M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. A l'issue des travaux de notre assemblée sur la proposition de loi créant une prestation spécifique dépendance, je dois malheureusement confirmer la plupart des critiques que nous avons formulées sur ce texte.
Contrairement à ce que l'on veut laisser croire, nous sommes à mille lieues de la prestation d'autonomie pour personnes âgées promise par le président Chirac. Cette prestation-ci n'est pas en rapport avec les défis auxquels nous sommes confrontés. Un véritable débat de société sur la question des personnes âgées dépendantes reste à mener. Nous pensons qu'une nation se déshonore quand elle exclut de la solidarité nationale les personnes les plus âgées.
Il s'agit, en fait, d'une prestation « au rabais » loin de répondre aux besoins des personnes âgées qui vivent très difficilement leur perte d'autonomie.
Cette prestation spécifique dépendance constitue un recul. Donc, une politique mettant en oeuvre une véritable solidarité nationale en faveur des plus âgées et des plus handicapés reste à définir.
Ce texte est, en réalité, une réponse aux présidents de conseils généraux, dont les dépenses d'aide sociale ont explosé au cours de ces dernières années. Compte tenu du niveau extrêmement bas du plafond de ressources retenu pour l'obtention de cette prestation, seuls les plus démunis, ceux qui conjuguent extrême dépendance et revenus très faibles pourront en bénéficier. Il s'agit donc d'une prestation a minima .
Des centaines de milliers de personnes à revenu modeste, mais surtout moyen, seraient donc exclues et se verraient condamner, comme le propose la majorité de droite, à recourir aux assurances privées.
Une fois de plus, la solidarité nationale s'estompe.
En fait, on procède à un redéploiement des dispositifs existants afin de limiter au minimum toute dépense nouvelle.
En outre, nous ne pouvons accepter qu'un recours sur succession puisse être effectué sur les bien transmis par héritage ou sur les donations supérieures à 300 000 francs, et cela avec un délai renforcé sur dix ans.
On voudrait que certaines personnes âgées qui, au prix parfois de grands sacrifices consentis une vie durant, ont pu acquérir un logement ou une maison, renoncent à bénéficier de la nouvelle prestation spécifique de peur de voir leurs héritiers spoliés de leur bien qu'on ne s'y prendrait pas autrement !
Pour leur part, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont formulé, tout au long de ces débats, d'autres propositions.
Nous persistons dans l'expression de la solidarité nationale par la création d'un cinquième risque. Des moyens existent : tout récemment, le Gouvernement a décidé de recapitaliser le groupe Thomson à hauteur de 11 milliards de francs pour le vendre au franc symbolique à Matra et à un groupe sud-coréen.
M. Charles Descours. Il ne fallait pas nationaliser, bien sûr !
M. Guy Fischer. Pour cela, l'argent existe !
Cette proposition de création d'un cinquième risque et d'une organisation différente de la prestation est soutenue par la plupart des associations et des organisations de retraités, qui demandent l'institution d'une allocation de solidarité nationale gérée par la sécurité sociale, sans condition de ressources ni recours sur succession, et attribuée aux personnes dépendantes vivant à domicile ou hébergées en établissement.
D'ailleurs, ce texte suscite de vives critiques dans des milieux très différents. Il semblerait que nous soyons les seuls à les entendre.
Je citerai le quotidien Les Echos. Il n'est pas de meilleure lecture, si l'on veut montrer que les critiques viennent de toutes parts...
M. Henri de Raincourt. Que L'Humanité ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Il y a L'Humanité et Les Echos ! ( Exclamations et rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Il y a aussi la Bible !
M. Guy Fischer. Je lis, dans le numéro des Echos daté du 8 octobre 1996, sous le titre : « Baisse de charges et de cotisations : le CNPF engage une bataille tous azimuts », que la branche vieillesse n'échappe pas à la vigilance du patronat : « Ainsi, en coulisses, le CNPF combat la proposition de prestation d'autonomie pour les personnes âgées que défendent les sénateurs et le Gouvernement. Il craint, en effet, qu'un développement non maîtrisé des besoins d'assistance du quatrième âge dépendant ne se traduise, à terme, par une hausse des prélèvements demandés aux employeurs. »...
