TROISIÈME PARTIE :
POURSUIVRE LA LUTTE À L'HEURE DE LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE : QUELLES PRIORITÉS ?

I. LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DOIT DAVANTAGE INVESTIR LES SITUATIONS HORS DU COUPLE ET LA PRÉVENTION

A. MALGRÉ LES PROGRÈS DANS LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES, UN LONG CHEMIN RESTE À PARCOURIR POUR ACCOMPAGNER LES VICTIMES DE VIOLENCES HORS DU COUPLE

1. Un bilan globalement positif s'agissant de la protection et l'indemnisation des victimes de violences conjugales
a) Un déploiement satisfaisant des dispositifs de protection
(1) Les téléphones grave danger (TGD) : un déploiement déjà important

Le dispositif de téléphones grave danger (TGD) a été mis en place en 2013. Il permet aux victimes, en cas de grave danger, de contacter immédiatement un service de téléassistance disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Cette plateforme évalue la situation et, si nécessaire, contacte les forces de l'ordre via un canal dédié pour intervenir rapidement.

Nombre de TGD actifs et en attente d'affectation

(en unité - gauche - et en pourcentage - droite)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le SDFE

À ce titre, les TGD jouent un rôle fondamental dans la protection des victimes de violences conjugales et de viols.

Comme le démontre le graphique supra, ce dispositif a été renforcé par les mesures du Grenelle, prévoyant le déploiement de 5 000 TGD supplémentaires d'ici 2022. Depuis 2020, le nombre de TGD déployés et actifs a augmenté de façon constante et significative. Au 3 janvier 2025, 6 273 TGD sont déployés en juridiction ; en 2020, ils étaient 976 et 3 176 en 2021. Cela représente une hausse de 98 % des TGD déployés en juridiction pour répondre aux demandes des parquets.

En conséquence, la dépense de marchés publics au titre des TGD a fortement augmenté depuis 2020, passant de 1,8 à 8,5 millions d'euros en 2024, soit une augmentation de 372 % (cf. infra).

De même, après une hausse entre 2021 et 2023, la part des TGD en attente d'affectation a baissé de 30 % pour atteindre 19 % de l'ensemble des TGD en janvier 2025. Cette diminution de la part des TGD « inactifs » illustre une adéquation croissante du nombre de TGD aux besoins.

Les appels des femmes victimes, représentés par le nombre d'alarmes déclenchées, ont également connu une forte hausse au cours des dernières années. Entre 2022 et 2024, le nombre d'alarmes déclenchées a augmenté de 85 %. Si toutes ces alarmes n'engendrent pas systématiquement l'intervention des forces de l'ordre, la fréquence de telles interventions a augmenté de 73 % entre 2022 et 2024.

Évolution du recours aux TGD et dépenses associées entre 2020 et 2924

(en unités - gauche - et en millions d'euros - droite)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le SDFE

Le déploiement des TGD semble dès lors répondre aux besoins identifiés sur le terrain et atteindre ses objectifs. Le nombre relativement important de TGD inactifs (environ un cinquième de l'ensemble des TGD) paraît également satisfaisant à ce stade et ne rend pas nécessaire un nouvel investissement massif dans ce dispositif.

(2) Les bracelets antirapprochement (BAR) : des besoins satisfaits par la disponibilité du matériel

Mesure-clé de la loi nº 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, le bracelet antirapprochement (BAR) est un dispositif technique de surveillance électronique mobile visant à interdire le rapprochement entre les deux partenaires ou ex-partenaires, d'un couple.

Évolution du nombre de BAR en activité et de décisions de justice associées

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le SDFE

Le nombre de BAR actifs a fortement augmenté, passant de 267 en septembre 2021 à 1 032 en septembre 2023, avant de diminuer pour atteindre 784 en avril 2025 - ce qui représente une augmentation de 517 BAR entre 2021 et 2025, soit un doublement.

