EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 2 février sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Angels, rapporteur spécial, relatif à sa mission de contrôle et d'évaluation de la direction générale des impôts (DGI)
M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a indiqué que sa communication visait à exposer les principales conclusions d'une mission de contrôle et d'évaluation entreprise dans le cadre de ses prérogatives et de son devoir de rapporteur spécial des crédits du ministère de l'économie et des finances qui avait porté sur les missions fiscales de la direction générale des impôts et plus particulièrement sur l'exécution des missions fiscales par les services extérieurs de la DGI.
Il a évoqué la très riche actualité du sujet et les deux rapports très importants qui y avaient été récemment consacrés : le rapport Lépine de l'Inspection générale des finances en 1999 sur la comparaison internationale de plusieurs administrations fiscales et le rapport " Bert-Champsaur " qui, remis début janvier, a fait le lit des décisions de réforme annoncées par les ministres le 27 janvier dernier.
Il a souligné les difficultés de son travail dues à la complexité de la question des voies et moyens d'une bonne gestion de l'impôt qui fait l'objet d'un complet renouvellement des concepts et au fait que presque rien n'est offert aux parlementaires pour comprendre le fonctionnement de l'administration fiscale, les moyens qu'elle mobilise et les résultats qui sont les siens.
Les documents budgétaires permettent à peine de seulement approcher les moyens quantitatifs qui y sont consacrés.
Ils ne rendent pas du tout compte de leur utilisation concrète et qualitative.
Quant aux résultats de l'administration, la présentation qui en est faite est simplement allusive.
Les rapports d'activité de la DGI ne font guère mieux. Quant aux questionnaires budgétaires, ils reçoivent des réponses convenues quand elles ne sont pas tout simplement inexactes.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a précisé que son rapport ne prétendait pas à l'exhaustivité, deux sujets très importants, l'état du patrimoine immobilier de la DGI et la question de la formation des agents n'y étant qu'évoqués.
Il a indiqué que ces deux problèmes avaient constitué d'importants points de crispation lors des conflits sociaux de la fin des années 80 et qu'il n'était pas en mesure de témoigner qu'ils soient aujourd'hui réglés.
Ayant souligné importance des missions fiscales de la direction générale des impôts et la pression de contraintes qui se renouvellent et s'alourdissent comme l'évolution vers une économie déréglementée, internationalisée et de plus en plus sophistiquée et le renforcement des exigences des acteurs, celles de l'Etat en quête de rendement fiscal mais aussi de rapidité des encaissements et d'économies de coûts de gestion et celles des contribuables aussi, il a précisé que pour mener à bien ses missions, la DGI s'appuyait sur une organisation qui, en dépit de certaines modernisations, relève d'un modèle hiérarchique et territorialisé rencontrant des limites évidentes.
Il a rappelé qu'à la fin des années 80, il était apparu que les conditions d'animation des services extérieurs de la DGI conduisaient à l'échec, le sommet étant engorgé et incapable de piloter le réseau un syndrome de la pyramide inversée avait été évoqué où, faute de direction d'ensemble, les services déconcentrés prenaient chacun des décisions dans la plus totale dispersion et sans contrôle. Il a indiqué que pour remédier à cette situation une plus grande déconcentration de la gestion avait été mise en place, une contractualisation des relations entre l'administration centrale et les services extérieurs avait été instaurée, une batterie d'indicateurs avait été construite pour servir au pilotage du réseau, meures ayant apporté des améliorations certaines mais encore insuffisantes.
Il a évoqué quelques unes des insuffisances observables.
Il a ainsi remarqué que la déconcentration de la gestion butait sur l'absence totale d'autonomie des services extérieurs en matière de gestion des ressources humaines qui constituent pourtant l'essentiel des moyens mis en oeuvre par la DGI.
Il a également observé que la territorialisation des services, certes tempérée par l'existence de services à vocation nationale ou régionale, n'était pas entièrement adaptée en ce qu'elle s'accompagnait d'une excessive parcellisation des compétences et qu'elle posait d'autant plus de problèmes qu'elle n'était pas maîtrisée.
