2. Des pratiques commerciales plus agressives et plus diversifiées
Dans sa
note de conjoncture de 1997, la régie IP relevait "
une nouvelle
donne dans l'évolution des marchés publicitaires occidentaux,
avec le tassement de la croissance médias télévision,
lié pour une large part à la multiplication des chaînes
commerciales et à la profusion de l'offre publicitaire. Les
négociations se font désormais plus âpres sur les
tarifs
".
L'organisation du marché
Les régies qui commercialisent les espaces publicitaires des services de
communication audiovisuelle et cinématographique au sens large et les
centrales d'achat, intermédiaires directement en relation avec les
régies, jouent chacune un rôle particulier
8(
*
)
.
1- Les régies
" La plupart des régies publicitaires sont monomédia
à l'exception de Information & Publicité qui assure la
régie de chaînes de télévision et de radios. En
général, il existe des régies spécialisées
dans la radio, la télévision, le cinéma. En
réalité, le plus souvent elles commercialisent l'espace
publicitaire des médias qui sont leurs actionnaires ou des médias
que leurs actionnaires ont créés !
Trois principales formes de structure apparaissent :
-
•
Les régies intégrées au média sont
assimilées à un département de vente du support comme la
régie de Canal + ou celle de Radio France. Cette architecture reste
plutôt l'exception.
• Les régies filialisées, donc filiales directes des médias, sont les structures les plus communément utilisées par les supports, c'est le cas de TF1, France 2, France 3, M6, NRJ, ou Europe 1.
• Les régies externes n'ont aucun lien capitalistique direct avec les médias qu'elles commercialisent ; ce sont des régies comme Médiavision l'est pour le cinéma.
Si les recettes publicitaires sont des recettes marginales dans l'activité du média, la régie est alors intégrée afin de maximiser les économies d'échelle et donc les frais liés au fonctionnement d'une régie ; c'est le cas, par exemple, pour Radio France ou Canal +.
En revanche, lorsque les recettes publicitaires représentent la principale source de financement du média, il ne peut être exclu que les charges liées à l'activité de régisseur doivent être maximisées afin de réduire, soit le volume des engagements de production issus du décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 fixant les principes généraux concernant la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle, soit la taxe au compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels et cinématographiques. Les chaînes de télévision cherchent ainsi à minorer l'assiette de calcul de leurs obligations en filialisant leur régie publicitaire et en imputant certaines activités d'études d'audience ou de prestations sur leurs régies. Dans le cadre de la réforme du Compte de soutien, l'assiette de calcul de la taxe COSIP est désormais assise sur les recettes publicitaires brutes. Toutefois, il n'est pas question pour ces chaînes de télévision de confier à une régie externe la vente de leur espace publicitaire, compte tenu du caractère stratégique de cette activité.
Enfin, lorsque le positionnement du média est centré sur des marchés de niche et que son audience est limitée, la stratégie de la régie publicitaire est le plus souvent confiée à un partenaire extérieur qui, lui, sera en mesure de fédérer des audiences. Le plus souvent, ces médias n'ont pas les moyens ou le savoir faire pour commercialiser leurs espaces publicitaires. Tel est le cas des chaînes thématiques du câble et du satellite, de La Cinquième, des radios locales et de la plupart des exploitants de salles de cinéma.
Généralement, les régies déclarent en chiffre d'affaires le montant de l'espace facturé aux annonceurs et, en dépenses, les versements aux chaînes. Parfois, la facturation s'effectue directement de la chaîne à l'annonceur et celle-ci verse ensuite sa commission à la régie qui la comptabilisera, alors que cette dernière en chiffre d'affaires.
En matière de télévision nationale hertzienne, c'est la régie publicitaire de TF1 qui domine le marché. Il convient toutefois de signaler que Thématiques Régie, filiale de Canal + occupe une place importante sur le marché publicitaire des chaînes thématiques françaises, même si Information & Publicité est la première régie publicitaire sur le câble grâce à RTL 9, chaîne leader avec une part d'audience de 5,9 % (4 ans et + - Audicâble janvier 1997). Toutefois, la répartition des recettes publicitaires de RTL 9 entre hertzien local et câble n'étant pas connue, le poids d'IP est probablement légèrement surestimé 9( * ) . "
PARTS DE MARCHÉ DES RÉGIES PUBLICITAIRES EN 1996
|
TV |
CHAÎNES |
|
NATIONALES |
THÉMATIQUES |
TF1 Publicité |
52 % |
10 % |
France Espace |
29 % |
2 % |
M6 Publicité |
17 % |
15 % |
Canal + |
2 % |
0 % |
Thématiques Régie |
0 % |
35 % |
IP |
0 % |
38 % |
Ainsi,
France Espace Développement, filiale de la régie publicitaire de
France 2 et France 3, a décidé d'investir ce
marché en devenir grâce à la toute nouvelle
société
Web Sat Pub
. Cette régie publicitaire
commence avec quatre actionnaires : à France Espace Développement
(35 %) sont associés la Compagnie Financière de Rothschild
(45 %), Porte du Bois Investissement (10 %), - la
société de Pascal Josèphe, ancien directeur des programmes
de France Télévision, et Marc Lavédrine
(10 %) -, qui a quitté la présidence de France Espace.
L'objectif affiché par les promoteurs de cette société est
ambitieux : 150 millions de francs de chiffre d'affaires en trois ans,
dont 40 à 50 millions de francs apportés par Internet.
