M. le président. Par amendement n° 16, MM. Chérioux, Michel Mercier, de Raincourt et Paul Girod proposent d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 995 du code général des impôts est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les contrats d'assurance dépendance. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. En mettant au point cette prestation spécifique dépendance, nous nous réjouissons tous de participer à un geste de solidarité envers les personnes âgées.
Cependant, évitons de faire en sorte que la solidarité ne devienne de l'assistanat généralisé. Je pense que nous sommes nombreux à partager ce point de vue, qu'il s'agisse des membres de cette assemblée ou du Gouvernement, notamment de M. le ministre du travail et des affaires sociales.
Par conséquent, il me semble bon de prévoir des mesures de nature à encourager ceux qui veulent assumer eux-mêmes leur propre dépendance.
Dans cet esprit, nous proposons que les rentes engendrées par des contrats d'assurance dépendance soient neutralisées dans le calcul des ressources de la personne qui prétend au bénéfice de la prestation spécifique dépendance.
Mais il faut aller plus loin. A maintes reprises et sur de nombreuses travées a été évoqué le cas des classes moyennes, notamment à propos de la récupération sur succession, sujet qui, apparemment, a suscité plus d'intérêt que d'autres à gauche de cet hémicycle...
Indiscutablement, le plafond étant ce qu'il est, un problème peut se poser pour les classes moyennes. Il me semble donc nécessaire d'ajouter au texte une mesure de nature à répondre aux aspirations des classes moyennes en matière de couverture du risque dépendance.
A cette fin, l'objet de l'amendement n° 16 est d'exonérer de la taxe sur les assurances les cotisations de tous les contrats d'assurance dépendance, individuels ou collectifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'amendement de notre collègue, M. Chérioux est tout à fait intéressant.
Il est vrai que les classes moyennes pourraient être considérées un peu comme les parents pauvres du dispositif. Mais il fallait bien, en la matière, faire preuve de la plus grande prudence : on ne pouvait pas partir tête baissée dans une direction sans en connaître toutes les implications. Lorsque nous avons commencé à travailler sur le projet de loi précédent, nous nous sommes aperçu que l'ensemble des experts n'étaient pas d'accord entre eux sur le nombre de personnes potentiellement éligibles au bénéfice de la prestation spécifique dépendance, notamment de celles qui appartiennent aux classes moyennes.
On aurait pu aboutir à un dispositif qui aurait certainement explosé, au niveau des coûts.
La proposition de loi qui a été déposée vise à franchir une première étape dans la bonne direction.
Au demeurant, à travers l'adoption de plusieurs amendements, vous avez accepté, mes chers collègues, des dispositions qui prendront en considération, pour partie, la situation des classes moyennes.
Ainsi, un article prévoit d'assurer un minimum vital à la personne qui, son conjoint ou son concubin étant placé en établissement, doit consacrer la totalité des ressources du couple au paiement de la maison de retraite.
La neutralisation des rentes viagères, que nous avons décidée dans un autre article, va également dans le même sens que la proposition de notre collègue M. Chérioux.
Celle-ci pourrait être intégrée dans le texte si le Gouvernement en était d'accord. Quoi qu'il en soit, la mise en place d'un dispositif encourageant l'assurance personnelle pour couvrir ce risque est certainement une voie dans laquelle il nous faudra nous engager à l'avenir. Cela permettra de répondre de manière pertinente et concrète à la situation d'un certain nombre de personnes.
Une telle solution semble particulièrement adaptée si l'on considère - cette affirmation est toutefois à prendre avec prudence - qu'un enfant sur deux qui naissent aujourd'hui a de fortes chances de devenir centenaire. Cela signifie qu'un grand nombre de personnes âgées risquent de se trouver dans une situation de dépendance dans environ un siècle, même si, au fil des ans, les progrès de la médecine permettent de réduire le temps de dépendance.
Par conséquent, il faudra absolument compléter le dispositif que nous avons prévu, lequel vise essentiellement à faire jouer la solidarité au profit des personnes les plus démunies et les plus dépendantes. Mais le système n'est pas figé ; il progressera avec le temps. Le texte que nous allons adopter doit autoriser cette possibilité d'évolution.