Ayant jugé que certaines délégations de compétences posaient problème comme celles qui s'appliquent en matière de demandes gracieuses, il a souligné enfin que la DGI, contrairement à certaines de ses consoeurs étrangères, fonctionnait sans qu'aucune obligation systématique de rendre des comptes à son environnement extérieur ne lui soit imposée.
Les contrôles externes dont elle fait l'objet restent sporadiques, occasionnels et il est particulièrement significatif que la démarche de modernisation qu'elle a entreprise avec la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens pour 2000-2002 soit restée purement interne à l'administration des finances. Ce contrat passé entre la direction du budget et la DGI n'a été soumis à aucune instance extérieure alors que le Parlement est pourtant particulièrement concerné puisque ce contrat programme les crédits de la DGI pour 3 ans.
Passant à l'examen des moyens mobilisés par la DGI pour nourrir ses services et accomplir ses missions, M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a d'abord insisté sur leur opacité. Elle provient d'abord, a-t-il indiqué, de ce que la présentation budgétaire des crédits rend impossible l'identification de la totalité de ceux qui sont consacrés en propre à la DGI.
Elle provenait aussi, a-t-il poursuivi, de l'existence de nombreuses ressources non budgétaires et en particulier d'un prélèvement sur les produits du contrôle fiscal qui, avec plus de 4 milliards de francs en 1998, permettait d'abonder à hauteur de près de 30 % les crédits ouverts en loi de finances.
A ce propos, le rapporteur spécial a rappelé que si, grâce à la ténacité du Parlement, ces crédits étaient désormais budgétisés depuis 1999, cette pratique et les conditions difficiles dans lesquelles il y avait été mis fin témoignaient de toute une culture d'exception et de secret qui se retrouvent dans d'autres particularismes subsistant : l'inexactitude des informations transmises sur les emplois budgétaires, la pratique des surnombres et l'absence de fondement légal et réglementaire à la plupart des régimes indemnitaires en vigueur dans les différents corps de la DGI.
Il a alors mis en évidence une deuxième grande caractéristique des moyens mis en oeuvre par la DGI avec le poids très largement prépondérant des effectifs.
Il a précisé qu'avec plus de 78.000 agents en activité, les dépenses de personnel occupaient pus de 80 % des crédits de la DGI et qu'entre 1990 et 1998, les effectifs avaient légèrement augmenté (+ 1,16 %) tandis que les dépenses de personnel s'étaient accrues de 3,8 % l'an.
Il s'est alors inquiété de plusieurs aspects de la gestion des effectifs :
- la part très importante des indemnités dans les dépenses de rémunération (25 % du total) qui pourrait être admise si elle correspondait à une réelle modulation en fonction de sujétions particulières et de la manière de servir ce qui n'est pas le cas, la croissance très rapide des indemnités s'expliquant en fait par une succession de " plans sociaux " confidentiels et non débattus ;
- la réelle inadaptation des emplois par rapport aux priorités d'action de la DGI avec le " fléchage " des carrières des agents de catégorie A vers les postes du réseau comptable ou de conservations des hypothèques qui, pour importants qu'ils soient, ne devraient pas priver les services plus opérationnels des meilleurs éléments, la place très importante des agents de catégorie C (plus de la moitié des effectifs) qui pose problème à l'heure de l'automatisation de nombreuses tâches et le problème du déploiement territorial des effectifs qui ne correspond pas à celui de la matière fiscale, problème tout particulièrement aigu en Ile-de-France qui représente plus de 40 % des recettes du budget général de l'Etat et près de 30 % du PIB national en ne regroupant que 21 % des effectifs.
A ce sujet, le rapporteur spécial a souligné que deux particularités accentuaient encore le sous-dimensionnement de la DGI en Ile-de-France, la part importante des agents en début de carrière, peu expérimentés et mal placés du fait de leur rémunération relative pour s'intégrer en région parisienne ; la mobilité des effectifs, la durée d'ancienneté en Ile-de-France atteignant au mieux cinq ans quand elle peut dépasser 15 ans en d'autres endroits.
