II. LES QUESTIONS ECONOMIQUES ET FINANCIERES
A. AUDITION DE M. JOHN SWIFT, REGULATEUR BRITANNIQUE DU RAIL
Le jeudi 13 mars 1997, les délégations des deux Assemblées ont entendu, au cours d'une réunion commune, M. John SWIFT, régulateur britannique du rail.
Le président Robert Pandraud remercie tout d'abord M. John Swift d'avoir accepté de venir entretenir les membres des délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat de son expérience de la réforme des chemins de fer britanniques.
Le président Robert Pandraud indique ensuite que l'expérience britannique suscite un grand intérêt en France et appelle quatre observations.
Il note, en premier lieu, que l'existence de régulateurs, incarnant une spécificité du système de contrôle des services publics anglais, tout à fait contraire à la tradition nationale française, suscite quelques interrogations s'agissant du contrôle démocratique des décisions très importantes qu'il est amené à prendre.
Il ajoute qu'en deuxième lieu, la plupart des entreprises ferroviaires en Europe s'étant engagées dans un processus de réforme, y compris la S.N.C.F., les délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat suivent avec une particulière attention les évolutions intervenues au sein de l'Union européenne. MM. Paul Chollet et Nicolas About ont d'ailleurs présenté un rapport sur les réformes intervenues au Royaume-Uni, pour la préparation duquel ils ont rencontré M. John Swift, à Londres.
En troisième lieu, les délégations étant plus spécifiquement appelées à examiner le livre blanc de la Commission européenne sur les chemins de fer, le Président Robert Pandraud souhaite connaître le sentiment du régulateur britannique du rail sur les propositions de la Commission, en particulier sur l'ouverture à la concurrence intramodale.
En dernier lieu, il souligne le caractère exemplaire de l'expérience de libéralisation engagée au Royaume-Uni avec l'ouverture effective de ses appels d'offres aux entreprises européennes, qui a pu aboutir au choix d'une société française pour la gestion de l'un des réseaux. Il souligne que le Royaume-Uni a ainsi donné une preuve de l'existence concrète de l'Europe, comme il en donne d'ailleurs un autre exemple dans la diligence qu'il met à transposer les directives communautaires.
Le président Michel Caldaguès fait sien l'esprit dans lequel le Président Robert Pandraud envisage cette réunion.
Après avoir dit l'honneur qu'il ressent à pouvoir s'exprimer devant les délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat, M. John Swift félicite les deux rapporteurs, MM. Paul Chollet et Nicolas About, pour la qualité, la précision et l'équilibre avec lesquels ils ont rendu compte du système britannique. Il est particulièrement impressionné par l'objectivité de cet examen, d'autant plus que beaucoup partagent cette conviction communément répandue, mais erronée, qu'au Royaume-Uni la réforme entreprise mettrait à mal le transport ferroviaire en raison tant du caractère infondé de l'analyse économique qui la sous-tendait que d'une prétendue atteinte à l'éthique. Il relève, comme M. Paul Chollet, que le système britannique a été " diabolisé ".
Les travaux des délégations rendant parfaitement compte de la réforme britannique, M. John Swift souligne qu'il a accepté de répondre à l'invitation du Président Robert Pandraud avec le souci de faire partager à leurs membres son " vécu " de l'expérience britannique.
Il rappelle tout d'abord que le régulateur britannique du rail est désigné par le Gouvernement, en application d'une loi de 1993 adoptée après de longues discussions et de nombreux amendements. Il souligne que sa mission consiste, aux termes mêmes de la loi, à veiller aux impératifs de l'intérêt public et estime que son indépendance méconnaît d'autant moins les principes démocratiques qu'elle résulte du choix fait par le Parlement du Royaume-Uni. La loi a fait du Régulateur le pivot de la réforme par les pouvoirs et les obligations qui sont les siens. Le Régulateur n'est ainsi qu'une " créature de la loi ".
M. John Swift précise que les décisions prises par le régulateur prennent effet compte tenu des principes du droit public c'est-à-dire compte tenu de la possibilité, pour toute personne y ayant intérêt, de demander au juge compétent de se prononcer sur son bien-fondé. Sur ce point, la situation du régulateur ne se distingue en rien de celle d'un ministre, d'un fonctionnaire, d'une autorité locale ou, plus généralement, de toute personne investie d'un pouvoir de décision publique : le Parlement du Royaume-Uni a fait en sorte que le Régulateur agisse en respectant les exigences légales, sa responsabilité pouvant être mise en cause devant les instances judiciaires du pays.
