2. Des évolutions encore très contrastées

a) Les pays d'Europe centrale et orientale , auxquels il est possible d'ajouter les Etats baltes, bénéficient d'une croissance positive depuis trois ou quatre années. Cette croissance a même dépassé 5 % en moyenne en 1995 et devrait encore être proche de 4 % en 1996.

D'autres facteurs apparaissent également dans ces pays très encourageants :

- l'amélioration de la gestion budgétaire et monétaire a permis une forte diminution de l'inflation qui, fin 1995, était dans tous ces pays inférieure à 40 % et même à 10 % dans certains d'entre eux (Albanie, Macédoine, Croatie, Slovaquie, République tchèque et Slovénie) ;

- les fondements de l'économie de marché ont été solidement implantés dans la plupart de ces pays grâce en particulier à la liberté des prix, du commerce extérieur et des régimes de change, et aux privatisations ; ces évolutions fondamentales -et remarquablement rapides- trouvent en particulier leur traduction dans l'accroissement de la part du secteur privé dans les économies nationales concernées : elle dépasse ainsi 70 % dans des pays comme l'Estonie, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque et est à peine inférieure en Pologne.

b) Les pays issus de l'ex-Union soviétique n'ont pas connu une évolution aussi rapide. Les premières étapes du processus de transition y ont été plus lentes et plus tardives . Des éléments très positifs de transformation apparaissent toutefois depuis 1994 :

- après cinq années de récession souvent dramatique, la BERD estime ainsi que plusieurs pays de la CEI pourraient renouer avec la croissance en 1997 ;

- en même temps que l'interruption de la chute de la production, l'inflation a considérablement diminué , notamment en Russie (800 % en 1993, 27 % d'octobre 1995 à octobre 1996) ;

- des progrès, quoique inégaux, ont été aussi accomplis en matière de privatisations, tandis que les règles du marché et de la concurrence se répandaient dans de nombreux pays en même temps que la libéralisation des prix et du commerce extérieur.

Néanmoins, de graves facteurs de préoccupation demeurent et soulignent que la transition économique n'en est qu'à ses débuts :

- des éléments de fragilité très inquiétants persistent, comme les retards de paiement des salaires ou l'importance des dettes interentreprises,

- des réformes centrales , complexes et exigeant du temps, restent à accomplir ou ont été à peine amorcées : mise en place d'un système fiscal moderne, réforme du secteur financier et bancaire, privatisations et restructurations de grandes entreprises ...

- enfin, si ces Etats sont conscients de la nécessité de poursuivre avec constance les réformes indispensables, leur rythme et la volonté politique de les conduire restent encore très différents d'un pays à l'autre.

c) Ces évolutions très contrastées entre pays ont conduit la BERD à répartir les économies de 25 pays de l'Est en trois catégories , aux frontières au demeurant mouvantes, selon le degré d'avancement du processus de transition auquel il sont parvenus :

- les pays les plus avancés au regard des principaux éléments de la transition (privatisations, restructurations, liberté des prix et du commerce extérieur, réforme du secteur bancaire), à savoir la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie et les trois Etats baltes ;

- les pays intermédiaires , qui rassemblent à la fois les autres pays d'Europe centrale et orientale - Albanie, Bulgarie, Macédoine et Roumanie- et une partie des pays de la CEI dans lesquels il faut compter la Russie ainsi que l'Arménie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Moldova, l'Ukraine et l'Ouzbékistan ;

- enfin, les pays les moins avancés dans le processus de transition, où le secteur public demeure dominant et où le secteur privé représente moins de 20 % du PIB : l'Azerbaïdjan, le Bélarus, le Tadjikistan et le Turkménistan.

Cette classification rejoint la question plus générale dite de la " graduation " qui est encore débattue au sein de la BERD. Votre rapporteur estime à cet égard devoir formuler deux observations :

- la répartition des pays en catégories, selon le degré d'avancement du processus de transition, ne vise pas à dresser un quelconque " tableau d'honneur " des pays concernés ; elle permet en revanche d'apprécier de manière plus précise et synthétique l'évolution de la situation dans chacun d'eux ; elle permet surtout à la BERD d' élaborer, dans chaque cas, les modalités d'intervention les plus efficaces qui ne sont naturellement pas les mêmes dans les pays les plus avancés et dans les pays les moins avancés : dans le premier cas, la priorité pourra être donnée à des formes de partenariat plus élaborées, notamment avec des industries locales privatisées confrontées à des problèmes de restructuration ; dans le second cas, l'accent devra être mis sur des actions d'infrastructure ou sur le développement d'un secteur financier naissant ;

- la " graduation " pose ensuite plus largement la question de l'évolution à venir des activités de la BERD et, singulièrement, celle de savoir si la Banque devra continuer à intervenir dans les pays les plus avancés lorsque ceux-ci pourront avoir recours à des financements de marché à des conditions raisonnables. Certains souhaitent donner corps à cette notion de " graduation " par la définition d'un ensemble de critères économiques et financiers permettant d'évaluer, de manière aussi objective que possible, les progrès de la transition. Mais la plupart des observateurs soulignent qu'en tout état de cause la BERD devra rester active dans différents domaines -comme la restructuration des grandes entreprises, les systèmes financiers ou l'environnement- où beaucoup reste à faire et qu'il est politiquement difficile et techniquement peu souhaitable d'imaginer dès maintenant une cessation des activités de la Banque dans certains pays.

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