Ayant souligné qu'il existait de façon générale à la DGI de très fortes inégalités locales des temps d'ancienneté des agents posant un problème fonctionnel grave et symptomatiques de difficultés non résolues de gestion des personnels, il a mis en évidence la responsabilité du sous-dimensionnement de l'administration fiscale en Ile-de-France dans les pertes d'efficacité des missions de la DGI.
Il a conclu sur ce sujet en observant que l'implantation territoriale des ressources n'était pas à la hauteur des enjeux ce qui est source d'inefficacité mais aussi d'inégalité devant l'application de la législation fiscale et a appelé à une correction de ces déséquilibres.
Il a alors évoqué une dernière caractéristique importante des moyens utilisés par la DGI avec l'existence de moyens informatiques que les experts de ces sujets jugent obsolètes.
Rappelant que les dépenses d'informatisation de la DGI avaient été massives avec plus de 9 milliards de francs au cours des dix dernières années, il a expliqué que cette informatisation, s'étant mise en place dans le cadre d'une série de schémas directeurs informatiques pilotés par chacune des directions du ministère, avait donné naissance à un empilement d'applications et à différentes informatiques fiscales ne communiquant pas entre elles, avec pour conséquence que l'informatique de la DGI et celle du Trésor public constituent deux univers séparés.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a alors procédé à l'examen des performances de l'administration fiscale, indiquant qu'il fallait à ce stade raisonner non plus sur la seule DGI, mais à tout le moins en prenant en compte les résultats de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) qui recouvre plus de la moitié des impôts établis par la DGI.
Ayant jugé que, face à des missions complexes, la DGI et ses agents avaient fait preuve d'une grande compétence et d'une grande honnêteté, il a considéré, qu'il s'agisse des performances ou de l'adéquation des coûts aux missions, que des améliorations devaient intervenir.
En matière de performances, il a estimé qu'une première difficulté se présentait avec le domaine des relations entre l'administration et les contribuables, l'accessibilité des services fiscaux étant difficile et la possibilité offerte aux administrés d'identifier simplement le service compétent, de le toucher et d'obtenir une réponse normalement rapide étant trop réduite. Il a expliqué que cette situation provenait de la superposition des services fiscaux mais aussi de l'absence de moyens techniques sécurisés permettant le dialogue à distance.
En ce qui concerne les différentes missions fiscales que l'on peut distinguer, l'assiette et le contrôle de l'impôt d'une part, le recouvrement d'autre part, il a remarqué que le niveau des performances en matière d'assiette s'était, semble-t-il, amélioré, l'impôt étant calculé plus vite.
Mais il a nuancé ces résultats en observant que la tendance était plus significative que les chiffres absolus puisque l'une des difficultés majeures rencontrées par les services était l'identification des contribuables et de la matière fiscale.
Il a alors évoqué des constats moins favorables : l'explosion des demandes contentieuses qui s'accroissent, de l'ordre de 8 %, l'an, les performances réalisées en matière de recouvrement qui sont très défavorables, avec un niveau de restes à recouvrer -les impayés depuis plus de trois mois- qui atteint 14 % des recettes théoriques. Il a estimé qu'il existait en la matière un vrai point noir avec le recouvrement des droits rappelés au titre du contrôle fiscal, car si les résultats des contrôles fiscaux ont, globalement, beaucoup progressé, de 42,8 % entre 1994 et 1998 quand les moyens en personnel n'étaient accrus que de 12 %, un écart considérable existe entre les droits rappelés et ce qui est réellement payé.
Cette situation qui provient de nombreux facteurs lui a semblé mériter qu'un rapport du Gouvernement vienne quantifier chacun d'entre eux.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a alors évoqué les problèmes d'efficience de l'administration fiscale, largement exposés à la suite de la publicité inhabituelle donnée au rapport de l'inspection générale des finances dit " rapport Lépine " consacré à la comparaison de dix administrations fiscales nationales.