Aujourd'hui, Web Sat peut compter sur un peu plus de 20 chaînes
thématiques, celles du bouquet AB Sat et les thématiques de
France Télévision, dont les ressources publicitaires sont
minimes. Quant à Internet, la régie publicitaire a pour ambition
de commercialiser les sites de France 2 et France 3.
IP, la régie publicitaire qui vient de quitter Havas pour CLT-UFA, a
déjà réalisé des études sur le marché
des programmes thématiques. Les prévisions pour 1997 tablent sur
un chiffre d'affaires publicitaire global de 120 millions de francs,
186 millions en 1998 et 280 millions en 1999.
IP commercialise actuellement sur la France, les programmes de RTL 9, MTV
et de la toute nouvelle chaîne Fox Kids. Selon le directeur du marketing
et du développement d'IP, il s'agit d'un petit marché difficile
à rentabiliser. Actuellement, outre IP et Web Sat Pub en phase de
lancement, trois autres intervenants prennent des positions : Thématique
Régie, le plus important, qui commercialise les thématiques de
Canal +, M6 Publicité et TF1 Publicité, qui ont chacune
leurs programmes thématiques.
L'objectif des chaînes généralistes est de
récupérer une partie du chiffre d'affaires publicitaire qu'elles
pourraient perdre à terme, comme ce fut le cas des grands réseaux
américains.
La multiplication des remises
Dans son étude, le Conseil supérieur de l'audiovisuel attire
l'attention sur ce phénomène :
"
Les stratégies commerciales des régies reposent sur une
panoplie impressionnante d'abattements par rapport aux prix affichés,
destinés tout à la fois à préserver les acquis et
à séduire de nouveaux annonceurs.
La complexité du système est parfaitement illustrée par
ces commentaires de Médiapolis sur les conditions de vente des espaces
publicitaires présentés par les régies en octobre
1997 :
«
En période creuse, TF1 offre des dégressifs
incitatifs de volume (prime accessible aux annonceurs réalisant au moins
600 000 francs bruts facturés). Elle propose, d'autre part,
des primes de progression et de bonification soumises à des conditions
liées au volume, à l'équilibre entre les périodes
et à la part de marché comparée à celle du secteur
de l'annonceur : TF1 affiche une politique volontariste par rapport aux
périodes d'investissements, mais multiplie les conditions et met en
place des mécanismes complexes pour préserver ses acquis. Les
remises sont plafonnées à 18 % hors remise de
références. Concernant la période encombrée, on
remarquera un dégressif de volume stable et une prime d'accompagnement
dépendante de l'évolution du volume et/ou de la part de
marché sectorielle... La chaîne abandonne la remise des 50 %
de part de marché pour les secteurs lourds (alimentaire, entretien,
transport...) applicable sur la référence du secteur ( de
- 3 à + 7 points). Enfin, elle introduit une bonification pour
limiter le " surbooking " sur les périodes
encombrées.
" Le service public adopte une position offensive en imposant la part de
marché comme levier prioritaire de l'optimisation financière, et
propose un dégressif de volume qui combine remises sur tranches et
montants forfaitaires. Ses conditions sont, d'autre part,
systématiquement liées aux parts de marché,
réévaluées sur tous les secteurs et sur la grille de
progression. La part de marché remplace l'accélérateur de
volume sur les périodes creuses (prime de progression de part de
marché saisonnalisée). Les nouveaux annonceurs
bénéficieront de 10 % d'espace gracieux.
" M6 maintient la remise mandataire, fonction de la part de marché
mandataire ou annonceur (avec un plancher toujours à 17 %). Le
barème de volume est plus souple et plus attractif, notamment pour les
petits annonceurs. Les remises de parts de marché sont, en revanche,
moins incitatives (paliers à la hausse et taux à la baisse). La
prime de saisonnalité, elle, est en hausse mais toujours
verrouillée par des parts de marché élevées.
" Canal + a mis en place un système novateur pour
séduire les annonceurs de la grande consommation. Ces derniers pourront
profiter d'un abaissement des tarifs de 10 %, pris en compte dans le
calcul des parts de marché Secodip. La grille de volume est unique,
simplifiée et plus attractive pour les budgets moyens. Canal +
incite d'autre part à la progression avec l'introduction d'une remise
spécifique.»"
La diversification forcée
Un autre phénomène est également souligné par le
Conseil supérieur de l'audiovisuel :
" Les chaînes généralistes hertziennes ne
constituent plus l'unique pôle de profit des groupes, auxquels elles
appartiennent. Les produits de la diversification progressent beaucoup plus
vite que les recettes publicitaires.
Le cas de TF1 est de ce point de vue exemplaire : la diversification
représentait 16,3 % du chiffre d'affaires consolidé du
groupe en 1994 ; il en représentait 24,4 % en 1997. Les
recettes de la publicité ont augmenté de 9 % en trois ans,
celles de la diversification de 80 %.
En 1997, les chiffres d'affaires générés par
l'édition musicale, le télé-achat ou la chaîne
Eurosport, ont enregistré " des croissances à deux
chiffres " ; ceux de LCI et d'Eurosport ont progressé de
20 %, alors que les recettes publicitaires n'ont augmenté que de
3,6 %.
L'importance de l'enjeu est illustrée par la place accordée par
les chaînes privées sur leurs écrans à la
publicité pour leurs activités de diversification. On ne sera pas
surpris de constater que TPS aura été en 1997 le premier
annonceur de TF1 et de M6
. "