b) Une procédure contradictoire insuffisamment affirmée
En
contrepartie, le code des juridictions financières organise une
procédure contradictoire qui s'applique à toutes les
décisions que les chambres régionales des comptes peuvent
prendre. En matière juridictionnelle, la procédure contradictoire
est assurée par le
double jugement
(le premier jugement n'ayant
qu'un caractère provisoire et permettant au comptable de répondre
aux observations de la chambre).
Dans le cadre de l'examen de gestion, les observations ont d'abord un
caractère provisoire
23(
*
)
.
Avant l'établissement de ses observations définitives, la chambre
régionale des comptes doit prévoir un
entretien
entre le
magistrat rapporteur ou le président de la chambre et l'ordonnateur de
la collectivité concernée.
Le cas échéant, un entretien doit également avoir lieu
avec l'ordonnateur qui était en fonction au cours de l'exercice
examiné.
Si la chambre régionale des comptes a le droit -comme la Cour des
comptes- de convoquer tout représentant, administrateur, fonctionnaire
ou agent des services des établissements et organismes
contrôlés, elle a aussi le
devoir d'entendre
les personnes
concernées.
Les observations définitives sur la gestion sont
délibérées après l'audition, à sa demande,
de la personne concernée (
article L 241-14
du code des
juridictions financières).
Enfin, comme l'avait souhaité le Sénat lors de l'examen de la loi
du 2 mars 1982, l'insertion au rapport public de la Cour des comptes des
observations sur la gestion des collectivités locales et des organismes
locaux relevant des chambres régionales des comptes, ouvre aux
collectivité locales une sorte de droit de réponse. L'article L.
136-4 du code des juridictions financières fait obligation à la
Cour des comptes d'informer les collectivités des observations qu'elle
envisage d'insérer au rapport et de les inviter à faire part de
leurs réponses. Celles-ci sont publiées à la suite des
observations de la Cour.
Si ces dispositions ne doivent pas être sous-estimées, pour autant
les auditions du groupe de travail ont mis en évidence que
la
procédure contradictoire n'apparaît pas suffisamment
affirmée.
En premier lieu, le caractère contradictoire de la procédure
n'est pas suffisant au sein même des chambres régionales des
comptes.
Certes, pour les contrôles les plus importants, le président de la
chambre ou le président de la section de cette chambre, peuvent
désigner un magistrat contre-rapporteur. Celui-ci peut utilement
apporter un nouvel éclairage sur la question soumise à la chambre
régionale des comptes.
Mais, à la différence de la procédure suivie devant la
Cour des comptes,
la pratique du contre-rapport n'est pas
systématique
. Une telle situation n'est pas propice au traitement,
dans les meilleures conditions, de questions souvent complexes et pour
lesquelles le rôle des chambres régionales des comptes n'est pas
de s'ériger en censeur de la gestion locale mais d'apporter aux
élus locaux les conseils de nature à faciliter celle-ci.
Elle est d'autant plus regrettable, s'agissant d'institutions jeunes et
disposant de magistrats-instructeurs parfois inexpérimentés.
De même, plusieurs magistrats entendus par le groupe de travail ont
manifesté le souhait que la
collégialité
soit
davantage affirmée, notamment pour la détermination des
contrôles annuels mais aussi pour assurer un meilleur encadrement des
conseillers-rapporteurs.
Plus profondément, les élus locaux ont trop souvent le sentiment
que les réponses qu'ils présentent aux observations provisoires
des chambres régionales des comptes
ne sont pas prises en compte par
ces dernières
.
Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de rappeler, dans un arrêt de principe
qui concernait la Cour des comptes
(12 février 1993, Mme
Gaillard),
que la divulgation de tout ou partie de rapports provisoires
rend tout intéressé recevable à demander à
connaître les mentions le mettant en cause, à en contester
l'exactitude et à en demander, le cas échéant, la
suppression.
Certes, comme l'atteste l'analyse à laquelle le groupe de travail s'est
livré, nombreuses sont les chambres régionales des comptes qui,
dans leurs lettres d'observations définitives, prennent acte de la
réponse de l'ordonnateur ou des mesures engagées par la
collectivité pour redresser une situation.
Cette pratique -aussi positive soit-elle- n'apparaît pas suffisante. Elle
ne reflète pas, en effet, l'existence d'un
véritable
dialogue
entre la juridiction financière et les responsables des
collectivités locales. Or seul un tel dialogue peut permettre à
la juridiction financière d'apprécier, dans sa globalité,
le contexte dans lequel les décisions locales ont été
prises et mises en oeuvre.
Trop souvent, l'entretien ou la réponse de l'ordonnateur s'apparente
à un
simple acte de procédure
ayant peu d'effet sur les
observations définitives.
En témoigne la formule utilisée par certaines chambres
régionales des comptes qui relèvent que la réponse de
l'ordonnateur n'est pas de nature à modifier les observations de la
chambre. Elle rapproche les observations sur la gestion d'un véritable
jugement alors que tel n'est pas leur objet.
En toute hypothèse, le fait que les réponses des ordonnateurs ne
soient pas annexées aux lettres d'observations définitives heurte
le principe clairement affirmé par la loi du 17 juillet 1978 selon
laquelle
" toute personne a le droit de connaître les
informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui
sont opposées. Sur sa demande, ses observations à l'égard
desdites conclusions sont
obligatoirement consignées en annexe
du
document concerné ".