C. UN CONTRÔLE EMBRYONNAIRE
L'autorisation budgétaire est d'autant plus vidée de son sens que le contrôle qui s'exerce sur l'exécution du budget de l'enseignement scolaire apparaît à votre commission d'enquête tout à fait insuffisant. En effet, d'une part, le contrôle financier central ne peut, à lui seul, s'assurer du bon emploi des dépenses d'éducation en raison de l'extrême déconcentration du système éducatif, et, d'autre part, le contrôle exercé au niveau local est paradoxalement quasi-inexistant. En conséquence, les crédits de rémunération, c'est-à-dire la presque totalité des crédits de l'enseignement scolaire, sont gérés sans la rigueur nécessaire à un véritable contrôle des emplois.
1. Le contrôle financier
a) Une situation non satisfaisante
Compte-tenu de la nature du budget de l'enseignement scolaire,
le
contrôle financier central porte avant tout sur des crédits de
rémunération et, par conséquent, devrait s'attacher
à la connaissance des effectifs. Le manque de rigueur dans la gestion
des personnels est la source de dérives budgétaires qui, compte
tenu des sommes en jeu, peuvent être graves et qui de fait - les
développements antérieurs le confirment - recouvrent une ampleur
certaine.
Or, le contrôle financier au ministère de l'éducation
nationale éprouve de grandes difficultés à
appréhender la réalité des effectifs. Il convient de
souligner que le ministère ne tient pas de comptabilité
contradictoire des personnels qu'il emploie : le nombre précis des
effectifs n'est donc pas connu.
Le contrôle financier central poursuit deux objectifs : d'une part,
assurer la régularité de la mise en oeuvre de la dépense
publique, et, d'autre part, veiller au respect de l'autorisation
budgétaire accordée par le Parlement concernant les dotations en
crédits et en emplois.
Dans cette perspective, le contrôleur financier délivre des visas
a priori sur l'ensemble des actes de gestion ayant une incidence sur la
dépense publique : il exerce donc son contrôle sur les
crédits budgétaires et sur les actes individuels et collectifs
relatifs à la gestion des personnels. Ce contrôle est
extrêmement lourd en raison de l'importance des effectifs. Environ 20.000
visas par an sont en effet délivrés sur les crédits :
5.000 sur les ordonnances de délégation et 15.000 sur les
ordonnances de paiement. Ce contrôle a été récemment
allégé. Le visa a priori sur les actes de gestion
systématiques, comme les départs à la retraite, a
été supprimé, ainsi que le visa sur les actes de gestion
courante comme les demandes de temps partiel.
Le contrôle financier présente un certain nombre de
spécificités au ministère de l'éducation nationale,
du fait de l'importance des personnels et de sa complexité.
Par exemple, entre 20.000 et 25.000 visas sont délivrés chaque
année sur les actes visant les personnels suite aux concours, promotions
ou changements de situations administratives divers. Il convient cependant de
préciser que le contrôleur financier vise toutes les ouvertures de
concours, à l'exception de celles des concours réservés
qui sont décidées par le ministre du budget à la suite
d'un arbitrage du Premier ministre. Un tel arbitrage intervient en particulier
en cas de surcalibrage de concours, comme c'est d'ailleurs le cas presque
chaque année pour le recrutement d'enseignants du second degré.
Pour 1999, un surnombre d'environ 3.000 personnes est autorisé ; il
viendra s'ajouter aux surnombres des années précédentes.
En outre, le budget de l'enseignement scolaire présente des
difficultés de lecture, les lignes de dotations pour déterminer
les effectifs étant au nombre de 1.300 en 1998 réparties dans 28
chapitres ou articles budgétaires. Les crédits afférents
à la rémunération d'une même catégorie de
personnels se trouvent éparpillés entre les chapitres :
c'est le cas notamment des crédits des personnels ATOS ou des
enseignants du second degré. Quant aux maîtres auxiliaires, ils
sont en principe rémunérés, depuis 1997-98, sur le
chapitre 31-97 mais certains se retrouvent encore sur des emplois vacants
d'enseignants titulaires.
