait de la contribution écrite qu'Intercommunalités de France lui a transmis, dans le prolongement de son audition, qu'il interprète comme un plaidoyer pour le maintien et même pour le renforcement du FNADT :

« Le besoin d'un soutien à l'investissement local ne fait pas débat. Les enjeux auxquels les collectivités locales font face, sur des politiques stratégiques nationales comme la transition écologique par exemple, sont bien connus. Mais dans un contexte où l'argent est rare, il convient d'optimiser son utilisation : en investissement, il faut s'assurer d'accroître l'effet de levier des dotations d'investissement, c'est-à-dire faire en sorte qu'elles permettent de déclencher effectivement l'acte d'investissement. Cette amélioration des dotations de soutien à l'investissement local doit porter sur plusieurs points.

Les élus demandent que les engagements pris par l'État au titre des dotations de soutien à l'investissement local puissent avoir un caractère pluriannuel. Si des améliorations ont été apportées ces dernières années (...), ces dotations s'inscrivent encore trop souvent dans un calendrier annuel, qui n'est pas celui des projets portés par les collectivités locales, favorisant la recherche du cas par cas plutôt qu'un financement global du programme pluriannuel d'investissement (PPI) local. À ce titre, le FNADT semble plus facilement s'inscrire dans ce cadre pluriannuel et pourrait servir d'inspiration .

(...) De manière plus générale, le fonctionnement souhaité du fonds territorial climat et celui du FNADT met en lumière l'intérêt d'une politique de soutien à l'investissement local qui s'inscrit dans un cadre contractuel. Sur la base d'objectifs partagés par les cocontractants, les modalités de financement peuvent être clairement déterminés et engagées sur la durée du contrat, déclenchant ainsi la mise en oeuvre de l'action locale, dans une véritable logique d'effet de levier. »


* 37 Article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales.

* 38 Cour des comptes, analyse de l'exécution budgétaire 2023 de la mission « Cohésion des territoires », avril 2024.

* 39 Les conseillers numérique France services sont financés via le programme 343 « Plan France Très haut débit » de la mission Économie.

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