EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 512, 1995-1996)
relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diversers mesures d'ordre
statutaire. [Rapport n° 44 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi que j'ai le privilège de vous présenter aujourd'hui
contient une série de mesures consacrant, pour les fonctionnaires et agents de
nos trois fonctions publiques, des avancées incontestables sur le plan social
et sur le plan humain.
Ce texte constitue également l'aboutissement d'une démarche contractuelle qui
a permis, en quelques mois, de conclure trois accords avec six des sept
organisations syndicales de fonctionnaires : l'accord-cadre sur la formation
continue du 22 février 1996, l'accord sur la résorption de l'emploi précaire du
14 mai 1996, l'accord sur le congé de fin d'activité et pour l'emploi des
jeunes du 16 juillet 1996.
Le premier de ces trois accords n'exige pas, pour sa mise en oeuvre, une
traduction législative.
Les deux autres, qui sont le fruit d'un dialogue social approfondi,
impliquent, en revanche, votre intervention. Les dispositions législatives que
le Gouvernement vous propose d'adopter sont très attendues des fonctionnaires
et des partenaires sociaux.
Je veux, d'entrée, souligner l'innovation que constitue le présent projet de
loi. Il s'agit en effet d'une « première » dans la mesure où une négociation a
préfiguré une législation dans le secteur de la fonction publique.
Pour le Parlement, cette procédure n'est toutefois pas nouvelle, car on ne
compte plus, dans le secteur privé, les accords interprofessionnels qui ont
anticipé une législation, notamment dans les domaines de la sécurité de
l'emploi, de la formation continue ou de l'insertion professionnelle.
Je me réjouis que les partenaires sociaux de la fonction publique soient
désormais associés à l'oeuvre du législateur par l'intermédiaire des accords
signés avec le Gouvernement.
Le dispositif proposé se compose de trois grandes rubriques dont je souhaite
rappeler l'esprit avant de les développer.
La première rubrique, contenue dans le titre Ier, traduit le souci de mener
une politique sociale active et découle du constat qu'il s'est développé, au
cours des ans, dans la fonction publique, des pratiques de recrutement et
d'emploi totalement anormales.
S'il est en effet légitime que l'administration garde une souplesse de
gestion, il ne faut pas que se développe de manière pérenne ce que d'aucuns ont
pu appeler une « sous-fonction publique ».
Devant le constat de la multiplication des emplois précaires, le Gouvernement
s'est engagé dans une négociation qui tendait, d'abord, à mesurer exactement
l'étendue du phénomène - cette tâche nous a pris quelque temps, il faut
l'avouer - ensuite, à dégager dans la transparence des solutions propres à
résoudre le problème social posé et, enfin, à mettre en oeuvre les procédures
tendant à ce que le phénomène ne se reproduise pas.
Cette négociation a été conduite avec la ferme volonté, de part et d'autre -
je crois pouvoir le dire - de respecter les principes suivants : ne pas
augmenter le nombre d'agents, ne pas augmenter la dépense publique, maintenir
le concours comme mode de recrutement dans la fonction publique.
La deuxième partie du projet, qui forme le titre II, est l'aboutissement d'une
démarche voulue par le Premier ministre, lors du sommet social du 21 décembre
1995, et consistant en la transposition, dans les trois fonctions publiques, de
l'accord UNEDIC signé par les partenaires sociaux le 6 septembre 1995, vous
vous en souvenez. Cette transposition se concrétise par le projet
d'instauration de ce que nous avons appelé le congé de fin d'activité, le CFA,
dont l'objet est de permettre, par des départs anticipés, le recrutement de
jeunes.
L'engagement pris, à cet égard, par l'Etat pour une période d'un an, devrait
permettre, dans le cadre d'un effectif global légèrement décroissant, de
maintenir, voire d'accroître les flux de recrutement.
Enfin, la dernière partie du projet de loi qui vous est soumis, le titre III,
se compose, comme c'est l'usage dans ce type de projet, de diverses
dispositions comportant à la fois des avancées en matière européenne et
sociale, des modifications d'organisation administrative, des régularisations
et prorogations, et, enfin, des validations.
Entrons maintenant, si vous le voulez bien, dans le détail de ces diverses
dispositions.
D'abord, la résorption de l'emploi précaire. C'est l'objet - je l'ai déjà
précisé - du titre Ier, qui comporte dix articles et concerne les trois
fonctions publiques.
Il pose, d'abord, des règles communes à la fonction publique d'Etat, à la
fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière.
Le principe est de stabiliser l'emploi des agents qui sont en place. La
modalité de résorption de la précarité est le concours. La durée du plan est de
quatre ans pour les trois fonctions publiques. Le titre Ier adapte, ensuite, le
champ de ces règles à chaque fonction publique.
Pour l'Etat, l'emploi précaire concerne à la fois des agents de la catégorie
C, pour les tâches d'exécution, et les maîtres auxiliaires dans l'enseignement
public.
L'enseignement privé fait, quant à lui, l'objet de mesures particulières,
définies en concertation avec les intéressés.
Plus de 50 000 agents, dont environ 30 000 maîtres auxiliaires, pourraient
être admis à passer des concours en vertu de ces dispositions.
