2. La fiscalité directe locale : les communes littorales ne constituent pas une catégorie spécifique

2.1 Les principales données

Il existe des données statistiques sur la fiscalité des communes par région, par département ou par strate démographique, mais il n'existe pas de données sur l'ensemble des communes littorales.

Les données sur la fiscalité des communes littorales, obtenues auprès de la DGI, portent sur les 908 communes du littoral 87 ( * ) . Elles concernent l'année 1995. Des tris ont ensuite été effectués, par départements, et par strates de population.

Les données nationales proviennent du "Guide statistique sur la fiscalité locale", édité par la Direction Générale des Collectivités Locales. Les données concernent également l'année 1995 et portent sur l'ensemble des communes métropolitaines.

2.1.1 Un produit fiscal élevé du fait de l'importance de la fiscalité ménage

Le produit de la fiscalité directe des communes du littoral s'élève, en 1995, à

17,5 milliards de francs. Si l'on rapporte cette somme au nombre d'habitants, on obtient un produit fiscal par habitant de 3 072 francs pour l'ensemble des communes du littoral. Ce chiffre est supérieur de 20 % à la moyenne nationale : 2 552 francs par habitant.

Les recettes de la fiscalité directe en 1995

en millions de F

en %

en F/hab

Communes littorales

Ens. des communes métropol.

17 569

147 966

12 %

100 %

3 072

2 552

Comm. litt. / ens. communes

1,2 x

L'analyse, taxe par taxe, des recettes fiscales directes, montre que :

- la TH et la TFPB pèsent beaucoup plus parmi les communes du littoral que parmi les autres communes ;

- la TP pèse d'un poids comparable ;

- la TFPNB est très faible.

Le poids important de la TH et de la TFPB s'explique à la fois par des bases plus élevées et une pression fiscale légèrement plus forte.

CARTE 11 : LE LITTORAL CONCENTRE DES REVENUS NETS

IMPOSABLES SENSIBLEMENT SUPÉRIEURS À CEUX DE L'ARRIÈRE-PAYS

- 203 -

Répartition des recettes fiscales par taxe

Communes littorales

Ensemble communes métropolitaine

en F/hab

en %

en F/hab

en %

Produit taxe d'habitation

914

30 %

591

23 %

Produit foncier bâti

976

32 %

712

28 %

Produit foncier non bâti

39

1 %

76

3 %

Produit taxe professionnelle

1 143

37 %

1 173

46 %

Total produit 4 taxes directes

3 072

100 %

2 652

100 %

2.1.2 Les résidences secondaires contribuent fortement à un accroissement des bases de la fiscalité pesant sur les ménages

Lorsqu'on compare les bases en francs par habitant des communes littorales aux moyennes nationales, on constate que :

- les bases de TH et de TFPB par habitant des communes littorales sont respectivement 1,3 fois et 1,2 fois supérieures à la moyenne nationale ;

- les bases de TP par habitant sont similaires à la moyenne nationale ;

- les bases de TFPNB en F/hab sont inférieures de moitié à la moyenne nationale.

Bases nettes en francs par habitants

en %

Communes littorales

Ens. communes métropolitaines

Co. litt. / ens. communes

Taxe d'habitation

6 820

5 171

1,3 x

Taxe sur foncier bâti

5 821

4 912

1,2 x

Taxe sur foncier non bâti

110

210

0,5 x

Taxe professionnelle

9 555

9 476

1,0 x

Le niveau des bases fiscales des communes littorales est très différent selon la strate démographique à laquelle elles appartiennent.

Bases nettes des communes littorales / Bases nettes de l'ensemble des communes métropolitaines (en 1995)

Foncier bâti

Taxe d'habitation

Communes de 300 000 hab. et plus

0,5 x

0,6 x

Communes de 100 000 à 300 000 hab

0,9 x

0,9 x

Communes de 50 000 à 100 000 hab

0,9 x

1,1 x

Communes de 20 000 à 50 000 hab

1,0 x

1,1 x

Communes de 10 000 à 20 000 hab

1,5 x

1,5 x

Communes de 5 000 à 10 000 hab

1,5 x

1,9 x

Communes de 2 000 à 5 000 hab

1,5 x

1,8 x

Communes de 700 à 2000 hab

1,8 x

2,0 x

Communes de moins de 700 hab

2,7 x

1,7 x

Ensemble des communes

1,2 x

1,3 x

L'analyse par strates montre ainsi un comportement très nettement différencié entre, d'une part les communes de plus de 20 000 habitants et, autre part, les communes de moins de 20 000 habitants :

- les bases TH et TFPB par habitant sont inférieures dans les communes du littoral de plus de 50 000 habitants à la moyenne nationale ;

- à l'inverse, dans toutes les strates de communes inférieures à 20 000 habitants, les bases TH et TFPB sont très largement supérieures aux moyennes nationales.

Il apparaît donc que les communes littorales touristiques sont des communes fiscalement riches, et cette richesse est liée aux locaux d'habitations, plus qu'aux activités.

