B. UNE AUTORISATION BUDGÉTAIRE VIDÉE DE SON SENS
Votre
commission d'enquête a déjà insisté sur le fait que
la gestion des enseignants, du second degré en particulier, ne
garantissait pas l'adéquation entre, d'une part, les besoins
réels d'enseignants, et, d'autre part, les effectifs d'enseignants tels
qu'ils sont recrutés.
Elle souhaiterait également démontrer que cette gestion n'assure
pas non plus une rigoureuse adéquation entre les emplois tels qu'ils
sont inscrits en loi de finances et ceux qui sont réellement
rémunérés. Le vote du budget par le Parlement est donc en
grande partie vidé de son sens, la gestion quotidienne des emplois de
l'éducation nationale détournant la lettre et l'esprit du budget
de l'enseignement scolaire.
1. Une présentation budgétaire obscure
Les
parlementaires sont amenés à se prononcer sur les crédits
de l'enseignement scolaire sans disposer de toute l'information requise pour
pouvoir appréhender les conditions dans lesquelles sont utilisés
les crédits.
La façon dont est traitée la question des emplois dans le
" bleu " de l'enseignement scolaire est à cet égard
exemplaire.
Le titre III regroupe les crédits affectés aux moyens des
services. Les trois premières parties de ce titre concernent les
crédits de rémunérations, de pensions et de charges
sociales des différentes catégories de personnels, les
crédits rémunérant les personnels enseignants des
établissements privés sous contrat étant inscrits au
chapitre 43-01 à hauteur d'environ 33 milliards de francs. Soit un total
d'environ 278 milliards de francs.
Un chapitre de ce document budgétaire est consacré à la
présentation des emplois. Est d'abord récapitulée
l'évolution du nombre des emplois de personnels titulaires et
contractuels. Le " bleu " 1999 précise ainsi que
l'enseignement scolaire représente 941.567 emplois, dont 35.271
contractuels. Par rapport à 1998, cela représente 318 emplois
supplémentaires, 3.644 titulaires de plus et 3.326 contractuels de
moins.
Votre commission d'enquête s'interroge cependant sur la
réalité et sur la valeur de ces chiffres.
Il s'agit en effet
du nombre d'emplois équivalents temps plein, ce qui ne donne pas
d'indication sur le nombre de personnes physiques employées par
l'éducation nationale, certaines d'entre elles travaillant à
temps partiel.
La présentation par agrégat n'est guère plus
éclairante. Ainsi, l'agrégat 01 regroupe l'ensemble des moyens de
fonctionnement et d'investissement au titre de l'administration centrale et des
services académiques. Parmi les indicateurs de moyens ensuite
présentés figure le nombre total d'emplois inscrits au budget
voté 1998 au titre de cet agrégat. Puis, est indiqué le
nombre total de personnels gérés au 1
er
janvier 1997,
soit 1.048.401. Il convient de noter que le document budgétaire
mentionne cette fois-ci des personnels et non plus des postes, le nombre
indiqué datant toutefois de près de deux ans.
Cependant, dans la présentation des autres agrégats, ne figure
plus que le nombre d'emplois inscrits au budget précédent - par
exemple 321.548 emplois pour l'agrégat 02 relatif à
l'enseignement primaire - sans que jamais plus n'apparaisse le nombre de
personnes physiques.
En reprenant la présentation des emplois faite par le
" bleu ", il est également possible de s'interroger sur son
caractère opératoire. Les emplois - et non les personnes
physiques bien-sûr - sont regroupés par chapitre et par article,
en précisant les titulaires et les contractuels. Ils sont
présentés par corps et par grade, la fourchette correspondante
des indices majorés étant indiquée ainsi que l'effectif
total.
Or, pour prendre un exemple, quelle est la signification de l'article 50 du
chapitre 31-92 qui supporte la rémunération de 121.104
instituteurs dont les indices majorés sont compris entre 288 et 514,
quand aucune pondération indiciaire n'est présentée ?
Si le coût moyen est retenu, ce calcul rencontre vite ses limites, pour
les instituteurs en particulier, dont on peut penser que, en raison de
l'extinction du corps, la majeure partie de l'effectif est regroupée sur
les indices les plus élevés.
En outre, il apparaît que la gestion des personnels à
l'éducation nationale repose sur une approche fonctionnelle
étrangère à la nomenclature budgétaire retenue par
le " bleu ". Par exemple, la notion d'enseignant du second
degré n'existe pas sur le plan budgétaire : seules existent
les notions d'agrégé ou de certifié. Les services
gestionnaires utilisent cette nomenclature fonctionnelle, et, de ce fait,
" s'éloignent " du nombre d'emplois retenus par la
nomenclature budgétaire.
Un écart se creuse alors progressivement entre les emplois inscrits en
loi de finances et les personnels affectés sur le terrain. Au total, les
délégations d'emplois reçues par les rectorats n'ont qu'un
caractère indicatif, la référence budgétaire ne
contraignant pas l'implantation des postes dans les établissements. Ce
phénomène, source de surnombres, sera développé
dans le point qui suit.
Certes, les dotations budgétaires en emplois et les effectifs font
l'objet d'un rapprochement annuel dans le cadre de l'" enquête masse
indiciaire " (EMI), mais les résultats de cette enquête ne
sont disponibles que tardivement et semblent n'avoir que des
conséquences opérationnelles limitées pour la
préparation du projet de loi de finances, dans le cadre des
conférences budgétaires.
Votre commission d'enquête souhaiterait une amélioration de la
présentation des documents budgétaires, du " bleu " en
particulier, annexés au projet de loi de finances en vue de son examen
par le Parlement.
Il semble indispensable que soient précisés non seulement le
nombre d'emplois relevant de l'enseignement scolaire, mais également le
nombre de personnels travaillant dans les services académiques et dans
les établissements scolaires, et cela pour chaque degré
d'enseignement. Il n'est pas acceptable en effet que la représentation
nationale soit conduite à voter un budget sans connaître le nombre
de personnes rémunérées par les crédits qui y sont
inscrits. Malheureusement, tel est bien le cas.