B. UNE FISCALITÉ MIEUX ADAPTÉE AUX COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, POUR DONNER À CHAQUE STRATE LES MOYENS D'AGIR

1. Bloc communal : identifier une base satisfaisante pour un nouvel impôt territorial

La concentration de la fiscalité du bloc communal sur un nombre plus restreint de contribuables met en péril à terme le consentement à l'impôt et casse le lien contributif. Plusieurs propositions existent pour rééquilibrer cette fiscalité, sans qu'aucune ne fasse consensus : restauration de la taxe d'habitation, imposition territorialisée sur le revenu, création d'un impôt forfaitaire local à la capitation... Les pistes sont nombreuses, mais pour ne pas accroître la pression fiscale, devront s'intégrer dans une refonte générale de la fiscalité locale acceptée de tous.

Un point fait néanmoins l'unanimité : il est impératif que la fiscalité foncière puisse s'appuyer sur une assiette plus en phase avec la réalité économique du territoire. Le Sénat appelle de longue date à une révision des valeurs locatives cadastrales (VLC) des locaux d'habitation, dont la réalisation est repoussée chaque année. Les VLC sont vétustes et leur méthodologie favorise les territoires plus aisés. Des assiettes alternatives existent. Dans le cadre des auditions menées par la commission, le directeur de la législation fiscale a indiqué que le Gouvernement avait confié à l'inspection générale des finances une mission sur le sujet. La question de l'assiette fiscale foncière occupe une place centrale dans les finances locales et constitue une problématique d'intérêt général, aussi la commission recommande-t-elle au Gouvernement de rendre publiques les conclusions de cette mission.

Recommandation n° 12

Rendre public le rapport de mission de l'inspection générale des finances sur les valeurs locatives et autres assiettes fiscales foncières alternatives (Gouvernement).

2. Départements : pour des ressources plus prévisibles et un pouvoir de taux renforcé

Contrairement au bloc communal, le consensus est plus apparent sur la question de la fiscalité départementale. Il ressort en effet de la littérature et des auditions menées par la commission qu'il serait souhaitable d'attribuer aux départements une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG). Cette proposition a deux vertus : elle permet, d'une part, d'atténuer la forte volatilité observée aujourd'hui sur les recettes de cette strate du fait de l'importance des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dans le panier de recettes, et d'autre part, d'attribuer une recette à vocation sociale, avec une assiette large, notamment, pour répartir l'effort.

Si plusieurs pistes peuvent être envisagées en termes de mise en oeuvre, cette commission préconise d'attribuer un pouvoir de taux encadré aux départements, assorti d'un mécanisme de péréquation horizontale pour lisser les inégalités territoriales, sur le modèle de ce qui se fait aujourd'hui pour les DMTO.

Recommandation n° 13

Attribuer aux départements une fraction de la contribution sociale généralisée, assortie d'un pouvoir de taux et d'un mécanisme de péréquation (législateur).

3. Régions : pour une fiscalité plus territorialisée et recentrée sur l'économie

En 2023, la principale recette fiscale des régions est une fraction non territorialisée d'un impôt national, la TVA (63 %). Cette commission d'enquête s'est attelée à corriger le panier de ressources des régions, pour qu'il soit plus territorialisé et plus en ligne avec les compétences de cette strate, cheffe de file en matière de développement économique.

Une première proposition porte sur le transfert par l'État aux régions d'une fraction d'impôt sur les sociétés, proposition formulée dans la littérature et reprise par Régions de France. Si ces recettes sont volatiles, une part importante des dépenses des régions peuvent s'accommoder de tels mouvements, s'agissant d'investissements et de subventions. Toutefois, sur le plan technique, l'attribution d'un pouvoir de taux semble irréaliste et sujet à la concurrence fiscale et à l'optimisation : une répartition territorialisée sur la base de critères économiques permettrait d'assurer un côté incitatif pour les régions.

Recommandation n° 14

Attribuer aux régions une fraction d'impôt sur les sociétés, répartie sur la base de critères économiques et assortie d'un dispositif de péréquation (législateur).

Une seconde proposition porte sur l'annulation de la suppression annoncée de la CVAE, dont le produit n'est plus reversé aux collectivités territoriales depuis le 1er janvier 2023.Or l'échéance de sa suppression complète a déjà été repoussée lors de l'examen des deux derniers projets de loi de finances. La France se trouve dans « le pire des deux mondes », où sa situation financière la contraint à maintenir un impôt sans qu'elle puisse durablement compter sur ses recettes pour investir.

La commission appelle à faire preuve de réalisme financier et à assumer le maintien de ce qu'il reste de CVAE. Le transfert de cette fiscalité aux régions doit permettre de reterritorialiser leurs recettes et de valoriser leur action en matière économique.

Recommandation n° 15

Revenir sur la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et en affecter le produit aux régions (législateur).

4. Mieux orienter la fiscalité répartie

Il convient en premier lieu d'attribuer effectivement aux collectivités territoriales les financements qu'elles sont en droit d'exiger. En matière de transition écologique, une surprime a ainsi été instaurée au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles (« CatNat »). Or la commission a pu constater un écart croissant entre le rendement de cette surprime (450 millions d'euros en 2025) et les actions de prévention qu'elle finance (220 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025). Si la discussion budgétaire au Sénat a permis de corriger le tir, la commission d'enquête recommande de s'assurer chaque année que le produit de cette surprime finance bien des actions de prévention des collectivités territoriales.

Recommandation n° 16

Inscrire chaque année sur le programme « Prévention des risques » un montant de financement d'actions portées par les collectivités territoriales cohérent avec les sommes collectées au titre du prélèvement sur la garantie « CatNat » (législateur).

La commission relève par ailleurs la part toujours plus importante de la fiscalité transférée par l'État aux collectivités territoriales. Il est primordial que ce produit ne soit pas figé et que sa répartition corresponde aux réalités du territoire en s'appuyant sur deux recommandations de ce rapport, un conseil d'orientation des finances locales qui établit des faits incontestables et des conférences territoriales décisionnaires pour s'accorder sur les montants des flux financiers.

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