IV. SÉANCE DU MARDI 5 NOVEMBRE 1996
A. AUDITION DE MME MICHÈLE VÉDRINE, PRÉSIDENTE, ET DE M. FRANÇOIS NONIN, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION DE LA SÉCURITÉ DES CONSOMMATEURS AU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES
M. Claude HURIET, rapporteur - J'aimerais tout d'abord savoir
dans quelles conditions la commission de la sécurité des
consommateurs a été créée, quelles sont ses
compétences et la façon dont elles exercent. Son intitulé
démontre qu'elle occupe pour nous une place éminente, car vous
avez les mêmes attributions que celles sur lesquelles la mission a
engagé sa réflexion. Si tout ce que vous dites est satisfaisant,
la mission pourrait s'arrêter aujourd'hui !
M. Charles DESCOURS, président - Vous qui êtes rattachés au
ministère des finances, quel regard portez-vous sur celui-ci en
matière de répression des fraudes et de santé publique ?
Mme Michèle VEDRINE - Tout d'abord, permettez-moi de me
présenter... Je suis médecin de formation et j'ai
été médecin-chef de la CNAM, où je m'occupais de
tous les problèmes d'hospitalisation au sens large, y compris les
personnes âgées. Je connais donc bien les problèmes de
santé publique.
En 1990, j'ai intégré la Cour des comptes, où je m'occupe
actuellement des problèmes de défense. J'ai été
nommé à la commission des consommateurs sur le poste
réservé à la Cour des comptes en 1994, en tant que
rapporteur, et j'en suis devenue rapidement présidente.
M. Nonin, quant à lui, vient de la DGCCRF. Il a été
directeur-adjoint du FAS et a intégré la commission de
sécurité des consommateurs en janvier 1996.
La commission a été créée par la loi de 1983 sur la
consommation. Le décret qui régit la commission date de 1984. La
commission a en fait commencé à fonctionner en 1985 et a dans les
articles du code et du décret des attributions extrêmement larges.
En effet,
"elle est chargée d'émettre des avis et de proposer
toutes mesures de nature à améliorer la prévention des
risques en matière de sécurité des produits et des
services. Elle recherche et recense les informations de toutes origines sur les
dangers présentés par les produits et les services. A ce titre,
elle est informée sans délai de toutes décisions prises en
application des articles du code de la consommation. Elle peut porter à
la connaissance du public les informations qu'elle estime
nécessaires".
On peut donc en effet imaginer que cette commission à tout pouvoir en
matière de santé publique...
A l'origine, il s'agit bien d'un groupe de consommateurs puissant qui a abouti
à la loi de 1983. Il fallait un organe de concertation entre
consommateurs et professionnels, avec une certaine garantie des corps d'Etat,
ce qui a amené à créer une instance de concertation
relativement dynamique, comportant au départ des représentants
des structures de consommation et des professionnels extrêmement
motivés.
Plus de dix ans après, je dois dire que les consommateurs ont beaucoup
baissé la garde. Les problèmes de consommation sont plutôt
secondaires. Ce ne sont pas les structures de consommateurs qui nous apportent
les dossiers, mais plutôt les individus, les maires, les
collectivités, voire le ministre lui-même. De ce point de vue, la
commission connaît actuellement une certaine insuffisance...
En pratique, la commission s'est recentrée uniquement sur les produits
domestiques. Tout ce qui étaient produits thérapeutiques ou
techniques médicales a été rendu au ministère de la
santé et à la DGS, qui nous a très rarement
sollicités jusqu'à une époque récente, sauf sur des
techniques à la limite de la médecine, comme des techniques
d'amaigrissement, que nous leur avons renvoyées, puisque c'était
la décision de départ.
Cela a été la même chose pour les produits industriels et
agricoles classiques. La commission s'est donc au fil du temps recentrée
sur les accidents domestiques, comme l'usage quotidien de produits
ménagers au sens large : lits superposés, cocottes-minutes, aires
de jeu...