Les BAR sont principalement associés à des peines : il s'agit en majorité des condamnations par le tribunal judiciaire ou des aménagements de peine, plus rarement des mesures de sûreté. Les Bar actifs associés à des ordonnances de protection ou à des mesures pré-sentencielles sont plus rares.

L'administration indique que « la variation du nombre de BAR actifs n'est pas liée à la disponibilité du matériel, mais résulte du nombre de décisions prononcées par les juridictions. En effet, le nombre de dispositifs disponibles (...) est actuellement suffisant pour répondre aux besoins des juridictions. »

Compte-tenu du coût des BAR, de nouveaux investissements dans de tels dispositifs peuvent être considérés comme non prioritaires.

Coût des bracelets antirapprochement (BAR)

(en millions d'euros)

Programme budgétaire imputé

2020

2021

2022

2023

2024

Programme 107-Administration pénitentiaire

0,7

1,5

5,7

12,8

14,0

Programme 349- Transformation publique

0,8

3,0

2,7

0,0

0,0

TOTAL

1,5

4,5

8,4

12,8

14,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le SDFE

(3) Une croissance constante du nombre d'ordonnances de protection délivrées

Inspirée de la législation espagnole, l'ordonnance de protection, a été créée par la loi du 9 juillet 2010, avec pour objectif principal de protéger les victimes de violences conjugales. Plusieurs réformes successives ont été adoptées pour améliorer son efficacité. Dernièrement, la loi du 13 juin 2024 (loi n° 2024-536 renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate) a introduit deux avancées majeures : l'allongement de la durée des mesures, portée de 6 à 12 mois, et la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.

Ce dispositif connaît une croissance constante, tant du nombre de demandes que de décisions statuant sur celles-ci, ainsi que d'ordonnances effectivement délivrées.

En effet, les décisions statuant directement sur la demande d'ordonnance de protection représentent la majorité des cas. En 2024, 6 235 décisions ont statué sur la demande, sur un total de 6 846 demandes (91 %) - 611 décisions n'ont pas statué sur la demande, en raison de désistement, de caducité ou de radiation - contre 5 027 décisions en 2020 sur 5 993 demandes (83,9 %). En outre, 4 261 ordonnances de protection ont été délivrées en 2024 (soit un taux d'acceptation de 68,3 %), contre 3 361 en 2020 (soit 66,9 %).

Évolutions du nombre de décisions
acceptant et rejetant les demandes d'ordonnances de protection

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le SDFE

Le nombre de décisions octroyant une ordonnance de protection est donc en constante augmentation depuis 2020.

Toutefois, la part relativement importante des décisions de rejet s'expliquer par plusieurs facteurs, notamment l'interprétation des critères de délivrance établis par l'article 515-11 du code civil, qui établit deux critères cumulatifs pour que le juge aux affaires familiales puisse délivrer une ordonnance de protection :

- d'une part, la vraisemblance des violences (le juge doit être convaincu que des faits de violence ont eu lieu) ;

- d'autre part, l'existence d'un danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

Un rapport de recherche mené pour la mission « Droit et Justice » par l'université de Strasbourg79(*) a mis en évidence une interprétation autonome du critère du danger. Ainsi, même lorsque le juge considère les violences comme vraisemblables, cela ne conduit pas nécessairement à la reconnaissance automatique du danger. Une étude plus récente80(*), réalisée dans le cadre du comité national de l'ordonnance de protection (CNOP) révèle que, bien que la vraisemblance des violences soit souvent admise, le critère du danger, notamment le risque de réitération des violences, est fréquemment difficile à établir.

Il semble donc que ce soit ce second critère qui explique une partie des décisions de rejet. S'il n'appartient pas aux rapporteurs spéciaux de faire des propositions en matière de droit civil, ils relèvent que le CNOP a recommandé la suppression de la notion de danger, soulignant qu'elle « complexifie la décision à rendre par le juge ».

b) L'indemnisation des victimes de violences faites aux femmes est relativement satisfaisante dans les conditions de droit commun

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), créé en 1986, permet depuis 1990 l'indemnisation des victimes d'infractions de droit commun les plus graves (via les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions - CIVI81(*)) et, depuis 2008, à l'aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués par une décision de justice (via le SARVI)82(*).

