N°
328
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Rapport remis à Monsieur le Président du Sénat le 28 avril
1999
Dépôt publié au Journal officiel du 29 avril 1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 avril 1999
RAPPORT
de la commission d'enquête (1) sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements d'enseignement du second degré ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs des ministères de l' éducation nationale et de l 'agriculture , pour l'enseignement agricole, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 5 novembre 1998,
TOME
I : rapport et annexes
Président
M. Adrien GOUTEYRON
Rapporteur
M Francis GRIGNON
Rapporteurs adjoints
MM. Jean-Claude CARLE et André VALLET,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Arthuis, Jean Bernadaux,
Gérard Braun, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Xavier
Darcos, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Mme Dinah Derycke, MM. Claude
Domeizel, Jean-Léonce Dupont, Adrien Gouteyron, Francis Grignon,
Jean-Philippe Lachenaud, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme
Hélène Luc, MM. Jacques Mahéas, Pierre Martin, Jacques
Valade, André Vallet.
Voir les numéros :
Sénat :
30
,
46
,
52
et T.A.
12
(1998-1999).
Enseignement.
GLOSSAIRE DES SIGLES
ATOS |
Personnel administratif, technicien, ouvrier et de service |
BEP |
Brevet d'études professionnelles |
BTS |
Brevet de technicien supérieur |
CAP |
Certificat d'aptitude professionnel |
CAPES |
Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré |
CAPN |
Commission administrative paritaire nationale |
CNED |
Centre national d'enseignement à distance |
CPGE |
Classe préparatoire aux grandes écoles |
DATAR |
Délégation à l'aménagement du territoire |
DIE |
Dépense intérieure d'éducation |
DOM |
Département d'outre-mer |
DUT |
Diplôme universitaire de technologie |
EMI |
Enquête masse indiciaire |
EPS |
Education physique et sportive |
ETP |
Equivalent temps plein |
FEN |
Fédération de l'éducation nationale |
FPMA |
Formation paritaire mixte |
FPMN |
Formation paritaire mixte nationale |
FSU |
Fédération syndicale universitaire de l'enseignement |
HSA |
Heure supplémentaire année |
HSE |
Heure supplémentaire effective |
HSS |
Heure supplémentaire spécifique |
IA-DSDEN |
Inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale |
IEN |
Inspecteur de l'éducation nationale |
IGAEN |
Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale |
IGEN |
Inspection générale de l'éducation nationale |
IPR-IA |
Inspecteur pédagogique régional, inspecteur d'académie |
ISSR |
Indemnité de sujétions spéciales de remplacement |
IUFM |
Institut universitaire de formation des maîtres |
MA |
Maître auxiliaire |
MAD |
Mise à disposition |
MAFPEN |
Mission académique à la formation des personnels de l'éducation nationale |
MGEN |
Mutuelle générale de l'éducation nationale |
OCDE |
Organisation de coopération et de développement économique |
PEGC |
Professeur d'enseignement général des collèges |
PIB |
Produit intérieur brut |
PLP |
Professeur de lycée professionnel |
PLP 2 |
Professeur de lycée professionnel de deuxième grade |
REP |
Réseau d'éducation prioritaire |
RPI |
Regroupement pédagogique intercommunal |
SNALC |
Syndicat national des lycées et collèges |
SNES |
Syndicat national de l'enseignement secondaire |
SNUIPP |
Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs d'école et PEGC |
STAPS |
Sciences et techniques des activités physiques et sportives |
STS |
Section de technicien supérieur |
TA |
Titulaire académique |
TR |
Titulaire remplaçant |
ZEP |
Zone d'éducation prioritaire |
ZIL |
Zone d'intervention localisée |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
A l'initiative des présidents des quatre groupes de sa majorité
et du président de sa commission des affaires culturelles, le
Sénat a constitué le 5 novembre 1998 une commission
d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des écoles
et des établissements du second degré ainsi que de ceux des
services centraux et extérieurs des ministères de
l'éducation nationale et de l'agriculture, pour l'enseignement agricole.
Cette commission a été créée dans un contexte de
forte mobilisation des lycéens qui manifestaient contre les conditions
dans lesquelles s'était effectuée la rentrée de 1998, et
alors que se déroulait dans le même temps la discussion
budgétaire du projet de loi de finances pour 1999 qui prévoyait,
encore une fois, une augmentation substantielle des crédits de
l'éducation nationale.
