M. le président. « Art. 6. _ Il est inséré dans la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales un article 357-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 357-8-1 . _ Les sociétés françaises dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de la Communauté européenne, qui font appel à l'épargne sur les places étrangères et qui utilisent pour l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés des règles internationalement reconnues, acceptées sur ces places, adoptées et homologuées dans les conditions prévues aux articles 3 à 5 de la loi n° 96- du 1996 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière, sont dispensées de se conformer aux règles comptables prévues aux articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 9, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article 357-8-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales :
« Art. 357-8-1. - Les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de la Communauté européenne et sont négociés sur un marché financier étranger, sont dispensées de se conformer aux règles comptables prévues aux articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés, dès lors qu'elles utilisent un corps de règles internationalement reconnues, acceptées sur ces marchés et adoptées par un règlement du Comité de la réglementation comptable. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 13, présenté par le Gouvernement et tendant :
I. - Dans le texte présenté par l'amendement n° 9 pour l'article 357-8-1 de la loi du 24 juillet 1966, après les mots : « qu'elles utilisent », à insérer les mots : « , dans les conditions fixées par le Comité de la réglementation comptable, ».
II. - Dans ce même texte, à remplacer les mots : « un corps de règles » par les mots : « des règles ».
III. - A compléter ce même texte in fine par les mots : « selon les modalités prévues aux articles 3 à 5 de la loi n° 96- du portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière. »
Par amendement n° 3 rectifié, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 6 pour l'article 357-8-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales :
« Art. 357-8-1. - Les sociétés françaises dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de la Communauté européenne et sont négociés sur un marché financier étranger sont dispensées de se conformer aux règles comptables prévues aux articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement et la publication de leurs comptes consolidés, dès lors qu'elles utilisent un corps de règles internationalement reconnues, acceptées sur ces marchés et adoptées par un règlement du Comité de la réglementation comptable. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons longuement évoqué, dans la discussion générale, la possibilité pour les sociétés d'utiliser des normes internationalement reconnues. Nous savons quel enjeu cela représente pour les sociétés françaises, et nous sommes donc tout à fait favorables à la proposition du Gouvernement.
Cependant, nous avons souhaité préciser le champ de la dispense de l'obligation d'établir des comptes consolidés conformes aux règles françaises.
Je vous l'ai dit, monsieur le ministre, la formule « qui font appel à l'épargne sur les places étrangères » ne nous a pas paru juridiquement précise. En effet, n'importe quelle société pourrait utiliser ces règles internationalement reconnues, alors qu'il faut réserver cette possibilité aux seules sociétés dont les titres sont négociés sur un marché financier étranger.
Par ailleurs, vous avez fréquemment dit qu'il fallait éviter le vagabondage comptable et que, en conséquence, un encadrement explicite était nécessaire. C'est pourquoi nous proposons de faire référence à un « corps de règles », c'est-à-dire à un ensemble cohérent et permanent. Cela éviterait que des normes soient choisies dans plusieurs référentiels pour faire apparaître des résultats favorables, et en en changeant à chaque exercice.
J'ai bien entendu dans votre propos liminaire que, selon vous, le fait de mentionner simplement les règles internationalement reconnues constituerait une garantie suffisante. Eh bien, monsieur le ministre, nous souhaiterions précisément des précisions à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 13 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. L'amendement n° 9 apporte en substance deux modifications au texte que j'ai soumis à votre assemblée.
La première consiste à modifier le critère « d'appel à l'épargne sur des places étrangères », nécessaire aux sociétés pour bénéficier de la dérogation aux normes françaises lors de l'établissement de leurs comptes consolidés. Il est proposé que le nouveau critère soit celui de la négociation des titres de ces sociétés sur un marché financier étranger.
Le Gouvernement peut accepter cette modification rédactionnelle, qui précise utilement la portée de la dérogation tout en restant en conformité avec l'esprit du texte initial.
L'autre modification ne peut, en revanche, être acceptée en l'état par le Gouvernement. Elle consiste à préciser que les sociétés visées par la dérogation doivent utiliser non pas des règles internationalement reconnues mais un corps de règles internationalement reconnues.
Je retiens de cette proposition la volonté d'interdire le « vagabondage comptable », que nous dénonçons et dont nous savons bien qu'il peut détériorer tant l'image de la place financière française que celle des entreprises françaises.
Nous partageons le même objectif : il n'est évidemment pas admissible que nos entreprises choisissent une variante comptable, puis en changent continuellement pour piloter à leur guise leurs états financiers et le niveau de leurs résultats. La volonté même de combattre cette pratique est, comme vous le savez, une des motivations majeures du projet que je vous soumets.