M. John Swift estime donc que ce système implique ce haut degré de responsabilité auquel le Président Robert Pandraud se dit attaché, d'autant plus que c'est le législateur qui a décidé qu'une personne désignée par le Gouvernement pouvait prendre des décisions de façon véritablement indépendante.
Il rappelle ensuite que le régulateur est désigné pour cinq ans et qu'il ne peut être démis de ses fonctions que pour conduite répréhensible ou incapacité. Le Régulateur du rail est la cinquième instance de ce type depuis sa première apparition, en 1984, à l'occasion de la privatisation des télécommunications.
S'agissant d'éventuelles modifications du système de régulation actuellement en vigueur, M. John Swift reconnaît qu'en cas de changement de majorité, des élections devant avoir lieu au Royaume-Uni dans deux mois, un nouveau gouvernement travailliste pourrait modifier un système qui suscite encore des controverses en termes d'équilibre des pouvoirs, sans, d'ailleurs, que cela soit certain. Toutefois, il fait valoir que toute modification dépendra in fine du peuple : si celui-ci considère que le degré de responsabilité introduit par le système de régulation indépendant est insuffisant, alors le Parlement sera placé dans l'obligation de réviser les principes instaurés il y a maintenant quinze ans et le Régulateur devra s'y plier. Il souligne que toute décision en la matière relèvera exclusivement des prérogatives du Parlement, et non de celles des opérateurs concernés.
Abordant les fondements économiques et politiques du processus de privatisation des chemins de fer au Royaume-Uni, M. John Swift fait observer que le Royaume-Uni ne se serait pas lancé dans cette tâche extrêmement difficile si auparavant le processus de privatisation n'avait été engagé dans d'autres secteurs industriels. Il rappelle d'ailleurs que le gouvernement conservateur n'a entrepris aucune privatisation des chemins de fer anglais lors de son premier mandat, entre 1979 et 1983.
Il indique en effet que, jusqu'au lancement des premières privatisations, le Royaume-Uni comptait un secteur public important en raison des nationalisations intervenues depuis 1947, en raison de l'" importance stratégique " de certaines entreprises, qui présupposait, selon ses théoriciens, un contrôle de l'Etat. Ce secteur public comprenait des sociétés soumises à la concurrence internationale, tels les secteurs de la sidérurgie ou des télécommunications.
Il souligne qu'à partir des années 1980 l'existence de ce secteur public, notamment lorsqu'il opérait sur le marché international, était devenue progressivement injustifiable aux yeux des britanniques. Il fait observer, en effet, que de telles sociétés ne peuvent finalement que fonctionner selon les règles concurrentielles du marché, ne serait-ce que pour obtenir les capitaux nécessaires à leur politique d'investissement et pour échapper aux contraintes induites par un financement public nécessairement soumis à des aléas politiques.
Il rappelle que, les premières privatisations se révélant un succès, l'Etat prit alors conscience de tout l'intérêt qu'il pouvait retirer d'un vaste mouvement de privatisation : l'Etat avait alors compris qu'il pouvait " débarrasser " ainsi l'économie nationale du poids que représentaient certaines entreprises du secteur public, tout en favorisant une réorganisation du marché du travail, un allégement de la fiscalité et, de manière plus générale, une redistribution des ressources publiques en faveur de secteurs plus stratégiques, tels que la défense.
Il note que l'année 1984 a marqué le premier défi politique du processus de privatisation, puisque, pour la première fois, il a été envisagé de privatiser une société considérée comme essentielle au maintien de l'ordre public, à savoir les postes et télécommunications. Il fait observer que les obstacles politiques à la privatisation des postes et télécommunications anglaises n'étaient pas négligeables.
Il fait toutefois état de l'ensemble des avantages que présente cette privatisation :
- accès au marché des capitaux, et donc capacité de financer une politique massive d'investissement ;
- efficacité et performances accrues, du fait de l'introduction d'une gestion " privée " ;
- réduction des prix favorable aux intérêts des clients et du pays ;
- amélioration des relations sociales ;
- responsabilisation de la société devant ses actionnaires ;
- amélioration de la transparence des décisions des sociétés vis-à-vis des actionnaires, mais aussi des consommateurs, mettant ainsi fin au processus de négociation souvent occulte que celles-ci menaient avec le gouvernement britannique.
Il admet sans peine que le système britannique ne peut certes pas être transposé tel quel en France, mais souligne que le Royaume-Uni ne reviendra plus, selon lui, en arrière, le parti travailliste ne donnant aucun signe de vouloir inverser la tendance suivie depuis 1984, celle-ci s'étant révélée bénéfique pour la société britannique.