La forte déconcentration du ministère de l'éducation
nationale rend plus ardu encore le contrôle financier central.
Les
effectifs de l'administration centrale sont connus de manière
satisfaisante grâce, notamment, à leur comptabilisation mensuelle
et à la mise en place d'outils informatiques adéquats.
En revanche, la situation est différente pour les services
déconcentrés du ministère, soit pour environ 950.000
personnes, le contrôle financier ne disposant que d'une information
parcellaire pour délivrer les visas et disposant d'un champ de
compétences trop restreint pour maîtriser la situation des
effectifs. En effet, les recrutements de contractuels enseignants et non
enseignants effectués au niveau local échappent au visa du
contrôleur financier central. Un autre phénomène est plus
inquiétant encore car il concerne des personnels titulaires. Le nombre
de postes mis aux concours de recrutement est visé par le
contrôleur central, puis décliné à l'échelon
académique. Or, les recteurs peuvent faire appel à des candidats
inscrits sur la liste complémentaire existant pour tout concours de la
fonction publique, mais sans respect du rôle traditionnellement
dévolu à la liste complémentaire, c'est-à-dire
pourvoir les postes laissés vacants par des candidats inscrits sur la
liste principale et qui ont renoncé à bénéficier de
leur réussite au concours concerné.
Concrètement, du fait d'un recours à des candidats inscrits
sur la liste complémentaire, le nombre total de personnes
recrutées est supérieur au nombre de postes initialement
arrêté : c'est de cette façon qu'apparaît une
partie des surnombres.
Bien-sûr, ces personnes en surnombre sont
rémunérées, car elles sont imputées sur un chapitre
de rémunération, le chapitre 31-97, par exemple, pour les
maîtres auxiliaires. Cette situation fait apparaître
l'inadéquation, mentionnée plus haut, des outils et des
règles de gestion utilisés par le ministère de
l'éducation nationale avec la nomenclature budgétaire.
Le principal intérêt de ce contrôle des emplois
réside dans le fait qu'il existe. Mais il présente un certain
nombre de caractéristiques qui ne le rendent pas satisfaisant.
Il n'est effectué qu'une seule fois dans l'année et s'assimile,
par conséquent, à la " photographie " d'une situation
à un moment donnée. Ses résultats ne permettent d'aboutir
qu'à des conclusions déconnectées de la
réalité puisqu'il faut attendre le mois de mai pour
connaître les résultats, en termes d'emplois, de la rentrée
de septembre. De plus, il ne donne pas d'informations sur le nombre de
personnels rémunérés sur crédits, comme les
maîtres auxiliaires. Surtout, il permet d'établir des constats
mais ne constitue pas, en lui-même, un instrument d'incitation à
la bonne gestion. Il permet par exemple de constater les surnombres mais, en
aucun cas, de les empêcher.
b) L'ébauche du contrôle des emplois au niveau déconcentré
Les
nombreuses lacunes du contrôle financier central au ministère de
l'éducation nationale ont conduit le ministre à étudier
les conditions d'une réforme tendant à parvenir à un
véritable contrôle des emplois, tout en tenant compte des
spécificités de ce ministère, notamment du fait qu'il
utilise une nomenclature fonctionnelle, différente de la nomenclature
budgétaire.
La réforme repose sur la mise en oeuvre d'une application informatique
élaborée par la direction des affaires financières du
ministère, dénommée précisément
" contrôle national des emplois ". Il s'agit d'établir
une coïncidence entre la nomenclature fonctionnelle et la nomenclature
budgétaire à partir des applications informatiques de gestion des
personnels ATOS (Agora) et des enseignants du second degré (EPP -
emploi, poste, personnel).
La quasi-totalité des effectifs des services déconcentrés
devrait être concernée par l'application du " contrôle
national des emplois ", dont la mise en oeuvre devrait incomber
principalement aux services déconcentrés.