RÉFORME
DE LA RÉGLEMENTATION COMPTABLE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 499, 1995-1996)
portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la
publicité foncière. [Rapport n° 30 (1996-1997) et avis n° 22 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, messieurs
les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il me soit tout d'abord
permis de rendre hommage à la qualité des travaux du Sénat, car ils éclairent
un texte très technique dont la complexité recèle, en fait, une dimension
politique importante. Celle-ci n'a pas échappé à vos rapporteurs, M.
Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois, et M. Philippe Marini,
pour la commission des finances, qui l'ont tous deux soulignée. Leurs remarques
et leurs amendements, du reste très concordants, contribuent à l'enrichissement
du débat et à l'élaboration, tous ensemble, d'une loi très attendue par les
professionnels et qui a, d'ores et déjà, fait l'objet d'une concertation
approfondie.
Le projet de loi qui vous est soumis comporte deux parties distinctes et
d'égale importance.
La première a trait à la réforme de la réglementation comptable. Elle
s'inscrit dans un ensemble de réformes cohérentes qui constituent un axe
fondamental de mon action au ministère de l'économie et des finances. Leur
objectif majeur est la modernisation de la place financière de Paris et son
adaptation à la globalisation de l'économie mondiale.
Pour ne citer que les plus importantes, il s'agit évidemment de la loi du 2
juillet 1996 de modernisation des activités financières, dont les décrets
d'application ont été publiés récemment. J'ai ainsi procédé, le 9 octobre
dernier, à l'installation du Conseil des marchés financiers et la nouvelle
Commission des opérations de bourse, aux pouvoirs renforcés et à la composition
élargie, se réunira le 22 octobre prochain.
Préalablement à cette loi, le Parlement a institué le nouveau marché boursier
et a libéralisé le régime des investissements étrangers en France. Il aura,
d'ici à la fin de l'année, à débattre d'une proposition instaurant un mécanisme
de fonds de pension, l'épargne retraite tant attendue. Enfin, nous travaillons,
comme vous le savez, à trois projets de loi qui sont actuellement en phase de
concertation, relatifs respectivement au démarchage financier, au régime des
OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, et à la
réforme de la loi de 1966, la préparation de ce dernier texte ayant été très
largement alimentée par le rapport que M. Marini vient de remettre à M. le
Premier ministre.
C'est donc dans cet ensemble de réformes que s'inscrit le projet de loi sur la
normalisation comptable. Nos objectifs sont triples : contribuer à plus de
transparence et de stabilité des règles comptables, rendre plus cohérente
l'élaboration du droit comptable, accompagner et encadrer l'utilisation de
normes internationales pour les comptes consolidés.
Le premier objectif est de contribuer à plus de transparence et de
stabilité.
La comptabilité doit, en effet, s'adapter aux changements économiques qui
s'accélèrent ; elle doit aussi offrir à tous les utilisateurs un référentiel
stable, lisible et à l'abri de toute ambiguïté. Je constate pourtant que le
mécanisme s'est grippé et que, du coup, notre comptabilité est menacée de
sclérose. Au suplus, sous la pression des entreprises, notamment des plus
grandes d'entre elles, soucieuses d'avoir accès au marché financier
international - notamment américain - la pratique a évolué plus vite que la
réglementation comptable. Nous assistons, dans certains cas, à une sorte de
vagabondage comptable.
Disons-le tout net, cette situation aléatoire n'est pas acceptable. Elle est
dangereuse pour le petit actionnaire comme pour l'ensemble des partenaires de
l'entreprise ; elle conduit à une interrogation sur la sincérité et nuit donc à
la crédibilité des comptes des grandes entreprises françaises ; elle place les
commissaires aux comptes en perpétuel porte à faux ; elle accroît l'insécurité
juridique des entreprises.
Il n'est pas acceptable que l'on puisse mettre en doute la sincérité des
comptes des entreprises françaises et les suspecter d'avoir choisi tel ou tel
référentiel comptable en fonction du résultat qu'elles souhaitaient faire
apparaître. A n'y prendre pas garde, nous courrions deux dangers : d'une part,
celui d'être placés en contradiction avec nos engagements européens et, d'autre
part, celui de voir s'affirmer comme référence une norme nationale étrangère,
sur laquelle nous n'aurions aucune prise. J'insiste, de ce point de vue, sur la
pédagogie de l'intelligence économique à laquelle nous devons tous contribuer.
Il est important que nous puissions nous doter de nos propres références
comptables.
Ma conviction forte est que la France, en tant que place financière, dispose
d'atouts considérables, que nous avons encore renforcés avec la loi de
modernisation des activités financières. Il reste à accroître sa transparence.
C'est pourquoi la normalisation comptable des entreprises doit être au premier
rang de nos priorités.
Le deuxième objectif est de rendre plus cohérente l'élaboration du droit
comptable en unifiant le processus de normalisation, qui est aujourd'hui lent
et complexe. Pour ce faire, nous vous proposons de créer un comité de la
réglementation comptable chargé, à partir des avis du Conseil national de la
comptabilité, d'élaborer la réglementation comptable. Les règlements issus de
ce comité seront rendus obligatoires par homologation interministérielle.
