M. le président. Par amendement n° 54, Mme Borvo, M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le paragraphe 4 de la section première du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil, il est inséré un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... - Acquisition de la nationalité française pour l'enfant étranger pupille de l'Etat.
« Art... - L'enfant étranger admis en qualité de pupille de l'Etat acquiert la nationalité française le jour où l'admission devient définitive.
« Toutefois il sera réputé n'avoir jamais été français, si au cours de sa minorité intervient la restitution prévue à l'article 62 du CFAS et s'il a, conformément à la loi nationale de son auteur, la nationalité de celui-ci, les dispositions de l'article 21-8 ne s'appliquent pas. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement vise à compléter le code civil en accordant la nationalité française à l'ensemble des pupilles qui ne la possèdent pas.
En première lecture, le groupe communiste républicain et citoyen avait déposé un amendement visant le même objectif et tendant à compléter l'article 61 du code de la famille.
En effet, comme l'avait dit alors Michelle Demessine, il nous semble que l'Etat, qui prend ces enfants intégralement en charge et assure tous les droits et obligations des parents, doit les reconnaître comme des nationaux.
Si le problème ne se pose pas pour les enfants adoptés, puisque la loi leur accorde la qualité de Français, notre proposition profitera néanmoins à ceux qui ne bénéficient pas d'un projet d'adoption.
Je crois, en outre, que cette proposition peut permettre de contribuer à la résolution partielle des problèmes posés par l'article 15. Elle évitera notamment que les enfants adoptés à l'étranger et dont le statut juridique n'aura pu être entièrement défini ne restent, jusqu'à dix-huit ans, dans une situation incertaine quant à leur avenir en France.
Nous pensons que nous ne pouvons laisser ces enfants, qui sont issus la plupart du temps de pays du Maghreb, à la merci de lois si promptes à en faire des clandestins.
En première lecture, M. le rapporteur avait jugé « souhaitable que les modalités d'acquisition de la nationalité française figurent ailleurs que dans le code civil ». C'est pour cette « raison importante », selon lui, qu'il s'était notamment opposé à l'amendement que nous avions déposé sur l'article 61 du code de la famille.
Aussi, nous avons réécrit notre amendement afin de l'insérer dans le passage du code civil concernant la nationalité.
On ne pourra donc plus s'abriter derrière des considérations formelles pour refuser cet amendement, que je vous propose d'adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, si les enfants concernés sont adoptés par un Français, ils deviennent français ; mais, dans le cas contraire, c'est le droit commun qui s'applique : il leur suffira le moment venu de déclarer qu'ils demandent la nationalité française. Cette solution est conforme à l'esprit de notre droit de la nationalité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 54.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Quand on connaît comme moi le cas de jeunes gens, pupilles de la nation, élevés en France, qui ont fréquenté l'école française, n'ont vécu que dans notre pays, ne parlent aucune autre langue que le français et ont été expulsés une fois leur majorité advenue parce que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, ne s'était pas occupée de leur faire obtenir la nationalité française à laquelle ils avaient droit, on est prêt à voter cet article. En effet, c'est absolument abominable ! On trouve actuellement partout dans le Maghreb des cas de ce type.
La disposition proposée par le groupe communiste républicain et citoyen me paraît donc bonne, car elle permettrait d'éviter que, suite à des négligences administratives et à un manque de conseils donnés à ces jeunes au moment de leur majorité, ces derniers, qui sont Français par l'éducation - nous sommes en effet Français non parce que nous avons demandé la nationalité française, mais parce que nous avons été éduqués en France, à l'école de la République - ne puissent obtenir la nationalité française.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je souhaite revenir un instant sur l'argumentation présentée. La loi n'est pas faite pour réparer ce que l'on peut appeler des carences administratives ! Si des problèmes de ce type existent au sein des services départementaux de l'action sanitaire et sociale, il suffit de demander à ces derniers de faire leur travail convenablement et d'informer les jeunes en temps utile. En effet, il n'est pas difficile pour le jeune de déclarer qu'il demande la nationalité française. Et je suis bien certain qu'il doit arriver peu fréquemment que l'on n'informe pas les intéressés de la possibilité qu'ils ont de faire cette déclaration.