Pour estimer la recette de TH par habitation, on utilise la notion de valeur locative brute moyenne, qui permet de rapporter la base brute TH (avant abattements) au nombre d'articles imposés. Elle est de 14 749 francs par article, soit légèrement inférieure à la valeur locative brute moyenne : 15 021 francs.

Les disparités en matière de valeur locative sont assez fortes d'un département à l'autre. Le système d'évaluation cadastrale est censé représenter la valeur locative d'un bien immobilier, ce qui semble se vérifier dans le cas des communes du littoral : même si on sait, par ailleurs, que les valeurs locatives sont obsolètes - la dernière actualisation date de 1970 -, les écarts assez forts entre les régions paraissent refléter des écarts constatables sur le marché de l'immobilier. Ainsi, les valeurs locatives sont élevées en région PACA (Alpes-Maritimes : 19 157 francs, Var : 18 170 francs et Bouches-du-Rhône : 13 866 francs).

Rapportée au nombre d'articles, la base TH est inférieure à la moyenne nationale, alors que rapportée à la population elle est supérieure 88 ( * ) . Ceci s'explique par le fait que dans le premier cas, on rapporte la base TH à l'ensemble des articles imposés, y compris les résidences secondaires, alors que dans le second cas, on rapporte la base TH à la population, telle qu'elle est définie par le Recensement Général de la Population de 1990. Cette population n'intègre donc pas la population des résidences secondaires.

Ceci vient renforcer le constat selon lequel la richesse fiscale des communes littorales est surtout liée à la population supplémentaire, liée elle-même à la fréquentation touristique.

La base nette des résidences secondaires (et dépendances rattachées) est de 13,2 milliards de francs en 1995. Elle représente environ un tiers de la base nette TH de l'ensemble des communes littorales.

2.1.3 Les taux : une pression fiscale modérée avec cependant de fortes disparités selon la taille de la commune

La pression fiscale des communes littorales est légèrement supérieure à la moyenne en ce qui concerne la TH et le TFPB, et légèrement inférieure pour le TFPNB et la TP.

Les taux de fiscalité

Communes littorales

Ens. Communes métropolitaines

Co. litt. / ens. communes

L'axe d'habitation

13,40 %

11,43 %

1,17 x

Taxe sur foncier bâti

16,77 %

14,50 %

1,16 x

Taxe sur foncier non bâti

35,65 %

36,28 %

0,98 x

Taxe professionnelle

11,96 %

12,38 %

0,97 x

On constate cependant des écarts significatifs, selon les strates démographiques.

Ainsi, en matière de TH et de TFPB, les communes de moins de 20 000 habitants ont des taux inférieurs à la moyenne. Ce sont les strates démographiques les plus élevées qui tirent la moyenne des communes littorales vers le haut.

Taux des communes littorales / Taux de l'ensemble des communes métropolitaines (en 1995)

Foncier bâti

Taxe d'habitation

Communes de 300 000 hab. et plus

2,0 x

1,8 x

Communes de 100 000 à 300 000 hab

1,3 x

1,1 x

Communes de 50 000 à 100 000 hab

1,2 x

1,3 x

Communes de 20 000 à 50 000 hab

1,1 x

1,1 x

Communes de 10 000 à 20 000 hab

0,9 x

0,9 x

Communes de 5 000 à 10 000 hab

0,9 x

0,9 x

Communes de 2 000 à 5 000 hab

1,0 x

0,9 x

Communes de 700 à 2000 hab

0,8 x

0,9 x

Communes de moins de 700 hab

0,7 x

0,9 x

Ensemble des communes

1,2 x

1,2 x

Les différences sont moins significatives pour la TP et le TFPNB.

- 208 -

Les écarts sont également importants entre les départements, ainsi qu'on peut le voir dans le tableau ci-dessous.

2.2 La fiscalité locale privilégie l'occupation du territoire

2.2.1 La fiscalité directe locale est une fiscalité localisée

Elle s'appuie principalement sur la taxation de l'occupation du territoire, C'est en ce sens une fiscalité de stock, qui induit des processus d'accumulation.

Ces caractéristiques sont très évidentes sur les trois taxes principales. Les taxes-ménages" (Taxe d'Habitation pour les habitants, Foncier Bâti pour les propriétaires) sont directement définies à partir d'une évaluation de la valeur locative des logements et des dépendances construits effectivement sur la commune. La Taxe Professionnelle repose également sur ce même principe de fiscalisation de l'occupation ce qui amène à prendre en compte dans les bases des entreprises, l'ensemble des éléments "physiques", signes de la présence de l'entreprise dans la commune (les salaires versés aux salariés de établissement, les machines et équipements installés sur la commune et la valeur locative des bâtiments qui abritent l'activité de l'entreprise sur la commune).