Dans la fonction publique territoriale, le plan concerne des agents non
titulaires exerçant des fonctions du niveau des catégories A, B, et C, qui, par
leur nature, correspondent à celles qui sont définies par les statuts
particuliers des cadres d'emplois. Pour que ces agents soient concernés, il
faut que, depuis la publication desdits statuts, aucun concours - ou un seul
concours ayant abouti, à la date du 14 mai 1996, à l'établissement d'une liste
d'aptitude - n'ait été organisé. Cette condition est appréciée par l'autorité
statutairement compétente pour l'organisation des concours.
On évalue à plus de 50 000 le nombre des agents de la fonction publique
territoriale qui pourraient être concernés.
A cet égard, je veux insister plus particulièrement sur deux points.
En premier lieu, il m'appartient, bien sûr, en tant que ministre de l'ensemble
de la fonction publique, et compte tenu du caractère statutaire et général des
règles de la fonction publique, de mener les négociations avec les
organisations syndicales nationales.
Pour autant, il est évident que les employeurs locaux doivent y être
étroitement associés grâce à une concertation régulière. Telle est la démarche
que j'ai développée. Les associations d'élus ont été systématiquement tenues
informées à chacune des grandes étapes de discussion des protocoles. Tout au
long des mois écoulés, elles ont pu réagir et exprimer leurs propositions ou
leurs attentes.
Dans ce cadre, j'ai confirmé, en particulier aux représentants des élus locaux
un volet important du dispositif. Après les concours réservés, ils disposeront
de la liberté de recrutement, au même titre qu'à l'issue d'un concours de droit
commun. Il y a tout lieu de considérer que, dans la pratique, les élus
recruteront effectivement comme titulaires les agents qui leur donnaient
durablement satisfaction comme contractuels. Mais il convient, conformément au
principe de libre administration des collectivités locales, de leur laisser la
liberté.
C'est d'ailleurs ce principe qui m'amène à exclure toute formule de
titularisation directe. Outre qu'il ne serait ni juste ni sain, douze ans après
la mise en place du statut général, de réouvrir de tels mécanismes, cette
solution, qui a juridiquement un caractère impératif, jouerait totalement à
l'encontre de la libre décision des employeurs.
En second lieu, je tiens à souligner la très grande cohérence du critère
retenu pour déterminer les contractuels justifiant de l'accès à un concours
réservé.
Un dispositif qui conduirait la plus grande partie des contractuels à acquérir
de manière indifférenciée un grade de la fonction publique et à y développer
une carrière grâce à un concours dérogatoire serait profondément injuste et
contraire au principe d'égalité d'accès des citoyens aux emplois publics. Les
contractuels seraient, en effet, favorisés par rapport aux jeunes diplômés, qui
doivent passer les concours externes, et aux agents titulaires en fonction qui
cherchent à progresser par le concours interne.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Aussi, conformément au protocole, le projet de loi
établit une distinction entre les contractuels qui avaient et continuent
d'avoir la possibilité de se présenter, de manière fréquente ou irrégulière,
aux concours de droit commun et ceux qui sont confrontés à l'absence ou à la
rareté des concours, rendant le recours au contrat incontournable.
C'est dans cette seconde hypothèse, et seulement celle-là, qu'il est normal de
compenser le handicap par l'ouverture de concours réservés.
Enfin, dans la fonction publique hospitalière, les agents assurant des
missions permanentes en qualité de contractuels jusqu'au niveau de la catégorie
B pourront bénéficier du plan dès lors qu'ils ont été employés dans les mêmes
conditions de durée que les agents de la fonction publique de l'Etat. Ces
agents doivent occuper des fonctions qui, par leur nature, correspondent à
celles qui sont normalement dévolues aux agents titulaires de statuts
nationaux. Environ 10 000 agents seront concernés, dont 1 600 de niveau B et le
reste de niveau C
Pour être candidats, tous ces agents devront remplir les conditions suivantes
: d'abord, avoir été en fonction lors de la signature de l'accord ou pendant
une période antérieure à cette signature pouvant remonter au 1er janvier 1996 ;
ensuite, justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions à chaque
concours, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe
d'accès au corps concerné ; enfin, justifier d'une durée de services effectifs
au moins égale à quatre ans d'équivalent temps plein au cours des huit
dernières années.
Au total, près de 150 000 personnes sont susceptibles de bénéficier du
dispositif dans les trois fonctions publiques, les établissements publics
administratifs qui en dépendent et l'enseignement privé sous contrat.
Avant de clore ce chapitre consacré à la résorption de l'emploi précaire, je
voudrais rappeler quelque peu solennellement qu'il ne s'agit pas d'un plan de
titularisation pur et simple, et que cette « opération vérité » ne crée pas
d'emplois et n'obère pas les recrutements normalement effectués par ailleurs,
notamment les concours externes.
J'ajoute, enfin, que l'objectif est de tenter de faire oeuvre durable en
évitant la reconstitution du phénomène de précarité. Il y aurait, en effet,
quelque provocation à venir devant vous pour résorber une déviation jugée
inacceptable, sans prendre le moyen d'y mettre fin autant que possible.
Je pense que l'opération engagée aujourd'hui est, à cet égard, tout à fait
exemplaire : le Parlement donne son aval à la résorption de l'emploi précaire,
mais l'administration s'astreint, de son côté, à ne plus s'affranchir du
contrôle parlementaire de l'emploi public en créant des emplois en dehors de
règles juridiques et budgétaires.