Rappelant que ce rapport avait constitué le premier maillon d'une chaîne qui, poursuivie par le rapport " Bert-Champsaur ", avait abouti aux décisions récemment annoncées par les ministres, il a estimé qu'il convenait d'en retenir plutôt les appréciations plus qualitatives que les chiffres avancés. Sur ce point, il a insisté sur la significativité seulement limitée du chiffre de 1,6 % censé correspondre au niveau du coût d'intervention de l'administration fiscale française et représentant le rapport entre les coûts de gestion des impôts et les recettes nettes encaissées.
Il a ainsi considéré qu'à supposer même que le numérateur de ce rapport soit exact, son dénominateur pouvait varier considérablement selon les pays, soit que le niveau relatif des impôts diffère, soit que les administrations examinées gèrent, en plus des impôts, les cotisations sociales. Il a indiqué que si l'on ne faisait que réintégrer la gestion des cotisations sociales, la France se présenterait avec un taux d'intervention de 1,13 %, très proche de la moyenne des pays examinés.
Il a en revanche mis en évidence les conclusions susceptibles d'être tirées du rapport à partir de constats de nature plus qualitative lui semblant plus probants.
En ce sens, il a d'abord observé que l'étendue quantitative des missions de recouvrement avait un impact mécanique sur les coûts de gestion mais, au-delà, permettait de dégager des économies d'échelle dans l'exercice de la plupart des missions de nature fiscale. Il a jugé que sous cet angle, notre administration des prélèvements obligatoires avec les cinq grands réseaux de recouvrement qu'elle comporte devait être simplifiée.
Il a ensuite précisé que certains processus fiscaux étaient moins coûteux que d'autres, jugeant qu'il en allait ainsi des processus permettant d'industrialiser et de dématérialiser les traitements de masse, des systèmes fiscaux où la retenue à la source est largement employée, des systèmes fiscaux ne comportant pas d'impositions, comme la taxe sur les logements vacants, pouvant receler un bilan coût/rendement à peine équilibré, et de ceux caractérisés par une législation fiscale stable.
Il a alors évoqué plusieurs autres facteurs de relative inefficience, avec d'abord une fonction de recouvrement dont les coûts représentent 0,5 % des recettes encaissées en France contre 0,2 % en moyenne dans les pays audités par le rapport du fait de l'absence de retenue à la source, du défaut d'industrialisation des processus, et de la faible dématérialisation des paiements. Il a indiqué que, selon le rapport Lépine, deux autres caractéristiques de notre administration fiscale engendraient une série de pertes d'efficience : d'une part, la décentralisation des réseaux ; d'autre part, la superposition et le cloisonnement entre la DGI et la DGCP.
Sur le premier point, il a déclaré ne pas pouvoir entièrement s'associer à la conclusion du rapport Lépine.
Il a concédé que notre administration fiscale était beaucoup plus largement disséminée sur le territoire que les administrations étrangères. Mais il a relevé d'abord que ce déploiement territorial était surtout le fait du réseau du Trésor public et correspondait à l'exercice de bien d'autres missions que celles de nature fiscale confiée à ce réseau. Il a également observé qu'il n'y avait pas de relation mécanique entre le nombre des implantations locales, le taux d'encadrement des contribuables mesuré par le nombre des habitants par agent du fisc et le coût d'intervention de l'administration fiscale.
Il a rappelé à ce propos que la France, avec ses 3.840 implantations locales, comptait un agent pour 738 habitants tandis que les Pays-Bas, avec leurs 66 implantations locales seulement, comptaient un agent pour 622 habitants, tandis que le Canada, pays au territoire vaste et aux sites fiscaux encore plus réduits qu'aux Pays-Bas (60), comptait, lui, un agent pour 882 habitants. Il en a conclu que la dissémination du réseau qui peut impliquer des coûts mais aussi des avantages particuliers, ne déterminait pas à lui seul la densité de l'administration fiscale. Il a ajouté que l'existence d'un réseau largement déployé sur le territoire n'était pas un frein à la centralisation et à l'automatisation de tâches dont le traitement en local ne produisait pas de valeur ajoutée et que débarrasser les antennes locales de ces tâches pouvait au contraire constituer non seulement l'occasion d'économies mais aussi d'un enrichissement des missions dont l'exercice sur site a, elle, une vraie signification.