Les responsables locaux, qui ont, dans l'ensemble, très bien intégré la logique de la fiscalité locale, ont compris que s'ils veulent agir sur leur matière imposable, il leur faut recourir au développement physique de leur commune. C'est en particulier le cas des élus du littoral. D'autant plus que dans certaines zones, ils sont soumis à une pression forte de la part des promoteurs.

En effet, l'analyse de la fiscalité des communes du littoral montre que les bases fiscales ménages sont supérieures à la moyenne des communes françaises. Cette constatation est surtout mise en évidence pour les communes du littoral de moins de 20 000 habitants. Cependant les bases de taxe professionnelle des communes du littoral (sauf celles de moins de 2 000 habitants) sont d'un niveau comparable à celui des autres communes nationales 89 ( * ) .

Il faut noter que la taxe professionnelle est la taxe locale pour laquelle les écarts relatifs de base d'une commune à l'autre sont les plus importants.

Enfin les bases de foncier non-bâti des communes littorales sont sensiblement inférieures à leur niveau national moyen. Cette pauvreté relative en foncier non-bâti est liée vraisemblablement au degré d'urbanisation élevé de ces communes et à la nature des terrains et de l'exploitation (ou de la non-exploitation) qui en est faite.

2.2.2 Les facteurs d'enrichissement fiscal des communes littoral sont relativement atypiques par rapport aux autres communes françaises

Alors que souvent les communes voient dans la taxe professionnelle, ou plus rarement dans les dotations de soutien de l'État, l'origine de leur marge de manoeuvre financières, les communes littorales peuvent compter plutôt sur un développement de leur base ménages, notamment par un accroissement de leur capacité d'accueil, dans le cadre d'un développement touristique. C'est un type de développement particulier.

En effet, les communes du littoral ne témoignent pas d'une richesse relative en taxe professionnelle supérieure à la moyenne nationale. Si on peut supposer que les communes touristiques du littoral offrent une densité de restaurants, hôtels, bars, discothèques, et commerces de détail supérieure à l'ensemble des communes françaises, le mode de calcul des bases de taxe professionnelle ne permet pas de faire de ce surcroît d'activité un surcroît de bases de TP significatif (sauf pour la strate des communes de moins de 2 000 habitants). En fait, ce développement d'activités économiques liées directement à la fréquentation touristique est d'abord un avantage en terme d'emplois sur la commune 90 ( * ) .

En revanche, les rendements en terme de fiscalité ménage sont supérieurs et ceci s'explique principalement par les résidences secondaires. Ces dernières présentent pour la commune, plusieurs intérêts. Elles engendrent tout d'abord, des recettes fiscales en TH et THFB, avec un rendement assez élevé puisqu'à la différence des autres locaux, elles ne profitent d'aucune réduction de base. Par ailleurs, les résidences secondaires sont incluses dans la définition de la population de la commune utilisée pour calculer la DGF. Cette prise en compte permet souvent aux communes littorales de passer pour le calcul de la DGF dans une strate de population supérieure 91 ( * ) et de percevoir alors un produit de DGF/habitant supérieur à celui auquel elles auraient droit au titre de leur seule population permanente.

2.2.3 Un développement qui entraîne des dépenses supplémentaires

L'accueil de nouveaux résidents entraîne une demande de services supplémentaires. Sur les communes littorales, même si les résidents ne sont accueillis, pour une large part, que temporairement, cet accueil temporaire génère des dépenses supplémentaires pour la commune (dimensionnement des services de l'environnement : l'eau, l'assainissement, les ordures ménagères, travaux de voirie, nettoyage, éclairage urbain,...).

Il serait excessif de ne considérer les communes littorales qu'à travers leur niveau de recettes, sans voir par ailleurs que ces recettes sont généralement nécessaires pour couvrir les charges inhérentes à leur activité touristique. C'est d'ailleurs pour tenir compte, même partiellement, de ce surcroît de dépenses que le législateur a créé, au sein de la DGF, la dotation aux communes touristiques.

* 87 Deux communes n'ont pas été traitées : il s'agit de l'Ile Molène et de l'Ile de Sein.

* 88 On notera que dans un cas, il s'agit de la base brute (valeur locative brute), tandis que dans l'autre cas, il s agit de la base nette.

* 89 Cette constatation permet de penser que la richesse relative des bases de foncier bâti est bien liée aux hases des ménages (logements) plutôt qu'à celles des entreprises.

* 90 Il s'agit, souvent, de commerces dont l'activité (et donc pour une bonne part les emplois) est saisonnière, ce qui explique la volonté sans cesse réaffirmée par les responsables du tourisme, au niveau national comme local, d'allonger la saison touristique en deçà et au-delà des mois d'été.

* 91 On peut penser par ailleurs, mais sans avoir pu le vérifier sur l'ensemble des communes littorales, que les logements situés sur le bord de mer ou à son abord immédiat peuvent v oir leur valeur locative surélevée d'un coefficient de situation générale et ou particulière qui permette d'en rehausser la valeur locative et donc le rendement fiscal.

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