M. le président. « Art. 2. - I. - Non modifié.
« II. - L'article 32 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 32. - I. - Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 500 000 francs d'amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif.
« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction prévue au premier alinéa du présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° La peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du même code.
« La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation.
« II. - Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables :
« 1° Aux ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale,
« - aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente,
« - aux produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques,
« - aux produits, en tous points identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué en baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d'achat,
« - aux produits vendus dans un magasin non visé par les dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat et dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;
« 2° A condition que l'offre de prix réduit ne fasse pas l'objet d'une quelconque publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente,
« - aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d'altération rapide.
« III. - Les exceptions prévues au II ne font pas obstacle à l'application du 2 de l'article 189 et du 1 de l'article 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. »
Par amendement n° 10, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des affaires économiques, propose de compléter le troisième alinéa du paragraphe II du texte présenté par le paragraphe II de cet article pour l'article 32 de la même ordonnance par les mots : « , à l'exception des vins de primeur, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. L'Assemblée nationale a apporté une modification aux exceptions à l'interdiction de la revente à perte figurant au paragraphe II de cet article en supprimant la disposition introduite par le Sénat qui visait à interdire la revente à perte des vins de primeur, dont la qualité exclut, à l'évidence, qu'ils bénéficient de cette possibilité.
Nous proposons donc de rétablir cette exception à l'exception accordée aux produits saisonniers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, l'interdiction de la revente à perte des vins de primeur est un point qui nous avait beaucoup occupés en première lecture. Je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose, dans le quatrième alinéa du 1° du II du texte présenté par le paragraphe II de l'article 2 pour l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, de remplacer les mots : « , en tous points identiques, » par les mots : « aux caractéristiques identiques ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. L'Assemblée nationale a apporté une précision intéressante, mais il ne peut s'agir de « produits en tous points identiques », car ce sont alors des produits strictement identiques. C'est pourquoi nous proposons cette modification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 11, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger ainsi le sixième alinéa du paragraphe II du texte présenté par le paragraphe II de l'article 2 pour l'article 32 de l'ordonnance précitée :
« - aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. Nous en venons de nouveau à une question sensible.
L'Assemblée nationale a rétabli la limitation du droit d'alignement aux magasins disposant d'une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés, c'est-à-dire le droit pour un commerçant de s'aligner sur le prix de revente à perte pratiqué à proximité immédiate de son magasin.
Jusqu'à présent, cette liberté était totale : quelle que soit sa surface de vente, chacun bénéficiait de ce droit, que j'estime fondamental, et, à ma connaissance, cela n'avait pas suscité de contestation.
En fait, aujourd'hui, dans tous les débats sur les problèmes de distribution, on est en quelque sorte obnubilé par les grandes surfaces. Or, en l'espèce, il m'apparaît tout à fait naturel de ne pas limiter l'exercice de ce droit aux magasins d'une superficie inférieure à 300 mètres carrés.
Au demeurant, les magasins de 400, 500 ou 600 mètres carrés sont aujourd'hui extrêmement nombreux, et ils sont exploités par celles et ceux qui constituent justement ces professions commerciales traditionnelles, ayant besoin de soutien en cas de difficulté. Ils sont propriétaires de la marchandise qu'ils proposent à la vente, et, à deux pas de chez eux, on vend le même produit à perte. Doivent-ils alors mourir sur leur stock parce qu'il leur est interdit d'aligner leurs prix ?
En maintenant ce seuil de 300 mètres carrés, on pénaliserait ceux qui attendent beaucoup de nous, ces commerçants que nous fréquentons tous les jours. Qu'on y réfléchisse : un magasin de 350 mètres carrés, cela ne fait pas un très grand magasin.
En outre, parmi ces magasins, beaucoup sont sous l'enseigne Intermarché, Leclerc ou Shopi - il faut appeler un chat un chat - tout en étant des commerces traditionnels de centre-ville, qui continuent d'offrir un véritable service de proximité. Et il s'agit souvent de commerçants qui exercent leur métier depuis longtemps. Simplement, maintenant, ils sont franchisés et rattachés à une grande enseigne.
Cela signifie que ces commerçants ont en face d'eux deux fournisseurs : la centrale d'achat de l'enseigne et celui qui produit la marchandise. Peut-on leur interdire de s'aligner sur un prix de vente à perte qui, pratiqué à proximité, les met en difficulté ?
Les chambres de commerce, qui devraient être leurs défenseurs naturels, ne s'en occupent pas parce qu'elles ne tiennent compte que du nom inscrit sur l'enseigne, c'est-à-dire le nom d'un de ces groupes de la grande distribution qui se sont beaucoup manifestés dans la presse à propos de ce texte, sans se soucier de leurs franchisés.
Les organismes professionnels et les fédérations, notamment, qui sont intervenues en faisant... j'allais dire - mais je ne veux pas choquer M. Hamel - du lobbying,...
M. Emmanuel Hamel. De grâce, ne prononcez pas ce mot ! Dites : des pressions de couloir !
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. Quoi qu'il en soit, ces organismes ne reconnaissent pas ces commerçants franchisés sous prétexte qu'ils dépendent d'une grande centrale d'achat.
Voilà pourquoi je propose, au nom de la commission, la suppression du seuil de 300 mètres carrés et le retour à la situation antérieure.