Il s'est en revanche pleinement associé au constat des pertes d'efficacité et des alourdissements de charges issus de la superposition et des cloisonnements existant du fait de la coexistence séparée de la DGI et de la DGCP.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a alors exposé les propositions contenues dans son rapport, indiquant qu'elles découlaient naturellement de ses constatations et tendaient toutes à moderniser notre administration fiscale en lui donnant les moyens d'un exercice plus efficace et plus économie de ses missions.
Il a d'abord jugé qu'une administration fiscale plus moderne c'était d'abord une administration recourant davantage et mieux qu'aujourd'hui à l'informatique. L'informatique simplifie les traitements de masse ; elle est ainsi source d'économies. Elle introduit un supplément d'intelligence dans les systèmes ; elle est ainsi source d'amélioration des performances. Elle libère des ressources pour des tâches prioritaires ; elle est ainsi source de marges de manoeuvre. Il a indiqué que cela supposait des crédits dont l'engagement devrait reposer sur une évaluation en profondeur des besoins que les constats d'experts estiment tous très insuffisamment satisfaits. Il a poursuivi en considérant que cela supposait aussi que les administrés relaient la modernisation interne aux services fiscaux, ce qui pouvait passer par des mesures législatives devant cependant tenir compte de l'état de préparation des contribuables.
Il a ensuite jugé qu'une administration fiscale moderne c'était aussi une administration respectueuse de l'administré. Il a estimé que la notion d'assujetti devait faire place à celle d'administré voire d'usager, que l'administration fiscale devait être plus accueillante et plus performante dans son dialogue avec l'extérieur et réunir les conditions pour offrir, en tant qu'ensemble de services coordonnés entre eux, le correspondant fiscal unique tant annoncé.
Il a encore jugé qu'une administration fiscale moderne, c'était aussi une administration plus transparente, responsable de ses choix et de ses résultats. Il a ainsi appelé à l'élimination des différentes sources d'opacité qui demeurent, à des rapports d'activité plus sincères et exhaustifs, à un audit annuel de la Cour des comptes, et à l'exercice par les commissions des finances du Parlement, sur ces bases solennelles, d'un contrôle systématique.
Il a jugé aussi q'une administration fiscale moderne c'était une administration capable d'orienter ses moyens dans un sens conforme à ses priorités d'action. Il a souhaité que notre administration adopte progressivement une meilleure structure de ses emplois et qu'elle puisse déployer ses moyens où ils doivent l'être en faisant mieux coïncider l'implantation de ses ressources avec les enjeux fiscaux.
Il a également jugé qu'une administration fiscale moderne c'était une administration mise à même de faire des progrès d'efficacité. Il a estimé nécessaire de progresser vers plus de simplification et de stabilisation de la législation fiscale, vers la professionnalisation des métiers quand elle est nécessaire, qui peut supposer une spécialisation des services, en particulier pour les fonctions contentieuses et de contrôle fiscal, et une centralisation de la gestion de certains processus fiscaux, notamment pour la fonction d'encaissement.
Il a demandé que soit sérieusement mises à l'étude des modalités nouvelles de gestion de l'impôt comme la retenue à la source en matière d'impôt sur le revenu.
Il a enfin jugé qu'une administration fiscale moderne c'était une administration unifiée, intégrée.
Il a estimé que la superposition de la DGI et de la DGCP était à l'origine de cloisonnements coûteux et producteurs de pertes d'efficacité et plaider donc pour une unification des deux directions et de leurs réseaux. Il a souhaité que la réflexion soit élargie sur ce point aux réseaux de recouvrement de la direction générale des douanes et des droits indirects, des URSSAF et des ASSEDIC.
