M. le président. Par amendement n° 52, Mme Dusseau propose d'insérer, avant l'article 28 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article 47 du code de la famille et de l'aide sociale, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, les femmes mentionnées au premier alinéa ont la faculté de donner des informations, y compris identifiantes, relatives à l'enfant et à elle-même, avec la garantie qu'elles soient gardées secrètes.
« L'enfant devenu adulte a la possibilité, avec l'accord de la mère et par l'intermédiaire d'un médiateur, d'avoir accès à ces informations. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cette fois, on ne peut pas m'opposer un argument de forme, puisque je propose d'insérer cette disposition dans le code de la famille et de l'aide sociale.
Certains ne comprennent pas la différence qu'il y a entre anonymat et secret. Pourtant, ces deux termes recouvrent des notions tout à fait différentes : accoucher anonymement, c'est ne donner aucun renseignement ; accoucher dans le secret, c'est éventuellement laisser des renseignements identifiants qui pourront un jour être consultés.
Au nom de quoi voulez-vous interdire à des femmes d'accoucher dans le secret, en laissant des renseignements identifiants ? Si elles ne veulent rien laisser, elles ne laissent rien. Dans le cas contraire, pourquoi le leur interdire ?
Il est parfaitement illogique et incohérent d'interdire à la femme qui accouche dans le secret de laisser des renseignements identifiants, et de dire ensuite qu'« ultérieurement » - c'est le terme adopté par l'Assemblée nationale et accepté par la commission - elle pourra lever ce secret. Mais les femmes sont sans doute plus logiques que les hommes.
Je vous demande donc d'être cohérents et de prévoir dans le code de la famille qu'une femme a le droit, si elle le désire, d'accoucher dans le secret, mais de façon non anonyme, en laissant des renseignements identifiants qui pourront être consultés, un jour, par l'enfant devenu adulte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Errare humanum est, perseverare diabolicum. Vous persévérez, madame, et c'est moi qui récupère le bébé, si j'ose m'exprimer ainsi. (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Peut-on parler latin dans l'hémicycle ?
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Ce n'est pas interdit par la loi !
Mme Joëlle Dusseau. M. Toubon ne serait pas d'accord. C'est une langue étrangère !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Et l'ordonnance de Villers-Cotterêts ?
M. le président. Revenons-en à l'amendement, s'il vous plaît !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Vous ne serez pas étonnée que la commission des affaires sociales soit défavorable à votre proposition, madame Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis plus qu'étonnée, surtout vous connaissant !
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. La femme a le droit de lever le secret quand elle le veut. Il en a été décidé ainsi.
Mme Joëlle Dusseau. Mais elle n'a pas le droit de donner des renseignements identifiants dès la naissance de l'enfant.
M. le président. M. le rapporteur pour avis a seul la parole.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Elle a le droit de le faire par la suite.
Vous nous remettez le couvert, si j'ose m'exprimer ainsi, en proposant d'instaurer une instance de médiation pour l'accès aux informations. Or ce n'est pas possible.
Aussi l'avis de la commission des affaires sociales est-il deux fois défavorable. Je n'entrerai pas dans une casuistique en ce qui concerne l'anonymat et le secret, car cela retiendrait trop longtemps l'attention de nos collègues.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. la parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Nous sommes évidemment tout à fait favorables à l'amendement de Mme Dusseau, car on peut se demander qui l'on protège véritablement par ce texte : les intérêts d'enfants adoptés qui veulent essentiellement savoir un jour pourquoi ils ont été abandonnés, car tel est leur traumatisme fondamental, ou l'homme qui, lui aussi, a abandonné l'enfant ?
Je me demande si ce n'est pas celui-ci que l'on protège fondamentalement en imposant cet anonymat, plus que la mère.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je vais m'abstenir car je crois qu'il y a une contradiction entre le fait de dire que l'on peut demander le secret et laisser des renseignements identifiants, étant entendu que les renseignements identifiants ne peuvent être communiqués que si on a levé le secret. Dans la mesure où la mère a la possibilité de lever ce secret, en même temps elle donne des renseignements identifiants.
En outre, je ne suis pas favorable à l'intervention d'un médiateur ; les services des DDASS sont tout a fait capables de conserver les renseignements laissés par la mère.
Certes, les enfants doivent pouvoir consulter les renseignements qui existent, mais il ne faut pas jouer avec les mots ; il y a vraiment contradiction entre le secret et les renseignements laissés car si la mère ne lève pas le secret, tout cela ne sert à rien.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 28 A