En premier lieu, rédiger l'article 6 comme vous le souhaitez comporte un inconvénient majeur, celui d'ôter en pratique toute souplesse, toute marge de manoeuvre au comité de la réglementation comptable dans le processus de reconnaissance et d'adoption des normes internationales. En effet, immanquablement, l'article 6 ainsi amendé placera le comité de la réglementation comptable devant un choix binaire : adopter tout un corps de règles ou ne rien adopter.
S'agissant d'un dispositif expérimental et novateur, je souhaite, pour ma part, que le comité de la réglementation comptable conserve son entière liberté d'appréciation, puisse organiser son programme de travail comme il le souhaite, et donc travailler norme par norme.
Au demeurant, je vous rappelle que le corps de règles de l'IASC, par exemple, n'est pas aujourd'hui un corps de règles complet et que toutes les règles de l'IASC n'ont pas reçu, à ce jour, l'approbation de l'Organisation internationale des commissions de valeurs, qui regroupe les commissions des opérations de bourse du monde entier. Il y a donc là un vide juridique.
En second lieu, la réforme de la réglementation comptable comporte d'autres dispositions qui sont destinées à éviter le « vagabondage comptable ».
En effet, le comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité, créé par décret en août dernier, a vocation à statuer sur toute question d'interprétation ou d'application d'une norme, y compris donc sur les conditions dans lesquelles telle ou telle société utilise une norme comptable internationale. Ces avis pourront faire l'objet d'une publication. Cette possibilité de publication renforce l'efficacité des avis du comité d'urgence. Il s'agit de veiller au « périmètre » et à la cohérence de ces dispositions.
Par ailleurs, la Commission des opérations de bourse est désormais extrêmement attentive à prévenir tout « vagabondage comptable ».
Permettez-moi de vous lire un extrait de son rapport de 1995 au Président de la République, relatif à l'utilisation des normes internationales par les sociétés françaises : « ... si une société applique des règles étrangères pour l'établissement de ses comptes, deux cas peuvent être distingués : ces règles sont compatibles avec les règles françaises et la société ne publie qu'un jeu de comptes ; ces règles ne sont pas compatibles avec les règles françaises et la société doit produire un jeu de comptes en accord avec les règles nationales complété, si elle le souhaite, du jeu de comptes établi en conformité avec les règles étrangères. »
Il n'y a donc aucune ambiguïté sur ce point.
Pour terminer, j'ajouterai qu'il appartiendra au comité de la réglementation comptable, lorsqu'il se prononcera sur une norme internationale, d'indiquer explicitement les conditions dans lesquelles cette norme peut être utilisée. Dès lors qu'on précise dans quelles conditions on utilise ces normes, je crois que l'on s'oriente vers ce que vous souhaitez, monsieur le rapporteur. Cette possibilité peut être explicitement prévue dans le texte, et c'est le sens du sous-amendement n° 13.
Celui-ci vise à prévoir que le comité de la réglementation comptable, qui sera amené à se prononcer norme par norme pour ce qui concerne la reconnaissance des normes internationalement reconnues, détermine les conditions dans lesquelles les sociétés font usage de la dispense.
Sous le bénéfice de cette précision, qui pourrait prendre la forme proposée dans le sous-amendement, j'émettrai un avis favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. L'amendement de la commission des finances est exactement de même teneur que celui qui a été présenté par M. Hyest, mais je souhaite revenir sur le débat qui vient d'avoir lieu.
L'homogénéité des règles internationales est un souci professionnel très largement partagé.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous lire quelques extraits d'un article fort intéressant écrit par un associé d'un grand cabinet de commissaires aux comptes parisien.
On y trouve d'abord cette observation : « Force est de constater que la notion de règle comptable internationale utilisée par certains groupes ne permet pas, en réalité, d'identifier un référentiel précis et demeure floue. En outre, on observe parfois que les règles effectivement utilisées par un même groupe incluent des normes de l'IASC, certaines normes du FASB - Financial Accounting Standards Board - et des règles françaises. »
Un peu plus loin, l'auteur de cet article exprime son opinion : « L'entreprise doit adopter soit un référentiel ou l'autre dans son intégralité, soit l'un et l'autre séparément en préparant un double jeu de comptes. »
L'article se termine sur cette appréciation, qui est essentielle : « Le choix d'un référentiel comptable est un choix stratégique, qui doit donc se placer dans une perspective à long ou moyen terme et être lié, pour partie, au positionnement du groupe dans son environnement international actuel et futur. »
Je crois que le fond du débat est là.
M. le ministre nous a pleinement rassurés en ce qui concerne ses intentions ; elles rejoignent nos souhaits.
S'agissant de la notion de « corps de règles », il est vrai que c'est un concept assez difficile à cerner ou à interpréter juridiquement.
