2. Des conséquences de la démagogie
Que
demande le peuple ? Au début de notre ère, du pain et des
jeux ; aujourd'hui, ce serait plutôt du travail et des images...
Mais quelles images ? Tout se passe comme si la concurrence avait abouti,
sous prétexte de répondre aux goûts du public, à
couronner le moins disant culturel.
La recherche incessante de nouvelles recettes de publicité, la course
à l'audience qui en a été la conséquence, bref,
cette dictature de la fameuse " ménagère de moins de
cinquante ans " sont pour beaucoup dans ce nivellement par le bas des
programmes.
On perçoit alors comme un âge d'or l'époque de la R.T.F.
avec ses dramatiques ambitieuses comme les Perses d'Eschyle ou ses
émissions phares comme " Cinq colonnes à la une ".
Pierre Bourdieu écrit justement que cette télévision,
qualifiée par lui de " pédagogico-paternaliste ",
" se servait en quelque sorte de son monopole pour imposer à tous
des produits à prétention culturelle (documentaires, adaptations
d'oeuvres classiques, débats culturels, etc.) et former les goûts
du grand public. "
Au contraire, selon lui,
" la télévision des
années 90 vise à exploiter et à flatter ces goûts
pour toucher l'audience la plus large en offrant aux
téléspectateurs des produits bruts, dont le paradigme est le
talk-show, tranches de vie, exhibitions sans voiles d'expériences
vécues, souvent extrêmes et propres à satisfaire une forme
de voyeurisme et d'exhibitionnisme (comme d'ailleurs les jeux
télévisés auxquels on brûle de participer,
même en simple spectateur, pour accéder à un instant de
visibilité)."
La suppression du monopole et l'avènement de l'économie de
marché ont fait de l'audience, symbolisée par l'audimat,
l'étalon de la valeur audiovisuelle, l'arbitre suprême de la
compétition entre les chaînes qu'elles soient privées ou
publiques.
La soumission aux exigences de cet instrument de marketing est l'exact
équivalent en matière de culture de ce qu'est la
démagogie, guidée par les sondages d'opinion en matière de
politique.
Bref, on a flatté le public au lieu de chercher à
l'éduquer, démagogie que l'on retrouve dans des domaines connexes
comme celui de la défense de la langue française.