Dans ce domaine, à l'époque, il existait très peu de
textes. Les accidents domestiques, en particulier des enfants, étaient
extrêmement nombreux. La commission a rendu de très nombreux avis
qui ont abouti, au fil des années, à une structure
réglementaire forte dans le domaine domestique.
Tout ce qui est réglementé est renvoyé au ministère
de tutelle qui s'en occupe et à la DGCCRF. Si nous sommes saisis sur un
problème de lits superposés -désormais il existe un texte
correspondant- nous enregistrons cette demande, mais la renvoyons pour
traitement à la DGCCRF, qui va vérifier que la
réglementation a bien été appliquée, que les
produits d'importation sont conformes, etc.
Le domaine qui nous reste est donc le domaine non réglementé des
accidents domestiques et éventuellement les insuffisances de
réglementation lorsqu'elles nous apparaissent. A ce titre, la
réglementation européenne qui se met progressivement en place est
parfois en retrait par rapport à la réglementation
française antérieure. En effet, si les procédures
déclaratives, qui consistent à faire certifier par les
industriels que les produits sont conformes aux normes, peuvent convenir
à la mentalité anglo-saxonne, elles sont loin d'être
adaptables à certains pays latins ou asiatiques.
Nous avons donc des inquiétudes concernant cette réglementation,
mais ce n'est pas nous qui la faisons ou qui l'adaptons. Nous essayons autant
que faire se peut, lorsque nous rencontrons un problème de ce type, de
signaler que la réglementation européenne est en retrait de la
réglementation française antérieure ou de celle que nous
avons souhaitée dans les avis.
La commission rend donc au ministre un certain nombre d'avis, qui ne s'imposent
pas. Ces avis sont ou ne sont pas suivis de textes. Ils sont d'autant plus
difficiles à suivre qu'il y a éventuellement plusieurs
intervenants, en particulier le ministère de l'industrie ou celui de
l'agriculture, qui sont des ministères techniques, qui ont leur propre
autonomie.
A partir de là, nous sommes tout à fait à la marge du
sujet concernant la sécurité thérapeutique. Nous ne sommes
quasiment jamais saisis directement pour un produit thérapeutique, mais
plutôt indirectement, en matière de veille sanitaire, pour des
accidents qui surviennent, malheureusement souvent très graves, souvent
mortels. Nous nous apercevons à cette occasion que d'autres accidents
moins graves se sont produits antérieurement et n'ont pas
été recensés ou signalés. En effet, tout le monde
s'occupe de tout, est au courant de tout, mais rien n'est véritablement
centralisé !
Nous sommes chargés de recenser les informations, mais la commission est
composée de 15 membres-rapporteurs qui ont tous une autre fonction. Ils
se réunissent une fois par mois et suivent des dossiers. L'appareil
technique de la commission est composé de 4 ingénieurs, dont deux
à temps partiel, qui sont tout à fait compétents mais ne
peuvent tout savoir ni recenser des informations comme peut le faire le
ministère de la santé ou celui de l'industrie. Nous ne pouvons
que rechercher des informations sur les dossiers sur lesquels nous sommes
saisis.
Nous savons fort bien que les accidents sont vus par le SAMU, les pompiers, les
PMI, les crèches, les médecins généralistes, les
infirmières, mais personne n'a l'idée de les faire remonter
où que ce soit !
La seule structure de recensement des informations qui existe est un
système européen, HELASS, comprenant en France 8 hôpitaux
volontaires, qui ont accepté de recenser les informations concernant des
accidents qu'ils gèrent. Or, ces 8 hôpitaux ne sont pas
statistiquement représentatifs du réseau français. Pour
que des accidents soient notés dans ce système de recensement
géré par le DGS, il faut que l'accident soit ou très
fréquent ou que, bizarrement, un produit arrive dans une région
et qu'il y ait tout d'un coup plein d'accidents.
Nous pouvons interroger cette base de données lorsque nous avons
nous-mêmes été saisis sur un accident, mais celle-ci ne
signale pas elle-même l'accident.
De même, en toxicologie, certains produits dangereux sont signalés
par les centres dans leur rapport annuel, mais n'ont pas de suites en
matière de prévention.