La commission donne un avis favorable sur l'amendement de M. Chérioux, et elle attend avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre, les explications que vous allez nous donner sur ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je ne peux que me rallier aux explications de M. le rapporteur, qui montrent bien quels progrès nous accomplissons.
Se pose toutefois, c'est vrai, le problème des familles qui ne pourront pas bénéficier de ce dispositif. Même si la prestation est appelée à évoluer, même si les plafonds de ressources sont relevés, certaines catégories de Français demeureront inéligibles au bénéfice de la prestation.
C'est la raison pour laquelle la démarche que vous suggérez, monsieur Chérioux, a tout à fait sa justification : il faudra bien encourager les systèmes d'assurance complémentaire. Le problème est de savoir quel mode d'incitation adopter. La déduction fiscale pourrait en être un. Vous proposez une exonération de la taxe sur les assurances. Il faudra évidemment évaluer le coût budgétaire des différentes options envisageables.
Vous le savez, un ministre des affaires sociales a toujours à ses côtés non seulement des spécialistes des questions sociales, bien sûr, mais aussi un fonctionnaire du ministère du budget, qui est là notamment pour lui rappeler, au moment décisif, pour le cas où, saisi par le charme et la qualité d'une intervention telle que la vôtre, monsieur Chérioux, il serait tenté de l'oublier, qu'il ne lui appartient pas d'alléger subrepticement la fiscalité. (Sourires.)
Au demeurant, ayant été président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, je sais que la Constitution ne nous permet pas de créer ainsi des dépenses supplémentaires.
Voilà pourquoi, monsieur Chérioux, je suis malheureusement conduit à vous prier de retirer votre amendement : nous ne pouvons en aucun cas l'accepter compte tenu des règles auxquelles nous sommes soumis.
Cela dit, je puis vous assurer que je me ferai, au sein du Gouvernement, l'écho du problème que vous avez soulevé. Je crois, en effet, qu'il faut faire en sorte que des systèmes d'assurance puissent venir compléter le dispositif que nous mettons en place.
D'ailleurs, le Gouvernement s'est engagé également dans une démarche qui conduit à l'épargne retraite. Le moment est venu de réfléchir globalement à ces incitations à souscrire un certain nombre d'assurances complémentaires. Celles-ci doivent trouver tout naturellement leur place dans une France qui, ainsi que le disait M. Vasselle à l'instant, va devoir gérer le problème du grand âge sur une échelle qui sera sans commune mesure avec celle que nous avons connue jusqu'à présent.
En conclusion, monsieur Chérioux, je trouve votre démarche judicieuse, mais je ne peux vous donner satisfaction en l'état actuel des choses.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le ministre, il est clair que l'amendement de M. Chérioux indique une direction. Cette direction, nous souhaitons voir le Gouvernement l'emprunter.
Vous vous rappelez sans doute tout le combat que nous avons mené pour accorder un avantage fiscal à l'épargne handicap. Dieu sait si l'on nous a alors objecté que cela créait un précédent et que nous allions ainsi ruiner les caisses publiques ! Mais nous avons atteint notre but, au prix d'une certaine obstination, et des parents d'enfant handicapé peuvent aujourd'hui constituer une épargne leur donnant l'assurance que, lorsqu'ils auront disparu, leur enfant disposera d'un capital. On le sait, c'est en effet un problème très douloureux pour nombre de familles qui comptent un enfant handicapé.
De même, nous souhaitons mettre en place, à l'occasion de la réflexion sur l'épargne retraite, qui fera l'objet de l'un de nos très grands débats, un dispositif allant au-delà même de l'exonération de la taxe sur les contrats d'assurance que propose M. Chérioux. Il est effectivement nécessaire de permettre à des gens d'âge moyen, ou même d'un âge déjà un peu plus avancé, de souscrire des assurances volontaires.
