4. L'absence de procédure de recours
a) Des observations " sans appel "
Le
contrôle de gestion ne peut entraîner une
sanction
d'ordre
juridictionnel. Il en résulte que les lettres d'observations
définitives ne peuvent faire l'objet d'un recours en appel devant la
Cour des comptes.
Elles ne sont pas non plus susceptibles d'un recours pour excès de
pouvoir devant la juridiction administrative.
Saisi d'un recours à l'encontre d'un avis rendu par une chambre
régionale des comptes dans le cadre des dispositions de la loi du 2 mars
1982 qui permettent au représentant de l'Etat de soumettre à la
juridiction une convention relative à un marché ou à une
délégation de service public, le Conseil d'Etat a
considéré que l'avis ainsi émis ne présentait pas
le caractère d'une décision susceptible d'être soumise au
juge par la voie du recours pour excès de pouvoir
(8 décembre
1995, Département de la Réunion).
S'agissant des observations rendues par une chambre régionale des
comptes sur la gestion des collectivités, le tribunal administratif de
Marseille a considéré que : "
les observations formulées
par la chambre régionale des comptes dans le cadre de l'examen de la
gestion des collectivités (...) ne présentent pas, alors
même qu'elles sont obligatoirement communiquées à
l'assemblée délibérante de la collectivité
intéressée dès sa plus proche réunion, inscrites
à son ordre du jour et jointes à la convocation adressée
à chacun de ses membres, le caractère de décision faisant
grief susceptible d'être déférée au juge de
l'excès de pouvoir "
(1er mars 1995,
société
Sernica et commune de La Ciotat).
Le Conseil
d'Etat, saisi en appel de ce jugement, n'a pas encore rendu son
arrêt.
b) Un double inconvénient
Cette
situation présente un double inconvénient qui concerne, d'une
part, les
droits de la défense
et, d'autre part,
l'unification
des pratiques
des chambres régionales des comptes.
• S'agissant des
droits de la défense
, l'absence de
recours lèse les droits des ordonnateurs mis en cause dans les lettres
d'observations définitives, et, au-delà des ordonnateurs, les
intérêts de la collectivité elle-même.
Par contraste, le jugement des comptes fait l'objet d'une procédure de
première instance devant la chambre régionale des comptes,
d'appel devant la Cour des comptes et de cassation devant le Conseil d'Etat.
Certes, l'argument invoqué pour expliquer cette distorsion -le fait que
les observations sur la gestion ne sont pas rendues en forme juridictionnelle
et ne sont pas assorties de sanctions- ne manque pas de valeur.
Il n'en demeure pas moins que ces observations -par leur contenu et par la
publicité qui leur est obligatoirement donnée- sont susceptibles
de porter préjudice à l'ordonnateur et à sa
collectivité bien au-delà du simple prononcé d'une amende.
Depuis la loi du 15 janvier 1990, les observations définitives doivent,
en effet, être communiquées par l'exécutif à son
assemblée délibérante, dès sa plus prochaine
réunion (
article 241-11
du code des juridictions
financières).
Dès qu'a eu lieu la première réunion de l'assemblée
délibérante suivant la réception par la
collectivité de ces observations, elles peuvent être
communiquées aux tiers (
article 120
du décret du 23
août 1995).
Ainsi, alors même que les questions soulevées dans la lettre
d'observations n'ont pas nécessairement fait l'objet d'un
véritable débat contradictoire et que les réponses de
l'ordonnateur n'ont pas toujours été prises en comptes, celui-ci
peut être mis en cause devant l'opinion
sans qu'il puisse exercer un
recours
.
Cette situation ne peut que heurter les principes généraux d'un
Etat de droit. Le droit de former un recours pour excès de pouvoir
contre un acte dont la légalité est constestée constitue,
en effet, un principe général du droit consacré par la
jurisprudence.
• Sur le plan des pratiques des chambres régionales des comptes,
l'absence de procédure de recours ne permet pas une unification qui
serait pourtant nécessaire. Une instance d'appel pourrait, en effet,
progressivement homogénéiser les solutions retenues face à
des questions souvent complexes. Ses décisions -comme c'est le cas en
matière juridictionnelle- serviraient de référence
à des juridictions qui en manquent trop souvent.
Une procédure de recours aurait une double vertu de modération
et de réflexion sur les chambres régionales des comptes.