Je vous dirai, avec un peu de malice, monsieur le ministre, que vous devez penser comme moi puisque, à l'Assemblée nationale, à propos de l'amendement de M. Poniatowski qui tendait à instituer une comptabilité particulière pour les commerces de plus de 300 mètres carrés qui vendent du carburant, vous avez indiqué que, avec un tel seuil, des supérettes seraient touchées. Je me prends donc à penser que vous exprimerez un avis favorable sur cet amendement. (M. le ministre sourit.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Monsieur le président, j'aime l'humour fin de M. le rapporteur.
M. Emmanuel Hamel. Nous l'apprécions tous !
M. Yves Galland, ministre délégué. Nous l'apprécions tous, en effet, et je ne lui reproche pas son amicale pression.
Il conviendra cependant avec moi que le sujet du carburant appelle un traitement particulier, comme nous avons eu l'occasion de le constater tout à l'heure.
Sur le problème du droit d'alignement, le Gouvernement porte effectivement une appréciation différente de celle de la commission et du rapporteur.
Cela peut certes paraître étonnant, car tout ce que vient de dire M. le rapporteur est frappé au coin du bon sens : j'ai un commerce et, dans la zone environnante, un autre commerce pratique un prix inférieur ; il faut, en règle de bonne concurrence, que je puisse m'aligner sur ce prix inférieur, même s'il est en dessous de mon seuil de revente à perte.
Toutefois, il ne faudrait pas que ce droit d'alignement généralisé conduise certaines enseignes - ce ne sont pas celles qui nous préoccupent - à tirer vers le bas les prix qu'elles négocient avec leurs fournisseurs. Nous assisterions alors à une concurrence déloyale généralisée.
Prenons un exemple précis. La Cour de cassation, dans trois arrêts, a estimé qu'Angers et Nantes constituent une même zone de chalandise. Nous traitons ici non pas des problèmes de proximité touchant les petits commerces, mais de zones de chalandise très étendues.
Nous craignons qu'une grande surface, à la suite d'une négociation ponctuelle, ne parvienne à obtenir un prix très bas, et que, par le droit d'alignement, une grande surface proche ne s'aligne sur celui-ci. Ce prix très bas ne deviendra donc pas une exception. Les prix auront été, par le biais du droit d'alignement, tirés vers le bas et tous les petits commerces implantés dans la zone de chalandise de ces deux grandes surfaces en souffriront.
Telle est notre préoccupation. J'ai d'ailleurs cru comprendre - je me trompe peut-être - que M. le rapporteur n'était pas nécessairement en désaccord avec mes propos. Il estimait simplement qu'il faudrait peut-être trouver un autre seuil entre celui de 300 mètres carrés et l'infini. Peut-être une réflexion de cette nature est-elle en cours.
Quoi qu'il en soit, si le Gouvernement souhaite limiter le droit d'alignement à 300 mètres carrés, c'est parce qu'il craint que la généralisation sans limite de celui-ci ne tire les prix vers le bas, ce qui serait effectivement préjudiciable pour les petits commerçants pour lesquels nous cherchons à établir, depuis de début, une concurrence loyale.
Voilà pourquoi nous sommes en désaccord sur ce point depuis la première lecture. Nous poursuivons le même objectif, mais notre approche est quelque peu différente. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement se prononce très clairement contre l'amendement n° 11.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. Sans vouloir prolonger ce débat, je tiens à préciser que cet amendement ne constitue pas une innovation puisqu'il tend à maintenir le droit existant ; il n'y a donc rien de changé.
M. Yves Galland, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland, ministre délégué. Ce que dit M. le rapporteur est parfaitement exact. Mais c'est, précisément, parce que le droit d'alignement n'a pas été une excellent référence par le passé que nous souhaitons une innovation en la matière.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Jacques Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong. J'ai écouté avec le plus grand intérêt les explications de M. le ministre et celles des rapporteurs. Si j'approuve tout à fait le fond et l'esprit de cet amendement, je ne puis en accepter la formulation. En effet, je considère personnellement - mais je me trompe peut-être - que la vente à perte est un procédé malhonnête. Or adopter cet amendement équivaudrait à légaliser un tel procédé.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. L'intervention de notre collègue M. Delong peut susciter un certain trouble. En effet, le droit d'alignement ne revient pas à accepter l'infraction que constitue la revente à perte. Mais des produits, tels que les denrées périssables peuvent être stockés. Prenons l'exemple d'un directeur de magasin qui commet une infraction à l'égard de ces produits. Le temps que la justice, même avec la procédure du référé, se saisisse de l'affaire, il aura vendu ceux-ci. Mais celui qui, honnêtement et de bonne foi, aura ces mêmes produits en stock, risque d'être amené à déposer son bilan. Il me paraît évident qu'il faut lui laisser ce droit immédiat ; il s'agit d'équilibrer les relations commerciales, et tel est l'objet du présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 2.
M. Jacques Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong. La réponse que m'a faite M. le rapporteur m'a bien évidemment convaincu. Lorsque j'avais formulé mes remarques à propos de l'amendement n° 11, je n'avais pas songé à certains aspects qu'il a soulignés, en particulier en ce qui concerne les denrées périssables. Je m'incline donc devant sa connaissance des problèmes ;
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, contrairement à ma première affirmation - ce qui prouve qu'on peut comprendre les arguments de ses partenaires, car il ne s'agit pas d'adversaires - j'ai voté l'amendement n° 11.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3 bis