Car il ne faut pas, monsieur le ministre, que nous continuions à donner aux Français l'impression que nous mettons en place uniquement des systèmes d'assistance. (Marques d'approbation sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
C'est parce qu'il existe beaucoup trop de systèmes d'assistance, parce que nous avons mis en place des mécanismes sans fin qui sont autant de puits sans fond, que nous rencontrons aujourd'hui des difficultés pour équilibrer les comptes de nos régimes sociaux.
Il faut donc, chaque fois que cela est possible, combiner le système d'assistance, qui est un filet de sécurité, et un système d'assurance permettant à chacun de se constituer un capital pour faire face à un certain nombre d'aléas.
De même que nous avons adopté un amendement excluant du calcul des ressources les rentes viagères, ce qui favorise les personnes ayant opté pour la constitution d'une telle rente, il convient que, dans le cadre général de l'examen de l'épargne retraite, l'épargne dépendance fasse l'objet d'un traitement particulier.
Certains régimes de retraite ont déjà créé des dispositifs de ce genre. Je pense notamment à celui de la SNCF.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. L'AGIRC également !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. En effet !
Ainsi, des systèmes d'épargne dépendance permettent de garantir aux personnes entrant en établissement des paiements mensuels relativement importants.
Tous ces systèmes doivent être coordonnés et bénéficier d'un avantage fiscal.
S'agissant de celui que propose M. Chérioux, je comprends bien que, dans la conjoncture actuelle et compte tenu des principes qui régissent le débat parlementaire, vous ne puissiez pas l'accepter, monsieur le ministre. Mais je vous demande de vous faire notre avocat auprès du Gouvernement. Pour que le système soit complet, outre le filet de sécurité qu'est l'assistance, il doit y avoir un système d'assurance de plus en plus généralisé.
Nous savons tous - les tables démographiques sont très claires - que le phénomène de la dépendance ne peut que s'amplifier.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Il faudra donc beaucoup d'argent pour traiter dignement les personnes âgées, quels que soient leur activité passée, le niveau de leurs revenus ou de ceux de leurs enfants.
Aidez-nous, monsieur le ministre, à obtenir ce complément, qui est essentiel pour tous ceux qui sont au-delà des mécanismes d'assistance.
M. le président. Monsieur Chérioux, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux. Monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, ma démarche visait essentiellemment à attirer l'attention sur la nécessité de prendre des mesures fiscales en faveur de cette épargne dépendance. J'avais retenu le mécanisme de la détaxation des contrats d'assurance, mais il s'agissait uniquement, dans mon esprit, de « marquer le coup ».
Ainsi, en déposant cet amendement, j'ai simplement voulu, en quelque sorte, semer le grain. A en juger par votre réaction et par l'intervention de M. le président de la commission des affaires sociales, j'ai l'impression que ce grain a été semé dans la bonne terre.
Je le sais, pour que le grain porte fruits, il faut d'abord qu'il meure. C'est pourquoi je retire mon amendement. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Chérioux, nous veillerons à ce que l'hiver ne soit pas trop long ! (Nouveaux sourires.)
Je crois qu'il faut vraiment habituer nos compatriotes à anticiper.
Mme Michelle Demessine. Encore faut-il qu'ils en aient les moyens !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Nous savons maintenant que chaque enfant qui naît a devant lui une espérance de vie très longue, et donc une longue fin de vie. Il est naturel que, dans une société où chacun doit se prendre un peu en charge, chacun sache aussi se préparer à un voyage beaucoup plus long, qui peut être d'autant plus passionnant jusqu'au bout que l'on a pris les précautions nécessaires.
Cela signifie aussi qu'il nous faudra nous appliquer à former nos petits-enfants à une hygiène et à une prévention scrupuleuses de manière que cet allongement de la vie ne soit pas acquis au détriment de leur qualité de vie.
Je serai donc l'avocat de la cause que vous défendez, monsieur Chérioux, car je suis convaincu qu'elle est tout à fait juste.
M. le président. Par amendement n° 51, Mme Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis, MM. Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 21, d'insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« Les dépenses annuelles supplémentaires par rapport au montant de celles engagées par la présente loi, pendant les trois premières années d'application, et notamment celles correspondant à l'instruction des dossiers d'attribution, à la gestion et au service de la prestation dépendance, sont prises en charge par un fonds national pour l'autonomie des personnes âgées dépendantes.