En ce qui concerne plus particulièrement la réforme des chemins de fer, inspirée de très loin par la directive communautaire n° 91-440, le Royaume-Uni est le premier Etat membre en Europe à avoir pris une décision radicale en 1993, puisqu'il s'agissait de supprimer l'ancienne société unique, pour aboutir à la dissolution complète du système ferroviaire britannique tel qu'il fonctionnait jusque là. Il fallait donc convaincre les responsables de l'organisation de mener à bien une sorte de " processus d'autodestruction ", sans qu'ils aient l'assurance de conserver leur emploi dans les nouvelles structures. C'était un défi remarquable, que d'autres pays jugeraient trop radical, qui a été tenté et réalisé.
Cette réforme soulevait la question fondamentale de savoir comment privatiser une industrie fonctionnant à perte, ou, en d'autres termes, de déterminer les moyens d'en faire une société rentable.
Il indique que le Gouvernement a créé un grand nombre de sociétés, chacune restant la propriété directe ou indirecte du Gouvernement. Chaque société a été rendue rentable, en étant, il est vrai, financée, directement ou indirectement, par l'Etat qui bénéficie, in fine, de toute amélioration de la situation des entreprises ferroviaires.
Il ajoute qu'aujourd'hui, toutes les franchises ont été attribuées et que British Rail n'existe plus.
Quand on parle de privatisation du chemin de fer au Royaume-Uni ou dans l'Europe en général, il ne faut pas perdre de vue le rôle constant de l'Etat, qui ne doit pas abdiquer ses responsabilités financières.
Il fallait donc à la fois apporter des avantages aux contribuables, demander à la direction de l'entreprise de conduire son autodestruction et privatiser une entreprise fonctionnant à perte, en poursuivant l'objectif d'offrir un meilleur service aux usagers.
Il reconnaît qu'il est normal que l'on attende de voir les résultats d'une réforme aussi innovante avant de s'en inspirer, le cas échéant.
De 1993 à 1996, le Régulateur du rail a donc créé, par un ensemble de contrats, les conditions d'une restructuration de sociétés appelées à être privatisées pour les inciter à mieux gérer, à établir un contrôle administratif et à agir au bénéfice des usagers. Son rôle a également consisté à définir une tarification équitable pour les usagers et à travailler avec les exploitants au développement d'un chemin de fer plus efficace. Ils opéraient en effet dans un marché " contestable ", c'est-à-dire susceptible d'être soumis à la concurrence, et il leur fallait renforcer leur propre capacité concurrentielle par rapport à la route, plutôt que de s'appuyer sur un monopole rigoureusement contrôlé par un régulateur indépendant.
Aujourd'hui " Railtrack " a un monopole sur l'infrastructure ferroviaire, en particulier les gares, les voies et la signalisation, au rôle naturellement primordial. Il relève que l'une des difficultés est de rendre " responsable " ce qui reste un monopole, dont les actions, introduites en bourse en mai 1993, pour une valeur de 2 milliards de livres, certes bien inférieure à celle de ses actifs, ont été évaluées par le marché moins d'un an après à 3,5 milliards de livres. Des ajustements analogues ont eu lieu également pour les " rolling stock companies ", chargées de la gestion du matériel roulant.
Par cet enthousiasme, le marché financier a montré sa confiance dans la capacité du chemin de fer à fonctionner d'une manière plus rentable. Ce contexte a incité les sociétés privées à investir dans les réseaux de voyageurs et de marchandises.
En janvier 1997, le Régulateur a publié un document relatif aux objectifs de la " régulation " concernant particulièrement " Railtrack ", en tant que propriétaire du réseau ferroviaire pour les voyageurs et les marchandises. Son programme d'investissement, établi jusqu'en 2007, comporte une analyse détaillée des dépenses par régions jusqu'en 2001, ce qui constitue une première. Railtrack sait que le Régulateur a le pouvoir de fixer les tarifs d'accès à l'infrastructure et donc, contrôle indirectement sa situation financière. Le Régulateur exerce ce pouvoir de tarification très important au terme d'un processus de consultation très global pour aboutir à la décision la plus juste possible.
S'agissant du fret, la privatisation a fait apparaître une différence entre les objectifs du gouvernement et les résultats. Le marché financier n'a pas ratifié l'option du Gouvernement en faveur d'un marché concurrentiel pour le fret. Une seule société a donc été créée, Wisconsin, d'origine américaine, pour le transport de marchandises. Il note que son président est confiant dans l'avenir de cette société.