Compte tenu de ce contexte, et des dysfonctionnements qui se
répétaient lors de chaque rentrée scolaire, il
était légitime que le Sénat se penche sur la gestion des
personnels de l'éducation nationale qui représentent, il convient
de le rappeler, la moitié des effectifs de la fonction publique, et qui
sont chargés d'encadrer une population scolaire en forte
décroissance, appelée à se poursuivre du fait de
l'évolution démographique.
Dans le même temps, étaient évoqués, notamment par
le ministre, le problème des classes sans enseignants, des enseignants
sans classe, la gestion trop centralisée des affectations dans le second
degré, les pertes en lignes qui résulteraient de mises à
disposition, de détachements, de décharges au profit d'organismes
divers, lesquelles hypothéqueraient de manière non
négligeable les moyens mis à la disposition de
l'éducation nationale.
Bref, il fallait y voir clair et la création de la commission
d'enquête par le Sénat apparaissait légitime et opportune.
Son président tient à rappeler à titre liminaire que cette
commission n'a aucunement été inspirée par une quelconque
suspicion à l'égard des personnels de l'éducation
nationale qui, dans leur immense majorité, effectuent leur tâche
avec compétence, enthousiasme et dévouement, qu'il s'agisse des
enseignants ou des chefs d'établissement, dans des conditions
malheureusement de plus en plus difficiles, ou à l'égard du
ministre actuel qui a largement hérité d'une situation
antérieure où prévalait la " peur de manquer "
en terme de moyens, alors que se poursuivait inexorablement le mouvement de
massification de l'enseignement secondaire et qu'était constatée
une certaine désaffection des étudiants à l'égard
des concours.
Il convient également de rappeler que le Sénat, en examinant la
proposition de résolution tendant à créer cette commission
d'enquête, a substantiellement élargi son champ
d'investigation : aux personnels enseignants et non enseignants de
l'éducation nationale ont été ajoutés, comme
l'indique un intitulé quelque peu indigeste, ceux des " services
centraux et extérieurs des ministères de l'éducation
nationale et de l'agriculture, pour l'enseignement agricole ",
l'enseignement privé " sous contrat " entrant également
dans le champ de l'enquête.
Parvenue au terme de ses six mois d'existence légale, la commission
d'enquête n'a pas la prétention d'avoir exploré toutes les
dimensions de la commande qui lui a été passée.
En dépit de quelque quarante auditions qui ont représenté
autant d'heures d'investigation, de douze déplacements dans diverses
académies, dont quatre d'outre-mer, la commission d'enquête n'a
pas été en mesure de réserver la part qui leur revenait
à certaines composantes essentielles de notre système
éducatif.
Elle regrette ainsi de ne pas avoir eu la possibilité d'entendre les
associations de parents d'élèves, l'ensemble des organisations
syndicales et notamment celles représentant les personnels non
enseignants ainsi que la totalité des composantes de l'enseignement
privé et de l'enseignement agricole.
Il reste que ses déplacements dans les rectorats, les écoles et
les établissements scolaires, ainsi qu'à la
" centrale " de la rue de Grenelle lui ont permis de rencontrer les
principaux acteurs du système éducatif et de se faire communiquer
les documents indispensables à son information.
La commission d'enquête tient naturellement à remercier l'ensemble
de ses interlocuteurs pour leur disponibilité et pour les conditions
dans lesquelles se sont déroulées ses investigations. Elle a
même noté l'intérêt que suscitaient ses
déplacements au sein d'académies ou d'établissements qui
n'ont pas pour habitude de recevoir une délégation de la
représentation nationale : nul doute que cette enquête a
permis de resserrer des liens qui sont parfois trop distendus entre le
Parlement et l'école et de réduire peut-être des
incompréhensions réciproques.
A l'issue de ce voyage au sein du système scolaire, et sans
déflorer le contenu des développements ci-après, quelles
sont les
observations générales
qui ont pu être
retirées par la commission d'enquête sur la gestion de
l'éducation nationale ?