Indiquant que sa recommandation s'inscrivait largement dans le sens des décisions ministérielles formulées le 27 janvier dernier sur la base du rapport Bert-Champsaur, il a fait part de ses réserves par rapport aux modalités d'intégration qui sont préconisées et qui suscitent de vives réactions.
Il a rappelé que le schéma de fusion proposé par le rapport Bert-Champsaur était tout entier guidé par le souci d'instaurer un correspondant fiscal unique et supposait, à cette fin, d'extraire les moyens de recouvrement du réseau du Trésor public pour les affecter à la DGI et, de plus, le regroupement sur un même site de l'ensemble des agents concourant aux missions fiscales autour de l'instauration de deux types de sites spécialisés par publics : " les hôtels des impôts des entreprises " d'un côté, " les hôtels des impôts des particuliers " de l'autre.
Il a précisé que ces deux structures regrouperaient donc les moyens de recouvrement du réseau du Trésor Public mais aussi du réseau de recouvrement propre à la DGI et les agents chargés de l'assiette actuellement en service dans les centres des impôts de la DGI.
Observant que l'on restait dans l'ignorance sur le nombre futur des hôtels des impôts mais qu'en toute hypothèse leur création supposerait une réduction du réseau de la DGI et d'extraire du réseau du Trésor public 17.000 agents à comparer avec un total de 56.000 emplois, il a détaillé le projet d'organisation des futurs hôtels des impôts.
Il a ainsi expliqué que dans l'administration fiscale proposée, existait l'idée que la distinction entre assiette et recouvrement est contreproductive en ce qu'elle provoque un éclatement des compétences et forme un obstacle sur le chemin de l'instauration d'un correspondant fiscal unique. Il a ajouté qu'à partir de cela, l'on proposait un schéma renonçant à la séparation juridique des ordonnateurs et des comptables en matière de prélèvements et reposant sur un certain affadissement de la spécialisation des services autour des différentes fonctions que suppose la gestion de l'impôt.
Il a considéré que ces tendances n'étaient pas souhaitables au stade actuel des réflexions.
Il a poursuivi en évoquant les effets attendus par les auteurs du rapport d'un regroupement sur site des services fiscaux. A ce propos, il s'est déclaré enclin à contester la capacité de toute unification de l'administration fiscale à engendrer la possibilité de répondre en une seule fois à tout type de problèmes posés.
Jugeant douteux les avantages douteux d'un regroupement des services sur site, il a alors exposé les inconnues réelles qu'implique le mode d'intégration proposé.
Il a d'abord mis en évidence l'ampleur des mouvements qu'il suppose avec les 17.000 agents du Trésor public concernés, mais aussi l'ensemble des personnels des centres des impôts et du réseau de recouvrement de la DGI.
Il a ensuite fait état des difficultés liées aux modalités de la réforme du point de vue de sa faisabilité et de ses coûts. Il a rappelé que les 17.000 agents du Trésor public concernés étaient, pour beaucoup d'entre eux, des agents théoriques, ce chiffre ne correspondant pas à des personnes dotées d'emplois spécifiques de recouvrement mais au nombre d'emplois qu'occupe la fonction de recouvrement dans le réseau du Trésor public. Il a précisé que dans les faits, les effectifs réels de ce réseau exerçaient des missions diversifiées et qu'extraire 17.000 agents du réseau de la DGCP pour les affecter à la fonction de recouvrement de la DGI supposait soit de reporter les missions qu'ils exerçaient par ailleurs sur les agents demeurant dans le réseau du Trésor public, solution souvent impraticable, soit de recruter de nouveaux agents pour satisfaire les besoins qui résulteraient de leur départ, solution coûteuse.
Il a également souligné que le réseau du Trésor public était constitué d'un très grand nombre de postes comptables à effectifs faibles et que, comme la fonction de recouvrement occupait à peu près 1/3 des moyens, il était aisé d'imaginer ce que signifierait pour des postes comptables réunissant trois ou quatre agents le transfert de ces agents à la DGI. Concédant qu'il serait certes possible de maintenir les postes en question, il a insisté sur le fait que leur viabilité, déjà en cause, en ressortirait encore plus problématique.