Après la résorption de l'emploi précaire, je voudrais évoquer la défense de
l'emploi lui-même.
Le titre II du projet de loi, qui comporte plus de trente articles, est
consacré à la mise en oeuvre d'un dispositif de départ anticipé pour les
fonctionnaires et agents des trois fonctions publiques.
Pour bénéficier d'un congé de fin d'activité à cinquante-huit ans, ceux-ci
doivent réunir certaines conditions.
Les fonctionnaires devront justifier soit de trente-sept ans et demi
d'assurance vieillesse, tous régimes confondus, dont vingt-cinq ans au moins de
services publics, soit de quarante ans d'assurance, tous régimes confondus,
dont quinze ans de services publics.
La condition d'âge ne sera pas opposable aux fonctionnaires disposant de
quarante ans de services pris en compte au titre de l'un des régimes spéciaux
de fonctionnaires.
Quant aux durées d'assurance, elles pourront être réduites pour les femmes
fonctionnaires pour chacun de leurs enfants légitimes, naturels ou adoptifs,
sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt
et unième année révolue dans les conditions fixées à l'article L. 12 du code
des pensions civiles et militaires de retraite, c'est-à-dire un an par
enfant.
Les agents non titulaires devront justifier de quarante ans d'activité au
titre des régimes obligatoires d'assurance vieillesse - par analogie avec
l'accord UNEDIC - dont vingt-cinq ans au moins de services publics.
La condition d'âge ne sera pas opposable aux agents non titulaires qui peuvent
invoquer plus de quarante-trois ans d'assurance, tous régimes confondus, et
quinze ans de services publics.
Des mesures d'adaptation seront prises pour les ouvriers de l'Etat affiliés au
Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, ainsi que
pour les maîtres et documentalistes ou contractuels agréés à titre définitif
des établissements privés sous contrat des ministères de l'éducation nationale,
de l'enseignement supérieur et de l'agriculture.
J'ajoute que les exploitants publics, notamment La Poste, entrent dans le
champ de l'application de ces mesures.
Je tiens à souligner que le dispositif mis en place témoigne de la volonté du
Gouvernement d'élargir au maximum les possibilités de départ pour permettre des
recrutements, car, pour la première fois, le principe de la mixité des services
est admis.
Les emplois ainsi libérés par des agents ayant un grand nombre d'années de
travail, et qui percevront pendant leur congé un revenu de remplacement calculé
pour être comparable, voire identique, à la pension dont ils bénéficieront à
soixante ans, seront affectés intégralement au recrutement.
C'est un engagement fort de l'Etat et des employeurs publics - collectivités
territoriales et hôpitaux - qui sera inscrit dans la loi.
Ce dispositif a évidemment un coût. Pour l'Etat, il est pris en charge par le
budget, ce qui constitue, dans le contexte actuel, le témoignage de sa
détermination à soutenir et promouvoir l'emploi. Pour les collectivités
territoriales et les hôpitaux, le surcoût salarial du dispositif sera pris en
charge par un fonds de compensation alimenté par prélèvement sur les réserves
du régime de l'allocation temporaire d'invalidité.
Il n'y aura donc, en particulier pour les collectivités territoriales et les
hôpitaux, aucune charge nouvelle.
M. René-Pierre Signé.
On peut l'espérer !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Ce dispositif, qui entrera en application le 1er janvier
1997 pour un an, pourrait concerner 15 000 personnes, dont 10 000 pour la seule
fonction publique de l'Etat.
Enfin, il me reste à vous présenter les dispositions du projet de loi
contenues dans le titre III.
Il comporte plus de vingt-cinq articles, dont, comme il est d'usage, l'objet
est plus divers.
On peut néanmoins distinguer parmi ces dispositions, en premier lieu, celles
qui concernent l'ouverture des fonctions publiques aux fonctionnaires
ressortissants des autres fonctions publiques de la Communauté.
En instituant un nouveau type de détachement, le dispositif projeté permet de
respecter nos engagements européens et de confronter les expériences, tout en
maîtrisant les flux et en garantissant le respect de notre système de fonction
publique, ainsi que des régimes spéciaux de retraite et de sécurité sociale.
Je rappellerai sur ce point que les dispositions qui vous sont soumises
résultent d'un accord des ministres européens de la fonction publique, qui se
sont engagés, le 10 mai 1996, à Rome, à permettre une véritable mobilité
transfrontalière des fonctionnaires. Des décrets en Conseil d'Etat viendront
préciser les modalités d'octroi et la durée du détachement.
En deuxième lieu, un certain nombre de dispositions comportant des avancées
sociales sont inscrites dans le projet de loi.
Il s'agit tout d'abord de l'inscription du sida dans la liste des maladies de
longue durée. Pour être plus précis, il s'agit de permettre aux fonctionnaires
atteints du sida de bénéficier d'un congé de longue durée qui peut atteindre
cinq ans, alors qu'actuellement ils ne peuvent obtenir qu'un congé de longue
maladie, d'une durée maximale de trois ans.
Une autre mesure concerne l'extension du congé parental en matière d'adoption.
Il s'agit là d'étendre aux fonctionnaires un droit ouvert aux salariés du
secteur privé par la loi d'origine parlementaire du 5 juillet 1996 relative à
l'adoption. Elle permet, vous le savez, de bénéficier d'un congé parental lors
de l'adoption d'un enfant de plus de trois ans.