Ces recensements existent, mais sont dispersés. Le système des
hôpitaux pourrait prévoir cette information. Pour l'instant, elle
n'existe cependant pas.
La direction générale de la santé envisage de moderniser
cette base et d'en faire une base générale. Nous avons
été associés à deux réunions
récentes. Je ne sais ce que cette base future va comprendre, ni comment
elle sera élaborée, ou s'il s'agira d'une nième
enquête. Cela risque d'être extrêmement compliqué,
coûteux et il risque d'être difficile d'y entrer des informations,
tout le monde étant débordé !
A titre d'information, il existe depuis cinq ans, en Savoie, une petite base de
données supposée recenser les causes et les conséquences
des accidents de ski. Or, rien que dans un département, il est
extrêmement difficile de se mettre d'accord sur la méthode ! Cela
dit, il existe des bases et des systèmes qui fonctionnent très
bien, en particulier aux Etats-Unis...
Il existe également à la DGCCRF un système de veille, sur
lequel nous n'avons aucune information, la DGCCRF traitant directement des
informations qu'elle reçoit, qu'il s'agisse de produits
déjà réglementés ou encore non
réglementés. Nous ne sommes pas non plus au courant des
décisions que peut prendre la DGCCRF en matière d'interdiction de
produits, bien que les textes le prévoient.
Par contre, en matière de santé, en dehors des accidents -qui
sont toujours dramatiques et touchent beaucoup les enfants- nous sommes depuis
quelque temps saisis sur des produits de santé publique, qui sont
inquiétants et qui rejoignent le problème de l'émergence
des nouvelles maladies.
Nous avons ainsi été saisis sur le problème des machines
à bronzer, qui ont donné lieu à un avis de la commission
en 1994, ainsi qu'à un texte, grâce à l'amélioration
des services de la DGS. Le décret n'est pas paru, mais le projet nous a
été soumis. Nous avons pu constater à l'étude de ce
dossier remarquable que pratiquement tous les pays européens ont
réglementé les machines à bronzer et l'émission des
rayonnements, alors que nous n'avons encore rien fait !
Comme le dit un expert de l'INSERM en matière de mélanomes, nous
sommes la poubelle de l'Europe : en effet, nous ne sommes pas capables de dire
si les personnes exposées ne risquent pas de développer un
mélanome dans 10 ou 15 ans, mais il n'y a pas de raison qu'elles ne
connaissent pas les mêmes conséquences qu'en cas d'exposition
solaire sans protection, les rayonnements intenses de certaines machines
assurant un bronzage en 20 minutes ! D'où notre souhait d'une
réglementation en ce domaine...
Dans la même veine, nous avons été saisis il y a plusieurs
années sur les accélérateurs de bronzage, que nous avons
fait interdire, ces cosmétiques entraînant des brûlures et
favorisant probablement des cancers.
Concernant l'amiante, nous avons été saisis, mais très
à la marge, et il y a plusieurs années, et ce dossier a
totalement disparu du côté des ministères de l'industrie et
de la santé. La commission n'a donc jamais été active sur
ce sujet, bien qu'elle ait attiré l'attention des pouvoirs publics. Nous
avons eu à émettre un avis sur les différents
décrets, les plus récents, et avons bien entendu donné un
avis favorable à tous ces textes, à une réserve
près : aucun texte ne prévoit ce qui va être fait des
déchets, non seulement des déchets industriels, mais surtout
domestiques ! En effet, on a affolé la population avec l'amiante, mais
maintenant qu'elle se débarrasse de l'amiante, où s'en
débarrasse-t-elle ?
Ainsi, les gens qui ne se trouvaient pas exposés ont
découpé la plaque d'amiante qui se trouvaient derrière
certains poëles et se sont retrouvés exposés. Ils s'en sont
débarrassés à la décharge, publique ou non, dans le
jardin, à côté du ruisseau... Il en va de même avec
d'autres produits domestiques à base d'amiante, comme les radiateurs,
dont on est incapable de dire s'ils contiennent ou non de l'amiante, le
fabricant ayant disparu. Or, les gens nous posent la question et nous ne
pouvons répondre.
