2. Les nouveaux vecteurs, les nouveaux acteurs
Pratiquement, pour le grand public, cette convergence se
traduit par
deux phénomènes ; d'une part, l'arrivée d'Internet
comme fournisseur potentiel de services universels ; d'autre part, et plus
concrètement, par la perspective de mise en place de matériels
polyvalents de type télévision-ordinateur, même si cette
convergence des matériels est en fait moins avancée que celle des
réseaux ; il ne faut pas oublier qu'actuellement, les normes des
écrans diffèrent sensiblement entre le monde de l'informatique et
celui de l'audiovisuel, dans la mesure où les caractéristiques
des uns favorisent les textes et, pour les autres, l'image.
Alors que la convergence permet aux acteurs traditionnels dans les secteurs de
la radiodiffusion et des télécommunications d'étendre
leurs activités, elle se traduit également par l'arrivée
de nouveaux acteurs puissants venant des industries de l'édition, du
téléphone et de l'informatique.
Pour des fournisseurs d'informations, comme les éditeurs, les
opérateurs de bases de données et les services d'informations
financières, lnternet constitue une extension stratégique de leur
savoir-faire traditionnel dans la production, la fourniture et le transfert
d'informations.
Selon le Livre Vert, l'un des indicateurs de la convergence est la
volonté des acteurs du marché d'exploiter les possibilités
offertes par les nouvelles plates-formes, en particulier lnternet, pour aller
au-delà des limites de leurs marchés traditionnels de base, en
termes de marché géographique, mais aussi de produit.
La régénération des réseaux
téléphoniques traditionnels
Aux États-Unis, certains opérateurs de
télécommunication offrent déjà des programmes
audiovisuels sur leur réseaux - à titre encore
expérimental, il est vrai - en devenant des fournisseurs importants
d'accès à Internet. Des diffuseurs fournissent des services de
données sur leur réseau et leurs services devraient
rapidement devenir interactifs.
La technologie ADSL
3(
*
)
permet
à ces entreprises d'offrir aux possesseurs d'une ligne
téléphonique la vitesse de transmission aujourd'hui
réservée aux réseaux professionnels. Ainsi, le
câblo-opérateur Pacific Bell a installé plusieurs lignes
chez des clients particuliers habitant à San Francisco et dans les
environs.
L'avantage de cette technologie, par rapport à celles qui sont
déjà en service en Californie, de type RNIS, tient à une
vitesse deux fois plus élevée et surtout à la
possibilité d'utiliser sa ligne de téléphone, sans aucune
modification physique du réseau téléphonique.
L'abonné doit seulement posséder un modem spécial, que
Pacific Bell compte vendre aux alentours de 500 dollars.
Mais les usages de cette technologie restent limités tout en comportant
des contraintes.
Les premiers utilisateurs professionnels de ces lignes seront, selon la
compagnie californienne de téléphone, les milliers de
salariés qui travaillent déjà chez eux plusieurs jours par
semaine ou qui attendent la baisse des coûts de connexion rapide pour se
lancer plus aisément dans le télétravail.
En outre, la qualité physique des lignes téléphoniques
existantes doit être irréprochable ; à l'autre bout,
doit également se trouver un utilisateur possédant la technologie
ADSL. C'est pourquoi ce service est d'abord destiné à des clients
souhaitant de préférence se connecter à leur entreprise ou
à un fournisseur de services Internet utilisant cette technologie.
En tout état de cause, ces performances restent éloignées
de celles que promettent d'offrir les modems-câble, qui utilisent, eux,
le réseau de télévision par câble
numérisé en fibres optiques, toujours dans la même
région de Californie.
Ainsi, TCI, le numéro un du secteur audiovisuel américain, dont
l'une des filiales propose des services Internet à haut débit
envisage de généraliser le service Internet auprès des
Américains abonnés à la télévision par
câble.
Aux États-Unis, le câble tient la corde pour Internet
Les opérateurs de télévision par câble, hier encore
critiqués pour leurs difficultés à fournir - en
dépit de leurs promesses - de la vidéo à la demande,
sont désormais courtisés par les géants de l'informatique
et du téléphone. Ces sociétés y voient la solution
pour apporter Internet à la majorité des cent millions de foyers
américains, dont un cinquième seulement est équipé
d'ordinateurs avec accès à Internet. Le câble en touche
déjà 65 millions, et la télévision
96 millions.
Le passage à la télévision interactive et l'accès,
à haut débit, à Internet a longtemps semblé du
ressort des groupes informatiques et des compagnies de téléphone.
Aujourd'hui, cette révolution pourrait bien passer par le câble.
"
D'ici septembre, plus de 100 000 abonnés au
câble surferont sur le Web avec leurs
téléviseurs
", affirmait à New York, au
début 1998, le président de l'Association pour les médias
interactifs. Nous "
en attendons deux millions fin 1999. Et
des millions et des millions de plus à la fin de
l'an 2000
".
Avec une vitesse de transmission cinquante fois plus rapide que celle d'un
modem téléphonique, le modem-câble offre, outre les
services de télévision interactive, un accès ultra rapide
à Internet grâce par exemple à une filiale de TCI @Home,
une société dont TCI est actionnaire.
@Home et TCI ont conclu un accord avec le fournisseur de logiciels de finances
personnelles Intuit et la troisième banque américaine,
BankAmerica, pour offrir dès 1999 aux clients de la banque la
possibilité de gérer leur compte à distance et de
régler leurs factures depuis leur écran de
télévision.
