Audition M. Jean-François Carrez,
Directeur général
de l'Office national des Forêts
(mardi 25
février 1997)
Interrogé par
M. Jean-François Le Grand,
président,
sur la cohérence de la directive 92/43/CEE
concernant la conservation des habitats naturels avec les autres textes
nationaux pris en matière de protection de la nature,
M.
Jean-François Carrez
a déclaré qu'il n'y avait pas de
contradiction étant donné l'objet très précis et le
caractère très novateur de la directive, qui place ce texte sur
un terrain différent des textes préexistants en droit national,
en privilégiant une approche écosystémique,
c'est-à-dire globale et dynamique, et en préconisant une
démarche intégrée prenant en compte la
légitimité des activités humaines.
M. Jean-François Carrez
a observé que l'application de la
directive avait rencontré des difficultés, tant sur le plan
administratif du fait du manque de moyens et du retard pris dans le
déroulement de la procédure que sur le plan scientifique, en
raison de l'insuffisance des différences dans les méthodes
employées d'une région à l'autre, ce qui nuirait à
la cohérence scientifique et à l'homogénéité
des résultats obtenus, ou enfin sur le plan politique du fait des
insuffisances de la concertation avec les acteurs locaux qui ont, par leurs
protestations, obtenu l'arrêt de la procédure.
Le directeur général s'est par ailleurs inquiété de
l'interprétation très extensive de la directive donnée par
la Cour de justice européenne, alors même que toute association
écologique a capacité à saisir la cour, de même que
tout comité de défense ou d'usagers qui pourrait s'appuyer sur la
directive relative à la conservation des habitats naturels pour
s'opposer à la réalisation de projets d'infrastructures ou
d'équipements collectifs.
Il a enfin souligné que, si la procédure était
relancée quant à la désignation des sites, rien
n'était encore défini sur les règles de gestion
envisagées à l'intérieur de ces sites et sur
l'éventuelle indemnisation des charges qui en résulteraient. Il a
observé que les réponses de la Commission restaient à ce
stade peu précises quant aux engagements financiers de l'Union
européenne pour la mise en oeuvre de cette directive.
Répondant à
M. Jean-François Le Grand
sur la
qualité scientifique des comités scientifiques régionaux
de protection de la nature (CSRPN), il a souligné la qualité de
leur travail, compte tenu des délais et des moyens qui leur
étaient impartis, en ce qui concerne l'identification des territoires
pouvant présenter un intérêt, mais il a noté qu'il
restait à opérer une réelle sélection des sites du
futur réseau, ce qui devait être fait avec le concours des
gestionnaires, qui ont une connaissance très précise des milieux
concernés. Il a cité, à titre d'exemple, le travail
mené en Lorraine sous la direction du professeur Jean-Claude Rameau,
chargé de l'expertise des sites répertoriés par les CRSPN
dans les forêts publiques.
M. Jean-François Carrez
a enfin énuméré
quelques recommandations pour permettre la désignation de sites
pertinents au niveau communautaire d'ici à l'été 1997 :
- Conserver une approche scientifique, car le consensus constitue une
condition indispensable, mais non suffisante. Il faut en particulier
procéder à un travail cohérent au niveau des zones
biogéographiques européennes, sachant que la France est
répartie sur quatre zones, en élaborant un réseau
scientifiquement pertinent, sinon la Commission européenne, pourra le
remettre en cause et désigner d'elle-même certains sites.
- Eviter les confusions entre les zones spéciales de conservation
(ZSC) constituant le réseau Natura 2000 et les zones déjà
protégées en France à divers titres, et qui ne
relèvent pas nécessairement des objectifs de la directive.
Néanmoins,
M. Jean-Louis Carrez
a souligné tout
l'intérêt de croiser les deux exercices pour faciliter la
recherche du consensus.
En conclusion, le directeur général a souhaité voir
préciser le montant et les modalités d'emploi des ressources
financières affectées au programme Natura 2000 et a
insisté sur l'intérêt de consulter les élus locaux
sur un projet de réseau scientifique pertinent et cohérent,
élaboré au niveau national, à partir notamment des sites
proposés par les préfets, en application des circulaires du
ministère de l'environnement en date du 12 février 1997.