3. Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Lundi 22 juin)
Les
rapporteurs notent que les progrès réalisés par la Russie
sur la voie de l'Etat de droit et de la démocratie depuis plusieurs
années sont indéniables. En témoignent les nombreuses
élections pluralistes et démocratiques, sur le plan
fédéral et régional, qui ont marqué le paysage
politique russe ces dernières années. Le pluralisme politique, la
liberté d'opinion et le passage à l'économie de
marché sont en voie de réalisation, malgré des
difficultés compréhensibles. La ratification par la Russie, le 5
mai 1998, de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de la
Convention contre la Torture et de la Charte européenne de l'Autonomie
locale, constitue une étape historique de l'ancrage de cet immense pays
dans le système des valeurs prônées par le Conseil de
l'Europe. Le passage prochain de la responsabilité du système
pénitentiaire au ministère de la Justice, l'entrée en
vigueur du nouveau code civil et du nouveau code pénal et le respect,
depuis août 1996, du moratoire présidentiel sur la peine de mort,
constituent d'autres avancées essentielles.
Ils estiment toutefois que la poursuite de la procédure de suivi se
justifie par le fait que la Russie doit faire encore des efforts pour honorer
les obligations et engagements qu'elle a souscrits lors de son adhésion
au Conseil de l'Europe, à savoir :
- l'application de la législation sur l'ensemble du
territoire ;
- le respect de la liberté de mouvement et du choix du lieu de
résidence ;
- le respect des droits sociaux, notamment du paiement des salaires et des
pensions, en conformité avec la Charte sociale européenne, que la
Russie est invitée à ratifier prochainement ;
- l'abolition définitive de la peine de mort ;
- la levée des réserves à la Convention
européenne des Droits de l'Homme ;
- la mise en oeuvre de la liberté de religion ;
- l'adoption d'un code de procédure pénale, conforme aux
normes européennes ;
- la réforme du ministère public ;
- la réforme du système pénitentiaire,
l'amélioration des conditions de détention et le recours accru
aux peines non privatives de liberté ;
- la lutte contre les mauvais traitements des appelés et l'adoption
d'une loi sur un service militaire de substitution ;
- la lutte contre la corruption et le crime organisé dans
l'économie ;
- la réforme des services secrets en vue de supprimer le droit du
Service fédéral de sécurité de mener des
instructions judiciaires et de gérer ses propres centres de
détention provisoire ;
- l'accélération des poursuites contre les coupables de
violations des droits de l'homme durant le conflit de Tchétchénie
et la recherche d'une solution politique du conflit ;
- le maintien de relations amicales avec les Etats voisins.
Les rapporteurs recommandent par ailleurs un renforcement des programmes de
coopération avec la Russie, et notamment du programme joint Union
Européenne-Conseil de l'Europe, en vue de consolider les structures
fédérales et les mécanismes de protection des droits de
l'homme, et de réformer le système juridique.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
intervient dans le débat
en ces termes :
" Il y a deux ans et demi une nette majorité de notre
assemblée a admis la Russie comme membre du Conseil de l'Europe.
Nous l'avons fait en notre âme et conscience, à l'issue d'un large
débat, marquant ainsi notre volonté commune de considérer
la Russie comme une partie intégrante de l'Europe. C'était aussi
un acte de confiance en la capacité de la Russie de se conformer aux
droits et obligations qui sont ceux des pays membres du Conseil de l'Europe.
Le rapport d'information qui nous est présenté aujourd'hui, fait
le point à ce sujet. Nous devons rendre hommage à nos
collègues MM. Bindig et Muehlemann pour leur analyse approfondie de
la situation et pour leur vision des perspectives d'évolution.
Notre groupe estime que tous les pays membres qui ont accepté de
respecter les principes constituant le fondement de notre Organisation doivent
évidemment s'y conformer. C'est une obligation qui s'impose à
tous. Tous les membres du Conseil de l'Europe sont égaux et doivent
être égaux face aux engagements qu'ils ont
contractés ; égaux pour les droits, égaux pour les
obligations.
Selon le rapport qui nous est présenté : " les
progrès réalisés par la Russie sur la voie de l'Etat de
droit et de la démocratie depuis plusieurs années sont
indéniables ". Nous y souscrivons. Incontestablement, des signes
concrets étayent ce constat : apparition du pluralisme politique et
de la liberté d'opinion, ratification de la Convention européenne
des Droits de l'Homme, entrée en vigueur d'un nouveau code civil et d'un
nouveau code pénal, moratoire présidentiel sur la peine de mort,
constituent autant d'indices et de décisions qui, allant dans la bonne
direction, témoignent d'une volonté réelle des
responsables de la Russie.
Cet effort doit être poursuivi et intensifié. Nous savons qu'il
s'agit d'une action qui doit être placée sous le signe de la
persévérance et de la continuité. Atteindre les objectifs
fixés ne peut se faire qu'étape après étape et
suppose une volonté sans faille de la part des responsables de la Russie
tout entière, orientée vers la réforme.
Le rapport de MM. Bindig et Muehlemann énumère les domaines
dans lesquels la nécessité des améliorations est la plus
urgente. J'insisterai plus particulièrement sur cinq aspects :
l'application des droits et obligations sur tout le territoire de la Russie,
tâche dont nous mesurons l'ampleur car il faut que les décisions
prises à Moscou s'appliquent partout ; répartition
clarifiée des tâches entre le ministère de la Justice et
celui de l'Intérieur, et renforcement du contrôle
parlementaire ; mise en pratique de la Convention européenne des
Droits de l'Homme pour qu'elle passe du stade de la ratification à celui
de la concrétisation ; maintien de relations amicales avec tous les
Etats voisins, nécessaire pour la préservation d'un climat de
confiance en Europe orientale entre des pays désormais
partenaires ; lutte contre la corruption et le crime organisé dans
l'économie, dont la poursuite conditionne le passage à
l'économie de marché.
Ce sont autant d'exemples qui montrent l'ampleur de la tâche. Dans cette
mission les dirigeants russes ne doivent pas se sentir seuls. Ils ont besoin de
notre compréhension et de notre solidarité. A cet égard,
le Conseil de l'Europe, a un rôle considérable à jouer,
à travers les missions de suivi, sans oublier qu'un rôle de
conseil lui incombe pour permettre, en particulier, l'adaptation des
institutions à la démocratie.
Il faut que le Conseil de l'Europe, et ce sera ma conclusion, se montre actif
et volontariste dans sa mission consultative. Nous y trouverons l'occasion
d'accélérer l'harmonisation des droits et obligations dans toute
l'Europe, mais ce sera aussi une manière d'affirmer la capacité
du Conseil de l'Europe à faire preuve d'une autorité
accrue. "
La discussion n'a pas été suivie d'un vote, l'Assemblée
s'étant contentée d'évaluer la situation en vue de
nouveaux progrès ainsi que le veut la procédure de suivi.