Elle tient d'abord à faire litière de certaines idées
reçues : s'agissant d'une administration qui a été
présentée par le ministre comme un gigantesque
éléphant fossile de l'ère quaternaire, la commission a pu
constater que les effectifs de la " centrale " avaient
été considérablement
" dégraissés " depuis quelques années, que les
échelons déconcentrés étaient loin d'être
pléthoriques et pêchaient plutôt par certaines
insuffisances, sur le plan statistique et informatique notamment, et que ce
relatif sous-encadrement au niveau quantitatif et aussi qualitatif, risquait de
ne pas faciliter la mise en oeuvre de certaines réformes pourtant
indispensables, comme la déconcentration du " mouvement " et
la mise en place du contrôle local des emplois.
Par ailleurs, si elle a effectivement constaté une centralisation
excessive de l'éducation nationale, la commission a aussi observé
que cette réalité, contrairement aux idées reçues,
s'accompagnait d'une forte déconcentration au niveau des rectorats,
voire des établissements, où se prennent des décisions
individuelles concernant les personnels qui ont des incidences
budgétaires immédiates, ou à terme, fort coûteuses.
A cette occasion, elle a pu noter, en le regrettant, que l'autorisation
budgétaire donnée par le Parlement était en partie
vidée de son sens et qu'une " alchimie mystérieuse ",
comme l'a qualifiée un de ses interlocuteurs, permettait de
dépasser assez largement sur le terrain le nombre d'emplois
budgétaires votés en loi de finances.
La commission d'enquête a ainsi observé dans les académies,
au-delà de l'utilisation des enseignants titulaires, un recours trop
important à des variables d'ajustement qui s'explique certes, par une
excessive spécialisation disciplinaire dans le second degré, le
foisonnement des options dans les lycées, le calibrage approximatif des
concours, les rigidités statutaires diverses, les imperfections d'un
système de remplacement, mais aussi il faut bien le dire, par des
raisons de commodité de gestion.
Si certaines de ces variables apparaissent indispensables pour assurer le
" bouclage final " des rentrées scolaires -heures
supplémentaires, maîtres auxiliaires, vacataires, voire aides
éducateurs...- il conviendrait dans l'avenir que leur usage soit
limité strictement à ce qui est nécessaire et qu'un
aménagement réaliste du service des enseignants titulaires
permette de les réduire.
Outre leurs incidences budgétaires immédiates déjà
relevées, l'usage excessif de certaines de ces variables risque de se
traduire à terme par une consolidation coûteuse de ces personnels
non titulaires et conduit, en outre, l'éducation nationale à
" surcalibrer " les concours de recrutement traditionnels afin de ne
pas pénaliser les étudiants qui se destinent, par la voie
normale, à l'enseignement.
Par ailleurs, la commission d'enquête a pu constater lors de ses
déplacements que la gestion de la diversité des
élèves et des violences scolaires, absorbait une part
considérable du temps et de l'énergie des gestionnaires, tant au
niveau des rectorats qu'à celui des équipes de direction des
établissements, sans parler des enseignants, et que ce
phénomène n'était pas sans incidences sur la gestion des
personnels.
Au total, la commission d'enquête n'a pas souhaité mettre l'accent
sur telle ou telle situation anormale qui aurait été
constatée au cours de ses travaux et elle tient à souligner la
qualité, l'intégrité, le sens du service public des
interlocuteurs gestionnaires qu'elle a été conduite à
rencontrer.
Elle se doit cependant de relever un certain nombre de comportements et de
pratiques, dus pour une large part à la dimension du système
éducatif, à ses rigidités et à son histoire, qui se
traduisent par des gaspillages et des pertes en ligne non négligeables
pour un budget de quelque 300 milliards de francs affectés chaque
année au fonctionnement de l'enseignement scolaire :
-
des surnombres évalués à 10 000
enseignants
: leur coût annuel peut être estimé
à 3 milliards de francs ; cette masse ne représente,
certes que 1 % du budget de l'enseignement scolaire, mais peut aussi
être comparée au budget d'un département important comme
celui, par exemple, de la Haute-Savoie ;
-
un volant d'heures supplémentaires
disproportionné
: les heures supplémentaires
représentent actuellement l'équivalent de près de
39 000 postes, soit environ 10 % des effectifs enseignants du
second degré, cette dotation étant manifestement très
supérieure aux besoins.
