EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 9 juillet 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur l'aide médicale de l'État.
M. Claude Raynal, président. - Nous entendons la communication de notre collègue Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la mission « Santé », sur l'aide médicale de l'État (AME).
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - En tant que rapporteur spécial de la mission « Santé », je n'avais pas tellement le choix du sujet, cette mission n'étant composée que de l'aide médicale de l'État, ou presque.
En premier lieu, je souhaiterais préciser que l'appellation d'aide médicale de l'État recoupe en réalité quatre dispositifs différents.
L'aide médicale de l'État de droit commun, créée en 1999, constitue le principal système existant en termes budgétaires. Il est destiné aux étrangers présents irrégulièrement sur le sol français depuis plus de trois mois d'affilée, et dont les ressources ne dépassent pas un plafond défini annuellement, qui s'élève en 2025 à 862 euros mensuels. Les enfants mineurs et majeurs à charge, les conjoints, ainsi qu'une personne à charge pendant un an du bénéficiaire de l'AME sont également pris en charge au titre de cette protection santé. L'AME s'applique dans l'ensemble de la France hexagonale et dans les départements et collectivités d'outre-mer, à l'exception de Mayotte, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
Le dispositif d'aide médicale de l'État est complété par l'AME dite pour « soins urgents », qui permet la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière, sans condition de résidence, dès lors que leur pronostic vital est engagé ou qu'ils sont victimes d'une altération grave et durable de leur état de santé. À l'inverse de l'AME de droit commun, financée intégralement par le budget de l'État, seule une dotation forfaitaire, d'un montant de 70 millions d'euros en 2025, est versée par l'État à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) au titre des soins urgents, le reliquat étant financé par la sécurité sociale.
Enfin, une AME humanitaire permet la prise en charge sanitaire ponctuelle de soins hospitaliers de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas sur le territoire national, sur décision du ministère chargé de l'action sociale. Une aide médicale est également accordée aux personnes qui sont en garde à vue. Ces deux derniers dispositifs représentent un montant de 1 million d'euros.
Je voudrais évoquer ici le cas particulier des demandeurs d'asile. Ceux-ci sont affiliés à la protection universelle maladie (PUMa), lorsqu'ils font une demande d'asile à laquelle ils n'ont plus le droit si leur demande est déboutée. En cas de refus de demande d'asile, les anciens demandeurs relèvent alors de l'aide médicale de l'État. Or, en 2024, ce sont 54 % des demandes qui ont été déboutées. Il me paraîtrait donc plus logique et cohérent d'affilier les demandeurs d'asile à l'aide médicale de l'État, comme c'est le cas en Allemagne. Cela représenterait une hausse d'un tiers des bénéficiaires de l'AME. Il ne s'agirait que d'un transfert de dépenses entre l'État et la sécurité sociale et cela permettrait une plus grande transparence.
Des réformes de l'AME ont été évoquées à de multiples reprises. En 2023, lors de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, le Sénat avait adopté un amendement visant à transformer l'aide médicale de l'État en aide médicale d'urgence (AMU), en réduisant le panier de soins pris en charge pour les bénéficiaires de l'AME. Dans le même temps, le Gouvernement avait confié à MM. Évin et Stefanini une mission, réalisée en un temps record de moins de trois mois, sur l'AME, à la suite de quoi Mme Borne, puis M. Attal avaient successivement promis une réforme de l'AME. Cette réforme n'a jamais été mise en oeuvre, ce qui n'est pas acceptable, d'autant qu'une partie des mesures qu'il faudrait prendre passe par la voie réglementaire. J'espère que le Gouvernement reprendra en main ce sujet.
Afin de vous éclairer sur les dépenses de l'AME, je voudrais évoquer les systèmes en vigueur dans les pays voisins. Au Danemark par exemple, comme en Suisse, seuls les soins urgents, engageant le pronostic vital, sont pris en charge pour les étrangers en situation irrégulière. Les soins liés aux grossesses ou à la vaccination, par exemple, ne peuvent être administrés sans demander une compensation financière. Il s'agit des systèmes de prise en charge des soins des étrangers en situation irrégulière les plus restreints, parmi ceux que j'ai étudiés.
En Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède et en Italie, la prise en charge des soins des étrangers en situation irrégulière est plus large qu'au Danemark et en Suède, mais plus restreinte qu'en France. En Allemagne, notamment, les soins liés à l'accouchement, par exemple, sont pris en charge intégralement. En revanche, les programmes de soins programmés des maladies chroniques ne peuvent être pris en charge par la collectivité, sauf lorsque leur défaut engagerait le pronostic vital du patient. Les traitements hospitaliers non urgents, la rééducation physique ou encore la psychothérapie ne peuvent être effectués que sur autorisation préalable de la sécurité sociale.