« Ce fonds est alimenté à due concurrence par une contribution sociale à laquelle est assujetti l'ensemble des revenus financiers provenant des titres émis en France et dont le taux est déterminé chaque année par décret. Les livrets d'épargne populaire, les livrets A et les livrets bleus des caisses d'épargne, les comptes d'épargne logement en sont exonérés ainsi que, pour cinq ans, les plans d'épargne courants ouverts avant la promulgation de la présente loi. »
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Les auteurs de cette proposition de loi ont voulu une prestation spécifique limitée aux personnes cumulant la plus grande pauvreté et la plus grande dépendance.
Ils ont également prévu de récupérer une partie des sommes versées sur les successions des bénéficiaires.
Leur objectif est d'encadrer la dépense publique plutôt que d'offrir une véritable prestation de solidarité nationale au plus grand nombre, voire à toutes les personnes âgées dépendantes.
Cependant, ils ont voulu un dispositif à caractère provisoire, qui pourrait être complété par décret afin de tenir compte des évolutions futures.
Or il nous semble que le texte ne comporte aucune disposition qui soit de nature à dégager les importants moyens financiers qu'appelle la montée en puissance de la dépendance des personnes âgées dans les prochaines années.
Je rappelle que ce texte va susciter des dépenses nouvelles pour les départements, qui devront instruire, contrôler et gérer les demandes de prestation. Même dans le cas où ce travail sera effectué par les organismes de sécurité sociale, il faudra bien que les départements en assument le coût.
La fiscalité locale étant devenue trop lourde, une nouvelle hausse serait jugée inacceptable, d'autant que cette fiscalité n'est pas assise sur les revenus. Nous recevons actuellement les feuilles d'impôts locaux, et je connais beaucoup de foyers modestes, voire des foyers à revenus moyens, pour qui la somme à verser globalement au titre des deux impôts oscille entre 7 000 francs et 10 000 francs.
Dans ces conditions, il est absolument nécessaire de mettre en place un dispositif financier destiné à couvrir les charges supplémentaires occasionnées par ce texte aux budgets départementaux, du fait d'un accroissement rapide du phénomène de la dépendance des personnes âgées.
C'est tout le sens de notre proposition consistant à assurer ce financement à partir d'une contribution sociale appliquée à l'ensemble des revenus financiers provenant des titres émis en France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne pouvons pas suivre Mme Demessine, et ce pour trois raisons.
Premièrement, ce texte n'a pas un caractère définitif. Nous avons rappelé avec beaucoup d'insistance, et M. le ministre l'a fait au début de son examen que nous posons là les principes de base essentiels sur lesquels va s'appuyer la prestation autonomie ; quant aux modalités, elles sont appelées à évoluer dans le temps.
Deuxièmement, la prestation pour les conseils généraux sera pratiquement à coût constant si on la compare à ce que leur coûte actuellement l'allocation compensatrice pour tierce personne. Les conditions d'éligibilité à la prestation spécifique dépendance sont pratiquement les mêmes, à la différence près que le recours sur succession peut avoir effectivement un caractère dissuasif. Au mieux, pour les conseils généraux, si l'on fait une analyse en termes de coût, la situation sera identique, voire meilleure.
Troisièmement, en ce qui concerne les frais de gestion eux-mêmes, l'expérience que nous avons menée dans les douze départements nous montre que les conseils généraux ont réussi, en liaison avec les caisses régionales d'assurance maladie, à les maîtriser sans aucune difficulté grâce à un redéploiement de moyens à l'intérieur des services soit du département, soit des caisses régionales, sans que cela ait entraîné de surcoût important.
Toutes les conditions sont donc réunies dans ce texte pour que je puisse dire à Mme Demessine que ses inquiétudes ne sont pas fondées actuellement, sachant que ce texte évoluera dans le temps, un temps que je souhaite moi-même le plus court possible en fonction des possibilités financières de notre pays. Voilà pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je ne vais pas compléter l'excellent argumentaire de M. le rapporteur, que je fais mien. Le Gouvernement ne peut, pour les mêmes raisons que la commission, accepter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51.
