6. Politique générale - Le Conseil de l'Europe et l'OSCE - Interventions de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), et de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mardi 22 septembre)
Les 40
Etats membres du Conseil de l'Europe appartiennent tous également
à l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) - et les deux Organisations partagent les mêmes
principes et les objectifs de la stabilité et de la
sécurité en Europe, fondés sur la démocratie et le
respect des droits de l'homme, rappelle l'auteur du rapport, M. Peter
Schieder.
Il s'agit néanmoins d'Organisations très différentes par
leurs responsabilités, leurs structures, leurs outils et méthodes
de travail - le Conseil de l'Europe étant une Organisation
véritablement paneuropéenne et l'OSCE ayant un caractère
transatlantique.
Le rapporteur s'interroge sur la manière dont les deux Organisations
pourraient renforcer leur coopération et leur coordination, et propose
la mise en commun de l'information et de la communication dans les situations
d'urgence. Il appelle les gouvernements des Etats membres à faire en
sorte d'éviter les doubles emplois, notamment dans les activités
concernant les droits de l'homme.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient dans le débat
de la façon suivante :
" La question des relations entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE, qui
fait l'objet de l'excellent rapport de notre collègue M. Schieder,
est particulièrement importante dans le contexte de clarification, qui
apparaît indispensable, des compétences et des attributions des
différentes institutions intervenant sur le continent européen.
Le rapport fournit une analyse pertinente des responsabilités, des
structures et des méthodes des deux organisations qui ont des
principes et des objectifs communs. Toutefois, ces deux institutions ont
aussi, et cela vient d'être rappelé par notre collège
M. Antretter, des traits distinctifs qui rendent illusoire la perspective
d'une fusion.
Les différences entre les deux organisations apparaissent aussi
bien dans l'approche des problèmes que dans les méthodes
employées pour les résoudre.
L'OSCE privilégie une approche politique tant dans la prévention
que dans la gestion des crises. Le Conseil de l'Europe, pour sa part, s'appuie
sur des principes statutaires beaucoup plus stricts tant en ce qui concerne la
démocratie, la prééminence du droit et des droits de
l'homme, tout en disposant d'un système de protection juridique
contraignant.
L'expression même de " dimension humaine ", qui recouvre
à l'OSCE la question des droits de l'homme, marque bien la
différence avec l'approche juridique du Conseil de l'Europe.
Il est néanmoins utile d'éviter les doubles emplois et de
s'engager dans une meilleure coopération entre les
deux organisations, sous réserve cependant que soient
respectées les traditions et les méthodes de travail de chacune
d'elles. Le rapporteur, notre collègue M. Schieder, en s'appuyant
notamment sur les travaux du récent séminaire de La Haye, fait,
à cet égard, des propositions constructives et nous devons l'en
remercier.
Cependant, s'il est essentiel que le Conseil de l'Europe coopère avec
l'OSCE pour tout ce qui concerne les problèmes pratiques et
d'actualité, notamment l'observation des élections, il me semble
que cette coopération devrait également être de
règle pour quelques grands projets mis en oeuvre. On peut
s'étonner, par exemple, qu'aucune information ne nous soit fournie sur
l'état des travaux préparatoires à la Charte de
sécurité européenne que prépare l'OSCE dans le
cadre de l'élaboration d'un modèle de sécurité pour
le XXI
e
siècle.
La mise en oeuvre d'une telle charte n'est pas une mince affaire. Or il ne
semble pas que les lignes directrices relatives à ce document,
adopté par le Conseil ministériel à Copenhague en
décembre dernier, aient fait l'objet d'une diffusion au sein de notre
Assemblée et d'ailleurs, le rapport de la commission politique n'en fait
pas mention.
La Charte de sécurité européenne aura pourtant des
conséquences pour le Conseil de l'Europe qui a lui-même
élaboré le concept de sécurité démocratique
lors du Sommet de Vienne de 1993. Le Conseil de l'Europe est-il
régulièrement informé sur les travaux préparatoires
à cette charte et dans l'affirmative, sous quelle forme ? Cette
question n'est pas négligeable à nos yeux, car le renforcement de
la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE doit concerner
également les grandes orientations politiques.
J'observe d'ailleurs que nous n'avons guère d'informations sur les
travaux de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, sur les
résolutions qu'elle adopte lors de ses sessions annuelles et sur leur
suivi. Aussi serait-il souhaitable que notre débat d'aujourd'hui
permette d'engager une réflexion de fond sur les orientations de l'OSCE,
sur les positions de ses organes exécutif et parlementaire et sur la
manière dont elles s'articulent avec les propres objectifs du Conseil de
l'Europe. Il y va de notre crédibilité, voire, à terme, de
notre existence. "
Mme DURRIEU, sénateur (Soc)
, prend la parole en ces termes :
" Il est évident que les orateurs précédents ont
exprimé beaucoup d'interrogations, d'insatisfactions et de craintes au
sujet du devenir du Conseil de l'Europe. Toutes les interventions font
également apparaître des points communs démontrant que ces
deux institutions sont différentes par leur nature, leurs missions
et leurs moyens. Les deux sont donc nécessaires. Toutes les
interventions, y compris la dernière de M. Antretter, disent non
à la fusion, non à la dilution : pas d'opposition, pas de
dépendance, mais le strict respect des deux institutions dans une action
concertée et complémentaire.