De même, les plaques de cuisinière électrique, les fers
à repasser, les grille-pains, contiennent de l'amiante. Il n'existe pas
de recensement de ces produits et il n'y a aucun moyen de les retrouver. Si les
gens s'en débarrassent, on ne sait pas où, et il y a là un
risque pour les populations qui n'étaient pas jusqu'à
présent exposées...
Nous avons été également saisis sur d'autres produits,
comme les téléphones portables. M. Galland nous a lui-même
saisis sur les conséquences médicales des appareils portables,
à partir d'articles étrangers, et le risque ou non de provoquer
des cancers. Il est bien évident que notre commission, très
modeste, aura beaucoup de mal à donner un avis, d'autant que,
d'après nos recherches sur Internet, il n'existe pas grand-chose sur ce
sujet.
Par contre, nous avons un avis à donner sur les ondes qui sont
émises par les téléphones portables, au même titre
que les baladeurs, les fours à micro-ondes, et surtout les portiques de
détection anti-vols ou anti-armes des aéroports. Nous venons de
rendre un avis qui montre que ces produits interfèrent, pour un certain
nombre -en particulier certain portiques anti-vols et certains portiques
détecteurs d'aéroports- avec les défibrillateurs et les
pacemakers...
Or, il n'y a en fait pas eu d'études, et il existe des détecteurs
de tout type. Une équipe américaine, que nous avons
rencontrée, dispose bien à Chicago d'un centre d'études
qui a l'air très opérationnel et qui recense tous les
problèmes qu'il pourrait y avoir avec ce genre de matériel, mais
d'autres fabricants sont certainement moins vigilants.
Il existe donc, à la marge, interaction avec certains produits
médicaux -pompes à insuline et autres...
Par ailleurs, nous sommes également saisis sur le problème de la
vache folle par une nouvelle association de consommateurs, dont le
secrétariat est en Belgique et les fonds au Panama. Nous sommes
obligés de répondre à cette saisine, bien que nous ne
sachions pas ce qui se cache derrière cette association. D'autres
associations françaises se sont jointes à cette association, sur
un aspect très particulier du dossier. Il s'agissait en effet de savoir
si, dans le domaine du mouton, toutes les interdictions et toutes les
recommandations avaient bien été prises.
Or, beaucoup de commissions parlementaires et interministérielles, ainsi
que de grands scientifiques, se sont penchés sur ce sujet. Nous n'avons
ni les moyens, ni mêmes la compétence -bien que les textes,
très vagues et très larges, nous le permettent- pour traiter ce
problème. Nous n'avons donc pas voulu nous jeter dans ce dossier et nous
avons circonscrit notre domaine à l'information du consommateur.
Nous sommes en train de recenser auprès des différents
ministères techniques les informations publiées en direction des
consommateurs, pour voir si celles-ci sont claires, compréhensibles et
répondent aux questions que se posent les consommateurs au quotidien. A
ce titre, nous devons faire l'expertise d'un système 36-14 mis en place
par la DGCCRF.
D'autre part, nous avons récemment traité un dossier assez
original relatif aux répliques d'armes. Il s'agit de matériels en
plastique imitant parfaitement les armes. Nous avons été saisis
par des associations de consommateurs, car ces produits tirent de petites
billes en dessous du niveau de la réglementation des armes, mais
au-dessus de celle des jouets. Or, ces armes, utilisées de près,
peuvent entraîner des blessures à l'oeil, notamment chez les
enfants.
La commission a rendu un avis assez original en la matière : elle
souhaite en effet que le port quotidien de ces produits soit interdit, en
particulier dans les espaces publics que sont les écoles, ainsi que
l'établissement d'une déclaration d'achat. Elle recommande aussi
que des tests soient réalisés concernant la puissance des
projectiles, mais surtout, la commission a souhaité que l'interdiction
se fasse dans un esprit préventif psychologique, afin de pouvoir lutter
contre la violence à l'école.
C'est un peu une première... La commission a jugé qu'il
était temps de pallier les insuffisances de l'administration scolaire et
probablement des parents, en faisant en sorte que ce genre de produit
relativement dangereux soit interdit.
