M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 57 minutes ;
Groupe socialiste : 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 10 minutes.
Mes chers collègues, je vous informe que je serai parfois amené à vous signifier, grâce à la petite lampe qui clignote sur le pupitre de l'orateur, que le temps de parole qui vous a été alloué au sein de votre groupe s'épuise. Si vous dépassez votre temps de parole, c'est celui de vos collègues de groupe qui sera amputé.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je vous remercie d'emblée de nous avoir expliqué les raisons pour lesquelles le Gouvernement avait déclaré l'urgence pour ce projet de loi. Voilà qui n'est pas si fréquent ! J'ai siégé pendant fort longtemps auprès du président Dailly au sein du groupe de la Gauche démocratique. Cet ancien vice-président du Sénat, dont j'ai l'honneur d'occuper maintenant le bureau, était de ceux qui tonnaient régulièrement contre la procédure de déclaration d'urgence, en faisant remarquer que le bicamérisme s'en trouvait amputé puisque l'une des deux assemblées était empêchée de connaître les arguments de l'autre. Cette méthode avait, selon lui, été utilisée de manière abusive par bien des gouvernements.
Dans le cas présent, monsieur le ministre, vous vous heurtez à un problème de calendrier. Je sais bien que, voilà un instant, M. Pagès a fait remarquer que ce n'était pas la peine d'avoir instauré une session unique. Mais celle-ci n'allonge par les mois ! A partir du moment où un accord, conclu en juillet, doit être traduit sur le plan législatif afin de pouvoir s'appliquer en janvier, je suis obligé, monsieur le ministre, de constater, même en tant que membre du bureau de notre assemblée, que vous n'avez pas beaucoup d'autres solutions.
En tout cas, c'est bien la première fois, me semble-t-il, depuis que je siège au Sénat, qu'un ministre explique les raisons pour lesquelles il invoque l'urgence pour un texte. Je vous en donne donc acte, et je vous en remercie.
De même, il faut vous donner acte de la méthode que vous avez suivie pour tenter d'apaiser les relations entre les employeurs publics que sont l'Etat et les collectivités territoriales, l'employeur un peu particulier que sont les établissements hospitaliers et leurs personnels. Vous avez réussi à engager un dialogue qui a abouti aux accords de mai et de juillet.
Alors qu'un trop grand nombre de Français ne perçoivent la vie publique que par les grèves plus ou moins suivies ou les manifestations plus ou moins importantes et plus ou moins courtoises, il est réconfortant de constater qu'il est possible, entre gens de bonne volonté, de parvenir à un accord, à condition d'en aborder la discussion sans esprit de système et l'élaboration sans esprit d'exclusif. Il faut vous en donner acte et c'est, pour moi, un plaisir de le faire. L'époque dans laquelle nous vivons est plus constructive qu'on ne le croit !
Je tiens également à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois de l'examen qu'ils ont fait de ce texte complexe, qui couvre bien des aspects de la vie de certains de nos concitoyens mais qui nécessite de nombreuses adaptations. Je précise d'emblée que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, au nom duquel je m'exprime, votera, dans son immense majorité, ce projet de loi dans la mesure où les amendements de la commission seront acceptés par le Gouvernement et adoptés par le Sénat.
Certes, se pose le problème des cavaliers. L'officier de l'armée de terre servant dans les blindés que je fus est toujours content de voir arriver les cavaliers ! (Sourires.) Mais ce texte n'est pas précisément l'endroit où il fallait les placer, monsieur le ministre. Je crains effectivement que ces vaillants soldats ne connaissent, face à quelques obstacles, un sort funeste qui aurait pu leur être épargné si vous aviez eu recours à d'autres méthodes. Mais ainsi vont les choses. Nous serons certainement amenés à en débattre, peut-être à en accepter certains, mais probablement à en déplorer la chute ultérieure.
Permettez-moi, mes chers collègues, de reprendre l'examen de ce texte à l'envers.
Le titre III, qui vise à régler des cas techniques particuliers et quelquefois douloureux, ne suscite pas d'observations particulières, et le Sénat ferait bien, selon moi, d'en accepter à la fois l'économie et la conception.