Il a mis en évidence le paradoxe d'une situation au terme duquel coexisteront un réseau de la DGCP aux implantations sous-peuplées et, soit une surpopulation dans le réseau de la DGI, soit des besoins massifs de nouvelles implantations.
Il a déclaré qu'il serait irréaliste de nier les coûts de la dissémination territoriale du réseau du Trésor public, mais que pour autant, cette dispersion présentait également des avantages et qu'en tout état de cause, il serait de mauvaise méthode de vouloir adapter la dimension de ce réseau à l'occasion d'une réforme d'ailleurs susceptible d'en modifier les missions mais qui pourrait être remise en cause si des projets insuffisamment débattus devaient engendrer des crispations.
Il a enfin souligné quelques autres paradoxes du schéma de réforme proposé dont il a rappelé qu'elle était supposée faciliter la vie des administrés et renforcer la cohésion de l'administration fiscale.
Il s'est ainsi inquiété des effets des regroupements sur site envisagés en termes d'éloignement des services fiscaux pour les administrés et a observé que la superposition d'hôtels des impôts dédiés les uns aux particuliers, les autres aux entreprises ressuscitait des cloisonnements que le maintien de la séparation entre la DGI et une DGCP même amoindrie laissait perdurer.
Il a déclaré son souhait d'une unification complète des deux directions faisant valoir qu'elle déboucherait sur une animation et une gestion unifiées, sur la disparition des multiples cloisons qui nuisent à l'efficacité de l'administration fiscale et à sa capacité à offrir un service de qualité aux administrés. Il a souhaité que cette intégration respecte les principes de séparation entre ordonnateurs et comptables en recettes comme en dépenses ce qui suppose que les prérogatives fonctionnelles des comptables supérieurs du trésor soient préservées.
Il a indiqué que pour connaître le succès, cette réforme devait emprunter les chemins les plus simples et pour cela s'appuyer le plus possible sur l'existant. Il a remarqué que le schéma d'intégration qu'il proposait supposait seulement que les services de recouvrement de la DGI adhèrent progressivement soit au réseau de recouvrement de la nouvelle administration, soit à ses services d'assiette.
Il a conclu que ses propositions permettraient, si elles étaient appliquées, de moderniser notre administration fiscale aux moindres coûts et qu'elles produiraient, grâce à l'intégration des réseaux actuels et à l'unification de leurs systèmes de communication interne, au moins autant d'avantages pour les administrés que ce qui était proposé par ailleurs.
Un large débat s'est alors ouvert en commission.
M. Alain Lambert, président, a salué l'ampleur de la mission de contrôle budgétaire présentée par le rapporteur spécial.
Il s'est choqué de l'absence totale de concertation avec les élus avant les annonces faites par les ministres, soulignant leur précipitation puisqu'à peine le rapport de la mission 2003 remis, la date à laquelle les décisions seraient annoncées avait pu être fixée à un délai très rapproché.
Il a souhaité que le Gouvernement qui, par défaut de méthode, avait créé des traumatismes chez les personnels et les élus, s'inspire des sages conclusions du rapport de la commission des finances du Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est associé aux propos du président de la commission. Il a jugé qu'une réforme de la DGI s'imposait pour moderniser des structures administratives héritées du siècle passé.
Il a néanmoins estimé que ces réformes devaient d'abord respecter le grand principe protecteur des deniers publics qu'est la séparation de l'ordonnateur et du comptable. Il a jugé par ailleurs que les modalités de la réforme annoncée péchaient à plusieurs titres, la concentration des services sur sites étant largement inutile dans le contexte technologique actuel et la spécialisation des hôtels des impôts par public devant susciter des problèmes de frontière fort épineux.
Soulignant l'absence totale de concertation ayant précédé la réforme au niveau national mais aussi au niveau local, il a jugé qu'il convenait de réviser les modalités d'une réforme nécessaire. Il a enfin considéré que le problème du réseau de recouvrement de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) devait être envisagé.