Enfin, certains pays, comme l'Espagne et la Belgique, ne font pratiquement pas de distinction dans la prise en charge des soins entre les étrangers en situation irrégulière et les assurés sociaux. Il faut toutefois noter que, en Espagne, les étrangers en situation irrégulière doivent s'acquitter de 40 % du prix des médicaments qui leur sont prescrits.
J'en viens maintenant aux dépenses d'aide médicale de l'État. Celles-ci représentaient un total de 1,387 milliard d'euros en 2024, en hausse de 15,5 % par rapport à 2023.
Ce total de dépenses est toutefois sous-estimé dans le budget de l'État, où il représentait seulement 1,16 milliard d'euros en 2024, dont 1,088 milliard d'euros pour l'AME de droit commun, en hausse de 40 % en dix ans.
D'une part, l'État ne prend pas en charge l'intégralité de la dépense d'AME pour soins urgents, puisqu'il ne verse que 70 millions d'euros à la sécurité sociale sur un coût total de 132 millions d'euros, le reste étant pris en charge par la Cnam.
D'autre part, le montant budgétisé de dépenses d'AME de droit commun dans les dépenses de l'État a été bien inférieur aux dépenses réelles en 2024. En effet, le Gouvernement avait sous-estimé la dépense d'AME dans son budget initial. De plus, le décret d'annulation du 21 février 2024 a entraîné la suppression de 50 millions d'euros de dépenses d'AME, sans aucune réforme du dispositif qui aurait permis de justifier cette économie. En conséquence, les dépenses d'AME étant des dépenses de guichet forcément décaissées, une dette de l'État à l'encontre de la Cnam a été générée, d'un montant de 185 millions d'euros. Une telle situation n'est pas acceptable : il est indispensable que le Gouvernement budgète un montant d'AME conforme aux dépenses exécutées et prévoie de combler sa dette à l'égard de la sécurité sociale.
Je relève par ailleurs, globalement, le manque de connaissances sur le dispositif d'AME, particulièrement regrettable, que ce soit sur l'origine des bénéficiaires ou même, plus simplement, sur leur nombre en temps réel. Je recommanderai d'ailleurs d'actualiser tous les mois les remontées de dépenses et de nombre de bénéficiaires de l'AME, au lieu de tous les trois mois.
Au-delà de la problématique de la prévision des dépenses d'AME, la hausse massive des dépenses est claire et avérée.
Pour la comprendre, je veux évoquer les bénéficiaires de l'AME. Ceux-ci sont en majorité des hommes, âgés de 20 à 39 ans, dont l'origine n'est pas connue. Ils sont présents majoritairement dans les départements très urbains d'Île-de-France, dans les Bouches-du-Rhône et dans le Rhône, ainsi qu'en Guyane pour 8 % d'entre eux.
Or la progression des dépenses d'AME s'explique principalement par la hausse du nombre de ces bénéficiaires, qui a été multiplié par deux entre 2011 et 2024. En 2024, 465 744 personnes ont bénéficié de l'AME. Même si l'estimation n'est pas exacte, environ 900 000 personnes sont en situation irrégulière sur le territoire français.
Ainsi, il est possible d'estimer qu'entre 2020 et 2024, sur une progression des dépenses de 426 millions d'euros, près de 243 millions d'euros de hausse sont liés à l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Le reliquat de l'augmentation est lié à l'inflation et aux coûts des soins.
Au vu de ces constats assez frappants, je souhaite d'abord insister sur la nécessité de lutter contre les flux d'immigration illégale en France. Plusieurs indicateurs, qu'il s'agisse du nombre de bénéficiaires de l'AME, d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière ou de demandes d'asile, indiquent qu'un nombre croissant d'étrangers parviennent irrégulièrement à entrer sur le sol français. Ces flux doivent être maîtrisés, c'est là la première condition pour maîtriser les dépenses d'AME. À cette occasion, je souhaiterais rappeler que les étrangers à qui un titre de séjour a été refusé ou retiré pour un motif d'ordre public demeurent éligibles à l'AME, s'ils remplissent les conditions de résidence et de ressources. Une telle situation ne me paraît pas acceptable : il est souhaitable que les personnes à qui un titre de séjour a été refusé parce qu'ils étaient jugés constituer un trouble à l'ordre public soient retirées de la liste des bénéficiaires de l'AME.