Qu'on ne s'y trompe pas, à travers le comité de la réglementation comptable,
nous unifions le processus de normalisation et nous unifions aussi, à terme, le
droit comptable, dans le respect de la diversité et des spécificités de chaque
secteur. De ce point de vue, j'approuve sans réserve les premières orientations
définies par le président du Conseil national de la comptabilité de redonner un
statut, une organisation et un contenu rénové au plan comptable général. Il ne
fait pas de doute dans mon esprit que le plan comptable général ainsi
transformé constituera le cadre de référence naturel du droit comptable.
J'ai par ailleurs tenu à ce que le champ de compétence du comité de la
réglementation comptable soit le plus large possible. Il recouvre l'ensemble
des personnes morales ou physiques légalement obligées de tenir une
comptabilité. N'en sont exclues que les personnes morales de droit public
soumises aux règles de la comptabilité publique.
Cette unification et cette simplification du processus d'élaboration des
normes prennent pleinement en compte les caractéristiques, en particulier
d'ordre prudentiel, des différents secteurs d'activité, notamment du secteur
bancaire, de celui des assurances, des mutuelles et des institutions de
prévoyance, pour lesquels des règles spécifiques de consultation des autorités
de réglementation et de contrôle ont été prévues.
Qu'il me soit permis d'affirmer devant le Sénat qu'en tant qu'autorité
d'homologation et responsable de la réglementation du secteur bancaire ou de
celui de l'assurance, je serai particulièrement attentif à ce qu'aucune
atteinte ne soit portée à l'efficacité et à la cohérence des cadres comptables
et prudentiels. Outre la participation des différentes institutions concernées,
j'ai veillé à ce que les dispositions spécifiques soient prévues dans le projet
de loi. Il me semble qu'elles donnent toute assurance sur ces points.
Il me semble également important de souligner que la création du comité de la
réglementation comptable n'entraîne aucune obligation comptable nouvelle par
rapport au droit existant, quelle que soit la source de l'obligation - plan
comptable général ou ses adaptations sectorielles, code général des impôts,
textes législatifs ou réglementaires spécifiques - car nous avons procédé à
droit constant.
Le troisième objectif du projet de loi est d'accompagner et d'encadrer
l'utilisation des règles internationales pour la présentation des comptes
consolidés.
Afin de tenir compte des besoins liés à la mondialisation de l'économie, il
apparaît désormais nécessaire de disposer, au plan interne, d'une capacité à
valider les règles internationales. Cette faculté permettra d'autoriser
certaines entreprises françaises qui lèvent des fonds sur les marchés de
capitaux étrangers à utiliser un langage comptable mondialement connu afin d'y
obtenir des ressources à un moindre coût, et donc d'accroître leur
compétitivité. C'est l'une des innovations majeures du projet de loi que je
vous propose.
C'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut être prudent sur le champ de
la dérogation que nous ouvrons. La France va être pilote dans cette
introduction des normes internationales en Europe. Il faudra veiller à leur
compatibilité avec les directives.
Vos commissions se sont interrogées sur le point de savoir s'il fallait viser
un corps de règles plutôt que des règles internationalement reconnues. Là
encore, je crois qu'il nous faut être prudents. Je l'ai rappelé, notre objectif
est bien de lutter contre le vagabondage comptable.
De ce point de vue, la création du comité d'urgence du Conseil national de la
comptabilité et la jurisprudence professionnelle dont il sera l'origine, sur
saisine du ministre de l'économie ou du président du Conseil national de la
comptabilité, me paraissent une voie prometteuse d'autodiscipline pour les
entreprises et pour ceux qui les conseillent.
Sous un angle plus pratique, il me semble que viser un corps de règles
contribuerait à rigidifier, en quelque sorte, un mécanisme que j'ai voulu aussi
souple que possible.
D'une part, la charge de travail du Conseil national de la comptabilité et
notre volonté de permettre l'utilisation de ces normes par les entreprises ne
s'accommodent que difficilement d'une étude exhaustive d'un corpus complet de
normes.
J'observe par ailleurs que, s'agissant de l'International Accounting Standards
Committee, l'IASC, ce n'est qu'en 1999 que nous disposerons d'un corps de
règles complet. Nous aurons à en rediscuter tout à l'heure.
Je voudrais, enfin, insister sur les liens, que j'ai voulu étroits, entre le
Conseil national de la comptabilité, qui sera installé demain 18 octobre, et le
futur comité de la réglementation comptable. Les deux réformes, celle du
Conseil national de la comptabilité et celle qui crée un Comité national de la
comptabilité, se situent dans une perspective cohérente. En quelque sorte, le
Comité de la réglementation comptable apparaît comme le « chaînon décisionnel
manquant » du processus d'élaboration des normes comptables.
Les liens se situent à quatre niveaux opérationnels.
Le comité de la réglementation comptable délibère sur les avis et
recommandations du conseil national de la comptabilité. Lorsque le comité de la
réglementation comptable se saisit d'une autre question relevant du champ de sa
compétence, il sollicite l'avis du Conseil national de la comptabilité. Il
n'est en aucun cas la chambre d'enregistrement du Conseil national de la
comptabilité puisque rien ne l'empêche de modifier les textes qui lui sont
transmis.
