B. L'INSCRIPTION DU PROBLÈME À L'ORDRE DU JOUR DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
Le " compromis de Ioannina " est un
expédient
qui ne saurait valoir pour les futurs élargissements de l'Union. Si
l'Union s'élargissait encore tout en conservant une
référence politique à une minorité de blocage de
23 voix, la majorité qualifiée serait en pratique de plus en
plus difficile à obtenir.
C'est pourquoi le Conseil européen de Corfou, qui s'est tenu en juin
1994, quelques mois après le " compromis de Ioannina ", a
décidé que la conférence de 1996 serait également
chargée de revoir le fonctionnement institutionnel de l'Union dans la
perspective de l'élargissement, en examinant notamment les questions
suivantes : "
pondération des voix, seuil pour les
décisions prises à la majorité qualifiée, nombre
des membres de la Commission et toute autre mesure estimée
nécessaire pour faciliter les travaux des institutions et garantir leur
efficacité dans la perspective de l'élargissement
".
C. UN DÉSÉQUILIBRE GRANDISSANT ENTRE " GRANDS " ET " PETITS " ETATS
Les Etats membres de l'Union sont très inégaux
sur le plan démographique et peuvent être répartis en deux
groupes :
- le groupe des " grands " Etats, qui comprend un pays
d'environ
40 millions d'habitants, l'Espagne, trois pays d'environ 60 millions
d'habitants (France, Italie, Grande-Bretagne) et un pays d'à peu
près 80 millions d'habitants, l'Allemagne ;
- le groupe des " petits " Etats, au nombre de 10, dont la
population
va de 400.000 habitants (Luxembourg) à environ 15 millions
(Pays-Bas).
Depuis les débuts de la Communauté, il a toujours
été admis que cette situation devait conduire à une
certaine sur-représentation des " petits " Etats.
L'application d'un critère purement démographique aboutirait en
effet à une domination des " grands " Etats qui, à eux
cinq, rassemblent 294 millions d'habitants, c'est-à-dire les quatre
cinquièmes de la population de l'Union à Quinze.
Seulement, à mesure de ses élargissements, l'Union a
compté de plus en plus de " petits " Etats membres : la
sous-représentation des " grands " Etats est donc allée
en s'accentuant. Ainsi, les trois plus grands Etats, qui représentent
ensemble plus de 53 % de la population de l'Union, ont moins de 35 %
des droits de vote.
Or l'élargissement à l'Est va nécessairement aggraver ce
phénomène : en effet, sur les onze pays candidats, un seul,
la Pologne, est un " grand " Etat. Si l'on ne modifie pas
les
règles actuelles de pondération, l'on obtiendra à l'issue
du processus d'élargissement une Union de vingt-six Etats où six
" grands " Etats, avec 70 % de la population, auront
42 %
des droits de vote, tandis qu'une coalition de douze
" petits " Etats
pourra constituer une minorité de blocage tout en rassemblant seulement
11,5 % de la population de l'Union.
Ces données sont retracées dans le tableau ci-après :
Etats |
Nombre de voix |
Population
|
Adhérents actuels |
||
Belgique |
5 |
10,1 |
Danemark |
3 |
5,2 |
Allemagne |
10 |
81,3 |
Grèce |
5 |
10,4 |
Espagne |
8 |
39,2 |
France |
10 |
58 |
Irlande |
3 |
3,5 |
Italie |
10 |
57,2 |
Luxembourg |
2 |
0,4 |
Pays-Bas |
5 |
15,3 |
Portugal |
5 |
9,8 |
Royaume-Uni |
10 |
58,3 |
Autriche |
4 |
8 |
Finlande |
3 |
5 |
Suède |
4 |
8,7 |
Sous-total adhérents actuels |
87 |
370,4 |
Adhérents futurs |
||
Hongrie |
5 |
10,3 |
Pologne |
8 |
38,5 |
Slovaquie |
3 |
5,3 |
République tchèque |
5 |
10,3 |
Bulgarie |
4 |
8,4 |
Roumanie |
6 |
22,8 |
Slovénie |
3 |
1,9 |
Estonie |
3 |
1,5 |
Lettonie |
3 |
2,6 |
Lituanie |
3 |
3,7 |
Chypre |
2 |
0,7 |
Sous-total adhérents futurs |
45 |
106,5 |
Total général |
132 |
476,7 |