D'autres sources d'économies sont possibles.
En premier lieu, je pense qu'il est indispensable de redéfinir les droits ouverts au titre de l'AME. En effet, comme l'avaient déjà relevé MM. Évin et Stefanini, il est très étonnant de constater que les enfants majeurs à charge d'un bénéficiaire de l'AME font partie de ses ayants droit. Par ailleurs, les revenus du conjoint d'un bénéficiaire de l'AME ne sont pas pris en compte dans le calcul des ressources, ce qui n'est pas pertinent.
Ensuite, il faudrait revoir la définition du panier de soins, en s'inspirant du modèle allemand. Il s'agit d'une voie médiane entre les systèmes danois et suisse, très restreints, et le système français actuel. Ainsi, aujourd'hui, dans le système français, ce sont seulement les cures thermales, l'assistance médicale à la procréation (PMA), les médicaments dont le service médical rendu est faible ou encore les frais relatifs aux examens de prévention buccodentaire qui sont exclus du panier de soins pris en charge au titre de l'AME. Il serait pertinent d'y ajouter notamment les programmes de soins programmés pour maladies chroniques, comme c'est le cas en Allemagne.
Par ailleurs, il existe actuellement un panier de soins dits « non urgents », qui doivent être autorisés par la Cnam pour pouvoir être administrés. Ce panier de soins est très restreint : il n'a représenté que 6 millions d'euros de coûts en 2024. En s'inspirant du modèle allemand, ce panier de soins « non urgents » pourrait être élargi, par voie réglementaire, notamment à la rééducation, à la psychiatrie et aux traitements hospitaliers non urgents.
Ce système d'accord préalable des soins hospitaliers n'est de plus réservé qu'aux personnes bénéficiant de l'AME depuis moins de neuf mois, ce qui n'est pas justifié. Il serait souhaitable d'étendre le régime de l'accord préalable à l'ensemble des bénéficiaires de l'AME, conformément à l'amendement adopté par le Sénat lors du vote du projet de loi de finances 2025, sur l'initiative de notre commission et de celle des affaires sociales. Je regrette qu'un tel ajout n'ait pu être conservé dans le texte final.
Au total, le montant des économies est difficile à estimer, mais le coût des hospitalisations à domicile, des soins de suite et de réadaptation, et de la psychiatrie, activités qui seraient concernées par le dispositif d'accord préalable, était de 338 millions d'euros en 2024.
Enfin, quelques améliorations du système de gestion de l'AME sont possibles en vue de lutter contre la fraude : il s'agirait notamment d'exclure l'extrait d'acte de naissance de la liste des documents d'identité valables pour délivrer une carte AME, puisqu'il n'y a pas de photo. Une puce pourrait aussi être introduite dans les cartes AME afin de faciliter les remboursements des professionnels de santé et de mieux suivre les dépenses des bénéficiaires de l'AME.
Si nous voulons pouvoir maîtriser l'évolution des dépenses de l'AME et, le cas échéant, faire des économies, il est indispensable de réformer certains éléments du dispositif. Sans supprimer l'AME, car elle est nécessaire, des efforts de rigueur doivent être poursuivis. Le montant budgété pour 2025, qui a été décidé en commission mixte paritaire, risque d'être dépassé. C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'assurance maladie nous fournisse des données mensuelles plutôt que trimestrielles. Je n'ai d'ailleurs toujours pas reçu le relevé du premier trimestre 2025. Il faudrait que les informations soient transmises de façon plus régulière.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À défaut de pouvoir travailler de manière précise sur des données qui devraient être fournies par la Cnam, nous naviguons dans l'incertitude, ce qui permet une latitude d'interprétations de la part des uns et des autres. Il n'y a là rien de satisfaisant et nous devons obtenir de l'État un suivi de bien meilleure qualité.
La recommandation n° 11 vise à introduire une carte à puce pour les bénéficiaires de l'AME. À quel coût est estimée cette mesure ?
Le panier de soins non urgents avait fait débat lors de la commission mixte paritaire, certains considérant que la dérive des dépenses est inévitable. Comment garantir un suivi précis dans le temps ? Est-ce un manque de volonté politique qui l'empêche, ou bien des difficultés pratiques ? Pour dépassionner le débat, il faudrait objectiver le sujet en renforçant la précision des données.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Dans ces temps budgétaires incertains, ce rapport est très utile. Il révèle ce que notre commission est capable de produire sur un sujet qu'il faudrait dépassionner.