Le comité de la réglementation comptable comprend cinq de ses membres sur dix
qui sont directement issus du Conseil national de la comptabilité.
Le président du Conseil national de la comptabilité est membre du comité de la
réglementation comptable.
Il est, en outre, prévu que le secrétariat du comité de la réglementation
comptable sera assuré par le secrétariat général du Conseil national de la
comptabilité et qu'il statuerait après avoir entendu un rapporteur du Conseil
national de la comptabilité auquel il pourrait demander un complément
d'information.
Ces choix entraînent un renforcement naturel de l'autorité du Conseil national
de la comptabilité et de son président qui se justifie pleinement. Ils assurent
une plus grande cohérence du dispositif.
Au total, la création d'un comité de la réglementation comptable, outre la
simplification qu'elle apporte au processus de normalisation, permet de mettre
un terme à la fois à certains abus et aux incertitudes actuelles, tant en
matière de réglementation nationale que de reconnaissance de normes
internationales, tout en sauvegardant et en amplifiant la concertation
traditionnelle en France en la matière. Dans le sillage de la transposition de
la directive sur les services d'investissement, la modernisation et
l'attractivité de la place financière s'en trouveront accrues, car la
crédibilité des comptes des grandes entreprises françaises est une exigence
incontournable.
Les dispositions du titre II du présent projet de loi ont pour objet d'adapter
le régime de la publicité foncière. J'en décris très brièvement les principales
caractéristiques.
La publicité foncière est un service public ayant pour but d'assurer la
publicité des droits sur les immeubles, qu'il s'agisse de la transmission de la
propriété ou de la constitution de droits ou de charges sur ces immeubles. Elle
répond à un besoin d'information des contractants et des tiers et à la
nécessité de faire prévaloir la sécurité des opérations juridiques portant sur
les immeubles.
Ce système, fondé sur des principes juridiques qui n'ont pas été modifiés
depuis 1955, donne aux usagers toutes garanties de sécurité et de fiabilité.
Il est toutefois nécessaire de poursuivre la modernisation du service de la
publicité foncière au sein de la direction générale des impôts pour assurer les
meilleurs délais de traitement et de délivrance des documents hypothécaires.
En effet, les conservations des hypothèques doivent gérer une masse sans cesse
accrue d'informations. Ce service gère actuellement plus de huit millions de
formalités par an. Les informations sont analysées dans un fichier qui
représente, pour l'ensemble des bureaux des hypothèques, plus de cent quarante
millions de fiches - je dis bien « cent quarante millions de fiches ».
Par ailleurs, les actes soumis à la publication sont de plus en plus
complexes.
Aussi, tout en préservant les grands principes juridiques, il faut adapter et
simplifier la législation actuelle pour continuer à moderniser le service de la
publicité foncière.
Cette modernisation se concrétise par l'informatisation des bureaux des
hypothèques, la simplification des procédures et une protection accrue des
droits des usagers.
L'informatisation des travaux rend indispensable la modification des règles de
gestion du registre des dépôts, tout en garantissant l'intégrité des
enregistrements qui y sont portés. Elle offre des services supplémentaires en
permettant, notamment, de délivrer très rapidement des renseignements
hypothécaires à partir du registre informatisé.
La simplification des procédures, qui contribuera à faciliter les démarches
des usagers, nécessite quelques modifications législatives.
Dans le domaine des inscriptions hypothécaires, une disposition proposée
consiste à supprimer, dans la plupart des cas, l'obligation de présentation du
titre générateur des sûretés lors de leur inscription. Le texte permet
également à un créancier hypothécaire d'élire domicile dans un lieu quelconque
du territoire national.
La présentation normalisée des éléments nécessaires à la publicité foncière
dans les actes de vente est une autre mesure de simplification contenue dans le
projet. Cette mesure a été préalablement expérimentée pour les actes de vente
notariés dans le cadre d'une convention signée, en 1990, par le conseil
supérieur du notariat, la Chancellerie et la direction générale des impôts.
Enfin, le texte améliore la procédure de recours offerte aux usagers contre
une décision prise par un conservateur de refuser le dépôt d'un document à
publier.
Le titre II, vous le voyez, améliore singulièrement le service rendu aux
usagers en matière foncière.
Le titre Ier - j'y reviens - relatif à la normalisation comptable, constitue
également un progrès considérable dans la mesure où il doit nous permettre de
nous extraire des ambiguïtés ambiantes. Grâce à ses dispositions, nous mettrons
les entreprises françaises à l'abri d'une sorte de suspicion dont nous devons
libérer les épargnants et tous les cocontractants des entreprises.
Ce texte s'inscrit dans le contexte de la mondialisation de l'économie. Il me
paraît judicieux que nous puissions nous-mêmes définir nos normes sans
ambiguïté en permettant à nos entreprises - c'est une nécessité - d'être
présentes sur les marchés mondiaux et d'y lever les capitaux dont elles ont
besoin.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
ministre, le projet de loi que vous nous présentez, et dont vous venez de
développer les enjeux et l'architecture, comporte deux volets dont le moins que
l'on puisse dire est qu'ils n'ont pas grand-chose de commun, si ce n'est que
tous deux dépendent du même ministère, ce qui a sans doute permis de déposer un
seul projet de loi. Voilà qui simplifie beaucoup les choses, et c'est très bien
!
Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un texte portant « diverses
dispositions concernant le ministère de l'économie et des finances ». Ce serait
tout à fait injuste dans la mesure où les deux volets du projet sont
extrêmement importants.
Les observations de la commission porteront, bien entendu, successivement sur
la réforme de la réglementation comptable et sur l'adaptation du régime de la
publicité foncière.
Monsieur le ministre, nous savons tous combien vous êtes expert en matière de
réglementation comptable. J'ai donc quelque scrupule à intervenir sur ce sujet
devant vous.
Vous l'avez dit, ce projet est extrêmement important parce que la
réglementation comptable en France s'est quelque peu enlisée, à la fois pour
des raisons de procédure et sans doute aussi du fait de la confrontation des
normes nationales et internationales. Y remédier est, bien entendu, un des
enjeux de la réforme qui nous est proposée.
En fait, vous proposez de créer un organisme, le comité de la réglementation
comptable, qui sera vraiment, cette fois-ci, le pôle autour duquel tous les
ministères et tous les partenaires devront s'organiser pour permettre au
Gouvernement d'homologuer des règles acceptées par tous.
Actuellement, notre droit comptable est foisonnant, issu qu'il est de quantité
de législations et de réglementations. De plus, un certain nombre d'activités
ont des règles particulières. Vous avez donc voulu simplifier et unifier.
Pour ce faire, vous avez préalablement redéfini la mission du Conseil national
de la comptabilité. Vous avez également réformé sa composition par un décret du
mois d'août 1996. Ce conseil, vous nous l'avez dit, sera installé très
prochainement.
Il était donc nécessaire de procéder, parallèlement, à la création de l'organe
de réglementation.
Avant de revenir au comité de la réglementation comptable, je souhaitais vous
indiquer monsieur le ministre, que l'on nous a fait part de l'inquiétude de
certaines professions de ne pas être représentées ès qualités au Conseil
national de la comptabilité. Si les professions comptables sont, bien sûr,
largement représentées, peut-être conviendrait-il que certaines professions
juridiques et judiciaires, qui sont directement concernées par le droit des
sociétés notamment, le soient également en tant que telles.
La commission des lois souscrit pleinement à l'architecture de votre réforme,
monsieur le ministre, et, que ce soit dans l'exposé des motifs du projet ou
dans votre propos liminaire, vous avez bien expliqué l'articulation entre le
Conseil national de la comptabilité et le comité de la réglementation
comptable.
Cependant, s'il est vrai que le CRC est l'organisme de réglementation, qu'il
n'est pas uniquement une chambre d'enregistrement, qu'un mouvement de
va-et-vient doit être possible entre le CRC et le CNC, il est apparu à la
commission qu'il convenait d'être plus précis sur l'articulation des
compétences respectives de ces deux instances.
Dire simplement que : « Les délibérations du comité de la réglementation
comptable sont précédées de l'avis du Conseil national de la comptabilité »
nous paraît un peu flou. Sans rien remettre en cause sur le fond, il nous
semble préférable de préciser les choses, d'une part, pour renforcer l'autorité
du CRC, d'autre part, pour bien situer le rôle du CNC, qui est un organe
consultatif, dont la création incombe donc au pouvoir réglementaire. Dans la
loi que nous allons adopter doivent apparaître clairement les compétences
respectives du Conseil national de la comptabilité et du comité de la
réglementation comptable.
Le deuxième objet du projet, s'agissant toujours de la réglementation de la
comptabilité, est de permettre aux sociétés d'adopter des règles
internationalement reconnues pour l'établissement de leurs comptes
consolidés.
Vous avez parlé, monsieur le ministre, de « vagabondage » comptable. L'absence
d'utilisation cohérente de règles internationalement reconnues nuit à la
crédibilité des sociétés qui font appel aux marchés financiers étrangers.
A cet égard, je relève que vous avez utilisé l'expression « marchés financiers
étrangers » et non celle de « places étrangères », qui figure dans votre projet
de loi. « Places étrangères », la commission des lois ne sait pas ce que c'est,
pas plus qu'elle ne sait ce que veut dire faire appel à l'épargne. L'appel
public à l'épargne est, certes, défini, par la loi de 1966, mais l'appel à
l'épargne est beaucoup plus large et n'a guère de sens sur le plan juridique.
Voilà pourquoi nous avons fait des propositions pour clarifier le texte et
faire référence aux sociétés dont les titres sont négociés sur un marché
financier étranger.
Pour en revenir au fond du débat, il est tout à fait important que les
sociétés françaises puissent utiliser des règles internationalement reconnues
pour l'établissement de leurs comptes consolidés. C'est d'ailleurs, nous le
savons, l'enjeu des prochaines années : ou bien on parviendra, avec d'autres
pays, et dans le cadre de l'IASC, à établir un corps de règles internationales
acceptées sur les principaux marchés, ou bien on utilisera de plus en plus les
normes nationales américaines.