Par ailleurs, le ministère de l'intérieur souhaitait interdire
ces produits, utilisés pour agresser des individus et même des
policiers, qui peuvent répliquer sans connaître la nature exacte
de l'arme.
Il s'agit donc d'un dossier en apparence technique mais qui, pour une fois,
touche à la marge la santé mentale de la population.
Peut-être M. Nonin peut-il ajouter quelques mots à propos du
système de veille sanitaire...
M. François NONIN - Il s'agit d'un réseau fondé sur le
relationnel, que la direction de la concurrence et de la consommation
entretient dans chaque département avec les services d'urgence, les
établissements hospitaliers et les sapeurs-pompiers.
Dès l'instant qu'un incident est signalé, la direction le
recense. C'est ce qu'elle appelle un "système d'alerte". Elle
s'efforce
de faire entrer ces incidents dans des statistiques, afin de déterminer
les types d'incidents ou d'accident de la vie domestique recensés dans
chaque département.
Cela fonctionne bien lorsque le responsable de la DGCCRF s'investit dans
l'opération. Cela fonctionne moins bien lorsque les priorités ne
sont pas les mêmes dans un autre département. Il s'agit de quelque
chose de plus ou moins factuel, mais qui, dans certains cas, donne des
renseignements statistiques survenus dans certains départements. On ne
peut toutefois pas parler d'une carte de France des accidents domestiques
situés avec précision...
M. Claude HURIET, rapporteur - Vous disiez que la motivation des associations
de consommateurs était moindre. Ces associations représentatives
considèrent-elles que l'essentiel du travail a été fait ou
n'est-ce plus dans l'air du temps ?
Mme Michèle VEDRINE - Les deux choses sont vraies. Au début, les
représentants des associations de consommateurs étaient
extrêmement motivés, ils avaient participé à la
préparation de la loi. Ils se sont donc engagés dans un domaine
où il n'existait quasiment pas de réglementation. Il y a pourtant
encore matière à procéder à des investigations dans
ce domaine, car nous voyons maintenant des produits étrangers ou plus
complexes, mais les associations de consommateurs reçoivent moins de
subventions de l'Etat.
L'INC, qui est devenue un outil qui évoluera peut-être même
vers un établissement de nature privée, a beaucoup moins de
relais médiatiques et moins d'argent. C'est également vrai pour
les autres associations de consommateurs, et le mouvement consommateur a
considérablement baissé.
C'est à nous, commission de la sécurité des consommateurs,
et au sens plus large, à l'Etat, à prendre le relais dans des
domaines que le consommateur n'imagine pas au quotidien, mais qu'il rencontrera
dans sa vie future. En effet, on constate actuellement un grand défaut
d'information et d'éducation, sanitaire en particulier, ainsi que de
prévention. Il faut donc bien que quelqu'un fasse ce travail...
Nous avons donc décidé de pallier l'insuffisance des
adhérents des mouvements de consommateurs, qui ne réagissent
qu'en cas d'accident. Ce jour-là, ils passent par leur avocat, et les
dossiers nous arrivent trop tard ! De plus, la crise économique ne rend
pas les choses simples : entre deux produits, comme des lits superposés
pour enfants, on choisira en effet le moins cher, sans se préoccuper des
problèmes de solidité ou d'inflammabilité !
Récemment encore, à Blois, deux enfants sont morts
asphyxiés par l'incendie de leur matelas. Les parents n'étaient
certainement pas au courant des problèmes d'inflammabilité,
même s'il existe un texte correspondant ! Dans un contexte de crise
économique, les gens choisiront le produit le moins cher et le plus
économique. Il n'y a que dans le domaine de la petite
puériculture -biberons, chauffe-biberons, produit à langer, etc.-
où il semble que les industriels français aient réussi
à faire admettre que le prix garantit la bonne qualité et la
fiabilité.
M. Claude HURIET, rapporteur - Le système d'alerte de la DGCCRF
fonctionne-t-il en réseau, ou bien les choses se font-elles en fonction
du terrain ?
