B. LES PROBLÈMES RELEVANT DES POUVOIRS PUBLICS

La responsabilité de l'échec aujourd'hui constaté incombe partiellement aux pouvoirs publics européens qui doivent écarter de faux problèmes et réunir les conditions d'existence d'une entreprise aéronautique unique en Europe.

1. Les perspectives délicates d'une offre monopolistique

La constitution d'une grande entreprise aéronautique en Europe offre une perspective qui n'est jamais réjouissante pour un client, celle de se trouver face à un unique fournisseur.

Or, les Etats européens sont appelés à être clients d'une entreprise, souhaitée par eux, qui se retrouverait dans une telle situation.

On rappelle que cette éventualité considérée avec défaveur par le Pentagone a suscité aux Etats-Unis des initiatives des pouvoirs publics destinées à garantir la coexistence d'au moins deux fournisseurs.

L'aversion au monopole s'appuie sur deux considérations principales :

les difficultés à se procurer dans un tel cas des équipements au meilleur prix :

le danger d'une « anesthésie » du progrès technique, le monopole supprimant toute incitation à la recherche de produits de meilleure qualité que ceux de la concurrence.

Ces objections ne sont évidemment pas infondées. Cependant, elles ne doivent pas être exagérées et ne peuvent en Europe déboucher sur les mêmes décisions qu'aux Etats-Unis.

La capacité des Etats européens à développer des moyens tels qu'au moins deux entreprises puissent concourir pour un même grand programme d'avion militaire n'existe pas plus que la capacité de chaque entreprise européenne à assumer seule les coûts d'un tel programme.

L'exemple de la coexistence des programmes Rafale et Eurofighter démontre qu'une telle option est excessivement coûteuse pour les finances publiques.

Elle prive en outre des moyens de poursuivre des programmes diversifiés alors que l'Europe a précisément besoin de se doter d'une capacité industrielle élargie.

Dans l'arbitrage entre une diversité d'entreprises ou une diversité de programmes, le second terme l'emporte évidemment.

Il est alors nécessaire de mettre en place les moyens pour surmonter les risques du monopole. Etant observé que celui-ci ne sera pas parfait -des offres non-européennes demeureront- l'on doit alors souhaiter la mise en oeuvre d'un strict contrôle des coûts des programmes ainsi que d'une politique de soutien à la recherche vigilante sur le degré d'incorporation du progrès technique aux produits commandés.

Les gains d'efficience attendus des consolidations industrielles seront aussi d'autant mieux mobilisés que les Etats européens seront capables de gérer les incitations nécessaires à la bonne gestion de tout programme militaire.

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