S'il faut être souple, sous le contrôle du comité d'urgence du CNC, il faut
aussi, monsieur le ministre, que l'on sache exactement quelles règles peuvent
être utilisées et comment elles sont en cohérence avec d'autres règles lorsque
le référentiel est incomplet.
Par crainte de paraître pédante, la commission des lois a parlé de « corps »
de règles, mais c'est bien de « corpus » qu'il s'agit. Il est vrai qu'il paraît
difficile, aujourd'hui, d'utiliser un tel terme dans la loi !
Nous nous accordons sur l'enjeu, à savoir que l'on ne doit pas pouvoir
utiliser certaines règles empruntées à plusieurs référentiels, mais que les
sociétés bénéficiant de la dispense doivent appliquer un ensemble de règles
cohérent, stable et transparent.
Cela n'interdit pas pour autant une évolution des règles au fur et à mesure
des travaux des instances compétentes.
Comme nous en convenons parfaitement, les normes de l'IASC ne sont pas
complètes, on ne peut donc pas utiliser aujourd'hui un référentiel complet sauf
à dire, bien entendu, comme nous le proposons, que les sociétés mettent en
oeuvre un corps de règles comprenant les normes homologuées de l'IASC et les
règles françaises à titre de complément. Après tout, le fait d'être unijambiste
n'empêche pas d'avoir un corps !
Monsieur le ministre, il est très important que nous puissions vous aider dans
ce domaine et, surtout, aider les entreprises françaises à aller sur les
marchés financiers étrangers. Mais, dans le même temps, il faut prévoir des
règles assez précises pour éviter que le « vagabondage comptable » que vous
craignez ne se renouvelle du fait de cet article 6.
L'objectif est tout à fait clair et cohérent : il s'agit de faciliter la vie
des entreprises ainsi que d'accroître la sécurité juridique, comme vous l'avez
dit, monsieur le ministre.
En effet, à partir du moment où les comptes sont consolidés à la fois selon
des normes internationalement reconnues et selon les normes françaises, les
investisseurs peuvent estimer qu'il n'y a pas de cohérence entre les deux
séries de comptes dans la mesure où ils font apparaître des résultats
différents. Il en résulte une opacité préjudiciable à l'image des sociétés
françaises.
Monsieur le ministre, vos objectifs sont donc tout à fait ceux de la
commission des lois, et celle-ci est favorable à cet aspect du projet de
loi.
La seconde partie du projet de loi traite de la publicité foncière qui a, elle
aussi, une importance non négligeable.
Si tout le monde admet que le décret-loi de 1955 a été à l'origine d'une
véritable révolution de la matière - les notaires qui pratiquaient à cette
époque se souviennent encore de l'ampleur des bouleversements - il donne encore
toute satisfaction.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut simplifier et normaliser certaines
procédures afin de permettre l'informatisation des bureaux des hypothèques.
La première adaptation que vous proposez porte sur la suppression de la
représentation du titre, sauf pour les hypothèques judiciaires. L'obligation de
la représentation du titre ne se justifie plus à partir du moment où les
bordereaux sont certifiés par les notaires.
Vous proposez, par ailleurs - et c'est heureux - l'informatisation du
registre.
Bien entendu, nous nous sommes préoccupés de savoir si la sécurité était
assurée puisque, aujourd'hui, ces registres sont cotés et paraphés - on ne peut
donc rien y changer - et placés sous le contrôle du président du tribunal de
grande instance.
Il faut bien veiller à ce que l'on ne puisse pas opérer de modification, parce
que, en matière de publicité foncière, le rang des créanciers est extrêmement
important. Ayant reçu toutes assurances de vos services sur ce point, la
commission a donné un avis favorable sur la constitution du registre à partir
d'états informatiques.
Il est une autre simplification heureuse : l'introduction d'une partie
normalisée dans les actes de vente immobilière non judiciaires. Sur ce point,
monsieur le ministre, nous sommes d'accord, à condition que cette procédure
n'entraîne pas le refus du dépôt, simplement parce qu'il y aurait des mentions
superflues dans la partie normalisée.
En pareil cas, la formalité pourrait être rejetée pour absence de
régularisation. Que le respect strict du contenu de la partie normalisée soit
l'objectif poursuivi, je le conçois.Il convient toutefois de ne pas faire
preuve d'une trop grande rigueur, qui serait préjudiciable à l'usager. Le refus
du dépôt ne doit pas être opposé pour l'inscription d'une mention inutile !
Cette petite modification, dont les praticiens ont souligné l'intérêt, vous
pourriez l'accepter, monsieur le ministre, car elle rend le dispositif plus
juste et plus équilibré.
J'en viens à la dernière modification positive : la création d'une voie de
recours en cas de refus du dépôt. C'est un progrès pour les usagers, étant
entendu que, selon les statistiques dont nous disposons, ces refus sont
extrêmement rares.
On n'enregistre que quelques cas chaque année. Il faut néanmoins prévoir une
procédure de recours.
Les propositions du Gouvernement figurant dans la seconde partie du projet de
loi ont été faites après la mise en oeuvre d'une convention d'expérimentation
et en parfaite coordination avec le Conseil supérieur du notariat. C'est une
démarche exemplaire dont il faut vous féliciter, monsieur le ministre, ainsi
que vos services.