Tant en termes de croissance que d'amélioration du service à la clientèle, la Compagnie générale des Eaux ou cette société américaine ont apporté un sang neuf. Une nouvelle vision s'est imposée au Royaume-Uni, selon laquelle tout développement aurait été impossible si on n'avait pas eu recours au processus de privatisation.
Il considère que le système britannique a certainement bénéficié de la confiance du secteur privé en des bénéfices à venir, dans la mesure où de nombreuses sociétés, grandes ou petites, parmi lesquelles la C.G.E. française, y ont vu un investissement rentable. Dans un premier temps, chacune d'elles a un contrat séparé avec l'autorité publique attribuant les franchises, " le directeur des franchises " (OPRAF), qui lui verse une compensation financière dégressive, pendant une durée de sept ans.
Le directeur des franchises a eu soin d'établir une structure concurrentielle entre les différentes sociétés franchisées, avec un système d'incitations et de sanctions pour assurer un régime de performance. Treize de ces sociétés sur vingt-cinq se sont engagées à acheter du matériel roulant.
M. John Swift souligne que la gestion des chemins de fer doit conjuguer l'intérêt des sociétés et celui du public, ce dernier devant primer s'il y a conflit entre les deux. Il ajoute que, dans la perspective des prochaines élections législatives, il est très positif de constater que le programme de reconstruction des chemins de fer a été mené à bon port et qu'il est à présent entré dans sa deuxième phase. En conclusion, il souligne que la restructuration des chemins de fer doit s'appuyer sur la définition des objectifs, puis élaborer les méthodes pour les atteindre ; enfin, un tel processus de privatisation doit intégrer une large part d'intervention de l'Etat, afin de veiller à ce que les aspirations commerciales ne remettent pas en question les intérêts des consommateurs, qui doivent primer, ce dont le Régulateur est le garant.
Le président Robert Pandraud remercie M. John Swift pour son exposé très complet et précis. Il souhaite savoir quelle est la dimension de l'administration sur laquelle s'appuie son action, et si ses collaborateurs ne sont pas trop souvent tentés par des postes dans les entreprises privées qu'ils contrôlent, où les conditions financières peuvent être beaucoup plus attrayantes. Il observe qu'un tel système risquerait, en France, de conduire très rapidement à des conflits d'intérêts et à des problèmes éthiques.
Le président Michel Caldaguès demande à M. John Swift s'il accepterait la responsabilité de la réforme des chemins de fer français et à quelles conditions ;
M. John Swift précise que l'équipe qui l'entoure était constituée de trois personnes en 1993, alors qu'il était conseiller spécial auprès du ministre des transports. Cette équipe est passée à trente personnes en 1994, puis à quatre-vingt cinq personnes actuellement, ce qui constitue un maximum. Le budget de l'autorité de Régulation s'élève à 8 millions de livres par an, ce qui ne lui paraît pas excessif, eu égard au rôle crucial qu'elle joue, prête à intervenir pour régler les problèmes qui lui sont soumis, même si le ministère des finances a parfois pu avoir la tentation de réduire son budget.
M. John Swift indique, concernant les conditions de rémunérations de ses collaborateurs, qu'il ne peut les aligner sur le secteur privé, même si elles doivent rester attractives, et il met en avant l'intérêt des tâches confiées à ses collaborateurs.
Il considère qu'il lui est difficile de dire s'il accepterait d'exercer la fonction de régulateur en France sans savoir quels seraient les objectifs fixés par le Gouvernement français à la S.N.C.F., quel serait le montant des subventions publiques ou encore le degré de concurrence retenu entre les différentes sociétés. Mais il ajoute surtout qu'il n'appartient pas à un régulateur britannique d'imposer un projet d'inspiration anglo-saxonne aux chemins de fer français.
M. Paul Chollet, député , souligne les difficultés qu'il a eues, dans le cadre de son rapport d'information, à faire comprendre à ses interlocuteurs français les raisons pour lesquelles il jugeait favorablement la réforme conduite au Royaume-Uni.
Il demande ensuite si, aujourd'hui, après la phase d'enthousiasme du début de la réforme, les entreprises franchisées donnent entière satisfaction et si les exigences de service public sont satisfaites.
M. Pavlos Sarlis, député européen , rapporteur de la Commission des transports et du tourisme du Parlement européen sur le livre blanc de la Commission européenne sur les chemins de fer communautaires, demande ce qu'il en est de l'idée de remplacer le régulateur actuel par un organe collégial dont les pouvoirs de contrôle seraient accrus.
