II. L'ASSISTANCE AUX PAYS TIERS CONNAÎT UNE HAUSSE PARTICULIÈREMENT DYNAMIQUE, SOUS L'EFFET DES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS D'ASSISTANCE À L'UKRAINE

A. L'ASSISTANCE MACROFINANCIÈRE A LONGTEMPS CONSTITUÉ LE PRINCIPAL MÉCANISME DE SOUTIEN FINANCIER À DES PAYS TIERS

Jusqu'à 202422(*), l'assistance aux pays tiers a pris la forme de dispositifs d'assistance macrofinancière ou, à la marge, de prêts dits « Euratom ». Ces derniers prêts visent à fournir des financements à des pays tiers pour des investissements dans le secteur nucléaire, pour un montant total s'élevant à 200 millions d'euros fin 2020, 300 millions d'euros depuis 2021.

L'assistance macrofinancière (AMF) est une aide mobilisée à la demande des pays partenaires éligibles qui vise à répondre à des besoins de financement extérieur exceptionnels et temporaires au moyen d'un soutien à la balance des paiements, sous la forme de prêts et/ou de subventions (ou d'une combinaison de ceux-ci). Ce rapport s'intéresse aux prêts octroyés, qui seuls créent des passifs éventuels pour l'Union européenne.

Conformément aux dispositions des articles 209 et 212 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les décisions d'AMF sont généralement adoptées par le Parlement européen et le Conseil sur proposition de la Commission dans le cadre de la procédure législative ordinaire. Lorsque la situation dans un pays tiers nécessite une assistance financière urgente de la part de l'Union, le Conseil peut, sur proposition de la Commission, adopter les décisions nécessaires, conformément à l'article 213 de ce même traité (procédure urgente, sans participation du Parlement européen).

En termes de financement, la Commission européenne s'endette pour prêter. Jusqu'à 2022, elle a eu recours à des emprunts adossés (« back-to-back loans »), autrement dit, chaque prêt était financé par une obligation de l'UE correspondante, dont l'échéance, le taux d'intérêt et le calendrier de remboursement concordent exactement avec ceux du prêt de l'UE. Depuis 2022, face à la hausse des sommes empruntées et dans une logique de rationalisation de sa politique d'émission de dette, la Commission n'émet plus d'emprunts adossés et a désormais recours à ce qu'elle nomme une approche unifiée pour les emprunts de l'UE. Selon cette approche, la Commission émet des obligations sous l'appellation unique d'« obligations de l'UE », pour financer ses différents instruments de dette. Cette approche est mise en oeuvre depuis l'AMF + pour l'Ukraine (cf. infra).

L'octroi de financements à des conditions favorables est conditionné à la mise en oeuvre de mesures d'ajustement et de réformes structurelles visant à s'attaquer aux causes profondes des problèmes économiques rencontrés. Les domaines typiques des mesures qui sous-tendent les AMF sont les finances publiques, la gouvernance et la lutte contre la corruption, le secteur financier, l'environnement des entreprises, la croissance durable, ainsi que les politiques sociales et du marché du travail. Les conditions de l'AMF sont définies dans un protocole d'accord (« memorandum of understanding »). Le Parlement européen et le Conseil sont régulièrement informés de l'évolution de l'AMF tout au long de sa mise en oeuvre.

La détermination du montant de l'assistance macrofinancière de l'Union repose sur une évaluation quantitative des besoins résiduels de financement extérieur du pays partenaire, et tient compte de sa capacité à se financer par ses propres ressources, en particulier par les réserves internationales dont il dispose. L'assistance macrofinancière de l'Union doit compléter les programmes et les ressources mis à disposition par le FMI et la Banque mondiale. Elle tient également compte des contributions financières attendues des donateurs bilatéraux et multilatéraux, du déploiement préexistant des autres instruments de financement de l'Union dans le pays et de la valeur ajoutée de l'intervention globale de l'Union.