Si les heures supplémentaires restent indispensables pour
procéder aux derniers ajustements disciplinaires frictionnels lors de
chaque rentrée, elles ne sauraient constituer un outil habituel de
gestion au niveau des rectorats et des établissements, d'autant que
l'utilisation de cette variable est insuffisamment contrôlée ;
-
un système d'options au lycée, coûteux et
détourné de sa vocation :
un recteur a fait observer
à la commission qu'un élève entrant en classe de seconde
bénéficiait aujourd'hui de quelque 130 combinaisons par le jeu
des options, que ce système était détourné de sa
fonction par les familles averties, et avec la complicité des
proviseurs, pour tourner la sectorisation, qu'il se traduisait par des classes
de quelques élèves dans certaines disciplines rares et qu'il
était à l'origine d'une véritable
ségrégation entre les établissements, donc entre les
élèves ;
-
un volant de décharges syndicales totales ou partielles non
négligeable
: ces décharges
" réglementaires " représentent ainsi quelque
1 518 postes en équivalent temps plein qui concernent au total,
environ 7 000 agents.
Sans remettre en cause le principe du paritarisme dans l'éducation
nationale, la commission ne peut que s'inquiéter à cet
égard des incidences éventuelles de la déconcentration du
mouvement qui risque de renforcer encore davantage cette cogestion et de
retirer, en conséquence, encore plus d'enseignants de leur classe au
titre de nouvelles décharges syndicales.
D'après les informations qu'elle a pu recueillir, la cogestion paritaire
des personnels au niveau central monopoliserait actuellement, à elle
seule, 220 enseignants pendant une période de deux mois ;
- une académie " virtuelle ", celle des
détachés :
si la France métropolitaine et
d'outre-mer est constituée de trente académies, la commission
d'enquête a pu en recenser une trente et unième, en fait
la
division de la gestion des personnels non affectés en
académie
, relevant de la direction des personnels enseignants, qui
est chargée de gérer quelque 15 000 enseignants
détachés ;
- des mises à disposition décidées, maintenues ou
retirées avec un certain arbitraire :
officiellement, 1.150
enseignants sont mis à la disposition d'organismes les plus divers
n'ayant parfois qu'un lointain rapport avec l'éducation nationale, ou
ayant perdu de leur vocation initiale ; la commission a par ailleurs
constaté que certaines de ces mises à disposition étaient
parfois retirées de manière arbitraire à des organismes
ayant un lien évident avec le système éducatif : elle
s'est ainsi étonnée que la société des
agrégés qui bénéficiait depuis trente ans d'une
unique mise à disposition se la voit retirée alors que d'autres
organismes conservent plusieurs centaines d'enseignants mis à
disposition pour une longue durée.
On lui a également signalé que certains enseignants cumulaient
des décharges de service complètes et des heures
supplémentaires qu'ils n'étaient évidemment pas en mesure
d'assurer. Sur un plan général la commission d'enquête
observe que l'éducation nationale continue d'être en raison de ses
effectifs, la " vache à lait " des autres administrations et
d'organismes les plus divers ;
-
une rente démographique négligée
: la
commission a pu constater que depuis vingt ans, le nombre des enseignants avait
augmenté de 40 % alors que les effectifs d'élèves
n'avaient progressé que de 17 % et que les recrutements par
concours effectués au cours des trois dernières années ont
été encore supérieurs de 30 % aux besoins, sans que
cette évolution ait été assortie d'une politique plus
qualitative ;
- des recrutements illicites de maîtres auxiliaires :
en
dépit de l'interdiction posée par le ministre de recruter de
nouveaux maîtres auxiliaires, à la suite du réemploi massif
de ces personnels non titulaires à la rentrée 1997, les rectorats
ont procédé à environ 1 400 embauches nouvelles en
deux ans ; sur un volant subsistant de 21 000 maîtres
auxiliaires à la dernière rentrée, qui doit être
rapporté aux 3 000 supports budgétaires vacants, 7 à
8 000 ont plus de dix ans d'ancienneté, ce qui a conduit la
commission à s'interroger sur leur volonté ou leur
capacité à passer les concours qui leur sont
réservés ; par ailleurs, l'enseignement professionnel
fonctionne avec un pourcentage anormalement élevé de
maîtres auxiliaires puisqu'il utilise 10 % d'enseignants non
titulaires ;
- des titulaires en état d'apesanteur
: l'éducation
nationale dispose d'un stock de 41 000 titulaires académiques sans
affectation stable, qui sont affectés provisoirement sur des postes non
pourvus par le " mouvement " et à des remplacements.