En réponse, M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a souligné qu'il convenait de modifier les modalités de la réforme dans un sens plus pragmatique. Il a rappelé qu'il recommandait dans son rapport d'envisager la situation de la DGDDI mais aussi celle des URSSAF et des ASSEDIC.
M. Denis Badré a jugé qu'il était nécessaire d'entreprendre des réformes de modernisation. Mais il a estimé qu'il convenait de faire de bonnes réformes et, pour cela, de tirer parti des opportunités offertes par l'existant plutôt que de se fonder sur des schémas théoriques aux implications mal maîtrisées. Il a souhaité que l'intégration de la DGI et de la DGCP respect des principes.
Il a jugé indispensable de progresser en outre vers plus de transparence de l'administration des impôts quant à ses coûts et ses résultats.
Il a estimé que le contexte européen devait être pris en compte et que l'intérêt des contribuables supposait une administration plus efficiente.
Il a conclu son propos en estimant qu'il fallait répondre mieux qu'aujourd'hui aux exigences de qualité dans le domaine de l'informatisation des services et de la formation des agents dont il a souligné qu'ils étaient en la matière très demandeurs de progrès.
M. Yann Gaillard a jugé que le ministère des finances avait longtemps fait preuve d'immobilisme.
Il a par conséquent salué la volonté réformatrice à l'oeuve. Il a cependant observé que, parmi les différents schémas de réforme envisageables, celui choisi par les ministres n'était pas le meilleur, les propositions du rapporteur spécial lui paraissant plus habiles et plus simples.
Il a considéré que, s'il fallait mettre le contribuable au centre de la réforme, il fallait aussi penser aux agents et traiter le grave problème de l'état de l'informatique de la DGI.
Il a enfin estimé que la DGDDI devait être concernée par les réunifications programmées.
Mme Marie-Claude Beaudeau s'est inquiétée des conséquences des réformes sur l'emploi et sur l'accessibilité des services fiscaux suite aux regroupements annoncés, évoquant notamment le devenir des postes comptables du Trésor public.
M. Maurice Blin s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles la réforme annoncée avait pu être précédée d'une consultation des différents intéressés. Il a observé que deux modalités de réforme étaient envisageables, l'une intégrale, l'autre par étapes et, manifestant sa préférence pour cette dernière, a souhaité connaître le sentiment du rapporteur spécial sur ce point.
En réponse aux intervenants, M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a tout d'abord réaffirmé son souhait de voir la DGI et la DGCP entièrement fusionnées et a souhaité saluer la volonté réformatrice des ministres en insistant toutefois sur la nécessité de corriger certaines erreurs de trajectoire.
Il a mis en évidence les coûts d'une informatisation fiscale dispersée ainsi que, plus généralement, de l'ensemble des cloisonnements entre services.
Il a également souligné la nécessité d'assurer plus de cohérence entre services d'assiette et de recouvrement et, au sein de ces derniers, entre les services de la DGI et la DGCP tout en évitant d'affadir ces différentes missions en maintenant le principe juridique protecteur de la séparation des ordonnateurs et des comptables.
Il a indiqué que les réformes en cours n'avaient pas d'impact immédiat sur le nombre des emplois, mais qu'en revanche elle supposait des relocalisations d'effectifs massives et préoccupantes pour tous, agents et responsables locaux.
Il a rappelé que le rapport Lépine avait évoqué deux modes de réformes des administrations fiscales, l'une radicale, l'autre pas à pas, et que cette distinction avait sans doute inspiré la démarche du rapport Bert-Champsaur qui ont privilégié le premier modèle. Il a alors fermement contesté la pertinence de ce choix.
Il a enfin observé que la concertation préalable à la réforme avait été mal menée et qu'en particulier il était tout à fait choquant que ni les élus, ni le Parlement n'aient été consultés.
La commission a alors décidé la publication des conclusions présentées par M. Bernard Angels, rapporteur spécial, sous forme d'un rapport d'information.