2. La coordination interministérielle et la détermination de la politique
Au cours des déplacements que la mission a effectués, votre rapporteur a constaté que la coordination interministérielle dans les autres pays européens était le plus souvent opérée au premier chef par le ministère en charge de la représentation , qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur ou des affaires étrangères. Le recours à un arbitrage externe, généralement opéré au niveau du chef du Gouvernement, n'intervient qu'en cas d'échec de cette coordination.
a) En Allemagne
En
Allemagne, la coordination est effectuée sous l'égide du
ministère fédéral de l'intérieur
.
Il convient de rappeler que le principe d'organisation gouvernementale allemand
est très différent de celui qui prévaut en France. La loi
fondamentale rend chaque ministre personnellement responsable de sa politique
devant le Parlement, le chancelier ne disposant que de compétences
fixées de manière étroite. Politiquement, chaque ministre
est de plus un membre d'une coalition dans laquelle les équilibres
doivent être respectés. En conséquence, il n'y a pas en
Allemagne de ministre à compétence horizontale chargé des
affaires européennes, chaque ministère comprenant en son sein un
secrétaire d'Etat responsable de ces questions et étant
amené à défendre lui-même les intérêts
de l'Allemagne à Bruxelles.
Malgré ce principe, le ministère fédéral de
l'économie a, pour des raisons historiques liées à
l'aspect économique initial de la construction européenne,
gardé la responsabilité des contacts avec les institutions
européennes. Mais dans le cadre du 3ème pilier ses attributions
sont plus formelles que réelles et il ne sert que de " boîte
à lettres ". Le ministère des affaires
étrangères, pour sa part, veille à ce que la politique des
différents ministères s'intègre bien dans la politique
globale du gouvernement fédéral.
En matière de
coopération policière
,
le
ministère de l'intérieur détermine la politique
allemande
. Il le fait en concertation avec d'autres intervenants,
principalement avec le ministère de la justice et le ministère
des affaires étrangères, mais aussi avec le ministère des
affaires sociales et avec les délégués
indépendants, nommés par le Parlement et le gouvernement et
responsables des étrangers ou des stupéfiants.
La coordination s'effectue sous l'égide du ministère de
l'intérieur, lors de réunions, dans ses locaux, sous la
présidence d'un directeur général du ministère.
Elle a également lieu par contacts directs entre les fonctionnaires ou
les ministres eux-mêmes. Ces derniers n'ont pas de cabinet et sont en
prise directe avec les services.
Pour le cas où un accord n'interviendrait pas, la question devrait
être soumise à une réunion des secrétaires d'Etat
des ministères concernés puis, en cas de désaccord
persistant, être tranchée par la chancellerie. Mais le
secrétaire d'Etat actuellement responsable des négociations a
indiqué à votre rapporteur, qu'en cinq ans d'exercice, il n'avait
jamais vu cette procédure mise en oeuvre une seule fois.
Ceci ne signifie pas qu'il n'y a jamais eu de difficultés. Les relations
avec le ministère de la justice, très impliqué dans les
questions de protection des données, sont souvent conflictuelles. Il est
arrivé, notamment concernant le cryptage des données, qu'un
compromis ne puisse pas être trouvé avant une réunion
européenne, empêchant de ce fait l'Allemagne de prendre position.
Des dissensions sont même parfois apparues entre les représentants
des deux ministères au cours des réunions européennes.
Les relations avec les länder constituent néanmoins une des
principales difficultés auxquelles se heurte le ministère
fédéral de l'intérieur. Les compétences en
matière de police sont en effet réservées aux länder.
L'Etat fédéral se contente d'assurer la police des
frontières, au moyen de la police fédérale des
frontières (BGS), et d'exercer une compétence en matière
de terrorisme ou de criminalité organisée, à travers le
service fédéral de police criminelle (BKA), dans le cas où
une affaire dépasse le cadre d'un land.
Chaque réunion à Bruxelles implique donc une coordination avec
les länder. De plus, ces derniers disposent systématiquement de
deux représentants nommés par le Bundesrat dans toutes les
délégations.
En dehors de la gestion quotidienne, les grandes questions de principe, telles
l'élargissement de l'Union européenne ou le traité
d'Amsterdam, sont tranchées par des comités
interministériels spéciaux.
b) En Grande-Bretagne
En
Grande Bretagne, le
ministère de l'intérieur
(
Home
office)
a la responsabilité principale et souvent unique en
matière de négociations européennes.
Cela s'explique naturellement par le fait que ses compétences sont
extrêmement étendues : il est responsable de la législation
pénale et des prisons et il délivre seul les visas. Le
ministère de la justice, qui gère les magistrats, et le
ministère des affaires étrangères n'interfèrent pas
dans ses compétences quotidiennes. Le ministère des affaires
étrangères veille néanmoins à ce que l'action du
Home office, notamment en matière de visas, soit conforme aux
orientations de la politique étrangère de la Grande Bretagne.
Comme en France, les douanes relèvent du ministère des finances.
La coordination s'effectue au sein du Home office par contacts directs, souvent
téléphoniques, entre les fonctionnaires intéressés.
Il en est de même entre les ministères. En cas de
désaccord, la question est arbitrée dans le cadre du
" cabinet office ", structure administrative d'une centaine de
personnes rattachée au Premier ministre et comprenant un
secrétariat pour les questions européennes. Le recours à
cette structure est très rare dans la mesure où il y a une
véritable volonté politique de coordination et où
le
rôle pilote du Home office est reconnu par tous
. Il n'y a pas de
ministre des affaires européennes à part entière.
L'information entre les ministères circule très bien car il
règne dans l'administration une
véritable philosophie de
l'échange d'informations
. Un comité ministériel
spécial a été mis en place pour suivre la politique
européenne pendant la présidence britannique de l'Union.
Les problèmes de coordination se posent plutôt en Grande-Bretagne
entre le Home office et les forces locales de police qui sont
indépendantes même si elles doivent se conformer aux
priorités générales définies par le Home office (il
y a 43 forces de police en Angleterre et au pays de Galles). Chaque question
doit être négociée avec les forces de police locales et il
faut veiller à l'application au niveau local des décisions
prises. L'association des chefs de police a une grande influence et dispose
systématiquement d'un représentant dans les
délégations aux groupes de travail européens.
c) En Italie
En
Italie, la coordination revient au
ministère des affaires
étrangères
qui assure la représentation du pays dans
l'ensemble des instances de décision.
Il semble cependant que le ministère de l'intérieur, qui dispose
d'un service des relations internationales, soit étroitement
associé à la détermination de la politique. Il est ainsi
arrivé que le ministre de l'intérieur siège avec le
ministre des affaires étrangères au Comité exécutif
de Schengen. Le ministère de la justice est également très
impliqué dans les questions policières. La police judiciaire est
entièrement subordonnée aux parquets indépendants qui ont
la maîtrise des enquêtes. Les décisions importantes en
matière de coopération policière sont donc prises au
niveau des cabinets des ministres des affaires étrangères, de
l'intérieur et de la justice et répercutées sur les
services. En cas de désaccord, l'arbitrage est effectué par le
Premier ministre.
Il convient de noter que le chef de la police est responsable de la
sécurité. A ce titre, il opère lui même la
coordination entre les différentes forces chargées d'assurer la
sécurité, la police, les carabinieri (gendarmes) et la guardia di
finanza (garde-côtes).