Enfin, une troisième disposition a trait à la protection des fonctionnaires en
cas de poursuites pénales : c'est une mesure de clarification qui, je crois,
était très attendue, notamment par les personnels de direction des
établissements scolaires, et dont l'adoption avait été recommandée par le
Conseil d'Etat dans un rapport du 9 mai 1996. Il convient, en effet, que notre
droit affirme sans ambiguïté le droit du fonctionnaire à une protection en cas
de poursuites devant le juge pénal, dès lors que celles-ci se rapportent à des
faits accomplis dans le cadre de sa mission et n'ayant pas le caractère d'une
faute personnelle.
En troisième lieu, le projet de loi comporte des dispositions relatives à des
régularisations, à des validations ou à des prorogations de délai. Elles
constituent, vous le savez, un exercice obligé pour l'administration qui peut,
avec l'aide du Parlement, corriger, amender ou stabiliser des situations,
notamment individuelles. Je vise précisément les validations en matière de
recrutement par concours.
Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les lignes de force qui
sous-tendent le dispositif qui vous est présenté.
Ce dispositif constitue un exemple tangible de l'action que je conduis depuis
un an en faveur des fonctionnaires et des agents publics, en m'appuyant sur un
dialogue social approfondi et permanent avec les organisations syndicales
représentatives.
Il s'intègre par ailleurs parfaitement dans la politique gouvernementale de
maîtrise de la dépense publique et de justice sociale. Régler les situations de
précarité, maintenir, voire accroître les débouchés dans les trois fonctions
publiques pour les jeunes diplômés, tout en contenant les charges publiques,
c'est, je crois, contribuer de manière décisive à l'équilibre de notre fonction
publique et à la sérénité du climat social.
Je suis convaincu que le grand chantier de la réforme de l'Etat entrepris par
le Gouvernement ne pourra être mené à bien sans une véritable reconnaissance
accordée aux agents de l'administration. Voilà pourquoi, mesdames, messieurs
les sénateurs, je vous demande d'aider le Gouvernement à mettre en place le
dispositif équilibré et, je crois, inventif, maîtrisé et généreux, consacré par
le projet de loi qui vous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le « sommet social »
présidé par M. le Premier ministre et conclu par lui le 21 décembre 1995 avait
donné lieu à la prise par le Gouvernement d'un certain nombre d'engagements à
l'égard des agents de la fonction publique.
En votre qualité de ministre chargé de la fonction publique, vous avez
poursuivi cette négociation et conclu avec six des sept organisations
syndicales représentatives de la fonction publique deux protocoles d'accord
importants.
Le premier protocole, signé le 14 mai 1996, tend non seulement à consolider
les conditions d'emploi de certains agents publics dont le lien avec leur
employeur est actuellement précaire et, de ce fait, souvent non conforme aux
garanties contenues dans les statuts de ces agents, mais aussi à améliorer le
régime de protection sociale des agents dont l'emploi occasionnel ne permet pas
d'envisager l'intégration définitive.
Le second protocole, signé le 16 juillet 1996, tend à permettre un départ
anticipé de certains agents proches de la fin de carrière, en vue de libérer
des emplois permettant de recruter, nombre pour nombre, des jeunes.
Parmi les sept organisations syndicales représentatives, seule la CGT s'est
abstenue d'apposer sa signature sur ces accords.
Cette procédure de négociation directe et ciblée sur des points précis, si
elle n'a pas de valeur juridique propre, s'est, une nouvelle fois, révélée
efficace. Elle présente l'immense avantage d'offrir un champ opératoire
délimité à l'avance et d'éviter ainsi que les discussions ne se perdent dans le
maquis encombré des statuts des fonctions publiques.
Faut-il rappeler que cette procédure, inaugurée il y a trente ans avec ce que
l'on appela la procédure « Toutée », a été utilisée en mai et juin 1968 lors du
protocole « Oudinot », qui s'est tenu sous la présidence du président Georges
Pompidou lui-même, et qu'elle fut reprise, entre 1981 et 1993, notamment par
MM. Anicet Le Pors et Michel Durafour, puis, après 1993, par MM. Daniel Hoeffel
et André Rossinot ? Si les visions de la fonction publique de ces divers
responsables ont pu être différentes, le recours à une concertation largement
ouverte est devenu la méthode de tous, méthode qui se révèle dans tous les cas
productive, je dirai même fructueuse.
Je voudrais simplement, monsieur le ministre, vous suggérer de l'améliorer
encore - mais vous y avez fait allusion.
J'ai pu constater en effet une certaine déception de la part des associations
nationales d'élus municipaux et départementaux, qui se plaignent d'être tenus
trop en dehors de ces négociations.
M. René Régnault.
C'est vrai !
M. François Blaizot,
rapporteur.
Ces élus rappellent que les décisions prises par le
Gouvernement dans ces circonstances règlent les situations qui sont celles de
leurs agents, qu'au surplus ces décisions ont, le plus souvent, une incidence
directe sur les budgets des collectivités qu'ils dirigent et que, par
conséquent, il ne serait que juste qu'ils soient invités à prendre part aux
discussions. C'est un progrès qu'il ne doit pas être bien difficile de mettre
en place au sein de la procédure que vous avez pratiquée avec un indiscutable
succès.