Je connais bien mon collègue Vincent Delahaye, sénateur de l'Essonne - tout comme moi -, et longtemps maire d'une ville de taille conséquente, mais aussi son humanisme. Je ne déplacerai pas une virgule dans son discours. Il a su faire preuve tout autant d'humanisme que de responsabilité. Je suis curieux de voir ce que donnera le débat qui va suivre et j'espère que nous parviendrons à des conclusions justes, humaines et équilibrées.
M. Bruno Belin. - Le rapporteur spécial a eu des mots justes. Je me retrouve également dans les propos du rapporteur général, au sujet des crispations qui existent.
J'aimerais vous partager mon expérience de trente-cinq ans d'exercice officinal. Je pratique toujours mes gardes, dans une ville, chef-lieu de canton, qui compte un certain nombre de foyers de migrants. Lorsque nous délivrons un formulaire Cerfa, nous le faisons à l'aveugle sans pouvoir vérifier l'identité de la personne concernée. Nous ne savons même pas si le document a été envoyé ou pas, car nous sommes payés un ou deux ans après, ce qui rend le suivi difficile.
De plus, quand le sujet est évoqué dans les communautés professionnelles des territoires de santé (CPTS) ou bien auprès des médecins concernés, la conclusion est toujours la même : on ne refusera jamais de soigner. La recommandation n° 6 qui vise à exclure du bénéfice de l'AME les personnes qui n'ont pas de titre de séjour est donc limitée dans son application.
Quant à la recommandation n° 11 sur les cartes à puce, elle est inapplicable, car nous n'avons aucun moyen de vérifier l'état civil de ces personnes.
Ma pratique de terrain m'incite à vous rappeler que, en face du dispositif, il y a des êtres humains et qu'un professionnel de santé ne refusera jamais de les soigner.
Mme Ghislaine Senée. - Sans refaire le débat sur l'AME, le rapport Évin-Stefanini a rappelé que le dispositif ne créait pas d'appel d'air. Il faut bien dissocier le sujet de l'AME et celui de l'immigration illégale. Les ministres de la santé successifs ont souligné que l'AME permettait de faire face à un danger triple : pour la santé publique, pour l'organisation des soins et pour le budget de l'État, car si l'on ne traite pas suffisamment tôt certaines maladies, les conséquences risquent d'être très graves, alors que nos hôpitaux sont déjà mis à mal.
Nous ne voterons pas en faveur de ce rapport, mais je voudrais poser deux questions. Tout d'abord, pourriez-vous détailler le chiffre de 60,8 % de prestations hospitalières ? Ensuite, vous avez mentionné la progression des dépenses réelles d'AME de 60,6 % en dix ans : il serait intéressant d'avoir un comparatif avec l'évolution des dépenses de la branche maladie de la sécurité sociale.
M. Michel Canévet. - Je tiens à remercier le rapporteur spécial de la qualité de son travail et du bon sens des recommandations formulées.
Comment expliquer l'accélération des dépenses qui semble être à l'oeuvre depuis deux ans ? Par ailleurs, le recours à l'AME est-il significatif dans les territoires ultramarins, qui sont confrontés à une certaine pression migratoire ?
M. Thomas Dossus. - Cette hausse des dépenses n'est-elle pas liée à une politique migratoire de plus en plus restrictive ? La multiplication des obligations de quitter le territoire français (OQTF), en empêchant un certain nombre de personnes de travailler, les conduit vers le régime de l'AME plutôt que vers le régime général. Ladite politique est à l'origine d'absurdités administratives puisque nous recevons dans nos permanences des personnes privées de leur titre de séjour pour un simple rendez-vous raté, ce qui nourrit le bataillon des demandeurs de l'AME.
J'ajoute que ces dépenses doivent être mises en perspective avec les dépenses globales de santé, puisqu'elles ne représentent guère que 0,5 % du total, soit une proportion extrêmement faible.
Enfin, la recommandation n° 6 justifie à elle seule un vote défavorable sur ce rapport tant elle va à l'encontre des valeurs de notre République.
M. Thierry Cozic. - Nous voterons également contre ce rapport, même si je remercie le rapporteur spécial pour son travail. Nous retrouvons là un débat que porte, assez classiquement, la majorité sénatoriale.
Le rapport remis en 2023 par Claude Évin et Patrick Stefanini au sujet de l'AME évoquait « un dispositif sanitaire utile », « globalement maîtrisé », « correctement cadré sur le plan réglementaire et largement opérationnel », ce qui résume bien la situation.