Jusqu'à 202323(*), chaque prêt à un pays tiers était accompagné d'une provision à hauteur de 9 %24(*) (cf. infra). C'est cette mécanique qui limitait le montant des AMF accordées, puisque le montant total des provisions est plafonné par le cadre financier pluriannuel. Le CFP 2021-2027 affectait un montant de 1,046 milliard d'euros au provisionnement des prêts AMF en faveur des pays partenaires, plafond revu à la hausse dans le cadre de la révision à mi-parcours de 2024 (+ 529,9 millions d'euros).

En dehors du cas ukrainien, les autres programmes d'assistance macrofinancière accordés à des pays tiers s'élevaient à 4,7 milliards d'euros fin 2024 et étaient attribués à des pays dans le voisinage de l'Union européenne25(*). Ces prêts ne présentent pas d'enjeu financier particulier : ils sont provisionnés à un taux de 9 % dans le cadre du CFP actuel jusque 2023, ils étaient structurés en prêts adossés, transférant l'intégralité des coûts de financement aux bénéficiaires de prêts26(*) (cf. supra).

Ils font l'objet d'un suivi approfondi de la Commission, portant notamment sur la soutenabilité de la dette et la situation budgétaire des pays bénéficiant d'une opération d'AMF, en s'appuyant principalement sur l'évaluation régulièrement mise à jour dans le cadre du programme du FMI. La Commission dialogue par ailleurs avec les pays bénéficiaires, notamment dans le cadre des réunions annuelles de l'accord d'association. Enfin, pour les pays candidats, la Commission suit les progrès accomplis dans le respect des critères économiques dans le cadre du processus d'adhésion et formule des recommandations ciblées en vue de l'intégration par le pays de l'acquis de l'UE, y compris sur les questions relatives à la soutenabilité de la dette.

En termes de volume, la hausse des AMF ne se limite pas au seul cas de l'Ukraine. Une AMF de 4 milliards d'euros a ainsi été accordée à l'Égypte27(*) et une autre de 500 millions d'euros en faveur de la Jordanie28(*). La DG ECFIN indique par ailleurs que plusieurs AMF étaient en cours d'examen à l'été 2025, dont une nouvelle de 500 millions d'euros pour la Jordanie et une éventuelle AMF pour le Liban, qui serait toutefois subordonnée à l'adoption préalable d'un programme du FMI.

Le soutien à l'Ukraine représentait fin 2024 près de 90 % des prêts accordés par l'Union à des pays tiers, expliquant la très grande majorité de la hausse des prêts accordés à des pays tiers. Il fait l'objet, dans ce rapport, d'une analyse détaillée pour mieux appréhender les dispositifs qui le constituent, les coûts associés et les risques qu'ils font peser sur le budget de l'Union européenne et de ses États membres.


* 22 La révision de mi-parcours du cadre financier pluriannuel crée une facilité pour l'Ukraine, analysée dans la suite de ce rapport.

* 23 Depuis 2023, certains dispositifs d'assistance, couverts par la marge de manoeuvre de l'Union européenne, ne sont pas concernés par la limite des crédits de provisionnement.

* 24 Règlement (UE) 2021/947 établissant l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale -- Europe dans le monde, dit « règlement IVCDCI ».

* 25 Albanie, Arménie, Bosnie Herzégovine, Égypte, Géorgie, Jordanie, Kosovo, Kirghizstan, Moldavie, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie, Tunisie.

* 26 Ce n'est toutefois plus le cas depuis janvier 2023, l'approche de financement de l'AMF étant passée d'une approche adossée à une structure unifiée, dans laquelle les émissions d'obligations sont découplées de décaissements spécifiques.

* 27Décision (UE) 2025/1267 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2025. Les trois versements envisagés pourraient avoir lieu à la fin de l'année 2025, à la mi-2026 et à la fin de 2026.

* 28Décision (UE) 2025/793 du Parlement européen et du Conseil du 14 avril 2025. Un premier versement de 250 millions d'euros a été effectué en septembre 2025.

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