En 2023, plus de 25 500 victimes d'infractions de droit commun ont été prises en charge au titre de la CIVI, pour un montant total de 467 millions d'euros. Par ailleurs, 67 874 victimes ont été indemnisées au titre du SARVI.

S'il n'existe pas d'infraction spécifique intitulée « violences faites aux femmes » donnant lieu à une indemnisation par le FGTI, des données existent en ce qui concerne plus spécifiquement les violences sexuelles (viols, agressions et atteintes sexuelles, harcèlement sexuel) : 4 386 victimes de ces infractions ont été définitivement indemnisées par le FGTI en 2024, pour un montant total de 80,8 millions d'euros.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice du 20 novembre 202383(*) a élargi l'accès à l'indemnisation devant les CIVI pour les victimes mineures et les victimes de violences intrafamiliales, en abaissant le seuil de gravité des blessures : ainsi, les victimes majeures ou mineures peuvent désormais bénéficier d'une indemnisation à condition de justifier d'au moins huit jours d'incapacité totale.

Enfin, une enquête conduite par le FGTI fait état d'un taux de satisfaction élevé des victimes.

2. Le développement d'une prise en charge intégrée des femmes victimes de violences et des enfants victimes ou co-victimes constituent des axes d'amélioration importants
a) Des structures d'accueil et de prise en charge toujours aussi précaires et faiblement développées

Si les crédits dédiés aux diverses structures d'accueil et de prise en charge ont sensiblement augmenté ces dernières années, ces structures demeurent précaires et insuffisamment déployées.

Évolution des crédits dédiés
au titre des CIDFF, EVARS, LEAO et AJ entre 2020 et 2024

(en millions de crédits de paiement exécutés)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

(1) Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) : un réseau crucial dont l'implantation est inégalement répartie sur le territoire

Les CIDFF ont accompagné plus de 200 000 femmes en 2024, dont près de 70 % victimes de violences. Ils à ce titre la première solution d'accueil et d'accompagnement des femmes, qu'elles soient ou non victimes de violences - et donc bien au-delà des seules victimes de violences conjugales. Ils ont à ce titre assuré plus de 2 598 permanences.

Les financements alloués aux CIDFF peuvent être divisés en trois parts :

- d'abord, le financement consacré, via une convention pluriannuelle d'objectifs (CPO), au soutien à l'action de la fédération nationale des CIDFF (FN-CIDFF), qui représente 1,43 million d'euros pour 2025 ;

- les financements dédiés aux CIDFF et à leurs fédérations régionales, qui s'élèvent à 6,6 millions d'euros pour 2025 ;

- les financements dédiés à des projets spécifiques portés par les CIDFF en complément de leurs missions d'information des femmes sur leurs droits (pour lesquelles ils sont agréés par les préfets de région) : ainsi, les 98 CIDFF ont à ce titre bénéficié, au total, de 9,6 millions d'euros sur le programme 137 en 2022, dont - par exemple - 543 895 euros au titre d'actions de lutte contre les violences, 200 400 euros pour des actions de lutte contre la prostitution ou encore un peu plus d'un million d'euros pour des actions d'accueil de jour (cf. infra).

Si les CIDFF constituent un réseau crucial pour la politique d'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes, force est de constater qu'il est financièrement fragile. L'association Women Safe a ainsi porté à la connaissance des rapporteurs spéciaux la situation très difficile du CIDFF du Finistère, dont l'antenne de Morlaix a même été supprimée.

La même association a également indiqué que, alors que 50 % des féminicides sont commis en milieu rural, les ressources sont concentrées dans les zones urbaines et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) - le SDFE a effectivement indiqué que 615 permanences des CIDFF avaient lieu dans des QPV en 2024.

Le manque de moyens conduit donc à fragiliser un réseau indispensable et à faire obstacle à son implantation sur l'ensemble du territoire.