Indiscutablement, vous avez fait en sorte, monsieur le ministre, que les
représentants des maires, ou des communes et des départements, soient tenus
très étroitement informés du progrès de vos négociations avec les syndicats.
Mais ce que souhaiteraient ces responsables, c'est qu'un pas de plus soit fait
et qu'ils soient associés à la négociation, afin de faire connaître leur point
de vue, voire leurs
desiderata
, sur les éléments qu'il conviendrait de
mettre en place, car ils considèrent que cela n'est pas encore acquis.
Bien sûr, rien n'est jamais parfait, mais je pense qu'un perfectionnement de
la méthode est possible dans ce domaine, qui donnerait largement
satisfaction.
Ce rapide retour sur la genèse des accords de 1996 étant effectué, il convient
de rappeler que la négociation s'était ouverte à la fin de 1995 sur un sujet
très large, « le temps et l'organisation du travail dans la fonction publique
».
Ce sujet marque, avec les titres I et II du projet de loi, des progrès très
significatifs. Il ne sera cependant pas épuisé, et le protocole du 16 juillet
1996 précise que d'autres points restent en discussion sur l'aménagement, la
réduction, la réglementation du temps de travail. Leur traitement se poursuivra
pendant l'automne 1996 et la mise au point d'un accord est attendue dans le
courant de l'hiver prochain.
Nous pouvons donc nous réjouir que non seulement nous franchissions
aujourd'hui une étape, mais encore que cette étape s'inscrive sur un parcours,
dans une heureuse évolution.
Le titre Ier traite de la résorption des emplois précaires dans la fonction
publique, le titre II de l'instauration d'un congé de fin d'activité. Le projet
de loi est complété par un titre III, qui rassemble diverses mesures d'ordre
statutaire propres à améliorer la gestion des fonctions publiques.
Chacune des trois fonctions publiques, celle de l'Etat, celle des
collectivités territoriales et celle des établissements hospitaliers, est
concernée par chaque mesure proposée, ce qui permet de sauvegarder les
équilibres qui ont été posés par le statut général dans la loi du 13 juillet
1983, dans la loi du 11 juin 1984 pour les agents de l'Etat, dans la loi du 26
janvier 1984 pour les agents des collectivités territoriales et dans la loi du
9 janvier 1986 pour les agents des établissements hospitaliers.
Ces quatre textes, issus d'une même conception générale, diffèrent, bien
entendu, par certaines nuances. Il en résulte dans le projet de loi que nous
examinons des répétitions qui alourdissent le texte, le fil conducteur
toutefois restant clair.
Examinons le titre Ier, qui traite de la résorption des emplois précaires.
Il faut bien reconnaître que l'emploi précaire, notamment l'emploi à durée
déterminée, constitue une situation sociale de plus en plus mal supportée dans
le secteur privé et plus encore dans le secteur public, où il aurait toutes les
raisons de ne pas exister, en tout cas d'être exceptionnel, puisque l'article 3
du titre Ier du statut général prévoit que « les emplois civils permanents de
l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements
publics à caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires ».
Ceux-ci sont titulaires de leur emploi, auquel ils ont dû accéder par concours,
aux termes de l'article 16 ; ils jouissent donc de la garantie de l'emploi et,
plus généralement, d'une certitude de carrière. Or une grande proportion des
agents a le sentiment que ces garanties ne lui sont pas assurées. Ils éprouvent
un sentiment de frustration et s'interrogent. Les mesures que vous nous
proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, permettront de remédier à cette
situation ; c'était nécessaire.
Force est de constater que, dans les trois fonctions publiques, l'emploi de
contractuels recrutés sous contrat à durée déterminée ou non en vue d'occuper
des emplois pourtant permanents s'est poursuivi, voire développé, au fil des
années.
Le nombre d'agents placés dans cette situation et qu'il serait souhaitable
d'intégrer serait de l'ordre de 150 000 ; il s'agit donc d'une opération de
grande envergure.
Le dispositif qu'il est prévu de mettre en place sur les quatre prochaines
années, d'après l'étude d'impact que vous avez associée au projet de loi,
monsieur le ministre, devrait concerner plus de 80 000 emplois. Il est
évidemment difficile de dire combien de titularisations pourront être assurées
à l'intérieur de chaque catégorie.
En tout cas, dans la fonction publique de l'Etat, 12 000 agents seraient
susceptibles de bénéficier des opérations projetées ; ils seraient 11 000 dans
l'enseignement, notamment des maîtres auxiliaires ou équivalents, dépendant du
ministère de l'agriculture par exemple.
Dans la fonction publique territoriale, 39 000 agents de catégories A et B et
11 000 de catégorie C seraient concernés.
Dans la fonction publique hospitalière, ce seraient 1 600 agents de catégorie
B et 7 200 de catéorie C qui seraient touchés.
Tous ces chiffres sont d'une fiabilité très incertaine, les bases statistiques
étant mal connues. L'un des avantages des opérations qui vont être engagées
sera précisément de nous permettre de mieux appréhender ces éléments numériques
sans lesquels il est bien difficile de mettre au point un dispositif.
Ce n'est pas la première fois que, depuis le statut de 1946, le phénomène de
prolifération des agents auxiliaires dans les services publics est constaté. En
1946, au moment de la publication du statut de base - le premier digne du nom
de statut -un recencement avait montré que 36 % des agents de l'Etat se
trouvaient dans cette situation antistatutaire et fragile.
