B. UNE INDUSTRIE AU CoeUR DE LA GLOBALISATION
L'industrie aéronautique n'est plus, depuis longtemps,
l'industrie d'un seul métier. La diversification de son offre s'est
assise sur l'élargissement et l'approfondissement de ses savoir-faire
qui l'a conduite à annexer une série d'activités
dépassant largement son corps de métier initial. Elle a
exercé une force intégratrice majeure.
Cette globalisation des activités s'est accompagnée d'une
globalisation de l'environnement dans lequel les entreprises du secteur
évoluent. Sous certaines réserves importantes, l'industrie
aéronautique est devenue l'archétype de la mondialisation. Cela
ne va pas sans susciter des contraintes et sans créer quelques
contradictions à l'intensité plus importante pour les
européens que pour les Etats-Unis.
1. Une fonction intégratrice majeure qui doit être disciplinée
Au cours
de sa, finalement, assez courte histoire, l'industrie aéronautique a
connu une double évolution contradictoire faite, d'une part, d'une
extériorisation de certaines tâches correspondant à la
production d'éléments simples autrefois assumées par les
avionneurs et, d'autre part, de l'agrégation d'une série de
métiers proches de ceux exercés par ces mêmes avionneurs
soit du fait d'un cousinage entre les techniques mobilisées (les
missiles ou lanceurs...) soit à cause de l'apport des produits
concernés aux plates-formes conçues et développées
par les avionneurs (missiles, systèmes d'armes, électronique...).
Il est donc relativement malaisé de dessiner les frontières
précises de l' industrie aéronautique qui, de fait, a
montré sa vocation à englober une gamme de métiers fort
étendue.
Dans cette industrie élargie, la position des acteurs peut être
présentée à partir de points de vue multiples, la
distinction traditionnelle entre avionneurs et équipementiers pouvant
laisser place à un panorama plus diffus d'entreprises diversement
concernées par les activités d'un spectre à la fois plus
large et moins nettement articulé.
On peut, semble-t-il, raisonner sur l'idée que les industriels du
secteur ont vocation à exercer au moins les douze métiers
suivants :
Avions commerciaux
Avions d'affaires
Avions combat
Avions militaires (hors combat)
Hélicoptères
Missiles tactiques
Missiles balistiques
Missiles air air
Lanceurs spatiaux
Satellites
Infrastructures spatiales
Electronique
Cette vocation ne signifie évidemment pas que pour exister les
industriels du secteur doivent exercer effectivement tous ces métiers
pour exister mais, au moins, qu'ils ont tendance à élargir leur
offre à l'ensemble de ces produits et services.
Dans les faits, cette perspective oppose cependant au moins deux
visions-opposition qu'il importe de présenter brièvement ici- on
y revient plus loin - compte tenu de son impact sur le processus
d'intégration européenne.
Celle selon laquelle des
concentrations verticales
s'imposent,
stratégie qui reste assez minoritaire dans le monde aéronautique
et ne paraît guère privilégiée que par l'industrie
britannique. Celle, au contraire, selon laquelle les seules
concentrations
horizontales
ont un sens technique et économique.
On observera d'emblée que cette dernière conception qui restreint
le domaine d'intervention des entreprises de l'aéronautique n'entame
pourtant pas vraiment son rôle intégrateur. Les concentrations de
nature horizontale sont susceptibles d'englober tous les métiers
cités ci-dessus excepté l'électronique. De plus, elle
laisse à l'industrie aéronautique son influence de donneuse
d'ordres ou comme productrice des supports nécessaires au
développement d'une vaste gamme d'activités qui en
dépendent et, en particulier, de l'ensemble très innovant et
protéiforme des télécommunications.
La question de l'opportunité des concentrations verticales semble
résolue, en pratique, par une certaine aversion des industriels mais
aussi des pouvoirs publics concernés par les perspectives qui s'y
attachent.
Les concentrations les plus dynamiques ont en effet consisté à
unir les forces consacrées à des métiers semblables
plutôt qu'à intégrer des actifs dédiés
à des produits connexes mais différents de nature
. Les
quelques exceptions observées ont concerné, soit des entreprises
relativement marginalisées dans chacun des grands métiers du
secteur par rapport à leurs concurrents (tentavive Lockheed -
Martin/Northrop - Grummann),
5(
*
)
soit des opérations dont la justification industrielle ou commerciale a
pu être mise en doute (fusion BAe - GEC Marconi - v. infra).
C'est ce doute et des considérations fortes de maintien des conditions
de concurrence, lorsque les aspects horizontaux et verticaux des fusions
étaient susceptibles de se cumuler, qui expliquent
l'aversion des
pouvoirs publics devant les regroupements verticaux.
Celle-ci s'est
manifestée spectaculairement aux États-Unis avec les
réticences du DOD face à l'opération Lockheed Matin /
Northrop - Grummann. Mais, elle a également marqué de son
empreinte, - avec plus que des nuances au Royaume-Uni (v. infra) -, la
démarche des pouvoirs publics européens. Ceux-ci qui n'avaient
pas envisagé, en lançant l'initiative d'un regroupement des
forces aéronautiques européennes, un processus de fusion
verticale ont en effet réagi très négativement à
l'initiative de cette nature prise par les deux industriels britanniques.