M. le président. Monsieur Fischer, je ne puis vous laisser lire tout le journal, vous avez déjà dépassé les cinq minutes qui vous étaient imparties. ( Sourires. )
M. Henri de Raincourt. Dommage !
M. Michel Mercier. Il faut lire Les Echos !
M. Guy Fischer. Pardonnez-moi, monsieur le président, je termine.
Pour notre part, nous proposions de financer cette nouvelle dépense par un prélèvement sur les revenus financiers.
Certes, des promesses ont été faites. Une avancée, la seule qui soit concrétisable et traduise un engagement de l'Etat, est la création de 7 000 lits de section de cure médicale en 1997 puis de 7 000 autres en 1998.
Pour ce qui concerne les soins à domicile, M. le ministre a été plus nuancé puisqu'il propose d'étaler la création des places de soins sur près de huit ans, avec une première tranche de 500 lits...
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Huit ans ?...
M. le président. Il faut conclure, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Cependant, le grand problème qui demeure est celui de la réforme de la tarification. Aucune réponse n'a été apportée, le flou le plus complet règne.
En conclusion, la prestation spécifique dépendance n'est que la version light, la version « Canada dry » de la prestation d'autonomie (Protestations sur les travées du RPR) promise par le candidat Jacques Chirac et qui devait apporter une bouffée d'oxygène aux finances des départements. C'est un véritable recul, notamment à cause de la limitation du nombre des ayants droit à 200 000 ou 300 000, un simple « replâtrage » de la loi de 1975.
En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen est contraint de voter contre l'ensemble de la présente proposition de loi.
M. Alain Vasselle, rapporteur. « Contraint » de voter !
M. le président. La parole est à M. Ballayer.
M. René Ballayer. J'ai le regret de dire qu'à mon sens cette proposition de loi manque d'un grand souffle : celui de la véritable solidarité, si chère à M. Chirac. Mais je suis persuadé que M. Barrot, par son intelligence et ses qualités de coeur, saura y apporter les retouches nécessaires.
Dans cette perspective, je ne voterai pas contre la proposition de loi ; je m'abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
Mme Joëlle Dusseau. M. Gournac s'abstiendra également ? (Sourires.)
M. Guy Fischer. Ça m'étonnerait !
M. Alain Gournac. Certainement pas, surtout après ce que je viens d'entendre !
Mme Joëlle Dusseau. Dommage !
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'excellent rapport de notre collègue Alain Vasselle, qui décrit notamment les besoins des personnes âgées dépendantes et l'état des finances sociales des départements, démontre à quel point il était indispensable de prendre l'initiative de déposer la proposition de loi que nous avons examinée ces trois derniers jours.
L'objectif qui a guidé les travaux de la commission a été d'apporter une première réponse aux besoins des personnes âgées dépendantes les plus lourdement touchées et les plus démunies, étape essentielle en attendant que la conjoncture économique nous permette de mettre en place une prestation pérenne.
Le texte initial, déposé au mois de juillet de cette année, a été largement modifié et amélioré grâce au travail exemplaire de notre rapporteur et de la commission. Les quelques modifications adoptées par la Haute Assemblée sont venues perfectionner cette proposition de loi qui m'apparaît équilibrée et comporte les garde-fous nécessaires pour éviter à la prestation spécifique dépendance les dérives auxquelles avait donné lieu la gestion de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
Je souhaite mettre en exergue les dispositions relatives à la consultation du maire dans la procédure d'attribution. Il s'agit d'une très bonne initiative, qui permettra de replacer le maire au centre de notre dispositif social. La même attitude devrait être adoptée pour le revenu minimum d'insertion.
Je veux également relever l'intérêt des dispositions relatives à la modulation plus souple, de 0 % à 100 %, du montant de la PSD, qui permettra de prendre en compte la grande dépendance, à la mise en place d'un recours sur succession, élément important du dispositif, ainsi qu'à la réforme de la tarification.
Enfin, ce texte permettra de créer de nombreux emplois, comme M. Fourcade l'a souligné dans son intervention lors de la discussion générale. Or, cet objectif doit nous guider à chaque instant.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera cette proposition de loi telle qu'elle ressort des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Au cours de nos débats, M. le ministre a dit que les meilleures réformes étaient celles qui affichaient les ambitions les plus modestes. Convenons que, sur le plan de la modestie, nous sommes servis !