Dans la pratique, de nombreux enseignants sont ainsi affectés sans
support budgétaire, rétribués sur des regroupements
d'heures supplémentaires, et certains sont affectés à des
tâches autres que d'enseignement ou sont même parfois
rémunérés à plein temps pour un service
partiel ;
- une méconnaissance préoccupante des effectifs
enseignants :
la commission a noté que l'éducation
nationale appréhendait de manière très imparfaite le
nombre de ses personnels à un instant donné ; la non
compatibilité du système informatique de paye des
trésoreries générales de région, avec celui des
rectorats, établi lui sur des critères pédagogiques et
fonctionnels par poste, ne permet actuellement d'effectuer un contrôle
national des emplois qu'a posteriori.
D'après les indications qui ont été communiquées
à la commission, il existerait par exemple un écart de 15 %
entre les emplois budgétaires d'agrégés et leur effectif
réel sur le terrain.
Enfin, s'agissant de l'objet principal de la commande qui lui a
été passée, c'est-à-dire
le nombre précis
de personnels de l'éducation nationale en
situation de
détachement, de mise à disposition ou bénéficiant
de décharges de service,
les chiffres cités par la commission
d'enquête ont été obtenus par le recoupement des
informations fournies tant par les personnes qu'elle a entendues que par les
réponses apportées par les académies à ses
questions écrites. Ces chiffres sont donc à considérer
avec prudence et ne revêtent qu'une valeur indicative.
Plus profondément, cette incertitude résulte du décalage
important existant entre, d'une part, les données issues de
l'application du statut de la fonction publique ou des textes
réglementaires, et, d'autre part, les chiffres tels qu'ils rendent
compte de pratiques parfois éloignées de ces textes. Le cas des
décharges syndicales est une bonne illustration de ce
phénomène. Les personnes bénéficiant d'une
décharge syndicale sont comptabilisées par le ministère,
mais ces chiffres ne prennent en considération ni les autorisations
spéciales d'absence, ni les absences suscitées par les multiples
réunions paritaires.
La commission d'enquête estime indispensable de gérer
l'ensemble des personnels de l'éducation nationale dans la transparence
la plus grande
. Il s'agit moins pour elle de porter un jugement sur
l'opportunité de l'existence d'enseignants ne se trouvant pas devant les
élèves, que de dénoncer l'obscurité de la gestion
de ce type de personnels.
Des règles dérogatoires peuvent
être nécessaires au fonctionnement du système
éducatif, mais des règles arbitraires ne peuvent que lui
être préjudiciables.
*
* *
LES TRAVAUX DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
•
Les étapes de la constitution de la commission d'enquête
- La présente commission d'enquête a été
créée par le Sénat à la suite du dépôt
le 21 octobre 1998, d'une proposition de résolution n° 30
(1998-1999), présentée par MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri
de Raincourt, Josselin de Rohan et Adrien Gouteyron,
" visant à
créer une commission d'enquête sur la situation et la gestion des
personnels enseignants et non enseignants de l'éducation
nationale ".
- Au cours de sa réunion du 3 novembre 1998, la commission des
affaires culturelles, sur la proposition de son rapporteur, M. Jean Bernadaux,
remplacé par M. André Bohl, a accepté de mettre en place
cette commission d'enquête en modifiant toutefois son intitulé
afin de limiter ses investigations aux seuls personnels de l'enseignement
scolaire, enseignants et non enseignants et en excluant les personnels relevant
de l'enseignement supérieur. Elle a modifié en conséquence
son intitulé qui était ainsi rédigé :
proposition de résolution
visant à créer une commission
d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des écoles
et des établissements d'enseignement du second degré.
- Dans le même temps, la commission des lois, sur proposition de son
rapporteur, M. Pierre Fauchon, dans un avis n° 52 (1998-1999) a
estimé que la proposition de résolution soumise à l'examen
du Sénat n'était pas contraire aux dispositions de l'article 6 de
l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958.
- Dans sa séance publique du 5 novembre 1998, le Sénat a
adopté, sur le rapport de M. Jean Bernadaux (n° 46,
1998-1999), la proposition de résolution en élargissant le champ
d'investigation de la commission d'enquête
aux services centraux et
extérieurs des ministères de l'éducation nationale et de
l'agriculture pour l'enseignement agricole
, l'intitulé englobant
donc l'enseignement privé mais excluant l'enseignement supérieur.
