INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La XIV
e
COSAC s'est tenue à Rome les 24 et 25 juin 1996.
Outre l'exposé traditionnel du président en exercice du Conseil
de l'Union européenne et la séance de questions-réponses
qui lui a succédé, la XIV
e
COSAC s'est
consacrée essentiellement au
suivi de la Conférence de
Barcelone sur le partenariat euro-méditerranéen
ainsi qu'aux
rapports des Parlements nationaux avec les institutions de l'Union
européenne
(1(
*
)).
Les débats qui se sont déroulés à propos de ce
dernier thème ont fait apparaître un consensus sur la
nécessité de mettre en place les conditions matérielles
d'une intervention efficace de chaque Parlement national sur les propositions
législatives de la Commission.
En ce qui concerne une intervention collective des Parlements nationaux, les
échanges n'ont pas permis en revanche de discerner nettement une
tendance dominante. L'absence de vote final sur des conclusions empêche
en effet d'autant plus de faire apparaître le sentiment majoritaire des
participants à la COSAC que l'intervention du membre d'une
délégation ne signifie aucunement qu'il est le porte-parole de
celle-ci.
Les débats auront eu au moins le mérite de montrer le grand
intérêt que les délégués attachent à
cette question ainsi que leur souhait que la COSAC soit organisée d'une
manière plus rationnelle et plus efficace. Ils ont fait apparaître
également que les positions des uns et des autres sur les
modalités d'une action collective des Parlements nationaux au sein de
l'Union européenne étaient souvent mal comprises, sinon
méconnues.
Or, ce sujet est l'un de ceux qui sont débattus au sein de la
Conférence intergouvernementale.
Le Conseil européen de Turin, définissant en mars dernier le
programme de la Conférence intergouvernementale, a en effet
mentionné que :
" La CIG devrait également examiner comment et dans quelle
mesure les Parlements nationaux pourraient, collectivement aussi, contribuer
davantage aux tâches qui incombent à l'Union. "
Lors du Conseil européen de Florence, en juin dernier, la
présidence italienne a présenté un rapport dressant le
bilan des premiers travaux de la Conférence intergouvernementale. Ce
rapport résume les débats consacrés à cette
question par les deux paragraphes suivants :
" En ce qui concerne la possibilité de développer le
rôle des Parlements nationaux dans le système institutionnel de
l'Union, la nécessité de ne pas entraver ni alourdir le processus
décisionnel de l'Union a été largement soulignée,
et a conduit à des réserves sur la création d'un organe
nouveau dont l'intervention compliquerait encore les procédures
actuelles.
" Selon un autre point de vue, il est indispensable de permettre aux
Parlements nationaux de s'exprimer collectivement sur des sujets qui les
concernent au premier chef comme la Justice, les Affaires intérieures ou
la subsidiarité et il serait possible de le faire sans compliquer
inconsidérément le processus législatif, soit en adaptant
les structures existantes (COSAC), soit en créant une structure ad hoc
légère (Haut Comité parlementaire) avec un rôle
consultatif s'exerçant en amont de la procédure dans des domaines
très précisément délimités et des
délais appropriés. "
Au moment où la Conférence intergouvernementale connaît une
nouvelle impulsion et où l'on envisage qu'un premier projet de
Traité soit présenté à la fin de l'année, la
Délégation du Sénat pour l'Union européenne se doit
de préciser les modalités qu'elle préconise pour une
expression collective des Parlements nationaux au sein de l'Union. Tel est
l'objet de ce rapport.
I. LA NECESSITE DE MIEUX ASSOCIER LES PARLEMENTS NATIONAUX
Depuis le début de l'actuelle décennie, au
moment même où la construction européenne débordait
du cadre strictement économique pour aborder des sujets touchant
davantage aux préoccupations et aux intérêts directs des
citoyens, des inquiétudes sont apparues quant au fonctionnement
démocratique des institutions européennes :
- les instances communautaires paraissent lointaines, et le contrôle
démocratique exercé sur elles insuffisant. Les citoyens ont
parfois le sentiment d'assister à la croissance d'un pouvoir dont ils ne
peuvent se faire entendre et sur lequel ils n'ont aucune possibilité
d'influer ;
- en même temps, et alors même que l'on regrette sa carence dans
des matières essentielles telles que la politique
étrangère, la Communauté est parfois ressentie comme
envahissante, intervenant dans divers domaines où les Etats membres
pourraient être un échelon de décision et d'action
adéquat : c'est la problématique de la subsidiarité.
Si l'on veut éviter un divorce grandissant entre l'Union
européenne et les citoyens, la Conférence intergouvernementale
doit prendre en compte ces inquiétudes, et mettre en place des
mécanismes permettant que la construction européenne fasse
l'objet d'un contrôle démocratique plus étroit et qu'elle
se rapproche de l'idéal proclamé par le Traité de
Maastricht d'"
une
Union ou les décisions sont prises le plus
près possible des citoyens
".
A. LES LIMITES DE L'ACTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
De par sa spécificité, le Parlement
européen ne peut assurer à lui seul la
" démocratisation " de l'Union européenne.
D'abord en raison des particularités de son mode
d'élection
: le Parlement européen est, par nature,
éloigné des électeurs, et son mode d'élection (en
règle générale, le scrutin proportionnel dans de vastes
circonscriptions) accentue ce phénomène ; de plus,
même si elles se déroulent au même moment dans les quinze
Etats membres, les élections au Parlement européen donnent lieu
à quinze débats nationaux différents et non à un
débat européen commun ; des parlementaires européens
appartenant à un même groupe peuvent en conséquence avoir
été élus en fonction de programmes extrêmement
différents selon leurs pays d'origine.
Ensuite en raison des particularités du système institutionnel
communautaire
: le système institutionnel communautaire ne
fonctionnant pas comme un système institutionnel national, le Parlement
européen ne peut jouer au sein de la Communauté un rôle
identique à celui d'un Parlement national dans un Etat. Alors que le
système politique de chaque Etat membre repose sur la confrontation
entre un Parlement et un Gouvernement, le système communautaire met le
Parlement européen en face de deux branches exécutives dont l'une
est théoriquement responsable devant lui, tandis que l'autre lui
échappe et trouve sa légitimité dans le Gouvernement de
chaque Etat membre responsable de ses actes devant son propre Parlement. De ce
fait, les débats au sein du Parlement font rarement apparaître un
choix clair entre une position revendiquée par la majorité et une
autre affirmée par l'opposition. Les plus importantes positions du
Parlement européen résultent plutôt de transactions entre
les groupes les plus importants dont la signification échappe au citoyen.
Enfin en raison des particularités de son fonctionnement
:
l'utilisation de onze langues ne permet pas aux débats du Parlement
européen d'atteindre le citoyen aussi facilement que les débats
nationaux ; la relation entre le Parlement européen et le citoyen
est de ce fait beaucoup moins aisée que celle qui s'établit entre
ce dernier et le Parlement national.
Dès lors, le Parlement européen n'est pas en mesure, à
lui seul, d'assurer à l'Union une vie démocratique analogue
à celle que connaissent les Etats membres. Il revient aux Parlements
nationaux de contribuer, pour leur part, au fonctionnement démocratique
de l'Union.