@Home ne comptait fin 1997 que 50 000 abonnés. Mais, avec les
quelque 25 millions d'abonnés dépendant des sept compagnies
de câble qui en sont actionnaires, elle attire la convoitise de
sociétés telles que Microsoft et AT and T.
Microsoft prend position
En 1997, Microsoft a acquis WebTV, une société offrant un
accès à Internet sur la télévision par le biais
d'un simple modem téléphonique. La compagnie de Bill Gates a, du
reste, pris position en investissant un milliard de dollars dans ComCast, un
câblo-opérateur participant au programme de @Home.
Les câblo-opérateurs sont, quant à eux,
décidés à ne laisser aucun " outsider " mettre
la main sur leurs abonnés. Ils ont adopté un type de
décodeur à architecture "ouverte", capable de fonctionner avec
n'importe quelle plate-forme technologique.
Misant sur une globalisation du marché de l'information, qui fait
converger l'informatique, les télécommunications et la
télévision, Microsoft a pris le contrôle ou pris des
participations dans les entreprises les plus variées de l'ensemble du
secteur.
Avec la société californienne WebTV Networks, rachetée en
1997, Microsoft propose l'accès à Internet via un
téléviseur. Parmi la palette de ses activités figurent les
services en ligne, depuis le commerce électronique jusqu'aux
informations en continu. En 1997, le Groupe a pris des participations dans
Comcast et TCI, deux grands de la télévision par câble aux
États-Unis ; il veut accéder aux réseaux
câblés pour assurer, à terme, un débit plus puissant
à Internet.
Derrière le projet de réseau mondial de communications par
satellites Teledesic, qui prévoit, pour 2001, la mise en orbite de
près de 300 satellites pour un investissement de 9 milliards
de dollars, on retrouve encore Microsoft.
La marche forcée des télévisions américaines vers
le numérique
La télévision numérique aux États-Unis divise les
réseaux télévisés américains quant au format
à adopter.
Le passage à la technique numérique promet non seulement au
spectateur une image et un son de grande qualité, mais aussi un
accès à l'interactivité et à Internet.
Les autorités américaines ont établi un
plan de
transition
concernant cette technique. En principe, elle s'échelonne
jusqu'en 2006 pour les quelque 1 500 stations de
télévision. Il s'agit d'une révolution encore plus
importante que fut celle du passage du noir et blanc à la couleur.
La Commission Fédérale des Communications (FCC) impose aux
principaux réseaux une marche forcée vers le numérique.
Mais, comme elle leur a laissé les mains libres pour l'adoption d'un
format de transmission, les diffuseurs partent en ordre dispersé.
Des chances de développement pour les PME
A titre d'exemple des opportunités offertes par Internet, on peut citer
le cas d'une jeune société française, World-Net Phone, qui
a mis en vente au printemps 1998 des boîtiers permettant de basculer
automatiquement ses communications sur Internet sans posséder un
ordinateur.
Cette société a présenté à l'automne 1997
son dispositif, qui permet de se passer du micro-ordinateur pour profiter des
tarifs d'Internet.
Le boîtier, branché sur le téléphone, bascule la
communication sur le réseau mondial. C'est ainsi qu'une communication
avec les États-Unis, par exemple, revient au prix d'un appel local,
pourvu que l'on ait contracté un abonnement auprès d'un
fournisseur d'accès.
Les boîtiers seront en vente pour 2 000 francs chez quelques
grands distributeurs. La société a également
organisé des partenariats avec des fournisseurs d'accès à
Internet, qui proposeront le dispositif en location.
La qualité du téléphone sur Internet reste
médiocre, avec un décalage du type "talkie walkie" dû au
temps de transmission et des hachures lorsque le réseau perd des
"paquets" de données en route ; cela arrive !
Dans un premier temps, la téléphonie sur Internet devrait donc
surtout intéresser des publics spécifiques (étudiants,
familles éclatées entre plusieurs pays, grands voyageurs) avides
de communications à bas prix et peu regardants sur la qualité.
Le jeune fondateur de l'entreprise - il est âgé de 29 ans - estime
que "
le World-Net Phone n'est qu'une petite étape dans le vaste
réseau de communication mondial et standard Internet, qui concerne
déjà les ordinateurs, les téléphones mobiles, les
calculatrices, les modems, et englobera bientôt la
télévision, les radios, la domotique
."
Paradoxalement, ce produit, qui ramène la communication nationale et
internationale au coût d'une communication locale, intéresse
également France Télécom, qui lui a décerné
le prix de l'innovation en 1997, et le proposera en option avec Wanadoo, son
fournisseur d'accès à Internet.
L'avenir de cet appareil dépendra à la fois de la qualité
des communications offertes par un réseau Internet parfois très
encombré et des économies qu'il permettra de réaliser.
Cet exemple montre qu'Internet est porteur d'usages multiples susceptibles de
faire concurrence à beaucoup d'autres moyens de communication. On n'est
pas encore en mesure d'apprécier l'ampleur du phénomène,
pas davantage que son impact sur les services traditionnels.
A priori, on peut douter qu'Internet se substituera à l'offre
audiovisuelle traditionnelle : est-ce parce que l'ordinateur permettra
d'écouter la radio que l'on n'aura plus besoin de transistors ?
Même si Internet permet un jour de recevoir les programmes de
télévision sur ordinateur, il est évident que l'usage n'en
sera pas identique, d'autant plus que le confort d'utilisation des appareils et
liaisons spécialisées aura toutes les chances de progresser
.
A cette inconnue fondamentale pour le long terme s'ajoute une série
d'incertitudes à court et moyen terme.