- Lors de sa réunion constitutive du 19 novembre 1998, la
commission d'enquête a procédé à la nomination de
son bureau et a adopté le principe d'une désignation
ultérieure de deux rapporteurs adjoints.
- Son bureau s'est réuni le 25 novembre 1998 pour arrêter le
programme de ses travaux.
- La commission a ratifié les grandes lignes de ce programme, et
désigné ses deux rapporteurs adjoints au cours de sa
réunion du 9 décembre 1998 avant de procéder à
ses premières auditions.
Elle a également décidé le principe de la publicité
de ses travaux qui a été mise en oeuvre dès sa
réunion du 16 décembre 1998, conformément à
l'article 6, paragraphe IV de l'ordonnance n° 58-1100 du
17 novembre 1958 modifié, sur le fonctionnement des
assemblées parlementaires.
•
Les auditions de la commission d'enquête
Du 9 décembre 1998 au 24 mars 1999, la commission d'enquête a
organisé douze séries d'auditions et convoqué une
quarantaine de personnalités spécialisées à un
titre ou à un autre dans la gestion des personnels de l'éducation
nationale : directeurs actuels ou anciens de l'administration centrale de
l'éducation nationale, du budget, de la fonction publique, de
l'enseignement agricole, doyen et chef du service des inspections
générales, recteurs, responsables d'organisations syndicales,
personnalités qualifiées, responsables d'organisations diverses
utilisant des personnels de l'éducation nationale,
délégué de la DATAR, présidents de la Cour des
comptes, directeur du cabinet du Premier ministre... ce programme
s'étant achevé par l'audition des trois ministres
concernés.
Le bureau de la commission a également entendu la présidente de
la société des agrégés.
Il convient de noter que parmi les personnalités convoquées,
seules quatre ont demandé à s'exprimer à huis clos ;
en conséquence, la presse a été invitée lors de ces
auditions à quitter la salle de réunion et leur compte rendu n'a
pas été repris dans le bulletin des commissions, ni en annexe du
présent rapport.
La commission tient à souligner le parfait déroulement de ces
auditions et la disponibilité dont ont su faire preuve ses
interlocuteurs.
Elle doit cependant faire observer que la jeune présidente de la
fédération indépendante et démocratique
lycéenne n'a pas déféré à la convocation qui
lui a été envoyée, au mépris des dispositions
prévues par le paragraphe III de l'article 6 de l'ordonnance de 1958
précitée. La commission, qui était particulièrement
soucieuse de recueillir le témoignage de l'organisation la plus
représentative des lycéens s'en est étonnée et lui
a fait parvenir un questionnaire détaillé auquel il a
été répondu par une note manuscrite en date du
31 mars 1999.
Elle doit également indiquer qu'un seul de ses interlocuteurs a
refusé de prêter serment comme le lui enjoignait le dernier
alinéa du paragraphe II de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 qui
ne dispense de serment que les mineurs de seize ans ; il s'agit de M.
Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie qui s'est fondé notamment, de
manière quelque peu singulière, sur le principe de la
séparation des pouvoirs.
Enfin, les membres du bureau de la commission d'enquête se sont
déplacés dans les locaux de la " centrale ", rue de
Grenelle, afin de compléter les informations recueillies lors des
auditions et en demandant notamment communication d'un certain nombre de
documents supplémentaires.
•
Les déplacements dans les académies
Outre ces auditions en réunion plénière, la commission
d'enquête a effectué, entre le 21 janvier et le 18 mars
1999, douze déplacements dans diverses académies de
métropole et d'outre-mer, chaque délégation comportant au
moins l'un de ses trois rapporteurs dotés de pouvoirs d'investigation.
Ces déplacements ont concerné les académies de Strasbourg,
d'Aix-Marseille, de Lyon, de Grenoble, de Corse, de Paris, de Rennes et de
Créteil en métropole, et des académies de Guadeloupe, de
Martinique, de Guyane et de La Réunion pour l'outre-mer.
