CONCLUSION
Selon toute vraisemblance, la CIG va donner une
reconnaissance
de principe aux coopérations renforcées, renforçant ainsi
d'une certaine manière une tendance apparue lors de la
négociation du traité de Maastricht.
Mais les conditions nombreuses dont ces coopérations seront
entourées, et les contraintes de fonctionnement auxquelles elles seront
soumises, ainsi que les incertitudes qui subsistent sur leurs conditions de
lancement et leurs domaines d'application, montrent qu'il reste difficile
d'introduire d'une manière générale une possibilité
de différenciation au sein de la construction communautaire.
Il semble que, finalement, les coopérations renforcées ne
concerneront en pratique qu'un nombre restreint de domaines dans le cas du
premier pilier ; dans le cas des deuxième et troisième piliers,
l'impératif de flexibilité pourrait principalement prendre la
forme de solutions spécifiques, adaptées à la nature des
problèmes traités par les piliers et à leur mode de
fonctionnement.
Au total, les coopérations renforcées reposeront sur un
dispositif relativement complexe et difficile à manier. Il sera
politiquement nécessaire, dans la réalité, de maintenir un
dialogue étroit entre les Etats participants et les non-participants.
L'exemple de l'UEM est là, au demeurant, pour attester de la
difficulté à mettre en place et à faire fonctionner, au
sein d'un ensemble fondé sur une même participation de tous les
membres, un sous-ensemble reposant sur une différenciation : il est
clair qu'au moment des choix décisifs, les critères politiques
prennent une plus grande importance, et qu'il paraît alors
nécessaire de trouver des formules permettant d'éviter une
coupure au sein de l'Union.
Dans ces conditions, il serait exagérément optimiste de voir dans
les coopérations renforcées, du moins telles qu'elles devraient
être conçues dans le futur traité, une formule permettant
de lever complètement la contradiction latente entre
élargissement et approfondissement.
Il conviendra même d'être attentif à ce qu'une
flexibilité aussi encadrée ne serve paradoxalement d'alibi
à l'inaction, notamment dans le cas du deuxième pilier.
L'idée de départ des coopérations renforcées
était de donner aux Etats membres un outil permettant le cas
échéant à certains d'entre eux de poursuivre certains
objectifs sans être entravés par les contraintes et les pesanteurs
d'une Union comptant de plus en plus de membres.
Le dispositif d'arrivée est tel que, lorsqu'ils voudront mettre en
oeuvre des coopérations renforcées, les Etats membres resteront
soumis à une bonne partie de ces pesanteurs et de ces contraintes.
Parce qu'il officialise les coopérations renforcées, un tel
schéma risque d'avoir un effet dissuasif vis-à-vis de leur mise
en oeuvre en dehors du cadre de l'Union; mais, ainsi rabattus vers le cadre de
l'Union, les Etats en retrouveront en grande partie la logique et les
lourdeurs, peu propices à l'action de certains d'entre eux seulement. Si
bien qu'il n'est pas certain que le dispositif prévu favorise
effectivement l'affirmation de l'identité européenne sur la
scène internationale puisque, à défaut d'une
volonté politique réellement partagée en ce sens, cette
affirmation ne peut résulter pour l'instant que de l'action de certains
Etats membres.