M. François NONIN - C'est pour l'instant à l'initiative des
responsables de terrain. Il n'existe pas de synergie institutionnalisée.
Mme Michèle VEDRINE - ... Et avec nous non plus.
M. Claude HURIET, rapporteur - Quelles sont les conséquences en termes
d'interprétations protectionnistes ? On peut en effet prétendre
que c'est au nom de certaines exigences de sécurité que l'on
refuse l'entrée en France de produits d'autres origines...
M. François NONIN - Même l'Union européenne commence
à se rendre compte des limites de la présomption de
conformité et de sécurité du marquage CE. En effet, ce
n'est pas la panacée et se reposer sur la seule responsabilité du
fabricant ou de l'importateur ne donne pas toujours les résultats
escomptés.
Suivant les pays, le niveau de responsabilité est
interprété différemment, de façon laxiste dans
certains pays et plus sévère dans d'autres. On a donc un niveau
de conformité à la sécurité différent
suivant les Etats membres...
Mme Michèle VEDRINE - Nous avons récemment vu un produit
bénéficiant du marquage CE dans un domaine où il
n'existait ni normes, ni réglementations. C'est un argument de vente, et
les structures industrielles d'Asie l'ont bien compris !
M. Bernard SEILLIER - Peut-on distinguer des associations de consommateurs
agréées partenaires de votre commission plus fiables que
d'autres ?
Mme Michèle VEDRINE - Il vaut mieux laisser libre cours à un
certain foisonnement... Trois associations sont représentées
à notre commission, mais un renouvellement de l'ensemble des membres de
la commission doit intervenir.
Il est probable qu'une nouvelle association va intégrer la commission
à la place d'une autre. C'est le ministre de la consommation qui a fait
le choix et qui a intégré une nouvelle personne, alors que
l'association n'avait pas été retenue par le CNC. Nous ne
connaissons pas les critères qui ont présidé à ce
choix, et nous ne sommes d'ailleurs pas officiellement au courant.
Je ne sais si cette association est plus dynamique que d'autres.... Nous
n'avons pas de rapports très étroits avec les différentes
organisations, en dehors des membres nommés et qui travaillent pour
nous. Ce sont d'ailleurs des gens tout à fait remarquables, mais les
associations nous saisissent très peu sur les produits.
Si je puis me permettre, je voudrais ajouter que les problèmes
d'éducation sanitaire sont très importants. Nous sommes saisis
très souvent sur des produits professionnels qui sont mis à la
disposition du grand public, entre autres par le biais de structures de
bricolage. Récemment, un enfant est mort des conséquences de
l'utilisation de produits utilisés dans les machines à laver
à sec en libre-service.
De même, on recense quelques déviances de la réglementation
relatives aux produits dangereux. Il existe en effet un marquage
extérieur sur les bouteilles, qui portent une croix de
Saint-André. En général, personne ne sait ce qu'est la
croix de Saint-André, contrairement à la tête de mort. Or,
le bouchon qui a été mis en place pour les enfants, est
extrêmement difficile à ouvrir, et les personnes
handicapées de la main ou les personnes âgées transvasent
ces bouteilles dans des bouteilles normales. La réglementation est donc
détournée, et l'on se retrouve avec des accidents que connaissent
les centres de toxicologie, cette réglementation préventive
devenant inefficace !
Pour en revenir aux machines à laver à sec, ces appareils
constituent des produits professionnels que l'on met à la disposition du
public, en recommandant de ne pas dépasser un certain volume de linge.
Dans un souci d'économies, tout le monde double en fait les
quantités. Dans le cas que j'ai évoqué, il y avait 18
kilos de produits là où il en fallait 7 ! La machine a mal
fonctionné et les rideaux sont sortis imprégnés de
produits toxiques. On les a néanmoins replacés dans la chambre,
on y a installé le bébé, chauffage à fond,
fenêtres fermées, et l'enfant est mort comme on pouvait le
prévoir !
Ces produits nouveaux mis à la disposition du public nous
inquiètent beaucoup, car ils peuvent provoquer des accidents
extrêmement graves.