Ils ont permis à la commission de développer des échanges
fructueux avec les responsables des rectorats, les inspecteurs
d'académie, les services concernés par la gestion de
l'enseignement scolaire et de visiter un grand nombre d'écoles et
d'établissements d'enseignement général, technique,
professionnel et agricole : à cette occasion, les
délégations de la commission ont eu la possibilité de
s'entretenir avec les équipes de direction et enseignantes, ainsi
qu'avec des élèves et de mesurer la motivation de ces personnels
-en particulier les chefs d'établissement- qui affrontent chaque jour
avec efficacité des difficultés de plus en plus importantes.
Le compte rendu sommaire de ces déplacements, indispensables à
l'information de la commission, figure dans le rapport.
•
L'initiative parallèle prise par l'Assemblée
nationale : de la commission d'enquête à la mission
d'information
Parallèlement à la démarche engagée au
Sénat, l'Assemblée nationale a été saisie, le
19 octobre 1998, d'une proposition de résolution n° 1140,
déposée par MM. Claude Goasguen, Alain Madelin et José
Rossi
visant à créer une commission d'enquête sur les
modalités de gestion des personnels enseignants de l'enseignement
secondaire.
Examinée le 25 novembre 1998 par la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, celle-ci a
estimé que la création d'une telle commission d'enquête
n'était pas opportune, l'un de ses membres,
Mme Marie-Thérèse Boisseau proposant par défaut de
créer une mission d'information à caractère pluraliste sur
le même thème.
Les conclusions de cette mission d'information, confiée à
MM. Jacques Guyard, rapporteur spécial et Yves Durand, rapporteur
pour avis sur les crédits de l'enseignement scolaire, ont
été présentées le 31 mars 1999 à la
commission des finances, de l'économie générale et du
plan, et le 7 avril 1999 à la commission des affaires culturelles,
familiales et sociales, soit environ un mois avant les conclusions du
Sénat.
La commission d'enquête du Sénat ne verra pas malice dans ce
calendrier, même si elle est quelque peu égratignée dans
l'introduction du rapport de l'Assemblée nationale.
Jamais la commission d'enquête n'a voulu
" jeter la suspicion sur
les personnels enseignants "
comme l'affirme, dans un esprit quelque
peu polémique, le rapport de la mission commune d'information de
l'Assemblée nationale sur la gestion des enseignants du second
degré. Considérant au contraire que la suspicion trouve sa source
dans l'ignorance, la commission d'enquête du Sénat souhaite
conforter les enseignants dans la difficile mission qui est la leur, et entend
lever le voile sur les dysfonctionnements qui, depuis trop longtemps,
entretiennent le malaise de la profession enseignante.
Elle observera aussi que le champ de la mission d'information de nos
collègues députés est beaucoup plus étroit que
celui retenu par le Sénat -en l'espèce les modalités de
gestion des seuls personnels enseignants du second degré- et que les
pouvoirs d'investigation des rapporteurs budgétaires, même s'ils
sont importants, ne peuvent être comparés à ceux d'une
commission d'enquête, qui est certes une structure lourde, mais qui
paraît mieux adaptée à l'ampleur d'un tel sujet.
Après avoir pris connaissance de ce court rapport d'information qui
reprend de nombreux tableaux et annexes puisés aux sources les plus
officielles, la commission d'enquête constate que nombre d'observations
de l'Assemblée nationale rejoignent ses préoccupations et que
certaines mesures générales préconisées par les
députés viennent conforter ses propositions, notamment sur les
points suivants :
- l'utilisation de professeurs associés dans les lycées
professionnels ;
- le développement d'une bivalence disciplinaire dans les
premières années de collège ;
- la réduction du nombre des statuts d'enseignants ;
- l'amélioration des conditions de remplacement ;
- la reconversion des personnels de l'éducation nationale ;
- la gestion prévisionnelle des effectifs.
*
* *
Dans les
développements ci-après, la commission d'enquête
s'attachera à démontrer que les moyens considérables
affectés à l'éducation nationale sont gérés
sans toute la rigueur nécessaire.
Elle tentera ensuite de recenser les dysfonctionnements qui sont en fait
souvent générés par l'éducation nationale
elle-même.
Elle soulignera également les rigidités du système
scolaire, qui nécessitent un recours excessif à des variables
d'ajustement rendant encore plus complexe la gestion de l'éducation
nationale.
La commission proposera enfin une série de propositions ordonnées
autour de quelques priorités et destinées à
améliorer la gestion des personnels qui concourent au fonctionnement du
système scolaire.
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