En ce qui concerne les résultats des réformes engagées par le biais de cette proposition de loi, j'avoue que je suis plus réservée : à l'issue de nos discussions, nous avons acquis la certitude qu'il n'y aura certainement pas de grands changements pour les personnes âgées dépendantes. Quelles dispositions dans cette proposition de loi les concerneront directement ?
La prestation spécifique dépendance sera versée en nature et non plus en espèces. Nous avons salué cette amélioration qui permet un recentrage de la prestation autour de son objectif et qui aura un impact sur la création d'emplois.
M. Emmanuel Hamel. Vous en convenez, c'est bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous ne partageons toutefois pas l'optimisme de M. le ministre : des emplois seront sans doute créés, mais certainement pas au nombre de 50 000 !
Deuxième point de satisfaction : le droit de la personne âgée à percevoir cette prestation est affiché, qu'elle soit maintenue à domicile ou placée en établissement. Mais, après tout, il ne s'agit que de la réaffirmation d'un droit qui existait déjà, mais que certains - trop nombreux - avaient tendance, en toute illégalité, à oublier.
La référence à une grille nationale afin d'évaluer le niveau de dépendance est une autre initiative heureuse. Nous souhaitions cette réforme. Subsiste tout de même un certain flou autour de la prise en compte des critères environnementaux, lesquels ne sont pas du tout précisés. Il est vrai aussi - cela a été souligné au cours du débat - que, si nous n'y prenons garde, le bénévolat en faveur des personnes âgées pourrait pâtir de cette réforme.
Satisfaction encore avec le début - le tout début - de définition du principe d'une réforme de la tarification dans les établissements, réforme attendue par tous les directeurs d'établissement.
En revanche, pouvons-nous nous féliciter de l'émergence d'une véritable définition de la politique de prise en charge de la dépendance chez les personnes âgées ? M. le rapporteur, M. le ministre, M. le président de la commission ont balayé d'un revers de main toute tentative d'intégrer cette politique dans une perspective de solidarité nationale en invoquant des considérations financières. Les différents groupes de l'opposition ont fait des propositions ; chaque fois, elles ont été repoussées avant même d'avoir été examinées.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cette proposition de loi fonderait un dispositif durable. Son aspect transitoire aurait donc complètement disparu alors même qu'il est contenu dans son titre ?
Il était d'emblée évident que la loi persisterait. Elle s'inscrit, hélas ! dans la logique qui fait reposer l'assistance et l'aide sociale sur les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les départements et, on l'oublie trop souvent, les municipalités, sans engagement supplémentaire de l'Etat, si ce n'est, mais c'est bien la moindre des choses, son engagement à financer sur deux ans 14 000 lits de section de cure médicale, et, très modestement, 500 des 4 000 places de soins à domicile.
Le débat aura donc eu le mérite de clarifier votre position, monsieur le ministre, et nous saurons le 22 octobre comment la perçoivent les retraités, qui ont l'intention de se mobiliser.
La proposition de loi permettra-t-elle d'élargir le champ d'intervention de l'aide sociale ? Non. Malgré nous, les plafonds de ressources restent inchangés, et les ménages à revenus moyens demeurent donc exclus du dispositif, à charge pour eux de faire preuve de prévoyance.
Plus insidieux, le recours sur succession aura certainement un effet dissuasif.
Par ailleurs, le montant de la prestation n'augmentera pratiquement pas, sauf pour les cas de très grande dépendance. En outre, nous n'avons aucune indication précise quant à l'utilisation des fonds aujourd'hui consacrés à l'aide ménagère.
M. le président. Il vous faut conclure, madame Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Un instant, monsieur le président.
M. le président. C'est vous qui choisissez, si je comprends bien ! (Sourires.) Je vous demande de conclure.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. A l'instant, monsieur le président !
Ne vous étonnez pas que nous soyons un certain nombre dans cet hémicycle à critiquer ces dispositions parfois injustes mais surtout trop modestes face à l'ampleur du problème de société qu'est devenue la dépendance du troisième âge et, plus encore, du quatrième âge.
Ne vous étonnez pas non plus de la grande déception que suscitera ce texte, pour les personnes âgées, leur famille et les intervenants au regard des engagements pris par M. le Président de la République avec le battage médiatique que l'on sait.
