N°
320
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 2 mai 2000.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation pour l'Union européenne (1) sur l'adéquation du traité Euratom à la situation et aux perspectives de l' énergie nucléaire en Europe ,
Par
M. Aymeri de MONTESQUIOU,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : MM. Hubert Haenel, président ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Simon Sutour, Xavier de Villepin, Henri Weber.
Union européenne .
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Développée dès 1945 par les deux pays précurseurs
qu'ont été la France et le Royaume-Uni, la filière
électronucléaire s'est diffusée dans la plupart des autres
pays européens. A la suite du choc pétrolier de 1973, cette
source d'énergie a pris une grande ampleur en Europe. L'Union
européenne apparaît aujourd'hui comme la région de la
planète la plus massivement dotée de centrales nucléaires.
Elle possède près de 40 % des capacités
électronucléaires mondiales, et l'énergie nucléaire
fournit 35 % de son électricité. Toutefois, de grandes
transformations sont intervenues depuis cette période historique de
développement du nucléaire en Europe.
Le présent rapport d'information a été confié au
printemps dernier à votre rapporteur par M. Michel Barnier, alors que
celui-ci était encore Président de la Délégation du
Sénat pour l'Union européenne, avant d'être nommé
Commissaire européen chargé de la Politique régionale et
des réformes institutionnelles.
Les considérations qui motivent le choix d'un tel sujet sont
variées, mais toutes importantes.
La première considération est d'ordre politique. Au cours des
dernières années, la situation a changé avec
l'entrée dans l'Union européenne de nouveaux Etats membres
"déçus du nucléaire ", comme la Suède, ou
franchement hostiles à cette source d'énergie, comme l'Autriche.
Un pas supplémentaire a été franchi à l'automne
1998, avec la décision de l'Allemagne d'abandonner l'énergie
nucléaire, alors qu'elle est actuellement le deuxième producteur
d'électricité d'origine nucléaire en Europe.
La France, qui est de loin le premier producteur européen
d'électricité d'origine nucléaire, n'est pas
épargnée par les doutes qui ont saisi ses voisins. Le
gouvernement de M. Lionel Jospin est divisé sur la question. Sans
renoncer officiellement au programme nucléaire français, il prend
en compte sa pluralité et se cantonne dans l'attentisme.
Les Etats membres franchement favorables au nucléaire se trouvent
désormais minoritaires au sein du Conseil des ministres
européens. Il faut donc s'interroger sur les conséquences de
cette situation dans le fonctionnement des instances européennes.
La deuxième considération est extérieure à l'Union
européenne. La perspective de l'élargissement a également
des implications importantes dans ce domaine. Les pays d'Europe centrale et
orientale ne sont pas hostiles au nucléaire comme certains Etats membres
actuels, et leur entrée dans l'Union pourrait modifier sur ce point
l'équilibre au sein du Conseil.
Mais ils sont parfois dotés de réacteurs nucléaires de
conception soviétique jugés dangereux au regard des normes de
sûreté occidentales. Dans le cadre des négociations
d'adhésion, la Commission européenne a fait pression sur les pays
candidats concernés afin qu'ils s'engagent à fermer les
réacteurs incriminés. Les tenants et les aboutissants de cette
politique méritent un examen attentif.
La troisième considération est d'ordre économique. La
libéralisation en cours du marché intérieur de
l'électricité constitue un défi pour l'énergie
nucléaire. Selon ses détracteurs, cette source d'énergie
ne serait plus compétitive dans un cadre davantage concurrentiel et
décentralisé. Selon ses partisans, elle conserverait au contraire
toutes ses chances.
L'Union européenne s'est engagée en 1997, lors de la
conférence internationale de Kyoto sur le changement climatique de la
planète, à réduire ses émissions de gaz à
effet de serre. Dans cette perspective, l'instauration d'une taxe communautaire
sur le CO
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contribuerait à accroître la
compétitivité économique du nucléaire par rapport
aux énergies fossiles.
La quatrième et dernière considération qui a motivé
le présent rapport d'information est d'ordre institutionnel. On oublie
souvent que le traité Euratom instituant une Communauté
européenne de l'énergie atomique a été signé
à Rome, le 25 mars 1957, en même temps que le traité
instituant une Communauté européenne économique. Il s'agit
donc de l'un des trois grands traités communautaires fondateurs, avec le
traité de 1951 instituant la Communauté Européenne du
Charbon et de l'Acier (CECA).