S'agissant du titre II, qui traite des dispositions relatives au congé de fin d'activité, vous vous êtes inspiré, monsieur le ministre, dans vos discussions avec les syndicats, de l'exemple des accords conclus dans le privé, accords dont on a beaucoup parlé et qui, dans un certain nombre de cas, permettent d'obtenir des résultats satisfaisants mais qui ne peuvent être transposés dans toutes les situations.
La spécificité de certains métiers ou de certains emplois, la nécessité d'une certaine expérience ne permettent pas d'appliquer le dispositif dans toutes les entreprises. Il est vraisemblable que, même dans la fonction publique, quelle qu'elle soit, nous nous heurterons à ce type de difficultés. Cette disposition, même si elle peut susciter quelque espoir, ne permettra pas de résoudre le problème du recrutement et de l'emploi. Mais cette piste est intéressante et il convient donc de l'explorer. Cette disposition sera appliquée durant un an et nous verrons bien quelles conclusions il faudra en tirer.
S'agissant du titre Ier, monsieur le ministre, je suis d'accord avec le principe mais - car il y a un « mais » - il nécessite une sorte d'examen de conscience. Monsieur le ministre, de vous à moi, laquelle des trois fonctions publiques devrait se sentir le plus mal à l'aise face à la situation actuelle ? L'Etat avec sa fonction publique d'Etat, les collectivités territoriales avec la fonction publique territoriale ou bien les établissements hospitaliers avec la fonction publique hospitalière ?
Selon moi, les plus « coupables » en ce domaine seraient, par ordre décroissant, la fonction publique hospitalière, la fonction publique d'Etat et, enfin, la fonction publique territoriale.
En effet, lorsque je regarde ce qui se passe dans nombre d'établissements hospitaliers ou bien à l'éducation nationale - M. le rapporteur y a fait amplement référence tout à l'heure - je me dis qu'après tout les cas d'emplois précaires s'expliquent souvent beaucoup plus facilement au sein de la fonction publique territoriale que dans les deux autres fonctions publiques. Aussi conviendrait-il de prêter quelque attention à cet aspect du problème. Notre ami M. Albert Vecten précisera tout à l'heure la façon dont les responsables des collectivités locales départementales perçoivent ce texte.
Mais peut-être conviendrait-il de procéder à un tri, lors de l'élaboration des décrets d'application, afin de ne pas prendre des marteaux-pilons pour écraser des mouches et de ne pas placer les intéressés dans une situation impossible. Toujours est-il qu'il faut mettre fin à un certain nombre d'anomalies.
Monsieur le ministre, je serais plus à l'aise pour voter ce texte si j'étais assuré que tous les cas un peu bizarres qui peuvent exister en marge de la fonction publique étaient en quelque sorte « balayés ».
Pour ma part, j'en ai trouvé un qui est un peu folklorique et sur lequel je me suis permis de déposer un amendement : il s'agit des personnels chargés de la protection dentaire dans les écoles. Ils sont certes peu nombreux, mais ils sont plongés dans une situation inextricable du fait de l'inexistence d'un corps possible de rattachement et menacés dans leur emploi de vacataires par l'arrivée de personnel venant du secteur privé qui ont réussi à obtenir une délégation d'exercice de cette compétence.
J'imagine qu'il doit exister d'autres exemples.
Pour effectuer ce « balayage », il aurait peut-être suffi de s'intéresser aux réclamations non satisfaites émanant de tel ou tel bureau dans tel ou tel ministère. Je ne suis pas absolument certain que l'on ait procédé à cette opération et, de ce fait, je crains que nous ne soyons privés de la possibilité de stabiliser la situation de certaines personnels.
Cet aspect du problème n'est peut-être pas le plus important, mais il compte beaucoup pour les intéressés.
Monsieur le ministre, ces dispositions suscitent de ma part deux craintes et une interrogation.
S'agissant des craintes, j'indiquais tout à l'heure que les établissements hospitaliers avaient vu proliférer un certain nombre d'emplois précaires, quelquefois sous couvert de textes législatifs, tels que les CES, qui n'avaient pas nécessairement été créés pour pourvoir en personnel des emplois relativement stables.
Cependant, ce système a abouti à un certain équilibre des comptes de ces établissements, et cet équilibre, même s'il est quelque peu vicié par l'existence de ces emplois un peu particuliers ou un peu anormaux de par leur statut et leur rémunération, est un élément de l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
A-t-on mesuré, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, les conséquences d'un tel dispositif sur cet équilibre toujours précaire sur lequel l'Assemblée nationale délibère aujourd'hui et sur lequel nous serons amenés à nous prononcer dans deux semaines ?