Mme Monique ben Guiga. Cela arrive !
M. Luc Dejoie, rapporteur. S'il y des cas de ce type, le problème doit être réglé non par la loi, mais par l'exécutif, qu'il soit départemental ou national ; c'est à ce dernier qu'il revient de donner les instructions, car l'administration doit fonctionner convenablement et assumer toutes ses responsabilités.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Cette question me paraît relever tout à fait du domaine réglementaire.
Il paraît difficile d'expulser ces jeunes, qui ont été élevés selon la loi et les moeurs françaises, dans des pays où ils ne souhaitent quelquefois pas du tout vivre, et ce à cause d'un oubli administratif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une circulaire ne pourrait-elle prévoir que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales doivent, à un moment à déterminer, indiquer à ces jeunes qu'ils ont à demander la nationalité française ou leur envoyer des imprimés à cet effet ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le système actuel, tel qu'il résulte de la loi du 22 juillet 1993, est un système déclaratif de volonté. L'article 21-12 est ainsi rédigé : « Peut réclamer la nationalité française le mineur jusqu'à sa majorité, recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. »
Notre dispositif légal, de ce point de vue-là, est correct et, d'ailleurs, l'application et le bilan qui sont faits de cette loi de juillet 1993 ne souffrent aucune discussion. Il faut donc, à mon avis, dédramatiser cette question et ne pas parler d'expulsion. Nous n'avons pas d'exemples d'expulsions de jeunes.
Mme Monique ben Guiga. Je peux vous citer des cas, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Il ne s'agit pas de mineurs, madame ben Guiga !
Mme Monique ben Guiga. Ce sont des jeunes majeurs !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Oui, mais nous parlons de la situation des mineurs juste au moment où ils vont accéder à la nationalité française. Telle est bien l'économie de la loi de juillet 1993 qui a été votée par les deux assemblées.
Je retiens en tout cas la proposition de M. Neuwirth tendant à donner des instructions aux services d'aide sociale à l'enfance et à procéder à une information peut-être plus complète qu'elle ne l'est aujourd'hui afin que la procédure de déclaration soit faite à l'âge prévu.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements, présentés par M. Sérusclat, Mmes Dieulangard, ben Guiga, MM. Dreyfus-Schmidt, Mazars et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 35 tend à insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 356 du code civil, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Sur la demande de l'adopté devenu majeur, le tribunal peut lui conférer le droit de porter le nom de ses mère ou père d'origine si ceux-ci sont connus. »
L'amendement n° 36 vise à insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 356 du code civil, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Sur la demande du ou des adoptants, et après avoir entendu le mineur capable de discernement, le tribunal peut conférer à l'enfant le droit de porter le nom de ses mère ou père d'origine si ceux-ci sont connus. »
La parole est à M. Sérusclat, pour défendre ces deux amendements.
M. Franck Sérusclat. L'amendement n° 35 vise à permettre à l'enfant adopté, devenu majeur, de porter le nom de ses père ou mère d'origine si le tribunal lui a permis de les connaître. Cette possibilité ne modifie en rien la filiation, mais permet à l'enfant de faire connaître son origine biologique.
L'amendement n° 36 tend à affirmer le droit des parents adoptants de demander que l'enfant mineur porte le nom de ses parents d'origine si celui-ci est connu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 35 et 36 ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
En effet, l'un des effets essentiels de l'adoption plénière est de conférer à l'enfant le nom patronymique de la famille adoptante et de couper les liens avec la famille d'origine. Si, pour une raison quelconque, on décidait de revenir sur ce point, ce serait en contradiction avec le principe même de l'adoption plénière. Par conséquent, l'avis défavorable de la commission est plus que justifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 35 et 36 ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15