M. Alain Gournac. C'est long, c'est trop long !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste souhaitait contribuer à l'émergence d'une véritable politique de prise en charge de la dépendance. Cela n'a pas été le cas : nous avons assisté au « replâtrage » de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Nous voterons donc contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon explication de vote sera, vous vous en doutez, sensiblement différente de celle de Mme Dieulangard.
M. Guy Fischer. Ça ne nous étonne pas !
M. Henri de Raincourt. Je fais en effet partie de ceux qui, dans cet hémicycle, considèrent qu'il est assez navrant de présenter la proposition de loi instituant une prestation spécifique dépendance comme un texte assez misérable, assez injuste, en recul par rapport aux textes en vigueur.
Il me semble au contraire que ceux qui sont à l'origine de cette proposition de loi comme ceux qui ont participé aux débats ont montré d'une manière claire la direction, les étapes que nous pouvions gravir et les limites infranchissables en raison des contraintes financières qui pèsent sur les comptes publics.
C'est donc un langage de responsabilité qui a été tenu dans cette enceinte. Or responsabilité et solidarité ne sont pas contradictoires. Le recul, cela aurait été de laisser perdurer le système actuel, dont on connaît les dévoiements, ...
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Henri de Raincourt. ... système dans lequel une partie des allocations étaient « stérilisées » parce qu'affectées à des fins sans rapport, direct ou indirect, avec le traitement de la dépendance.
MM. Jean Chérioux et Alain Gournac. Très bien !
M. Henri de Raincourt. A l'issue de l'examen de cette proposition de loi, le Sénat peut être satisfait et de la teneur du débat et des perspectives qu'il ouvre pour l'avenir.
On ne peut pas, quand on est un élu responsable, laisser miroiter à ses compatriotes des rêves encore hors d'atteinte.
On peut certes discuter du principe du « cinquième risque » - la discussion est ouverte - mais il faut prendre garde à ne pas envoyer les gens dans la rue ...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ils y sont allés tous seuls !
M. Henri de Raincourt ... en leur faisant espérer des changements qui ne se produiront pas.
Dans l'état actuel des choses, le « cinquième risque » serait financé par une taxation sur les revenus financiers. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, monsieur Fischer, cela conduirait à une fuite des capitaux, à un appauvrissement de notre pays et à un affaiblissement de la politique sociale en faveur des plus démunis. La seule solution consisterait à instaurer une taxation supplémentaire auprès des retraités, que vous prétendez défendre.
La solution que nous avons adoptée me semble de bon sens, car elle s'ouvre sur l'avenir. Monsieur le ministre, je souhaite vivement que, lorsque le débat se déroulera à l'Assemblée nationale, vous veillerez à l'équilibre de ce texte, qui résulte bien de la discussion qui s'est instaurée dans cette enceinte.
En conclusion, le groupe des Républicains et Indépendants votera bien évidemment cette proposition de loi et il demande un scrutin public. Ainsi, nous verrons de quel côté se trouvent - excusez ma formule - les réformateurs, d'une part, et les conservateurs, d'autre part ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Guy Fischer. L'argent va toujours à l'argent !
M. Henri de Raincourt. Nous verrons où sont ceux qui ont toujours peur que le ciel leur tombe sur la tête chaque fois qu'il est question de changement et ceux qui veulent une modernisation de la politique sociale pour faire face aux nouveaux besoins de nos concitoyens !
Pour moi, cette proposition de loi a une vertu : elle permettra peut-être d'ouvrir la voie vers une nouvelle politique sociale dans laquelle, grâce à une meilleure concertation entre l'ensemble des acteurs, on voudra bien faire confiance aux acteurs locaux au lieu que les décisions soient prises par d'autres, les financeurs étant toujours les mêmes, à savoir les collectivités locales. Eh bien ! changeons cet état d'esprit. Vous vous apercevrez que l'on pourra beaucoup mieux aider nos concitoyens qui en ont besoin, dans des conditions financières marquées par la rigueur et la responsabilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter a été déposée dans l'attente du vote d'une loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes. Estimant que cette proposition de loi, à l'origine de laquelle sont le président Fourcade et la commission des affaires sociales, constitue une avancée importante vers la solution du problème de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen la votera.
