b) Les observations de la mission
Première observation
: le débit
dépend largement du " robinet pénal " dont il a
été indiqué à maintes reprises à la mission
qu'au travers du classement sans suite il contribuait à la
régulation du flux des affaires à juger.
Car le traitement direct et le juge unique ne permettent pas les gains de temps
qu'une mathématique élémentaire suggérerait ; en
effet :
- juge unique et comparution immédiate ne peuvent être
combinés ;
- une audience à juge unique " économise " deux juges
du siège mais si le nombre de greffiers, de magistrats du parquet et de
salles n'augmente pas, les audiences ne peuvent être multipliées
par trois.
Pour certains, la maîtrise des flux assurée par le Parquet est
devenue la "
doctrine officielle
".
Deuxième observation
: les moyennes masquent l'instauration au
sein d'une même juridiction de cycles de traitement à
" braquets " bien différents. Ainsi que l'indique le
président d'un TGI dont la durée moyenne de traitement est
très inférieure à la moyenne nationale : le traitement de
masse nuit au délai raisonnable pour "
les dossiers à
forte valeur juridique ajoutée
".
Troisième observation
: soit parce qu'il est décalé
de deux ans, soit parce que la moyenne des affaires terminées n'a pas de
sens, cet indicateur est très trompeur :
· Une Cour d'appel comme celle de Douai a une durée moyenne de
traitement des affaires terminées de 13,3 mois, donc inférieure
à la moyenne nationale (13,7) mais une affaire relevant de sa chambre
sociale pour laquelle il serait fait appel en 1996 ne serait audiencée
que dans quatre ans...
· A Nîmes, les chefs de Cour estiment aujourd'hui à deux ans
leur délai moyen de jugement alors que la durée moyenne des
affaires terminées en 1994 était de 13,5 mois (le stock y a
crû de 28 % entre 94 et 95).
· Le TGI de Bordeaux a également une moyenne inférieure
à la moyenne nationale (8,7 mois contre 8,9) pourtant l'encombrement de
la dactylographie y est tel qu'en février 1996, malgré la
délégation de 10 vacataires, 1 126 jugement civils
étaient en attente de frappe. Dans le même temps au pénal
l'engorgement de l'exécution des peines annihile tous les gains
générés par le traitement en temps réel.
Pour mettre en lumière cette situation, le président du TGI a
décidé la suppression des audiences d'une chambre civile en
mai-juin 1996 (sauf une par mois pour les urgences).
· Le premier président d'une Cour d'appel qui constate
qu'après la période d'optimisation des moyens internes
(1988-1991), le stock a repris sa progression depuis 1992 résume
lapidairement la situation : "
Trompés parfois eux-mêmes
par la longueur incroyable des délais, les avocats se présentent
parfois pour plaider avec un an d'avance "...
Quatrième observation
: la durée des audiences (8 h 30
à 17 h, 14 h à 21 h par exemple) et le nombre des dossiers qui y
sont traités sont tels que le justiciable, lorsqu'il est
mécontent du sens du jugement, ne peut avoir la conviction que son
affaire a fait l'objet d'un examen attentif.
Or, ainsi que le rappelle un procureur de la République, "
les
nécessités d'évacuation des procédures ne doivent
pas prendre le pas sur un traitement qualitatif du contentieux
".
Cinquième observation
: Ainsi que l'indique un procureur de la
République, "
le retard dans le traitement des procédures
est lui-même générateur de contentieux
" :
détérioration de la situation de fait, impossibilité
d'exécution, détournement de procédures.
Le président d'un TGI situé dans un autre ressort dit encore que
le dysfonctionnement s'autoalimente car les affaires anciennes sont plus
difficiles à juger : "
nous sommes un peu comme ces soldats
obligés de manger le reste du pain de la veille avant d'entamer le pain
frais, et qui en conclusion ne s'alimentent qu'avec du pain
rassis
".