Le Conseil de l'Europe, chacun le sait mais le répète, est la
conscience morale de l'Europe, vous l'avez déclaré les uns et les
autres, il a cinquante ans, une Europe qui regroupe quarante Etats,
bientôt quarante-six. C'est la Grande Europe à laquelle faisait
référence notre collègue géorgienne
Lana Gogoberidze. C'est une institution strictement et totalement
paneuropéenne, et cela est important. C'est le creuset dans lequel se
forge la nouvelle Europe.
Le Conseil de l'Europe, constitué et animé par des parlementaires
délégués par leurs parlements nationaux -ce qui lui donne
une dimension très forte- entretient une relation permanente pendant
quatre sessions au cours de l'année avec les responsables
politiques de quarante Etats. D'où une situation exceptionnelle.
Le Conseil de l'Europe et l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe ont acquis une connaissance profonde des quarante Etats membres avant
et après l'adhésion, et la capacité d'expertise du Conseil
de l'Europe est probablement incomparable, probablement aussi très mal
utilisée. Le sera-t-elle seulement au moment de
l'élargissement ?
L'Europe nouvelle, nous la voulons tous démocratique et pacifique. La
démocratie, c'est le Conseil de l'Europe ; la paix, c'est l'OSCE.
La démocratie, c'est le Conseil de l'Europe, parce que l'on sait
très bien qu'il n'y a pas de démocratie sans respect des droits
de l'homme et sans cohésion sociale. La démocratie, c'est
l'affaire du Conseil de l'Europe. La paix, c'est l'OSCE. Les missions
diplomatiques, la gestion des crises, la prévention des crises, les
alertes rapides, la reconstruction après les conflits, la maîtrise
des armements et du désarmement, c'est l'affaire de l'OSCE.
M'inscrivant dans cette logique et m'appuyant sur quelques exemples concrets,
je constate que demain nous traiterons du désarmement, de
l'élaboration d'un code de bonne conduite face au problème des
ventes d'armes. Cela ne relève pas de notre compétence !
Cela relève de la compétence de l'OSCE. De ce débat, nous
aurions donc pu nous dispenser, mais il est vrai que tout débat est
enrichissant.
Mon collègue Hoeffel a fait référence à la
Déclaration de Copenhague, dont il a dit que personne ne l'avait lue.
J'ai sous les yeux cette déclaration de l'Assemblée parlementaire
de l'OSCE du 10 juillet 1998, et ce que j'y lis, au chapitre 3, me contrarie
profondément. Il est question de démocratie, des droits de
l'homme et de questions humanitaires, tous sujets qui relèvent de la
stricte compétence du Conseil de l'Europe. Il s'agit vraiment là
d'une extension indue des compétences de l'OSCE par rapport à
celles du Conseil de l'Europe.
J'ai approfondi la lecture de ce texte. Au chapitre 3, qui compte vingt-neuf
articles, il est fait très souvent référence au BIDDH et
à ses efforts, que l'on invite à soutenir. Je me suis
demandée ce qu'était le BIDDH, et je suis sûre que la
plupart d'entre vous l'ignorent. J'ai découvert qu'il s'agit d'un organe
de l'OSCE, strictement administratif, qui n'a aucune légitimité,
mais semble quand même formuler des avis qui font la loi.
L'article 100 souligne qu'il faut prêter la plus grande attention aux
droits fondamentaux des Rom, c'est-à-dire des Tsiganes. Je pense qu'il
s'agit là encore d'un sujet qui concerne éminemment le Conseil de
l'Europe.
A l'article 112, je constate qu'il est fait référence à
l'Organisation et à l'observation des élections. Comme il en a
déjà beaucoup été question, je me dispenserai
d'allonger le débat, mais c'est aussi une mission essentielle du Conseil
de l'Europe, pour au moins deux raisons. La première est que nous avons
coopéré à la mise en place des textes fondamentaux,
notamment la loi électorale, la seconde que nous avons obligation
d'observer des élections libres avant l'adhésion d'un pays qui a
posé sa candidature. L'observation d'une élection est donc
l'aboutissement de la mission du Conseil de l'Europe. Il y a urgence. Vite,
élaborons ensemble un document cadre commun et mettons en place un
comité des programmes.
Très cordialement, mais très solennellement, je m'adresse
à la Présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE,
Mme Degn, à Mme Fischer, Présidente de notre
Assemblée, et à M. le président du Comité des sages
et les invite à exercer les responsabilités que nous leur avons
données. Il vous appartient d'agir tout de suite. Demain, il sera trop
tard pour le Conseil de l'Europe ! "
A l'issue du débat,
la recommandation 1381, figurant dans le rapport
8187, est adoptée, amendée.