Nous parlons bien d'un budget qui ne représente que 0,44 % des dépenses globales, et ce débat n'a donc pas lieu d'être, car réduire ces dépenses entraînerait davantage de coûts indirects à l'avenir. D'autres thèmes budgétaires me semblent bien plus importants.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Je n'ai pas dit que le dispositif était inutile et ne contredis donc pas le rapport de MM. Évin et Stefanini, qui n'ont d'ailleurs eu que peu de temps pour mener ce travail, comme ils me l'ont indiqué au cours de leur audition.
S'ils ont indiqué que l'AME était utile, son caractère « globalement maîtrisé » est discutable ; surtout, je réfute l'affirmation selon laquelle le sujet ne mérite pas d'être débattu, car nous devons aborder l'ensemble des sujets, qu'ils soient majeurs ou non, de la façon la plus dépassionnée possible.
M. Dossus a critiqué la recommandation n° 6, qui prévoit d'exclure du bénéfice de l'AME les personnes à qui un titre de séjour n'a pas été accordé ou a été retiré pour un motif d'ordre public. Je précise que les intéressés pourront toujours recevoir des soins urgents, et j'estime qu'il ne serait guère pertinent de ne prévoir aucune conséquence en cas de retrait du titre de séjour.
Sur un autre point, j'ai hésité à introduire la recommandation n° 11 - relative à l'introduction d'une carte à puce pour les bénéficiaires de l'AME - en raison de son coût, la fabrication de ce nouveau support représentant une dépense de 2 millions d'euros à 3 millions d'euros, à laquelle s'ajouteraient des modifications des systèmes de facturation des professionnels de santé.
Il ne s'agit donc pas de la recommandation à laquelle je suis le plus attaché. Rappelons que les cartes d'AME sont renouvelées chaque année, ce qui donne lieu à un contrôle déjà strict de la part des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), comme j'ai pu le constater au cours de visites dans l'Essonne et en Seine-Saint-Denis. J'émets une réserve, cependant, concernant l'acceptation d'extraits d'acte de naissance comme pièce d'identité valable pour délivrer une carte d'AME.
J'en profite pour faire le lien avec votre interrogation relative aux territoires ultramarins, monsieur Canévet : outre la Martinique et la Guadeloupe, seule la Guyane est réellement concernée par l'AME, et pas Mayotte, la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie. En Guyane, 40 % des demandeurs présentent des extraits d'acte de naissance comme pièce d'identité, ce qui semble élevé. De manière générale, les titulaires de la carte d'AME sont censés disposer d'un passeport ou d'une carte d'identité.
M. Bruno Belin. - Les confrères des Antilles sont submergés par les demandes en provenance d'Haïti.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - J'en prends note. Par ailleurs, les délais de règlement sont sans doute liés aux difficultés de trésorerie que nous rencontrons, les dépenses excédant souvent les budgets alloués.
Je remercie également M. Hugonet pour ses propos, qui m'ont touché ; une fois encore, ce sujet mérite un débat dépassionné, et je rappelle que nous ne pourrons pas proposer d'évolution des crédits de la mission AME sans apporter des modifications au dispositif. Tout en rappelant l'utilité de ce dernier, le rapport Évin-Stefanini contenait une série de propositions qui n'ont pas été mises en oeuvre pour l'instant.
Madame Senée, les soins de ville englobent les consultations hospitalières externes, même si cela peut sembler surprenant. Dans le détail, les coûts des séjours hospitaliers, des accouchements et des actes de chirurgie s'élèvent respectivement à 328 millions d'euros, 78 millions d'euros et 85 millions d'euros. Il reste très difficile d'obtenir les données, qui sont parfois inexistantes, ou qui ne sont tout simplement pas exploitées, alors que l'intelligence artificielle (IA) pourrait être utilisée pour interroger les bases de données de l'assurance maladie.
Enfin, M. Canévet a soulevé la question de l'augmentation des dépenses. Depuis 2020, la hausse du nombre de bénéficiaires a été assez forte, mais, alors qu'elle a ralenti entre 2023 et 2024, les dépenses ont pourtant augmenté de 15 %. Cela pourrait signifier que les dépenses moyennes d'un bénéficiaire de l'AME, inférieures à celles d'un assuré social « classique », ont progressé en 2024, mais nous aurions besoin d'une analyse plus fine pour comprendre ce phénomène.
M. Claude Raynal, président. - Vous proposez donc de retirer la recommandation n° 11 ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Tout à fait.
La recommandation n° 11 est retirée.
La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.