Sous quelques réserves, la commission des lois a donné un avis favorable à
l'adoption de ce projet de loi en souhaitant simplement que, dans ce domaine du
droit comptable, comme dans les autres, les dispositions législatives soient
aussi précises et compréhensibles que possible, à la simple lecture du texte et
non pas seulement des commentaires qui en seront faits.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le rapporteur de la commission des lois a fort
opportunément et clairement présenté l'ensemble du texte dont la commission des
finances a estimé devoir se saisir, pour avis, en ce qui concerne le seul titre
Ier du projet de loi concernant la réforme de la normalisation comptable.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous dire tout le plaisir que
j'ai à exprimer cet avis favorable d'emblée, au nom de la commission des
finances, car le projet de loi que vous nous proposez est réellement
structurant et important.
Vous vous y êtes personnellement beaucoup engagé depuis des mois, vous avez
mené de longues et fructueuses concertations et vous avez abouti à ce
dispositif. Il est certes d'apparence technique mais, comme vous l'avez
vous-même souligné, c'est une pierre de touche...
M. Emmanuel Hamel.
Une pierre de taille !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... en effet, une pierre de taille dans un édifice
de très belle allure, c'est-à-dire l'économie des entreprises françaises.
La comptabilité est une discipline qui ne peut laisser indifférents les
juristes, car elle définit des droits et des obligations, elle permet de
s'assurer de la valeur des patrimoines, elle assoit des créances. Mais la
comptabilité est aussi le seul langage commun possible des hommes d'entreprise
et des financiers.
Certains ont pu dire que la comptabilité est l'algèbre du droit ; c'est
également, sans doute et de plus en plus, l'algèbre de l'économie. Il est donc
tout à fait normal et opportun - nous en avons fait la démonstration - que,
dans une assemblée comme la nôtre, la commission des lois et la commission des
finances marchent de pair pour étudier un tel sujet.
Cela vous explique - et vous n'en êtes par surpris - que les amendements que
nous vous proposons soient à très peu de mots près rédigés en la même forme.
Notre approche est donc commune. A ce titre, je remercie M. le président de la
commission des lois, M. le président de la commission des finances et M. le
rapporteur de la commission des lois, car ce travail en commun s'est fort bien
réalisé.
Au titre Ier du projet de loi qui nous est soumis - permettez-moi de le
rappeler très brièvement, mes chers collègues - figurent deux séries de
dispositions : des dispositions institutionnelles relatives à la réforme de la
normalisation comptable et des dispositions qui tiennent compte de la réalité
économique internationale d'aujourd'hui.
En ce qui concerne les premières, le texte qui nous est soumis forme un tout
avec le décret qui a reformulé la composition et le rôle du Conseil national de
la comptabilité. A la vérité, coexistent trois instances qui sont
complémentaires.
Nous avons un organisme chargé de l'étude et de l'élaboration des normes
comptables, la principale et la plus connue d'entre elles étant le plan
comptable général français, qui forme un tout. Cet organe d'élaboration, c'est
le Conseil national de la comptabilité, où, logiquement, les professionnels ont
une place prépondérante. C'est ainsi, il le faut ! Il s'agit d'une matière
concrète, d'une matière professionnelle, et les praticiens sont là tout
naturellement chez eux.
A titre complémentaire, figurera désormais le comité de la réglementation
comptable, organe de droit public, autorité publique en charge de l'adoption et
de la publication des normes comptables.
Le comité de la réglementation comptable va prendre des décisions qui, sous
réserve de l'homologation interministérielle, vont faire grief, vont créer du
droit alors que le Conseil national de la comptabilité est là pour étudier et
pour émettre des avis, avis naturellement préalables aux décisions qui seront
ainsi adoptées par le CRC.
Peut-être aurait-on pu imaginer, en ce qui concerne l'examen de problèmes
particuliers de méthodologie comptable, que le comité d'urgence, qui est à mon
sens une excellente création, soit greffé sur le CRC et non pas sur le CNC, car
cela lui aurait permis d'émettre de véritables rescrits comptables et de
prendre des décisions auxquelles les acteurs économiques auraient été
contraints de se conformer. Mais à vrai dire, dans la pratique, les choses
seront gérées d'une façon telle que le comité d'urgence, saisi par
l'intermédiaire du président du CNC, pourra jouer tout son rôle lorsque des
points de principe se poseront, sur l'initiative, je le suppose, de telle ou
telle entreprise, de tel ou tel groupe, de tel ou tel professionnel de la
comptabilité, et s'il faut que de cet examen particulier résulte une norme,
j'imagine que cette dernière passera par le CRC, seul organisme légalement
habilité par délégation du législateur à exercer ce rôle normatif.
Je pense, monsieur le ministre, que ce dispositif répond tout à fait aux
besoins et qu'un travail extrêmement important de remise en ordre est à
accomplir dans ce domaine, car le plan comptable vieillit, comme le droit des
sociétés, dont il est, dans une certaine mesure, une condition.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Vous allez le rajeunir !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Nous le rajeunirons peut-être ensemble, lorsque des
dispositions seront soumises au Parlement, je l'espère, dans quelques mois,
monsieur le président.