Ma seconde crainte concerne les collectivités territoriales, sur lesquelles M. Vecten s'exprimera longuement tout à l'heure.
La fonction publique de l'Etat est un mastodonte relativement stable dans ses missions, dans ses domaines d'intervention et, par conséquent, dans les caractéristiques techniques et professionnelles des personnels qu'elle emploie, d'où la notion de corps.
Lorsque nous avons créé la fonction publique territoriale, nous avons eu de longs entretiens avec vos prédécesseurs, monsieur le ministre, qui ont abouti péniblement à la notion de cadre d'emploi, dont, je le dis entre nous, la définition est toujours un peu bancale même si un certain nombre de filières et un certain encadrement du système ont pu être institués.
Mais une collectivité territoriale, par définition, travaille sur un territoire au plus près du terrain. Or, là, la situation évolue sans cesse. En conséquence, il faut inventer sans cesse des modes d'actions, des dispositifs administratifs et des qualifications pour les personnels.
Certes, la rigidification complète du système n'est évidemment pas l'objectif que vous recherchez mais, après tout, le contrôle de légalité et la cour régionale des comptes vont fondre sur les collectivités territoriales et sur les associations qui dépendent d'elles et qui ont besoin d'une plus grande souplesse. En effet, le monde associatif est a priori l'objectif d'un examen particulièrement attentif des autorités de tutelle, quelles qu'elles soient. Je crains qu'il nous soit difficile de maintenir la souplesse et la capacité d'adaptation nécessaire des collectivités territoriales dans les années à venir.
Si l'on doit aboutir à un système, monsieur le ministre, dans lequel il faut d'abord définir un corps ou un nouveau cadre d'emploi qui ne sera pourvu qu'avec ceux qui répondent aux caractéristiques générales de la fonction publique, je crains que l'on ne perde une partie des bénéfices d'une décentralisation qui a été créée pour permettre une adaptation rapide aux problèmes locaux qui se présentent à tout moment. Je souhaitais, monsieur le ministre, vous faire part de cette crainte.
Par ailleurs, je suis perplexe, monsieur le ministre, sur un point que je ne m'explique pas très bien. On veut supprimer l'emploi précaire pour ceux qui sont concernés. Très bien ! On veut lutter contre son retour, envisageable. Mais, pendant ce temps-là, sont déposés sur le bureau du Parlement ou viennent d'être votés un certain nombre de textes incitant les collectivités territoriales à créer de nouveau des emplois précaires à tour de bras.
Que seront les emplois prévus par le fameux projet de loi sur la cohésion sociale, sinon des emplois réservés aux associations et aux collectivités territoriales et ayant des caractéristiques voisines de ceux que vous souhaitez stabiliser ?
Il y a dans cette démarche quelque chose qui me gêne un peu, ce qui ne m'empêchera nullement, monsieur le ministre, sous réserve de l'adoption des excellents amendements déposés par la commission des lois, de voter ce projet de loi : il s'agit, en effet, d'un texte d'apaisement, d'harmonie.
Je serai heureux de vous entendre sur un certain nombre de dispositions qui figurent dans ce texte, monsieur le ministre, dispositions que nous évoquerons vraisemblablement à nouveau dans cet hémicycle un jour ou l'autre. Mais, pour l'instant, votre contribution à l'apaisement des esprits et à la stabilisation de l'emploi d'un certain nombre de nos concitoyens va dans le bon sens. En outre, la concertation exemplaire dont ce projet de loi est le fruit ne peut que m'inciter - et avec moi la plupart des membres du RDSE - à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français établis hors de France, notamment les enseignants se trouvant dans les établissements scolaires français à l'étranger, sont directement concernés par certaines dispositions du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
Dans ces établissements, nombreux sont les enseignants français qui ont été recrutés sur place et qui s'ajoutent, de façon indispensable, aux professeurs détachés par la France par l'intermédiaire de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Ces enseignants sont titulaires de diplômes français, mais n'ont pas passé les concours, tels que le CAPES et l'agrégation, qui donnent accès à la fonction publique. Ils souhaitent, naturellement, pouvoir se présenter à ces concours et, s'ils sont reçus, être ultérieurement titularisés dans les corps correspondants des fonctionnaires de l'Etat.