S'agissant du programme d'investissements sur dix ans, il demande qui va le financer et quelles sont les raisons de ce système à deux niveaux dans lequel des fonds publics alimentent des sociétés privées qui financent à leur tour les investissements. Il se demande pourquoi il n'y a pas un financement direct de l'Etat ou, au contraire, un financement entièrement privé. Ne serait-ce pas, s'enquiert-il, pour masquer l'impossibilité, pour Railtrack, de se financer par des capitaux privés ?
Le député européen demande également comment l'on peut apprécier la réussite de la réforme britannique au regard du fonctionnement de l'ensemble des chemins de fer européens.
Enfin, il indique que, pour la Commission des transports du Parlement européen, la séparation entre l'infrastructure et la gestion du système est plus importante que la privatisation.
M. John Swift indique tout d'abord que le bon fonctionnement des entreprises franchisées est de la responsabilité d'un représentant de l'Etat, auquel le Parlement britannique alloue chaque année une somme qu'il répartit entre elles pour leur permettre de remplir leurs obligations de service public, obligations dont ces entreprises sont responsables en application des contrats signés. Il cite l'exemple de l'entreprise chargée de la ligne qui part de la gare de Waterloo et qui dessert des quartiers très favorisés, dont les résultats ont été jugés très insuffisants par les usagers, qui regrettent le système antérieur. Mais il ajoute que les Britanniques peuvent se plaindre de ces insuffisances auprès de leurs élus, ou dans les journaux, ou encore auprès du Régulateur. Selon M. John Swift, ces mauvais résultats ne sont pas dus au système choisi mais à une mauvaise gestion.
Il conclut, sur ce point, en disant qu'au seuil de la phase deux de la réforme, l'indice des performances qui mesure la fiabilité et la ponctualité du système a progressé d'un tiers et que les plaintes ont diminué de 30 % par rapport à l'origine, même si beaucoup reste encore à faire.
S'agissant du caractère individuel ou collectif de l'autorité de régulation, le Régulateur fait observer que cette question continue d'être débattue en Grande-Bretagne sur les plans de l'efficacité, de l'équité, de la responsabilité et des résultats obtenus par l'autorité de régulation depuis quinze ans, et que le système actuel, testé avec succès, a été mis en place précisément pour permettre d'obtenir une gestion plus transparente et plus compétente, qui soit réellement responsable devant le peuple.
Abordant ensuite le problème de la nécessité d'intensifier le contrôle, le Régulateur rappelle que le système mis en place date de 1984 et que l'on veille toujours à examiner l'adéquation des législations initiales.
Evoquant le problème des investissements, il rappelle qu'il s'agit là d'une question de nature politique, l'Etat devant intervenir dans la gestion de fonds publics, quoique n'étant pas partie au contrat. En tout état de cause, l'Etat doit assurer jusqu'en 2001 le financement des investissements de Railtrack sans pour autant contrôler cette dernière, car la réforme a été précisément entreprise pour retirer à l'Etat la possibilité de fixer la tarification et les investissements, dont la responsabilité appartient aux sociétés, lesquelles fixent leur choix en fonction des souhaits de la clientèle.
S'agissant des résultats de la privatisation, le Régulateur estime qu'il est trop tôt pour se prononcer sur sa réussite, tout en faisant valoir qu'il se déclare confiant en ce qui concerne les perspectives de croissance et les résultats financiers. Il indique que l'industrie du rail britannique peut être fière de ses réalisations, sans dissimuler que beaucoup reste à faire.
Traitant ensuite de la justification de la privatisation, il déclare que les résultats actuels n'auraient pas été obtenus si précisément les chemins de fer n'avaient pas été privatisés.
Il attire toutefois l'attention sur le fait que l'expérience britannique n'est pas transposable aux autres pays de l'Union européenne, estimant que les choix effectués par les nouvelles sociétés issues de la privatisation dépendent, pour l'essentiel, de leur capacité à répondre aux besoins de la clientèle.
Enfin, tout en déclarant qu'il admire l'esprit dans lequel la Commission a énoncé les principes dans le Livre blanc, il considère qu'il est nécessaire de veiller à ce que les sociétés nationales ne soient pas en retrait par rapport aux exigences de la clientèle.
Le président Robert Pandraud , après avoir adressé ses remerciements et ses compliments au Régulateur, indique que l'optimisme, dont ce dernier a fait preuve sur les résultats et les chances de réussite de l'expérience en cours, lui paraît avant tout justifié par la forte personnalité du Régulateur et que le Royaume-Uni pouvait exprimer sa gratitude envers l'autorité qui l'avait nommé.