Mais enfin, le travail des instances ainsi mises en place est un travail
considérable, et il faut les encourager. Il faut également remercier les
professionnels de la comptabilité et du droit qui vont s'engager dans le CNC et
dans le CRC, qui vont faire vivre l'expérience de ces institutions.
Ce ne sera pas une sinécure, très certainement, que d'être membre du CNC ou du
CRC ! Ce sera un travail sans aucun doute très lourd.
Chemin faisant, bien sûr, on trouvera des dispositions d'origine législative
dont certaines devront peut-être, selon la procédure prévue par la
Constitution, être délégalisées et devenir des dispositions réglementaires.
Bref, c'est tout un peignage de grande ampleur qui va devoir se faire de
l'ensemble de notre droit comptable. Cela me semble extrêmement important.
L'importance tient au domaine de la comptabilité, mais aussi à la finalité du
processus car, je le disais en commençant - et c'est sans doute une banalité -
la comptabilité, c'est un langage commun ; c'est le seul moyen de comparer de
façon neutre, de façon objective le patrimoine, les situations, la valeur, les
perspectives des entreprises françaises mais aussi des entreprises étrangères
nous y reviendrons.
Cette démarche prend place dans un ensemble de travaux qui permettront de
dynamiser les entreprises et d'accroître l'esprit d'entreprise dans ce pays.
Ils permettront aussi à la place financière de Paris de disposer de tous les
atouts nécessaires.
M. le ministre a eu tout à fait raison de rappeler ce qui a été fait pour
transposer la directive européenne sur les services d'investissement, ce qui a
donné la loi de modernisation des activités financières.
J'ai été heureux de l'entendre évoquer les travaux en cours en matière de
gestion pour compte de tiers, de démarchage financier aussi, de même que j'ai
été très touché de l'allusion qu'il a bien voulu faire aux conclusions que j'ai
eu récemment l'occasion de remettre à M. le Premier ministre dans le cadre
d'une mission qu'il m'avait confiée dans le domaine du droit des sociétés.
Monsieur le ministre, vous nous proposez également, dans ce titre Ier, une
disposition qui est une exception. Les situations que vise cette exception
doivent bien être comprises pour que le Parlement se décide en toute
connaissance de cause. Je veux parler de l'article 6 et de l'ouverture sur la
réalité mondiale des marchés financiers, ouverture que la comptabilité doit
naturellement prendre en considération.
Chacun sait que les entreprises, les groupes d'entreprises connaissent une
double évolution.
Leurs comptes consolidés deviennent, et sont devenus beaucoup plus
significatifs que les comptes individuels ou comptes sociaux. Le droit français
reste dissymétrique en ce domaine puisque les seuls comptes qui sont approuvés
par l'assemblée générale des actionnaires demeurent les comptes individuels ou
comptes sociaux.
Les comptes consolidés ont valeur d'information financière. Ils doivent
répondre à certaines règles et à certaines normes d'ordre technique bien sûr,
mais aussi en matière d'information du public lorsqu'il s'agit d'entreprises
cotées.
Les comptes consolidés ne sont pas encore approuvés par l'assemblée générale
de la société mère...
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Hélas !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... et on ne peut leur appliquer le dispositif de
sanctions pénales...
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Hélas !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... qui atteint aujourd'hui les comptes sociaux ou
comptes individuels ; jusqu'à présent, le délit de faux bilan ne peut pas
s'appliquer aux comptes consolidés.
Cela a une relation immédiate et naturelle avec le problème des normes, car
l'application de sanctions suppose que l'on puisse se référer à un ordre de
droit. Or cet ordre de droit est imparfait et aléatoire. La pratique est
souvent celle de ce que vous avez appelé, à juste titre, le « vagabondage
comptable ».
Il faut y mettre bon ordre. La réforme que le Sénat avait appelée de ses voeux
dès 1991, sur l'initiative de M. Dailly - je fais allusion à l'approbation des
comptes consolidés par l'assemblée générale de la société mère ; M. Dailly
était sans doute un peu en avance sur les possibilités - ne sera véritablement
opérationnelle qu'à partir du moment où le processus de normalisation se sera
développé, comme vous le proposez. Ces approches sont donc étroitement
complémentaires.
Par conséquent - c'est la première évolution - les comptes consolidés sont
devenus essentiels sur le plan économique. Ils sont déterminants pour apprécier
la valeur d'une entreprise à partir de ses espérances de résultats. Cette
évolution doit être concrétisée par des progrès en matière d'homologation
nationale des normes qui président à l'élaboration des comptes consolidés.
La seconde évolution réside naturellement dans l'internationalisation et la
mondialisation, chacun le sait. C'est pourquoi vous proposez un allégement au
bénéfice des entreprises.
Les entreprises qui, aujourd'hui, sont à la fois des entreprises françaises
cotées sur un marché financier français et des entreprises faisant appel aux
capitaux de marchés étrangers et cotées sur ces marchés sont légalement tenues
d'avoir deux comptabilités distinctes, reflétant des approches économiques
susceptibles d'être substantiellement différentes. Ces sociétés doivent donc
subir les coûts de gestion et de contrôle relatifs à la tenue de ce double
ordre de comptabilité.