A ce sujet, une grande avancée a été réalisée au printemps dernier à l'occasion de la discussion du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social et statutaire, devenu la loi du 28 mai 1996.
L'article 25 de cette loi, issu d'un amendement voté au Sénat, dispose en effet : « Les enseignants non titulaires exerçant dans les établissements scolaires français à l'étranger peuvent se présenter aux concours internes d'accès au corps d'enseignants titulaires du ministère de l'éducation nationale... Ils doivent, pour ce faire, satisfaire aux mêmes conditions de nationalité, de diplôme et d'ancienneté de services que celles auxquelles doivent répondre, en France, pour faire acte de candidature à ces concours, les enseignants non titulaires des établissements d'enseignement public relevant du ministère de l'éducation nationale... ».
L'idée essentielle de ce texte était de placer les enseignants français de l'étranger dans les mêmes conditions que leurs collègues de France, en leur permettant, à diplôme égal, de concourir de la même façon. Nos compatriotes de l'extérieur demandent toujours à être traités comme ceux de la métropole et à se sentir ainsi, selon la formule traditionnelle, « des Français à part entière ». Les dispositions de la loi du 28 mai 1996 avaient donc été accueillies avec une grande satisfaction à l'étranger.
Or certaines dispositions de l'article 1er du projet de loi qui nous est soumis remettent complètement en cause la plus grande partie des acquis de la loi du 28 mai 1996. Il y est expressément indiqué, pour ce qui est des enseignants non titulaires exerçant à l'extérieur, que la possibilité d'accéder aux concours sera réservée à ceux qui se trouvent dans « des établissements d'enseignement gérés directement par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger créée par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 ».
L'amendement proposé sur ce point par la commission des lois - il faut d'ailleurs féliciter M. Blaizot de son excellent rapport - précise avec exactitude qu'il s'agit « des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 » de cette loi.
Il est évident que le projet de loi, en réservant les possibilités d'accès aux concours et de titularisation aux seuls enseignants qui exercent à l'étranger dans les établissements en gestion directe, réduit considérablement la portée et les objectifs de l'article 25 de la loi du 28 mai 1996. Celui-ci était valable, dans une formulation très large, pour « les établissements français à l'étranger », c'est-à-dire pour tous ceux répondant à la définition de l'article 31 de la loi sur l'éducation du 10 juillet 1989 et de son décret d'application du 9 septembre 1993.
C'est en fonction de ces deux textes que, chaque année, les ministères de l'éducation nationale, des affaires étrangères et de la coopération publient la liste des établissements accrédités à l'étranger dans lesquels les services exercés par les enseignants sont pleinement reconnus sur le plan pédagogique.
A titre indicatif, notons que, dans le dernier décret d'accréditation paru - il a été publié au Journal officiel du 15 octobre 1995 - 404 établissements sont ainsi reconnus. Or on ne compte aujourd'hui que 68 établissements en gestion directe à l'étranger. C'est dire que les enseignants qui exercent dans les 336 autres établissements se trouvent d'un coup écartés de la possiblité de se présenter aux concours, donc d'obtenir une titularisation ultérieure.
Le nouveau projet de loi, il faut le noter, ne se réfère d'ailleurs nullement à la loi sur l'éducation de 1989 : il mentionne la loi du 6 juillet 1990, qui a créé l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Depuis cette loi, il existe plusieurs catégories d'établissements scolaires à l'étranger. Il convient de les décrire, car c'est dans ce cadre que s'appliqueront les différents amendements que les sénateurs représentant les Français établis hors de France seront conduits à présenter.
Il y a d'abord les établissements scolaires qui décident de rester en dehors de l'Agence - c'est leur droit - et se contentent de l'accréditation pédagogique sans pouvoir bénéficier d'aucune des aides offertes par l'Etat, à l'exception des bourses scolaires pour les élèves français. Dans cette catégorie se trouvent 116 établissements.
Font partie de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger 288 écoles, collèges et lycées. Nous pensions qu'au moins le Gouvernement allait prendre en compte ces établissements. Mais il est vrai que, bien que membres de l'agence, il relèvent de deux systèmes administratifs différents.
Ces 288 écoles, collèges et lycées se classent en deux catégories : d'abord, les 66 établissements à gestion directe, déjà mentionnés, qui bénéficient des dispositions du présent projet loi ; ensuite, les 222 qui, malheureusement, s'en trouvent maintenant exclus. De quels établissements s'agit-il ?
