4. Une incitation insuffisante à participer au processus de coopération policière
a) les rémunérations des personnels en poste à l'étranger
Les
personnels en poste à l'étranger perçoivent
l'indemnité d'expatriation, prévue par le décret
n° 67-290 du 28 mars 1967 au bénéfice de l'ensemble des
fonctionnaires de l'Etat expatriés. Cette indemnité leur assure
une rémunération nettement supérieure à celle que
perçoivent, à indice égal, leurs collègues qui
demeurent dans l'Hexagone.
On observera cependant que la rémunération ne doit pas être
confondue avec le pouvoir d'achat. Le coût de la vie est en effet parfois
bien plus élevé dans la ville d'accueil qu'en France.
L'expatriation peut en outre générer des frais
supplémentaires, liés par exemple aux dépenses
d'éducation des enfants (surtout dans les pays non francophones, compte
tenu du coût de l'inscription dans un lycée français), et
induire une perte conséquente de revenus si le conjoint est amené
à quitter un emploi.
A l'occasion de leurs déplacements, les membres de la mission ont par
ailleurs constaté certaines anomalies telles que :
- l'exclusion du bénéfice de l'allocation de service
allouée aux fonctionnaires du corps de conception et de direction de la
police nationale lorsque ces fonctionnaires sont affectés à
l'étranger et bénéficient de la prime d'expatriation.
Même si elle peut se comprendre, dans la mesure où le montant de
la prime d'expatriation demeure supérieur à celui de ladite
allocation, cette exclusion fait perdre une partie de son intérêt
à la prime d'expatriation. Dans la droite ligne de cette exclusion, le
décret du 27 février 1998 portant attribution d'une prime de
commandement et d'encadrement de la police nationale en exclut
expressément les fonctionnaires affectés à
l'étranger et bénéficiant de la prime d'expatriation ;
-
l'exclusion du bénéfice de l'indemnité de
sujétion spéciale
de la police pour les agents en poste
à l'étranger, alors même qu'elle fait partie
intégrante de leur statut (à tel point que lesdits agents sont
assujettis à des retenues pour retraite et que même un
fonctionnaire suspendu continue à la percevoir).
L'attention de la mission a également été attirée
sur le
classement indiciaire
des policiers expatriés dans un
groupe largement inférieur à celui auquel ils pourraient
prétendre compte tenu de leur niveau de responsabilité. Des
négociations seraient en cours avec le ministère des finances
pour procéder à une assimilation de ces personnels aux personnels
diplomatiques.
Même s'il a pleinement conscience de l'étroitesse des marges de
manoeuvre en ce domaine, dans un contexte de maîtrise des finances
publiques, votre rapporteur ne pouvait manquer de souligner ces anomalies qui
constituent autant de frein à l'incitation à
l'expatriation.
b) le problème de l'avancement des personnels en poste à l'étranger
La
mission a reçu sur ce point des informations contradictoires, certains
estimant que les personnels en poste à l'étranger, s'ils
n'étaient pas privilégiés, ne subissaient pas de
véritable retard dans leur avancement alors que d'autres ont
regretté que les expatriés ne reçoivent que fort rarement
une promotion avant leur retour en France.
De fait (mais cette situation n'est pas spécifique au ministère
de l'intérieur), il semble que, lorsque deux fonctionnaires de police
appartenant à la même direction sont en même temps
proposables pour le grade supérieur, le fonctionnaire resté en
France soit mieux placé que son collègue expatrié. La
différence est encore plus nette si l'expatrié est attaché
de police, le lien avec la direction d'origine étant dans ce cas
beaucoup plus ténu.
Quoiqu'il qu'il en soit, de nombreux policiers éprouvent ce sentiment
d'être parfois " oubliés " par leur administration.
Fondé ou non, ce sentiment ne joue pas moins un rôle dissuasif
pour ceux qui peuvent s'attendre à une promotion proche.
c) le problème du retour en France
Le
problème du retour en France des personnels affectés à
l'étranger, que ce soit dans le secteur opérationnel ou pour
participer aux négociations, est peut être le plus
révélateur de l'absence de stratégie internationale dans
la gestion du personnel.