Vous proposez de les exonérer de cette double charge, avec l'exception de
l'article 6. M. le rapporteur Jean-Jacques Hyest et moi-même avions fait une
proposition d'amélioration rédactionnelle de l'article 6 mais, sur le fond,
nous sommes naturellement tout à fait en phase avec votre démarche, qui est
réaliste. Il faut reconnaître que les groupes de sociétés qui font le choix de
drainer de l'argent sur les marchés internationaux doivent inspirer confiance à
ces marchés et donc se référer aux ordres de normes qui ont cours sur ces
marchés.
Nous reprendrons peut-être, au cours de la discussion des articles, la
question du corps des règles ou des règles tout court. M. Hyest en a traité
excellemment dans son rapport et je crois que là aussi, sur le fond, d'après ce
que j'ai compris de vos propos introductifs, monsieur le ministre, il n'y a
véritablement aucune contradiction entre nous dès lors que le choix de
l'entreprise est un choix clair, que c'est le choix d'un référentiel cohérent,
et qu'il reflète une approche économique explicable et présentée comme telle à
tous ceux qui ont droit à l'information financière.
On ne doit évidemment pas faire des comptes consolidés en prenant sur un
compte de bilan une interprétation à la française, sur un élément du compte de
résultat une interprétation à l'américaine et sur un autre élément du compte de
résultats une interprétation, disons internationale, tirée du standard de
l'IASC. Il faut adopter une démarche cohérente ; c'est nécessaire du point de
vue de la transparence financière.
Monsieur le ministre, la commission des finances a émis, je vous le disais
précédemment et je le confirme sous le contrôle du président Poncelet, un avis
unanimement favorable sur votre texte, ce qui mérite d'être souligné. C'est un
projet croyez-moi, dont nous ne sous-estimons pas l'importance et dont nous
savons que le bon aboutissement a nécessité beaucoup de travail, beaucoup de
démarches et beaucoup de concertation.
Pour cette raison, notamment, je serai, pour ma part, très heureux de vous
apporter mon soutien et de voter ce projet de loi, moyennant quelques
précisions que nous allons vous suggérer d'y apporter.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Je remercie MM. Jean-Jacques
Hyest et Philippe Marini du soutien qu'ils apportent au Gouvernement dans
l'examen de ce projet de loi. Je leur sais gré d'avoir bien voulu souligner la
dimension politique de ce texte. Sous des aspects techniques, nous sommes au
service de la transparence et de la sincérité.
Ne prêtons pas à la comptabilité plus qu'elle ne peut. Elle est un langage
commun, et il m'arrive de penser que si, en matière de finances publiques, nous
avions pu nous doter précocement d'un langage commun, répondre à une exigence
de transparence et de sincérité, la représentation nationale eût été en mesure,
en temps réel, de prendre des décisions qui simplifieraient probablement la
tâche dont nous avons à assumer aujourd'hui la responsabilité.
L'assainissement des finances publiques n'est pas une fin en soi. Ce n'est pas
un projet politique, mais je ne crois pas qu'il y ait de vrai projet politique
qui ne prenne appui sur une situation financière assainie. C'est donc une
nécessité et, dans une logique de responsabilité, il faut que l'ensemble des
partenaires disposent d'une information commune non ambiguë et qu'ils puissent
communiquer en ayant recours à un langage commun.
M. Hyest s'est interrogé sur la composition du Conseil national de la
comptabilité et a exprimé la crainte que certaines professions s'y sentent mal
représentées.
Par souci d'efficacité, j'ai pensé que la voilure était un peu large et qu'il
convenait de réduire de moitié le nombre des membres du Conseil national de la
comptabilité. D'ailleurs, les listes de présence témoignaient déjà d'une
certaine forme d'absentéisme. J'ai donc estimé qu'il convenait de réviser la
composition de ce conseil.
Je précise que l'article 7 du décret du 26 août 1996 prévoit, dans son
deuxième alinéa, que « le président du Conseil national de la comptabilité peut
appeler à prendre part aux travaux du conseil toute personne dont il juge le
concours utile », et je ne doute pas que si telle ou telle profession formulait
le désir de s'exprimer devant le CNC, elle pourrait le faire sans aucune
difficulté. Vous pourrez donc apaiser les craintes entendues sur ce point ici
et là.
Je suis bien conscient de la profonde convergence de vues entre la commission
des finances et la commission des lois. Oserai-je dire que le chiffre et le
droit s'entendent parfaitement ?
(M. le rapporteur sourit.)
M. François Giacobbi,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est
inquiétant !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Depuis quelques mois, une
conciliation est tentée, sous l'autorité de M. le garde des sceaux et de
moi-même, pour rapprocher les points de vue des métiers du chiffre et de ceux
du droit. Il me semble que la position adoptée par la commission des finances
et la commission des lois du Sénat délivre un message prometteur à cet
égard.
J'espère que les professionnels sauront, sur le terrain, s'accorder pour se
mettre totalement au service des entreprises et de l'économie.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
RÉFORME
DE LA RÉGLEMENTATION COMPTABLE
Article 1er