(2) Les lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) et les accueils de jour (AJ) : une réforme à l'étude pour plus de lisibilité et de qualité de prise en charge

Les LEAO et accueils de jour sont des dispositifs spécialisés dans l'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences. Ils constituent bien souvent un dispositif de première prise en charge dans le parcours de sortie d'une situation de violences conjugales et dispensent un accompagnement : permanences juridiques, bureaux d'aide aux victimes, etc. Ils interviennent aussi en complémentarité des hébergements pour les femmes victimes de violences.

Il est donc indispensable que ces ressources soient facilement et rapidement identifiables, tant pour les victimes elles-mêmes que pour les professionnels ou partenaires concernés afin de bien orienter les victimes.

La distinction entre
les lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) et les accueils de jour (AJ)

Les accueils de jour (AJ), dispositif permettant un primo-accueil inconditionnel des femmes victimes de violences, en individuel et en collectif, visant à mettre à la disposition des victimes un lieu de proximité ouvert sans rendez-vous durant la journée pour les accueillir, les informer et les orienter ;

Les lieux d'écoute d'accueil et d'orientation (LEAO), permanences associatives sur rendez-vous assurent des missions spécifiques d'accueil, d'information, d'accompagnement et d'orientation des femmes victimes de violences.

Source : SDFE

En 2021, on dénombrait 166 LEAO, répartis dans 95 départements, et 128 accueils de jour. Le montant des crédits exécutés en 2024 pour les deux dispositifs s'élève à 10,5 millions d'euros - soit une augmentation de 4 millions d'euros depuis 2020), dont 5,2 millions d'euros pour les LEAO et 5,3 millions d'euros pour les accueils de jour. Ces moyens seront reconduits en 2025.

Afin de renforcer le pilotage de ce dispositif, un chantier de refonte des AJ et des LEAO a été lancé en novembre 2024. L'objectif est de clarifier les missions de ces deux dispositifs complémentaires, afin de les faire évoluer vers un dispositif commun, dans un souci de meilleure visibilité de l'offre, de lisibilité des interventions et de qualité de la prise en charge.

À l'issue de ces travaux, menés en lien avec le réseau déconcentré aux droits des femmes, puis avec les associations spécialisées têtes de réseau, un appel à projets régional sera lancé au second semestre 2025. L'objectif est d'aboutir à une mise en oeuvre effective du nouveau dispositif en 2026.

Les rapporteurs spéciaux se montreront attentifs à la mise en oeuvre de cette refonte, en particulier aux conditions de passage des anciens dispositifs au nouveau.

(3) Les dispositifs d'accompagnement intégré : un développement encore insuffisant

Le Grenelle des violences conjugales aura permis des avancées majeures dans la prise en charge des victimes de violences, notamment dans son volet judiciaire.

Ainsi, les associations entendues par les rapporteurs spéciaux ont confirmé les effets positifs de la formation des enquêteurs amenés à enregistrer des plaintes, avec un agent spécifiquement formé dans chaque commissariat ou gendarmerie - bien que des situations inacceptables de refus de dépôt de plainte par des agents non-formés remplaçants soient ponctuellement signalées.

Ces avancées doivent cependant être poursuivies en renforçant le caractère intégré de l'accompagnement. Ainsi, les LEAO et les accueils de jour peuvent disposer des intervenants sociaux dans les services de police et de gendarmerie.

De même, le Grenelle des violences conjugales a permis le déploiement de la procédure du dépôt de plainte dans les hôpitaux : cette procédure est aujourd'hui possible dans 542 établissements de santé, dont 61 prévoient le recueil de preuves sans plainte, grâce à la coordination entre les forces de l'ordre et les directions des établissements hospitaliers, en lien avec les agences régionales de santé.