M. Roland Huguet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Je ne sais pas si le coût sera constant, monsieur Vasselle, mais ce que je sais en revanche, comme nous tous ici, c'est qu'en définitive il y aura quand même un certain transfert de charges, ne serait-ce que parce que les départements auront à assumer les frais de fonctionnement des COTOREP. Sur ce point, Mme Demessine a raison.
Quant aux modalités de financement de ce transfert, c'est une autre affaire.
J'aurais souhaité tout à l'heure répondre à la fois à la commission et au Gouvernement, mais M. Chérioux a retiré l'amendement n° 16. Je précise donc maintenant que nous sommes, nous aussi, tout à fait d'accord pour dire qu'il faut porter une attention toute particulière aux classes moyennes. Elles paient l'impôt sur le revenu et contribuent ainsi à la richesse de notre pays mais, souvent, elles n'ont guère de bénéfice à attendre des différentes mesures qui sont prises. Nous étions assez favorables à l'amendement n° 16. J'ai noté avec intérêt que M. Fourcade, dans son intervention, reprenait certains des points que j'avais moi-même développés dans la discussion générale et qui, alors, n'avaient pas semblé susciter son adhésion. Tant mieux, donc, si nous aboutissons maintenant à un accord !
Reste que la commission a une opinion à géométrie variable. Chaque fois que nous proposons des amendements qui, certes, risquent d'accroître quelque peu les dépenses, on nous oppose la rigueur. Or, de cette rigueur, il n'a pas été question pour l'amendement n° 16 ! On a simplement évoqué la nécessité de prendre des dispositions en faveur des classes moyennes, ce que nous approuvons bien évidemment. J'attendais moi aussi la réponse de M. le ministre : lui au moins n'a pas une position à géométrie variable dans la rigueur, même s'il a pris de nombreuses précautions. (Sourires.) Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je comprends d'autant plus le souci de Mme Demessine qu'un amendement relatif au transfert de charges, mais issu d'autres groupes avait été retiré en commission.
Mes chers collègues, nous venons d'avoir un débat essentiel quant à la philosophie de cette proposition de loi. J'ai entendu tout à l'heure M. Chérioux craindre que le solidarité ne dégénère en assistanat généralisé. Nous sommes, certes, avec ce texte au coeur de l'aide sociale, mais l'expression me gène un peu, pour ne pas dire beaucoup.
L'article 1er, même s'il commence par des termes dont je regrette l'insertion, est clair, puisqu'il précise que toute personne « remplissant des conditions d'âge, de degré de dépendance, de durée de résidence et de ressources, a droit... ». Nous avons donc voulu travailler au niveau du droit et non pas uniquement au niveau de l'assistanat.
J'ai tenu à relever les propos de notre collègue car, au-delà de nos votes, nous avons tous la même crainte. Je m'explique : du fait du plafond de ressources qui a été retenu, le nombre de bénéficiaires sera limité.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela coûtera moins cher ; il y aura moins de frais de gestion, puisqu'il y aura moins de bénéficiaires ! Mme Joëlle Dusseau. On sent bien qu'il y a dans l'air cette idée que les personnes suffisamment aisées pourraient se payer une assurance dépendance, dont le coût risque d'être très élevé si l'on en juge par le coût actuel de la dépendance. Quel sera donc le sort de toutes les personnes qui dépasseront le plafond de ressources, en l'occurrence très bas, mais qui n'auront tout de même pas les moyens dans l'avenir de souscrire une telle assurance ? La question est posée, mais rien dans ce texte ne permet d'y répondre.
Voilà pourquoi, contrairement à M. le ministre, qui se félicitait tout à l'heure du progrès accompli, pour ma part, je crains fort qu'il ne s'agisse d'un progrès à reculons !
M. Jean Chérioux. Vive l'assistance généralisée !
Mme Joëlle Dusseau. Vive le droit généralisé, mon cher collègue !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22