Je tiens à souligner la qualité des travaux du président Fourcade et du rapporteur, et je me permets de les en féliciter et de les en remercier. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je m'exprime au nom de la minorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, à savoir les sénateurs radicaux-socialistes.
Mes chers collègues, ma position a évolué au cours de ce débat, et dans le mauvais sens. Après les réunions en commission, après avoir travaillé sur ce sujet qui nous tient tous à coeur, j'avais, au début du débat, envisagé de m'abstenir lors du vote sur l'ensemble de cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons très simples.
Il était effectivement urgent de prendre en compte la notion de dépendance de la personne âgée, afin de séparer ce qui relève du handicap de ce qui est lié à la dépendance due au vieillissement. Ce texte y répond. De plus, il me paraissait nécessaire - j'ai travaillé longtemps aux affaires sociales d'un département - de pouvoir constater l'effectivité de l'aide. Cela me semble très important.
Par ailleurs, certains points me gênaient, j'ai eu l'occasion de le dire dans le débat, notamment lorsque j'ai défendu mes amendements.
Compte tenu du point qui me paraissait positif et des points qui me gênaient, je me serais sans doute abstenue lors du vote. Ce qui a modifié profondément ma position et va conduire mes amis et moi-même à voter contre ce texte, c'est le débat sur le caractère transitoire.
Si cette proposition de loi sénatoriale avait été effectivement transitoire, je veux dire transitoire à court terme, j'aurais en définitive adopté la position que je vous ai annoncée. Cependant, le débat que nous avons eu, les propos de M. Fourcade, que j'ai relus avec attention, ainsi que les paroles très nettes de M. le ministre montrent très bien que ce caractère transitoire, temporaire n'existe plus. Nous sommes passés d'un texte a priori transitoire et donc applicable sur une courte période à une loi « un point c'est tout ». C'est ce qui ne me satisfait pas.
En l'occurrence, le Sénat a mis en oeuvre aux frais des départements une promesse du candidat Chirac, que ce dernier ne tient pas ou plutôt qu'il tient à travers les départements. Très honnêtement, cela me paraît anormal. Il me semble anormal aussi que le plafond de revenus soit extrêmement bas et que le dispositif ne s'applique donc qu'à un petit nombre de personnes âgées dépendantes. Ainsi sont exclues du bénéfice de cette prestation nombre de personnes disposant de revenus modestes. Cela me gêne fortement. Il s'agit d'un recul très net par rapport non seulement à certaines promesses, mais aussi au projet de loi qui nous a été présenté l'an dernier.
Je voudrais tout de même rappeler un fait. Après le changement de gouvernement, le soir même ou le lendemain, le Sénat a procédé à la discussion générale sur le projet de loi de Mme Codaccioni. Le Gouvernement avait alors dit : nous procédons à la discussion générale et, dans un mois, un mois et demi ou deux mois, nous poursuivrons l'examen du projet de loi. Telle était la promesse formelle qui nous avait été faite.
M. Guy Fischer. Cela a déjà été oublié !
Mme Joëlle Dusseau. On voit aujourd'hui ce qu'il en est ! Non seulement ce projet de loi est complètement oublié mais, de surcroît, il est purement et simplement remplacé par un autre texte.
M. Emmanuel Hamel. Mme Codaccioni, qui est une femme très remarquable, n'est plus au Gouvernement ! Vous pourriez ajouter ce regret à ceux que vous avez énoncés.
Mme Joëlle Dusseau. Ce projet de loi comportait un engagement financier de l'Etat et des autres partenaires, notamment les départements. La présente proposition de loi prévoit un financement exclusivement départemental. Cela me gêne profondément.
Sachez en outre que, dans ces conditions, je suis d'autant plus choquée par la procédure d'urgence. Je l'aurais acceptée si ce texte était effectivement transitoire et, ne devait donc s'appliquer que pendant un an et demi ou deux ans. Or, il est très clair que tel n'est pas le cas. Mes chers collègues, ce texte méritait bien une navette afin que notre assemblée puisse procéder à une deuxième lecture.
MM. François Giacobbi et Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Après ces trois journées de travail sur cette proposition de la loi sénatoriale, il est bon de faire le point.