Il s'agit des établissements conventionnés, des écoles, collèges et lycées qui ont été créés, le plus souvent, par les Français de l'étranger eux-mêmes, pour scolariser leurs propres enfants, ainsi que par les étrangers parmi lesquels ils vivent et qui veulent, étant souvent francophones et toujours francophiles, que leurs jeunes connaissent notre langue et profitent de notre éducation.
Ces établissements ont conclu avec l'agence des conventions qui, selon les termes mêmes de l'article 4 de la loi du 6 juillet 1990, les associent à ses « missions de service public ».
Ils ont accepté, en même temps, toutes les contraintes et toutes les obligations qui leur ont été imposées dans le cadre de ce service par les ministères qui les contrôlent, c'est-à-dire le ministère de l'éducation nationale, celui de la coopération et celui des affaires étrangères.
A tous égards, cette catégorie d'établissements est particulièrement valable, et nous ne pouvons admettre que les enseignants qui s'y trouvent soient pénalisés. Il ne faut pas leur enlever d'un coup l'espérance qui leur a été donnée voilà six mois. Il faut leur laisser les mêmes possibilités que celles qu'ils auraient s'ils enseignaient en France.
Cet exposé liminaire a permis de rappeler qu'il existe plusieurs catégories d'établissements d'enseignement français à l'étranger, et que certaines dispositions peuvent s'appliquer aux uns, certaines aux autres.
Les amendements ou sous-amendements que les sénateurs représentant les Français établis hors de France vous soumettront, monsieur le ministre, mes chers collègues, porteront successivement sur les enseignants qui exercent dans ces différentes catégories d'établissements.
Nous souhaitons d'abord, bien sûr, le maintien des possibilités données aux non-titulaires enseignant dans « tous les établissements scolaires français à l'étranger », comme le prévoit l'article 25 de la loi du 28 mai 1996. Pourquoi, en effet, modifier une disposition qui a reçu un accueil si favorable et donné tant d'espoir à nombre d'enseignants méritants ?
Puis, si cela ne nous est pas accordé, nous demanderons que le même avantage soit accordé à tous les établissements accrédités mentionnés dans la loi du 6 juillet 1990 créant l'agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Enfin, notre dernier amendement, ou sous-amendement de repli, visera les écoles conventionnées assumant la mission de service public mentionnée dans l'article 4 de la loi de 1990.
Inutile de vous dire, monsieur le ministre, que les douze sénateurs des Français de l'étranger, unanimes sur ce point, insisteront beaucoup pour que satisfaction leur soit donnée. Je crois savoir que la commission des lois a émis un avis favorable à cet égard, ce dont nous la remercions profondément ; j'espère que le Sénat tout entier voudra bien suivre ses recommandations.
Les enseignants qui se dévouent sans compter dans les écoles, collèges et lycées de l'étranger méritent qu'on reconnaisse leur travail et leur dévouement. Parmi eux, les non-titulaires, plus mal traités que les autres, sont souvent les plus méritants ; ils attendent, non sans angoisse, que le Gouvernement et le Parlement se prononcent sur leur sort et surtout sur leur avenir. J'espère, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vous voudrez bien entendre leur voix. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Hubert Durand-Chastel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le ministre, le projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire que vous nous présentez, au nom de M. le Premier ministre, est particulièrement important et porteur d'espérance pour de nombreux agents : ceux-ci s'interrogeaient, à juste titre, sur les effets des protocoles d'accord signés avec le Gouvernement par six fédérations syndicales représentatives des différentes catégories de fonctionnaires, les 5 mai et 16 juillet derniers.
Leur attente, il est vrai, a dû trouver en partie satisfaction tout récemment, lorsque les préfets, par circulaire du 15 octobre 1996, appelaient l'attention des présidents de conseil général, des maires et des présidents des établissements publics sur la nécessité d'informer les agents qui seraient susceptibles de bénéficier des dispositions de la future loi dont nous entamons l'examen.
L'effet de surprise est atténué du fait que ladite loi devrait être applicable à compter du 1er janvier prochain. Il n'y a donc pas de temps à perdre, et les intéressés vont maintenant se tourner vers nous en souhaitant que nous répondions favorablement à votre proposition, monsieur le ministre.