M. François Giacobbi, vice-président de la commission des lois. Cela fait un peu penser à « corde raide » ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous sommes, je crois, en sympathie intellectuelle avec M. le ministre sur ce texte. Certains ont pu rappeler que le référentiel international IASC était incomplet, mais le référentiel français est, lui aussi, incomplet.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il ne règle pas tous les arbitrages sur les différents points de méthode portant sur les différents comptes.
A partir du moment où c'est bien dans les conditions fixées par le comité de la réglementation comptable que l'homologation se fait, nous sommes fondés à supposer que le comité de la réglementation comptable va avoir toujours présente à l'esprit la nécessité d'opérer des choix homogènes. On n'imagine pas, en effet, le comité de la réglementation comptable favoriser le vagabondage d'une norme à une autre.
Je pense donc que le paragraphe I de votre sous-amendement, monsieur le ministre, est de nature à réduire les craintes qui ont pu être exprimées.
Je crois comprendre que votre conception des règles internationalement reconnues est très proche de celle que nous avions du « corps de règles internationalement reconnues ».
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 13 et sur l'amendement n° 3 rectifié ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'observe que l'amendement n° 3 rectifié est presque identique à l'amendement n° 9, sinon qu'il précise que ce sont les sociétés françaises qui sont visées. Puisque la loi de 1966 ne s'applique qu'aux sociétés françaises, il me paraît inutile de le rappeler ici. Ou alors, il faudrait le faire systématiquement !
Ce point mis à part, nous sommes tout à fait d'accord avec la rédaction proposée par la commission des finances.
Quant au sous-amendement n° 13, il se décompose en trois parties.
Nous sommes favorables au paragraphe I puisque le comité de la réglementation comptable fixera le cadre comptable qui s'imposera aux sociétés bénéficiant de la dispense.
En ce qui concerne le paragraphe II, qui tend à remplacer les mots « un corps de règles » par les mots « des règles », vous nous aviez presque convaincus par avance, monsieur le ministre.
Nous tenions essentiellement à ce que l'on précise bien le cadre dans lequel le comité de la réglementation comptable serait amené à autoriser les entreprises à utiliser des normes internationalement reconnues pour l'établissement de leurs comptes consolidés, afin que le vagabondage comptable cesse.
Il est clair qu'il s'agit aussi par là d'encourager l'émergence d'un corpus de normes internationales, ...
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... et je crois que la France est tout à fait engagée dans ce processus, d'autant que le président de l'Organisation internationale des commissions de valeurs est actuellement le président de la Commission des opérations de bourse. La France est donc partie prenante dans cette affaire, bien entendu en liaison avec les institutions européennes.
Par conséquent, la commission des lois approuve également le paragraphe II du sous-amendement.
En revanche, monsieur le ministre, s'agissant du paragraphe III, pourquoi rappeler dans la loi de 1966 la procédure d'élaboration des règlements du comité de la réglementation comptable ? Nous n'en sortirons plus ! Si l'on modifie les méthodes d'élaboration de cette réglementation, il faudra également modifier la loi de 1966 !
Dès lors que les règlements du comité de la réglementation comptable sont homologués et publiés, ils s'imposent évidemment aux sociétés. Il est donc inutile de rappeler de nouveau dans la loi de 1966 comment ils sont élaborés.
Monsieur le ministre, ou bien vous renoncez à cette troisième partie de votre sous-amendement, ou bien je serai obligé de demander un vote par division.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Qu'on me permette d'abord de me réjouir du débat qu'a suscité cet article 6. Le compte rendu de nos travaux constituera la référence pour ceux qui seront chargés de mettre en oeuvre ce dispositif.
S'agissant du paragraphe III du sous-amendement, il avait été conçu pour aller au-devant du souhait de M. le rapporteur de rendre la loi lisible. En effet, ceux qui, demain, se saisiront de la loi de 1966 n'auront pas nécessairement à l'esprit les références de la loi qui s'élabore en ce moment.
C'était une bonne manière d'indiquer au lecteur qu'il y avait un processus d'élaboration de la norme et de l'homologation. Cela étant dit, je sais le souci qui anime la commission des lois.
M. François Giacobbi, vice-président de la commission des lois. Il n'y a pas de division ; il n'y a que l'union !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il s'agit d'éviter d'alourdir inutilement les textes et de s'en tenir à l'essentiel.
Donc, je retire bien volontiers le paragraphe III du sous-amendement n° 13, ce qui évitera au Sénat d'avoir à se prononcer par division.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 13 rectifié, présenté par le Gouvernement et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 9 pour l'article 357-8-1 de la loi du 24 juillet 1996 :
I. - Après les mots : « qu'elles utilisent », à insérer les mots : «, dans les conditions fixées par le Comité de la réglementation comptable, ».
II. - A remplacer les mots : « un corps de règle » par les mots : « des règles ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 13 rectifié, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7