A en croire nos collègues de l'opposition, nous aurions jeté à terre un système sensationnel et parfait. Or, quelle était la situation antérieure ? C'était le néant ! Il existait un texte relatif aux personnes handicapées et, par une construction prétorienne, le Conseil d'Etat en avait étendu le champ d'application. Il était appliqué de bric et de broc sur le territoire.
Nous avons fait oeuvre constructive en posant un certain nombre de principes fondateurs sur lesquels - quoi qu'il advienne de la présente proposition de loi - devra s'appuyer toute prise en charge de la dépendance.
Il s'agit, d'abord, d'une définition claire de la dépendance. C'est, ensuite, le recentrage autour de la personne dépendante d'un dispositif d'aide qui mobilise sur le terrain tous les partenaires intéressés par la protection des personnes dépendantes : départements, caisses de sécurité sociale, associations et services d'aide à domicile.
Compte tenu de ces principes fondamentaux, que nous avons, je crois, clairement énoncés, cette loi n'est pas une loi modeste. C'est, dans ce domaine, le premier texte qui pourra être appliqué dans quelques mois. Tous les autres projets, toutes les autres propositions sur ce thème, depuis une bonne douzaine d'années, ont échoué.
Nous disposons enfin d'un texte fondé sur des principes clairs, respectueux de la personne âgée, et qui me semblent tout à fait essentiels.
Au cours de la discussion, nous avons bien sûr apprécié, nous aussi, le travail accompli par le rapporteur et par le président de la commission des affaires sociales. Nous avons aussi apprécié l'ouverture d'esprit dont M. le ministre a fait preuve, et je voudrais l'en remercier.
Les membres du groupe de l'Union centriste ont participé largement à la discussion de ce texte et, dans une quasi-unanimité, ils le voteront. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir facilité la tâche du rapporteur et d'avoir apporté, par vos interventions et vos amendements, une contribution positive à ce texte. Il va ainsi être adopté à une très large majorité par notre Haute Assemblée, comme le montrent les témoignages des uns et des autres.
Je vous remercie également, monsieur le ministre, d'avoir écouté attentivement l'ensemble des propositions que nous avons formulées et d'avoir accepté de nous suivre sur de nombreux points, même si, à une ou deux reprises, vous avez fait appel à la prudence. Vous avez pris des engagements pour l'avenir qui sont de nature à nous réconforter et qui emporteront l'adhésion d'une large majorité des membres de notre assemblée.
Mes chers collègues, ce texte constitue une avancée considérable par rapport au dispositif en vigueur, si l'on excepte les expérimentations qui sont menées en la matière depuis plus d'un an déjà, sur l'initiative de la Haute Assemblée, notamment de M. Fourcade et de la commission des affaires sociales, et qui représentent elles-mêmes une avancée très importante.
En effet, les gouvernements précédents, sous une majorité autre que celle que nous connaissons aujourd'hui, avaient bien tenté de mener une action dans ce domaine, mais toutes leurs initiatives ont tourné court. (Marques d'approbation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. Teulade s'était arrêté au milieu du chemin ; un texte en 1992 avait été examiné à l'Assemblée nationale, mais il n'est jamais venu devant la Haute Assemblée. (Nouvelles marques d'approbation sur les mêmes travées.)
La majorité de l'époque considérait qu'avec 1 milliard de francs on allait résoudre le problème de la dépendance. Ce sont les mêmes qui, peu de temps après, ne manquaient pas de mettre en exergue dans la presse écrite ou audiovisuelle le coût de la mise en oeuvre du texte dit « Codaccioni » et les incertitudes qu'il contenait. Aujourd'hui, ils vantent les vertus de ce même texte en demandant pourquoi on ne l'a pas adopté, plutôt que la présente proposition de loi qui constituerait, selon eux, un recul et un texte au rabais. Cela n'est pas acceptable : soyons un peu sérieux !
Nos concitoyens qui liront les commentaires concernant ce texte - j'espère qu'ils seront les plus objectifs possibles - pourront se rendre compte des avancées considérables par rapport à ce qui existait antérieurement. D'ailleurs, il suffira de lire le compte rendu des débats de ces trois jours pour constater que l'opposition, notamment Mme Dieulangard a reconnu, à plusieurs reprises, que ce texte comportait des avancées non négligeables, comme le versement de la prestation en nature. Mme Dieulangard a également admis que cela aura des retombées sur l'emploi, qui est au coeur des préoccupations non seulement du Gouvernement et de l'ensemble de nos concitoyens, mais aussi des élus de la nation. L'application de cette disposition va entraîner la création de plusieurs milliers d'emplois.