Concernant les officiers de liaison et les attachés de police, la
durée maximale d'affectation à l'étranger est depuis peu
fixée à trois ans, renouvelable une fois mais pas obligatoirement
dans la même affectation.
Les membres de la mission ont été frappés par ce constat,
souligné par la quasi totalité des personnes entendues, de
l'
absence totale de gestion programmée
des fonctionnaires
appelés à participer à la coopération
policière, qu'ils soient policiers ou issus du corps préfectoral.
La gestion de ces personnels se limite en effet à réagir à
des initiatives personnelles. Cela se constate lors de l'affectation, qui
résulte le plus souvent d'un concours de circonstances (information sur
un poste disponible fournie par une relation, opportunité dans le cadre
d'une mobilité ENA ...).
Cela se retrouve aussi et surtout au moment du retour. C'est à
l'intéressé qu'il appartient de prendre son destin en main, en
recherchant et en postulant pour un poste, en France ou à
l'étranger.
La mission a ainsi pu constater que, dans la plupart des cas, les
fonctionnaires dont le mandat à l'étranger arrive à
expiration :
-
ne connaissent que fort tardivement le poste qu'ils occuperont par la
suite
;
-
sont souvent affectés à un poste sans rapport avec
l'international,
ce qui empêche d'utiliser leur expérience et,
indirectement, peut les dissuader de postuler pour l'expatriation puisque leurs
années passées à l'étranger ne leur serviront
guère dans la suite de leur carrière. En revanche, certains
membres de l'Union européenne s'efforcent de rentabiliser cette
expérience. C'est ainsi que les experts nationaux néerlandais
détachés à Bruxelles sont fréquemment
affectés par la suite à la Représentation permanente ;
-
ne retrouvent pas des responsabilités plus importantes que celles
exercées avant leur départ,
contrairement à certains
de leurs collègues étrangers, notamment britanniques.
Par ailleurs, il n'est pas rare que les intéressés qui, au cours
de leur présence à l'étranger, ont exercé de hautes
responsabilités avec une rémunération
élevée, surestiment quelque peu les postes auxquels ils peuvent
prétendre. Affectés à un niveau de responsabilité
inférieur à leurs prétentions, ils éprouvent
parfois une certaine amertume qui peut dissuader leurs collègues
tentés par l'aventure internationale de suivre leur exemple.
En d'autres termes,
l'absence de gestion programmée des personnels
rend nécessaire une démarche active des intéressés
auprès de l'administration qui conduit parfois à une
incompréhension réciproque.
Bien des aigreurs pourraient
semble-t-il être évitées si, dès leur départ
à l'étranger, les fonctionnaires avaient une idée du type
de poste qu'ils occuperont à leur retour.
Le corps préfectoral essaie cependant depuis quelques années de
prospecter systématiquement les postes disponibles dans les institutions
européennes pour des sous-préfets en mobilité et de
valoriser l'expérience acquise au retour. Mais pour des raisons
statutaires, il n'a pu obtenir jusqu'à présent qu'une
valorisation différée de cet acquis.
d) Un rôle mal défini et un suivi insuffisant des personnels
En
l'absence de texte définissant d'une manière
générale le rôle d'un officier de liaison, d'un
attaché de police ou d'un expert détaché, les
activités de chacun peuvent varier selon l'affectation.
Ce n'est souvent qu'à la lecture de sa lettre de mission que
l'intéressé a une idée suffisamment précise du
rôle qui sera le sien, ce qui n'encourage pas le dépôt des
candidatures.
Certains attachés de police et officiers de liaison ont parfois
l'impression, faute d'un suivi attentif et de consignes délivrées
par l'administration centrale, d'être laissés sur place à
eux-mêmes et en éprouvent un certain découragement. Cette
impression est confortée par le fait que les attachés de police,
qui disposent d'un budget de déplacement dans le pays où ils sont
affectés, ne bénéficient pas de frais de mission pour
assister à des réunions en France. De plus, ni les
attachés de police ni les officiers de liaison, ne sont convoqués
à échéance régulière en France pour faire le
point, à l'inverse des attachés douaniers ou des attachés
de gendarmerie qui sont réunis chaque année en séminaire
sur un thème donné.
Les personnels en place dans les institutions européennes ont souvent la
même impression d'abandon de la part de leur administration d'origine.