4. Economie japonaise dans le contexte de l'Asie du Sud-Est et du monde - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Mardi 23 juin)
Le
rapporteur se félicite des efforts déployés par le Japon
pour réformer son économie de manière à assurer une
concurrence et une transparence plus grandes au plan national et à
s'ouvrir davantage aux investissements étrangers et aux importations de
biens et services. La faiblesse actuelle du yen rend ces efforts d'autant plus
urgents.
Compte tenu de la crise que connaissent actuellement le Japon et l'Asie du
Sud-Est dans son ensemble, M. Schwimmer considère que l'Europe devrait
encourager ces efforts dans l'intérêt de la santé
économique mondiale et resserrer aussi les liens avec le Japon, qui
jouit du statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe. Le rapport
aborde également des problèmes tels que le vieillissement rapide
de la population japonaise et les contraintes affectant le système
financier du pays asiatique.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
prend la parole dans le
débat de la façon suivante :
" Le Japon est aujourd'hui confronté à une récession
sévère et, sans doute, à sa plus sérieuse crise
économique depuis trente ans. Pourtant, son économie semblait
s'être plutôt bien sortie d'une période de convalescence de
1995 au début de 1997, après le ralentissement des années
80.
Il s'avère même qu'une régression se dessine : le PIB
japonais a en effet reculé de 0,7 % de mars 1997 à avril
1998. Il s'agit de la première baisse de la croissance sur une
année depuis 1974, lorsque ce pays - très démuni en
ressources énergétiques - subissait le premier choc
pétrolier.
Le contexte a toutefois totalement changé. La crise financière
asiatique, ouverte en juillet 1997 après la dévaluation massive
du baht thaïlandais et la contamination rapide à la
quasi-totalité des économies de la zone - Philippines,
Indonésie, Malaisie, Corée, Hong Kong, etc. - a servi de
révélateur à la crise japonaise. A la fin du mois de
novembre 1997, avec la mise en liquidation de Yamaichi, quatrième maison
de titres du Japon, le pays enregistrait sa plus grande faillite
financière depuis 1945.
Depuis lors, la quasi-totalité des indicateurs sont au rouge : la
demande intérieure reste faible, la production industrielle continue de
décroître, l'emploi s'est détérioré, la
croissance des exportations s'essouffle alors que celles vers les autres pays
asiatiques baissent très fortement.
Deux éléments forts expliquent cette situation.
En premier lieu, l'absence de réformes d'un système financier
opaque et par certains aspects corrompu, a fait perdre la nécessaire
confiance interne et externe envers les structures bancaires et
boursières du pays.
En second lieu, cette déstabilisation profonde du système
financier dans son ensemble a abouti à une accumulation sans
précédent de créances douteuses, officiellement
évaluées à 77 000 milliards de yens, soit
566 milliards de dollars, et dépassant probablement les
100 000 milliards de yens, selon maints experts. Le montant
provisionné par les banques japonaises serait de 30 000 milliards
de yens.
Cette situation n'a pas été sans conséquence sur le niveau
des bourses asiatiques, très sensibles au degré de confiance que
leur attribuent les opérateurs non résidents jusqu'alors
très actifs et délibérément spéculatifs sur
l'ensemble de ces places. La crise japonaise a également eu des
conséquences au-delà de l'Asie, notamment sur les bourses
émergentes d'Amérique latine et de Russie, elles aussi hautement
spéculatives.
Par ailleurs, les exportations américaines vers le Japon s'inscrivent en
baisse sensible -moins 8 milliards de dollars au premier semestre 1998- et
chutent plus lourdement encore vers les autres pays d'Asie du Sud-Est :
moins 21 milliards de dollars pour la même période, dont
près de deux tiers vers la Corée du Sud.
Au Japon, la presse et une large partie de l'opinion critiquent
dorénavant de manière explicite l'attitude gouvernementale de
relative passivité face à la crise. De même, la BOJ, Banque
du Japon, appelle ouvertement de ses voeux des changements forts d'orientation
car, à défaut, le pays entrerait durablement dans une spirale
déflationniste.
La réforme du système financier, contrôle et
réglementation, devrait être menée à bien, selon ces
opinions, de même que la mise en oeuvre la plus immédiate possible
de l'important plan de relance de 16 650 milliards de yens - 114 milliards
de dollars - adopté fin avril et comprenant 12 300 milliards de
yens d'engagements budgétaires nouveaux, ainsi que 4 000 milliards
de réductions d'impôts.
A défaut de gestes publics forts, l'intervention concertée avec
le Trésor américain pour contrer la chute du yen sur les
marchés, telle qu'initiée le mardi 15 juin, ne réglera
rien au fond : la méfiance ou la nervosité des
marchés repartira immanquablement. S'agissant de l'Europe, c'est vrai
à plus long terme avec l'euro, les effets de la crise japonaise restent
incertains, exception faite des conséquences directes du recul de la
demande extérieure de ce pays. Une certaine fuite des capitaux japonais,
déjà perceptible, peut peut-être favoriser certaines places
au-delà de Wall Street - Francfort, par exemple, ou Londres... - mais ce
phénomène ne compensera certainement pas les pertes de
marchés enregistrées par les Européens en Asie.
En tout état de cause, une implication européenne au sein du G7
reste indispensable pour la solution de la crise japonaise, car il convient
d'éviter que ne s'instaure une concertation bilatérale unique
entre les Etats-Unis et le Japon sur les voies et moyens de sortie de
crise. "
A l'issue du débat,
la résolution 1164 figurant dans le
rapport 8043 est adoptée à l'unanimité.