Une loi de 1950 avait prescrit leur intégration. Cependant, dès 1974, un
nouveau recencement mettait en évidence la présence de 374 000 auxiliaires,
soit plus du quart des titulaires. Sous l'autorité de Gabriel Peronnet, 95 000
d'entre eux avaient pu être titularisés.
Ces mesures n'empêchèrent pas qu'un nouveau recencement, en 1981, révèle la
présence de 350 000 non-titulaires et entraîne la mise en place d'un nouveau
plan de titularisation.
Cet historique met bien en évidence la réapparition cyclique de l'emploi
précaire. Sans doute les périodes concernées se sont-elles caractérisées par
une croissance significative du nombre des fonctionnaires. Ce furent des
périodes de fort recrutement. Aujourd'hui, nous sommes dans la situation
inverse ; on ne devrait donc pas rencontrer, dans les années qui viennent, les
mêmes débordements par rapport aux règles statutaires.
Il est bon toutefois de se souvenir de ces phénomènes, et, après l'opération
d'intégration qui est actuellement proposée, il conviendra de prendre des
dispositions plus sévères pour que le cycle ne se réamorce pas. Vous nous avez
dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que telle était bien votre intention,
et l'on peut d'autant plus s'en réjouir que les circonstances actuelles sont
favorables à la disparition des déviations antérieures.
Quelles furent les causes de ces anomalies ? Pour les déterminer, il faut
opérer une distinction entre les différentes fonctions publiques.
Dans la fonction publique d'Etat, il y eut prolifération de personnels de
catégorie C qui ont été recrutés pour des emplois considérés sincèrement comme
temporaires mais qui, à l'expérience, se sont révélés durables et qui, par
conséquent, se sont maintenus.
Dans l'enseignement - c'est peut-être dans ce secteur que l'on trouve le plus
grand nombre de ces anomalies - les besoins constamment croissants ont conduit
au recrutement d'enseignants dénommés maîtres auxiliaires, recrutés sur
contrats, le plus souvent annuels, mais régulièrement renouvelés chaque année,
et l'on a vu, à la rentrée scolaire de 1996, combien cette situation précaire
avait créé, au sein du personnel enseignant, un sentiment d'insatisfaction ou
d'insécurité auquel il faut évidemment mettre un terme.
Dans la fonction publique territoriale, l'existence d'agents non titulaires
affectés à des emplois permanents s'explique sans doute plus facilement du fait
de la date relativement récente - 1982-1983 - de la décentralisation, qui a
entraîné le transfert d'un grand nombre de tâches aux collectivités locales,
ainsi que de la publication plus récente encore des décrets portant statuts
particuliers des cadres d'emplois. Toutes ces mesures ont nécessairement créé,
non pas du désordre, mais une situation incertaine en pleine période de
constitution de cette fonction publique territoriale.
Il est bien évident qu'au moment où l'on trace le cadre d'une fonction
publique de ce type on ne peut pas prétendre pouvoir, du jour au lendemain,
respecter la totalité des règles qui ont été envisagées.
Je dois dire que les diverses dispositions qui ont été prises depuis la loi de
1984 ont à la fois permis des ajustements favorables et introduit des
difficultés de gestion qui ont contribué, me semble-t-il, à faire, que de
nombreux agents de la fonction publique territoriale se trouvent dans des
situations « antistatutaires » - il faut bien appeler les choses par leur
nom.
Dans la fonction publique hospitalière, la grande diversité des
établissements employeurs fait que nombre de leurs besoins en personnel ne sont
couverts par aucun statut et ne peuvent donc donner lieu à aucun recrutement de
titulaires. L'urgence qu'il y avait à remplacer des agents momentanément
indisponibles dans cette fonction hospitalière très particulières ou à ouvrir
un emploi pour des fonctions occasionnelles a conduit à des recrutements
provisoires qui ne devaient pas excéder un an, mais qui se sont fréquemment
pérennisés.
Ces différents éléments mettent bien en évidence la nécessité dans laquelle
nous sommes de mettre en oeuvre un programme de titularisation d'une certaine
ampleur. Le dispositif que vous avez mis au point avec les syndicats dans un
premier protocole, monsieur le ministre, nous paraît bienvenu. Il consiste,
vous nous l'avez rappelé tout à l'heure, à lancer des concours spécifiques
réservés aux agents non titulaires des trois fonctions publiques afin de
permettre aux meilleurs d'entre eux d'être titularisés sur des emplois ouverts
à cet effet.
Ce dispositif serait appelé à fonctionner pendant quatre ans. Pourront
présenter leur candidature à ces concours réservés les agents des trois
fonctions publiques, non titulaires bien sûr, qui exercent des fonctions
normalement dévolues à des titulaires. Ils devront justifier d'une ancienneté
de service, au sein de leur fonction publique, de quatre ans d'équivalent temps
plein au cours des huit dernières années. Ils devront être titulaires des
titres universitaires et diplômes exigés des candidats aux concours ordinaires
qui donnent accès aux mêmes fonctions.
Nous pensons, monsieur le ministre, que ce dispositif est bon et qu'il a été
bien ajusté à la réalité des situations, sauf peut-être sur un aspect au sujet
duquel je ne sais pas jusqu'à quel point il faut nourrir des inquiétudes : il
s'agit de l'adaptation qui devra être faite entre le nombre de candidatures et
le nombre de places ouvertes aux concours.
