M. le président. « Art. 4. - L'article 36 de la même ordonnance est ainsi modifié :
« 1° Les troisième et quatrième alinéas sont abrogés ;
« 2° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« 3. D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ;
« 3° Il est inséré, après le cinquième alinéa, trois alinéas ainsi rédigés :
« 4. D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ;
« 5. De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure ;
« 6. De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective et/ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ;
« 4° Supprimé. »
Sur l'article, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens sur l'article 4 pour dire à quel point je suis favorable à l'autorisation du refus de vente, proposée par l'Assemblée nationale et soutenue par les commissions compétentes du Sénat.
En premier lieu, sur le plan économique, il me paraît clair que l'industriel doit avoir la possibilité de choisir ses cocontractants en fonction de sa stratégie. Un distributeur doit être libre de refuser d'acheter à un industriel et un industriel doit être libre de refuser de vendre à un distributeur.
Cette liberté ne saurait nuire aux petites et moyennes entreprises de la distribution : un industriel a pour vocation et pour raison d'être de vendre.
Il faut aussi rappeler que la commission chargée des travaux préparatoires à l'élaboration de l'ordonnance du 1er décembre 1986 avait préconisé l'abandon de l'interdiction du refus de vente puisqu'il était déjà clair à l'époque que le rapport de force s'était inversé au profit des distributeurs et que le refus de vente ne pouvait qu'être exceptionnel.
Cette solution n'avait finalement pas été adoptée pour une seule raison, à savoir la nécessité d'accompagner la suppression du contrôle des prix, qui constituait la mesure essentielle, sur les plans politique et économique, de l'ordonnance.
En second lieu, sur le plan juridique, les abus de refus de vente peuvent être parfaitement sanctionnés par le biais des dispositions actuelles de l'ordonnance, en tant qu'abus de position dominante, en tant qu'abus de dépendance économique, en tant que manifestation d'une entente illicite, en tant que manifestation d'une discrimination abusive et, enfin, au titre du droit commun de la responsabilité civile, aux termes de l'article 1382 du code civil.
Bref, la position à laquelle nous sommes parvenus me paraît être la bonne, et je m'en félicite très vivement.
M. le président. Par amendement n° 26, le Gouvernement propose de remplacer le deuxième alinéa (1°) de l'article 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« 2. D'interdire l'accès au marché des acheteurs de produits ou de prestations de service en refusant de satisfaire à leur demande dès lors que le demandeur à l'instance établit que la demande ne présente pas un caractère anormal et que les conditions qui lui sont imposées ne sont pas justifiées au regard de l'article 10.
« La demande d'un acheteur est présumée présenter un caractère anormal au sens de l'alinéa précédent lorsqu'il est établi que cet acheteur procède à l'une ou l'autre des pratiques déloyales visées aux articles 32 à 37 du présent titre ; ».
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland, ministre délégué. J'approuve totalement les propos de M. Plasait.
L'amendement n° 26 affirme sans ambiguïté la libéralisation du refus de vente. Le texte qui avait été adopté en première lecture par le Sénat et qui était très proche de celui du Gouvernement prévoyait l'inversion de la charge de la preuve. Voilà qui suffit à démontrer que nous libéralisons le refus de vente !
Quelle est la seule exception à cette libéralisation que nous introduisons ? Il s'agit du refus de vente qui empêcherait l'accès au marché de nouveaux opérateurs, notamment les petites entreprises.
Libéralisation du refus de vente pour promouvoir la modernisation de notre économie et défense des petites et moyennes entreprises en cas d'impossibilité d'accès au marché, tel est l'objet de l'amendement n° 26.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas, me semble-t-il, opposés sur le fond. J'espère que M. Plasait aura ainsi mieux compris l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. En première lecture, nous n'avions pas accédé à la demande du Gouvernement. En effet, la commission des affaires économiques et la commission des lois étaient et sont toujours animées du même souci d'élaborer des textes simples, sans trop d'exceptions ni d'exclusives.
Nous étions relativement sereins parce que nous pensions que, dans l'arsenal des différents articles de l'ordonnance de 1986, il y avait de quoi sanctionner le refus de vente ou, par voie indirecte, l'abus de position dominante.
Cependant, avant même que j'aie eu connaissance de cet amendement - puisque la commission ne l'a examiné que ce matin - l'étude de ce dossier m'a conduit à recevoir des producteurs.
J'ai découvert à cette occasion que, indépendamment de notre volonté d'élaborer des textes simples et efficaces, ce dispositif soulevait de réelles difficultés.
Ainsi, mardi dernier, je recevais des producteurs de légumes qui me disaient combien leur situation était difficile. En effet, que peuvent-ils faire ? Ils vendent une denrée périssable et ont en face d'eux des clients, dont j'ignore les noms, qui, à peine le projet de loi annoncé dans les médias ou par leurs instances professionnelles, leur ont dit : « C'était 2 p. 100. Ce sera 3 p. 100 » ! La législation sur le refus de vente est, dans ce cas, difficile à appliquer, car, m'ont-ils dit, les clients vont simplement acheter ailleurs : c'est de l'abus de position dominante.
J'ai eu le même dialogue avec les représentants d'une centrale d'achat d'artisans. Ils sont en prise directe avec de gros producteurs d'articles d'artisanat, parfois de taille internationale. Or, leur clientèle les menace de ne plus rien leur commander s'ils livrent également ces artisans qui, parce qu'ils sont efficaces sur le terrain, leur font de la concurrence.
Ces pressions sont courantes, mais je ne vois pas - ou pas plus d'ailleurs que M. Hyest ou nos collaborateurs - comment on peut les éviter, si ce n'est dans le cadre plus général d'une volonté de rendre plus saines les relations commerciales.
J'en ai donc conclu que, face à ces cas de refus de vente, nous devions chercher à protéger les petits et les moyens en acceptant cet amendement qui, aujourd'hui, est le bienvenu.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
M. Aubert Garcia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Avant de voter l'amendement, je tenais simplement à souligner que, en première lecture, et contre l'avis de la commission, le groupe socialiste, qui avait perçu l'importance de l'amendement du Gouvernement, l'avait voté. Je ne fais donc maintenant que renouveler ce vote.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des affaires économiques, propose de supprimer le dernier alinéa (6) du 3° de l'article 4.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. L'Assemblée nationale a complété l'article 4 par une disposition qui interdit la revente hors réseau faite aux distributeurs liés par un accord de distribution sélective ou exclusive.
Cette disposition introduirait donc dans l'ordonnance de 1986 un régime de responsabilité visant spécifiquement les comportements d'entreprises commerciales qui ne respectent pas les obligations contractuelles qu'elles ont souscrites dans le cadre d'un tel contrat.
Nous devons cependant relever que ce comportement est un cas classique de non-respect d'une obligation contractuelle. Il relève donc, logiquement, du juge de l'exécution du contrat et n'intéresse que les parties au contrat.
Les autres dispositions de l'article 36 concernent des comportements qui, au-delà de leurs aspects contractuels, posent des problèmes pour un ensemble d'opérateurs économiques. Cette disposition n'a donc pas sa place à l'article 36 de l'ordonnance de 1986.
Enfin, le non-respect du contrat peut être sanctionné soit par la résiliation, soit par des dommages et intérêts.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques propose de supprimer le dernier alinéa du 3° de l'article 4 du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Le Gouvernement souscrit totalement aux propos de M. le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5