Qu'avez-vous fait, vous, membres de l'opposition, lorsque vous étiez responsables du pays ? Vous n'avez pris aucune initiative dans ce domaine. Et aujourd'hui, vous voudriez jouer les donneurs de leçons, en nous disant que notre action n'est pas à la hauteur de ce qu'attendent les Françaises et les Français ? En l'occurrence, il faut revenir à un peu plus de réalisme et de raison.
Il s'agit d'une prestation en nature. Il aurait fallu régler le problème par la sécurité sociale, dites-vous. Citez-moi un exemple d'une prestation en nature versée par la sécurité sociale ! En fait, vous souhaitiez revenir à un dispositif qui aurait consisté - M. de Raincourt l'a très justement rappelé tout à l'heure - à verser des prestations en espèces à des personnes dépendantes sans garantie qu'un service leur soit effectivement apporté.
Ce texte constitue donc non pas un recul, mais une avancée, qui va dans le sens d'un meilleur service rendu aux personnes.
Par ailleurs, nous n'avons pas du tout coupé la sécurité sociale de l'ensemble du dispositif, puisque, au contraire, nous l'avons fait figurer tout à fait en tête du texte. La coordination se fera entre le conseil général et les caisses de sécurité sociale : la gestion sera commune, ce qui est une démonstration de plus de l'absence de fondement de vos remarques.
Je citerai maintenant très rapidement les améliorations que le Sénat a apportées à ce texte.
Il s'agira tout d'abord d'un service de proximité. A juste raison, M. de Raincourt a rappelé que les conseils généraux, et plus généralement les collectivités territoriales - nous allons en effet associer les maires, ce qui constitue une amélioration supplémentaire - vont gérer le service de proximité et sont les mieux placés pour apprécier le niveau de l'intervention nécessaire auprès des personnes âgées.
En ce qui concerne le montant de la prestation, nous avons souhaité - je suis d'ailleurs persuadé, monsieur le ministre, que vous irez dans le sens de la Haute Assemblée - que la plus grande souplesse soit accordée au calcul de celui-ci, lui permettant de varier de 0 à 100 %, selon la situation réelle de la personne âgée, à la différence du dispositif plus rigide de l'ACTP.
Je citerai enfin la réforme de la tarification à laquelle aucun gouvernement ne s'était attaqué de manière efficace jusqu'à présent. Sur ce point, des engagements ont été pris, y compris au niveau du calendrier. Il en a été de même, s'agissant du financement de l'ensemble des lits de section de cure médicale autorisés et des places de services de soins infirmiers à domicile.
Je conclurai en évoquant deux avancées qui préparent l'avenir.
Tout d'abord, une suggestion relative à la neutralisation dans le calcul des ressources des rentes viagères, visant par conséquent les classes moyennes, a été intégrée au texte.
Par ailleurs, des assurances ont été apportées par M. le ministre à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 16, qui concernait le système de l'assurance, lequel représente certainement la voie d'avenir pour répondre aux inquiétudes des classes moyennes désireuses de se prémunir contre la dépendance, à côté du nécessaire maintien d'une politique de solidarité en faveur des personnes les plus démunies ; nous avons porté aujourd'hui sur les fonts baptismaux les principes de base à partir desquels la prestation spécifique dépendance pourra être mise en oeuvre.
Cela ne signifie pas pour autant que nous avons figé les choses d'une manière définitive, car il est bien évident que le dispositif évoluera en fonction des possibilités qui seront les nôtres sur le plan national.
Je suis donc tout à fait confiant pour l'avenir, mes chers collègues, et je considère que la Haute Assemblée a accompli un excellent travail. Je tiens à vous remercier du soutien que vous avez accordé tant au rapporteur qu'au président de la commission des affaires sociales, au nom duquel je m'exprime également en cet instant.
Je suis persuadé que nos concitoyens sauront nous être reconnaissants du travail que nous avons effectué aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, du groupe communiste républicain et citoyen, l'autre du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 221 |
Contre | 95 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et des Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)