De même, les crédits des agences régionales de santé (ARS) peuvent également être mobilisés, par exemple dans le financement des Maisons des femmes-Santé en cours de déploiement sur le territoire. Adossées à une structure hospitalo-universitaire ou hospitalière, les Maisons des femmes « prennent en charge », selon leurs propres termes, « les femmes victimes de violence, en évaluant l'impact de la violence sur la santé somatique, physique et sur les difficultés sociales tout en leur apportant une accompagnement psycho-social personnalisé. » Elles proposent ainsi « une prise en charge pluridisciplinaire de proximité, avec un guichet unique. »

En avril 2025, 107 Maisons des femmes-Santé, adossées à des établissements hospitaliers, sont en activité ou en projet, dans 86 départements. La Maison des femmes de Saint-Denis a toutefois constaté des difficultés du fait de l'hétérogénéité de l'accompagnement proposé par le réseau des Maisons des femmes, qui nécessiterait une homogénéisation réglementaire exigeante de leur cahier des charges.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que le développement de ces structures d'accompagnement pluridisciplinaire et intégré devrait être encouragé. Ce déploiement rend toutefois nécessaire la mobilisation de financements divers, de l'État - incluant mais ne se limitant pas au programme 137 -, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, compte-tenu du caractère transversal de l'accompagnement proposé. De même, le recours à des fonds privés, lorsque cela est possible, ne doit pas être écarté (cf. supra, partie 2).

Recommandation : Favoriser le développement des structures d'accompagnement et encourager l'émergence de structures de prise en charge intégrée des femmes victimes de violences, en mobilisant des financements de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, ainsi que des fonds privés

b) La prise en charge des enfants victimes et co-victimes de violences appelle une coordination avec la stratégie nationale de protection de l'enfance

Le Haut conseil à l'égalité relevait également que « les violences s'exercent sur les enfants » : le rapport très attendu de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE)84(*) en novembre 2023 a ainsi révélé que 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Au total, 5,4 millions de femmes et d'hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance85(*).

Dès lors, il a paru important aux rapporteurs spéciaux de vérifier si la politiques de lutte contre les violences faites aux femmes et la stratégie nationale de protection de l'enfance étaient coordonnées et articulées entre elles.

De telles articulations existent. Ainsi, dans le cadre du Grenelle, certaines mesures (33 à 36 par exemple) visaient à renforcer spécifiquement la sécurité des enfants dans le cadre des violences conjugales, par le développement d'espaces de rencontre sécurisés, par la suspension de l'autorité parentale du parent violent ou par la promotion des unités d'accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED).

De même, les grands plans et stratégies nationaux promeuvent une prise en compte transversale des enfants victimes ou co-victimes de violences conjugales ou de violences sexistes et sexuelles plus généralement. Ainsi, le plan « Toutes et tous égaux » 2023-2027 prévoit la désignation d'administrateurs ad hoc pour améliorer l'accompagnement des enfants co-victimes.

Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants vise à renforcer la prévention par l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (cf. infra) ou par l'allocation de moyens visant à atteindre la cible de 163 UAPED d'ici 2027, en lien avec les structures d'accueil des femmes victimes. Dans certains cas, les structures locales telles que les LEAO peuvent également proposer une prise en charge directe des enfants co-victimes, garantissant ainsi une continuité de soins et d'accompagnement.

Enfin, la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel et l'exploitation sexuelle prend en compte les publics majeurs comme mineurs, avec l'intégration dans les commissions départementales de lutte contre la prostitution, l'exploitation sexuelle et la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle d'acteurs de la protection de l'enfance, afin de mieux coordonner les actions de prévention, de sensibilisation et de prise en charge des mineurs victimes d'exploitation sexuelle.

Recommandation : Assurer une coordination effective entre les différents plans nationaux de lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences faites aux enfants


* 79 « Violences conjugales - Protection des victimes : Usages et conditions d'application dans les tribunaux français des mesures de protection des victimes de violences au sein du couple », Rapport pour la Mission Droit et Justice, juillet 2019.

* 80 Rapport d'activité du CNOP 2020-2021.

* 81 Articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale.

* 82 Ces deux dispositifs d'indemnisation sont mutuellement exclusifs.

* 83 Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

* 84 CIIVISE, Violences sexuelles faites aux enfants : « On vous croit », novembre 2023.

* 85 Ibid.

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