DEUXIÈME PARTIE
LE CARACTÈRE MESURÉ DES SUGGESTIONS
FAITES A LA MISSION MONTRE UNE CONSCIENCE RÉELLE DES CONTRAINTES
BUDGÉTAIRES
I. RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE : UNE RATIONALISATION SOUHAITÉE MAIS LE SCEPTICISME DOMINE SUR SA MISE EN OEUVRE.
L'amélioration des statistiques et leur diffusion
élargie conduit les chefs de cours et de juridictions à effectuer
de nombreuses comparaisons entre les moyens dont ils disposent et ceux de
juridictions à structure théorique comparable, en prenant en
compte les évolutions démographiques locales et le volume du
contentieux.
Leurs observations les amènent inévitablement à conclure
au manque de rationalité de la répartition des moyens.
Toutefois si le résultat de ces démonstrations implique de
s'interroger sur la carte judiciaire au sens étroit ou large,
très peu nombreux sont ceux qui, comme ce président de TGI,
disent que "
l'archaïsme
" de la carte judiciaire
est une
des difficultés majeures -ou qui, comme ce procureur de la
République parlent de l' "
inéluctable
départementalisation de la justice
".
Un président et un procureur de la République écrivent, au
risque d'un hara-kiri en l'espèce: "
la multiplicité des
juridictions dans un même département (...) est une entrave
à une bonne administration de la justice (...). Une certaine
rationalisation de la carte judiciaire nous apparaît donc
nécessaire
".
La tendance très majoritaire parmi les interlocuteurs de la mission
pourrait être résumée par les propos de ce procureur de la
République : "
la situation ne sera améliorée que
par une réforme de la carte judiciaire, mais celle-ci se heurte aux
oppositions conjuguées de corporatismes internes et de pressions locales
fortes.
".
Ce qui implique, comme le suggère ce procureur général,
"
de ne pas attendre de miracle d'une hypothétique
réforme de la carte judiciaire
".
On trouve néanmoins nombre de références au rapport de la
commission présidée par M. Carrez et de suggestions rattachables
à l'idée d'amélioration de la couverture
géographique du territoire judiciaire pour tenir compte de
l'évolution inégale des flux.
A. MODIFIER L'IMPLANTATION GÉOGRAPHIQUE DES JURIDICTIONS
1. Le rapport Carrez
Le rapport établi en 1994 par le comité de
réorganisation et de déconcentration du ministère de la
justice, présidé par M. Jean-François Carrez, estimait
possible de stabiliser une partie de la carte judiciaire puisque 39
départements ont déjà un unique TGI, 12 en ont à
bon escient 2 et que l'échelon des cours d'appel, à défaut
d'être régional, "
offre une bonne base
d'organisation
".
Il suggérait en revanche "
la suppression ou le regroupement de
10 à 12 très petits TGI à chambre unique se situant
nettement en dessous d'un seuil d'activité minimum
".
Le président et le procureur de l'un d'entre eux, répondant
conjointement à la mission, expliquent que la taille de leur juridiction
ne permet aucune spécialisation : "
cette compétence trop
généraliste nuit à la performance du travail
entraînant parfois une certaine confusion dans l'esprit du
justiciable
".
Pour les tribunaux d'instance pour lesquels "
le souci de
proximité et la préoccupation d'aménagement du territoire
sont les plus sensibles
", le rapport adoptait comme seul
critère
l'activité
, sans référence à
l'organisation administrative générale et préférait
"
l'unification du fonctionnement du réseau des juridictions
judiciaires à l'échelon du TGI, c'est-à-dire la mise en
commun des moyens dans le ressort du TGI "
plutôt que la
réduction en tant que telle du nombre des tribunaux d'instance.
Tout en suggérant que la responsabilité de l'aménagement
de la carte judiciaire du ressort soit déconcentrée au niveau de
la cour d'appel et en explorant des solutions pour assouplir le fonctionnement
de la justice et rationaliser la carte sans nécessairement supprimer des
juridictions, il étudiait trois hypothèses de réduction
des 1.200 juridictions actuelles :
a) la création
ex nihilo
d'un schéma théorique
" idéal " de 600 juridictions : une cour d'appel par
région, exceptionnellement 2 ou 3, un TGI, un tribunal de commerce et un
conseil de Prud'hommes par département et 300 TI au maximum ;
b) un optimum de 900 juridictions pour un seuil moyen d'activité
annuelle de 1.500 affaires civiles pour un TGI, 600 pour un TI, 500 pour un
tribunal de commerce, 250 pour un conseil de prud'hommes ;
c) une dernière hypothèse articulée autour d'une
priorité à l'aménagement du territoire qui conduirait
à un total de 1.100 juridictions et entraînerait donc la
suppression de 100 juridictions, "
qu'on ne peut défendre sur le
plan rationnel, même au nom de l'aménagement du territoire ou de
la proximité
".