C. LE RECENTRAGE DES MISSIONS DU JUGE OU LA RÉGULATION DU FLUX
Au-delà, et parfois en-deçà, des
solutions proposées pour répondre à la montée du
flux, nombreux sont ceux qui posent, in fine ou en prémisse, la question
du rôle du juge.
Le président d'un TGI constate que la justice passe "
d'un
statut d'autorité à un statut de proximité
" et
souhaite que la société définisse en préalable le
niveau optimal d'intervention du juge puis lui donne les moyens correspondant
à cette mission.
Le procureur d'un autre TGI rappelle que "
gérer les flux est
à ce jour évidemment indispensable mais pose la question de ce
que l'on veut faire juger par un magistrat professionnel
". Un
président et un procureur demandent si "
le recours au droit
signifie nécessairement le recours au juge
".
Un procureur général veut restreindre le champ d'action du juge
sur le plan civil, pour redéployer les potentialités au
pénal.
Un premier président estime que le juge ne peut être "
le
Maître Jacques de la démocratie (...). Ce qui caractérise
un Etat de droit ce n'est pas le recours nécessaire au juge mais
seulement le recours possible, sans précipitation mais sans lenteur non
plus, afin que chacun soit assuré de pouvoir faire reconnaître
facilement ses droits
".
Après avoir affirmé que " la voie du " tout
judiciaire " est déraisonnable et mène à des
impasses, la conférence des premiers présidents conclue ses
propositions ainsi : "
une priorité absolue doit être
donnée aux réformes qui sont de nature à rendre le juge
disponible pour traiter des situations et litiges relevant manifestement d'une
intervention judiciaire
".
Cette approche débouche sur des propositions concrètes relevant
de trois orientations : la poursuite des transferts de compétence ; le
développement des alternatives ; la régulation de l'accès
au juge.
1. La poursuite des transferts de compétence
Plusieurs contentieux de masse très répétitifs sont ressentis par les juges comme ne nécessitant pas leur intervention systématique. Certains proposent en conséquence de n'intervenir qu'en cas de contentieux déclaré.
a) A l'intérieur des juridictions ou vers des officiers publics ou ministériels : les affaires familiales principalement
Les homologations de changement de régime matrimonial
(sauf opposition d'un tiers), les adjudications (hors incidents sur saisies
immobilières), les divorces par consentement mutuel et les contentieux
nés de l'après-divorce sur les pensions alimentaires,
particulièrement pour des montants sur lesquels la marge de manoeuvre
est inexistante, sont particulièrement ciblés comme
transférables par exemple aux maires ou aux notaires. Le juge ne serait
saisi que lorsque les parties ne pourraient se mettre d'accord.
Les greffiers en chef suggèrent également que les transferts dont
ils ont bénéficié puissent être
délégués aux greffiers spécialisés dans ces
matières. Un avant-projet de loi en préparation reprendrait cette
suggestion.
Un Président et un procureur proposent de transférer au juge
administratif la prolongation de la rétention administrative des
étrangers.