Or, la conférence intergouvernementale ouverte à Lisbonne en
février dernier s'est fixé pour but de réformer les
traités européens afin de préparer les institutions de
l'Union européenne au prochain élargissement à l'Est.
Dans ce contexte de révision institutionnelle, et même si le
nucléaire n'est pas à l'ordre du jour de la conférence
intergouvernementale, il n'est pas inutile de se demander si toutes les
dispositions du traité Euratom sont encore d'actualité, ou si
certaines d'entre elles ne mériteraient pas une adaptation.
S'agissant d'un rapport fait au nom de la Délégation pour l'Union
européenne, cette question retiendra bien sûr l'attention de votre
rapporteur, même s'il n'a pas voulu se limiter aux aspects juridiques du
nucléaire en Europe, mais aborder l'ensemble du sujet dans ses
dimensions technologiques, économiques et politiques.
Au cours des nombreuses auditions auxquelles il a procédé au
Sénat et lors de ses entretiens à Bruxelles, votre rapporteur a
pu constater à quel point l'énergie nucléaire reste un
sujet controversé. Elle donne lieu à querelles entre les
spécialistes et suscite d'autant plus l'inquiétude de l'opinion
publique.
Le traumatisme de Tchernobyl est toujours présent dans l'esprit des
citoyens européens, qui sont par ailleurs de plus en plus
préoccupés par le devenir des déchets nucléaires.
La problématique du réchauffement climatique de la
planète, phénomène auquel le nucléaire ne contribue
pas, pourrait renforcer le crédit de cette forme d'énergie ou la
réhabiliter à leurs yeux.
Dans le présent rapport d'information, en auditionnant des
personnalités professant des opinions parfois très
opposées, votre rapporteur s'est efforcé de toujours poser les
données des problèmes avec pragmatisme.
Il a pu s'appuyer sur les nombreux rapports que l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a consacré
au nucléaire, domaine dans lequel cette instance commune aux deux
chambres du Parlement a acquis une compétence qui fait autorité.
Sur des sujets de ce genre, en associant politiques et scientifiques, l'Office
n'a plus à démontrer son utilité pour éclairer
l'opinion des élus de la Nation et, au-delà, pour alimenter le
débat démocratique.
Votre rapporteur a aussi tenu à se rendre dans certaines installations
représentatives de l'ensemble du cycle nucléaire, afin d'avoir
une idée très concrète des procédés
techniques qui y sont mis en oeuvre. C'est ainsi qu'il a visité l'usine
de retraitement des combustibles nucléaires de la Cogema à
La Hague, le centre de stockage des déchets radioactifs de l'ANDRA
dans l'Aube, et la centrale nucléaire d'EDF à Nogent-sur-Seine.
" SA MAJESTÉ LE ROI DES BELGES, LE PRÉSIDENT DE LA
RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, LE PRÉSIDENT DE LA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
ITALIENNE, SON ALTESSE ROYALE LA GRANDE-DUCHESSE DE LUXEMBOURG, SA
MAJESTÉ LA REINE DES PAYS-BAS,
" Conscients que l'énergie nucléaire constitue la ressource
fondamentale essentielle qui assurera le développement et le
renouvellement des productions et permettra le progrès des oeuvres de
paix,
" Convaincus que seul un effort commun entrepris sans retard promet des
réalisations à la mesure de la capacité créatrice
de leurs pays,
" Résolus à créer les conditions de
développement d'une puissante industrie nucléaire, source de
vastes disponibilités d'énergie et d'une modernisation des
techniques, ainsi que de multiples autres applications contribuant au
bien-être des peuples,
" Soucieux d'établir les conditions de sécurité qui
écarteront les périls pour la vie et la santé des
populations,
" Désireux d'associer d'autres pays à leur oeuvre et de
coopérer avec les organisations internationales attachées au
développement pacifique de l'énergie atomique,
" Ont décidé de créer une Communauté
européenne de l'énergie atomique (EURATOM) ".
Préambule du traité européen instituant l'Euratom
L'Europe des centrales nucléaires