Certes, nous aurons quatre ans pour assurer cet ajustement. Par conséquent
même si, la première année, certaines difficultés d'ajustement entre le nombre
de places ouvertes et le nombre de candidats venaient à se présenter, il
faudrait non pas s'en inquiéter outre mesure mais simplement réajuster le tir
pour que, au cours des trois années suivantes, les discordances soient
gommées.
C'est un point sur lequel vos services et vous-même, monsieur le ministre,
devrez porter toute votre attention. Il ne faudrait pas en effet qu'un nombre
excessif de candidats soient refusés aux concours, ce qui entraînerait
évidemment une grande déception. S'il est normal qu'un concours comporte des
reçus et des collés, encore faut-il que le nombre des reçus soit convenablement
adapté au nombre de candidats pour que ces derniers aient le sentiment que la
voie qui leur a été proposée était praticable.
Vous avez été amené à prendre certaines dispositions en fonction des
urgences.
Ainsi, pour la fonction publique de l'Etat, les concours ouverts seront
principalement destinés aux agents de catégorie C et aux maîtres auxiliaires.
Il s'agit, en effet, des cas les plus préoccupants.
En ce qui concerne la fonction publique territoriale, les concours de
titularisation seront réservés aux agents exerçant des fonctions pour
lesquelles un concours au plus a donné lieu à l'établissement d'une liste
d'aptitude antérieurement au 14 mai 1996. Il s'agit donc de concours réservés à
des personnels qui ont eu peu de chances d'être en mesure de passer des
concours normaux et qui, par conséquent, peuvent considérer avec une certaine
raison que leur carrière est bloquée dans la mesure où ils n'ont pas encore
accédé à la situation normale d'un membre de la fonction publique, c'est-à-dire
celle de fonctionnaire titulaire.
S'agissant de la fonction publique hospitalière, les concours ouverts
s'adresseront à des agents exerçant des fonctions correspondant au plus à la
catégorie B.
Je pense que ces dispositions sont bonnes. Il faut notamment se féliciter que
soient maintenus le principe du concours et l'exigence des diplômes sans
lesquels l'opération d'intégration risquerait de ne pas garantir la qualité du
recrutement et pourrait même apparaître, notamment aux yeux de ceux qui doivent
passer les concours normaux, comme une injustice.
Ce dispositif, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, ne
sera certes pas facile à mettre en oeuvre. Des difficultés ne manqueront pas
d'apparaître.
J'ai fait allusion à l'harmonisation entre le nombre de places ouvertes et le
nombre de candidats satisfaisant aux conditions requises.
L'étalement de l'opération sur quatre ans correspondra-t-il au rythme
souhaitable ? Il faudra y veiller.
Par ailleurs, dans les ministères autres que celui de l'éducation nationale,
les perspectives restent bien imprécises puisqu'il est seulement prévu que ces
ministères « devront élaborer des programmes de résorption dans le respect des
dispositions en vigueur ». Il faudra bien trouver une solution pour que les
agents concernés, même en catégories A et B, aient une possibilité de
titularisation. C'est encore une difficulté à l'égard de laquelle il conviendra
de rester très attentif.
Ainsi que vous nous l'avez indiqué, monsieur le ministre, le titre Ier ne
semble pas devoir poser de problèmes de financement puisque les agents que l'on
veut intégrer sont déjà rémunérés sur crédits publics. Toutefois, ces crédits
devront, bien sûr, être remaniés et même remis en ordre pour être transférés
sur les chapitres de personnel, qui sont leur place normale.
Devra, en outre, être assuré le rattachement des agents intégrés aux régimes
de sécurité sociale dont ils doivent normalement relever.
Enfin, il faudra s'assurer que dans les diverses administrations les consignes
sont données pour que ne se reproduise pas, à l'avenir, le laxisme que nous
devons compenser aujourd'hui et qui, finalement, se révèle nuisible à tout le
monde : à l'administration parce qu'il y introduit le désordre ; aux agents
parce que ceux-ci se trouvent exposés à ce risque d'insécurité que nous avons
évoqué tout à l'heure.
J'en viens au titre II, qui traite du congé de fin d'activité.
Il est clair que la libération anticipée d'emplois tenus par des agents âgés
permet d'assurer le recrutement de jeunes. Or l'emploi des jeunes figure au
premier rang de nos proéccupations.
Cet objectif était d'ailleurs déjà celui de la loi du 25 juillet 1994, qui a
développé le dispositif de cessation progressive d'activité, lequel demeure
offert aux agents publics âgés de cinquante-cinq à soixante ans. Ceux qui en
bénéficient n'effectuent plus qu'un service à mi-temps et reçoivent une
rémunération égale à 80 % de leur salaire plein. On compte aujourd'hui, dans la
seule fonction publique de l'Etat, 25 000 bénéficiaires de ce dispositif, ce
qui prouve son utilité.
Ce qui nous est maintenant proposé, c'est non une cessation progressive
d'activité mais un arrêt complet et définitif d'activité, intervenant
normalement à l'âge de cinquante-huit ans dès lors que certaines conditions
sont réunies.
Cette mesure fait l'objet du deuxième protocole que vous avez signé, monsieur
le ministre, avec les syndicats représentatifs de la fonction publique.
Il convient de rappeler que ce protocole se situe dans le droit fil de
l'accord qui a été signé, pour le secteur privé, dans le cadre de l'UNEDIC.
Il est heureux qu'emplois privés et fonction publique trouvent ainsi un
rapprochement. En effet, nous le savons bien, d'une fonction à l'autre on a
tendance à se jalouser, les salariés du privé ayant, en particulier, tendance à
considérer que les fonctionnaires sont plus ou moins favorisés. Peut-être ce
sentiment traduit-il une certaine réalité, mais il est bon de montrer qu'il
existe un parallélisme entre les politiques pratiquées au sein du secteur
privée et au sein du secteur public.
Vous nous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que ce congé de
fin d'activité pourrait, en 1997, concerner 15 000 agents, dont 10 000 dans la
fonction publique d'Etat.
La condition d'âge de cinquante-huit ans connaît une exception : le congé de
fin d'activité sera accessible, en deçà de cet âge, aux fonctionnaires
titulaires qui totaliseront au moins quarante ans de services effectifs et aux
agents non titulaires qui totaliseront plus de quarante-trois ans d'activité.
Cela ne concernera sans doute qu'un nombre assez réduit de personnes puisqu'il
faudra que celles-ci aient commencé à travailler très jeunes.
Les conditions à remplir ne diffèrent que pour tenir compte de la qualité de
titulaire ou de non-titulaire de l'agent bénéficiaire. Les titulaires sont
quelque peu avantagés puisqu'ils doivent, pour prétendre au congé de fin
d'activité, justifier que de trente-sept annuités et demie de cotisations pour
la retraite, dont vingt-cinq ans de services publics, alors que les
non-titulaires doivent justifier de quarante annuités, dont vingt-cinq années
de services publics.
Ces dispositions résultent de négociations et elles sont acceptées par les uns
et les autres.
Sont également acceptées les légères mais tout de même sensibles différences
concernant le revenu de remplacement qui sera accordé pendant la durée du congé
de fin d'activité : 75 % du dernier traitement pour les titulaires et 70 % pour
les non-titulaires.
Je précise que, pendant la durée du congé, le bénéficiaire ne peut exercer
aucune activité lucrative.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, puis-je vous demander d'abréger votre propos ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
Je vais m'y efforcer, monsieur le président.
J'ajouterai simplement, concernant le congé de fin d'activité, que les
collectivités territoriales trouvent dans le dispositif prévu l'avantage d'une
compensation financière par l'Etat : elles paieront le revenu de remplacement
du bénéficiaire, mais l'Etat les remboursera sous réserve que l'agent âgé soit
remplacé par un jeune dans un délai qui est fixé par le projet de loi à trois
mois mais que nous proposerons de porter à six mois.
Pour abréger mon propos, monsieur le président, je ne m'attarderai pas sur les
dispositions diverses ; au demeurant, M. le ministre nous les a déjà décrites
dans le détail.
Après ce survol nécessairement trop rapide, car la matière est tout de même
assez complexe, je crois pouvoir dire que ce projet de loi est de nature à
répondre aux souhaits de nombreux agents de la fonction publique quant au
déroulement de leur carrière et aux garanties qu'ils sont en droit d'attendre
concernant les conditions dans lesquelles ils peuvent se consacrer à leurs
fonctions. Ce sont des éléments essentiels pour la consolidation de nos
fonctions publiques, consolidation que chacun de nous ressent comme
indispensable.
Mais, monsieur le ministre, consolidation ne doit pas signifier rigidité.
Notamment dans la fonction territoriale et hospitalière, une certaine
adaptation aux circonstances doit demeurer possible, à défaut de quoi la tâche
de maire ou de président de conseil général deviendrait très ardue.
Le mariage de la solidité et de la souplesse n'est pas simple, certes, mais
c'est cet équilibre que nous devons essayer de réaliser progressivement. Je
crois que les conditions sont réunies pour parvenir à ce résultat.
Pour cet ensemble de raisons, mes chers collègues, la commission des lois vous
proposera d'approuver, sous la réserve des quelques amendements qu'elle
présentera, les dispositions du présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Chacun l'aura compris, face à la complexité
de ce texte, un rapport approfondi était nécessaire, ne serait-ce que pour
faciliter le travail de notre assemblée dans les heures assez nombreuses
qu'elle va devoir y consacrer.
La commission des lois a fait ce qui était en son pouvoir pour aller dans le
sens de ce qui était proposé par le Gouvernement.
Cependant, la responsabilité que j'exerce en son sein me fait un devoir de le
dire ici, elle est un peu préoccupée par la procédure législative qui est, en
l'occurrence, suivie.
En effet, après que l'essentiel des dispositions nous eut été présenté, nous
avons vu arriver divers amendements d'origine gouvernementale. Si certains
d'entre eux se rapportent plus ou moins à l'objet principal du texte, d'autres,
c'est un fait, constituent autant de « cavaliers ».
Certes, cela ne saurait empêcher la commission de vous apporter son soutien,
comme elle l'avait décidé, monsieur le ministre, mais il y a tout de même là un
problème auquel je voudrais vous rendre sensible : au-delà de ce que nous
pourrons décider, d'autres instances - si tant est qu'elles soient saisies, ce
qui ne sera pas de notre fait - porteront peut-être une appréciation négative
quant au rapport existant entre ce texte et certaines de ses dispositions.
Déclaration de l'urgence du texte