En réalité, je devrais dire « vos propositions », puisqu'elles concernent les trois fonctions publiques : fonction publique de l'Etat, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière.
A ce propos, vous me permettrez, monsieur le ministre, de renouveler une suggestion faite à diverses reprises à vos prédécesseurs, et qui n'engage que son auteur : pourquoi ne pas s'en tenir à une seule fonction publique pour l'Etat et les collectivités territoriales ; la fonction hospitalière ayant, il est vrai, un caractère spécial ? Compte tenu de sa mission, il est compréhensible qu'elle soit différenciée des deux autres.
Quelle différence existe-t-il, en effet, entre un rédacteur dans une mairie et un rédacteur dans une préfecture, par exemple ?
En revanche - et, là, on rencontre des problèmes - si, pour les uns, rattachés à la fonction publique de l'Etat, le statut permet l'avancement à l'ancienneté ou l'affectation immédiate à un emploi en cas de réussite à un concours, il en est tout autrement pour les agents de la fonction publique territoriale : on peut être admis à un concours, figurer sur une liste d'aptitude pendant deux ans et, faute d'avoir trouvé un emploi, perdre à cette échéance le bénéfice du concours.
Je m'en voudrais de ne pas évoquer la règle des quotas en vigueur dans nos collectivités territoriales, qui met les élus dans des situations délicates quand, par exemple, cinq de leurs agents ont droit à un avancement et que, du fait des quotas, un seul peut y accéder.
Monsieur le ministre, vous venez de faire le point sur l'avancement des principaux chantiers relatifs à la réforme de l'Etat. Je veux espérer que l'un d'entre eux sera consacré à cette question.
Si tel avait été le cas, le présent projet de loi serait amputé d'un bon tiers de ses articles, ce qui n'enlèverait rien à l'intérêt qu'il présente dans ses trois titres.
S'agissant du titre Ier, la résorption de l'emploi précaire est une bonne mesure, qui mettra un terme à des situations qui, à juste titre, ont soulevé bien des réactions. Mais il ne faudrait pas pour autant tomber dans l'excès contraire et encadrer de façon trop rigoureuse des recrutements d'agents contractuels en cas de besoins urgents et ponctuels.
Dans les trois cas, cependant, une question demeure pour les agents qui, bien qu'ayant exercé pendant plusieurs années des fonctions déterminées à la satisfaction de leurs supérieurs hiérarchiques, ne réussiront pas les épreuves des concours spécifiques. Que deviendront les « recalés », si je peux employer ce terme ? Verront-ils leurs postes attribués, par suite de mobilité, à ceux qui, figurant sur les listes d'aptitude, auront eu plus de chance qu'eux ? On sait combien un concours entraîne de réactions chez un individu, et aucun ne réagit de la même manière.
Le congé de fin d'activité, qui relève du titre II, ne donnera pas lieu à examen ou concours, et sa mise en application sera plus facile, encore que l'on puisse, sans faire de mauvais esprit, se demander si ce texte est conciliable avec la politique de maîtrise de l'évolution des effectifs dans la fonction publique, que je comprends et approuve, monsieur le ministre, à condition que l'on tienne bien compte des réalités et que les décisions de suppression ou de non-remplacement soient prises avec beaucoup de vigilance et d'attention.
Dans le cas présent, un départ anticipé entraînera un recrutement. Cette mesure répond à une priorité, à savoir l'emploi des jeunes, et n'aura pas pour conséquence d'augmenter les effectifs ; le bien-fondé de cette disposition n'est pas à démontrer.
On peut toutefois, en tant qu'élus responsables de collectivités, se poser une question à la lecture de l'article 43 du chapitre IV « Dispositions communes ». En effet, il est prévu qu'un fonds de compensation du congé de fin d'activité des fonctionnaires et agents non titulaires relevant des lois de 1984 et 1986 remboursera aux collectivités et établissements le revenu de remplacement versé aux bénéficiaires de ce congé.
Ce remboursement, est-il précisé, est opéré mensuellement au profit de la collectivité ou de l'établissement qui assure le service du revenu de remplacement.
Très bien ! ai-je envie de dire, mais à quelle hauteur ? Actuellement, par exemple, en ce qui concerne la cessation progressive d'activité, les deux tiers seulement de l'indemnité sont remboursés aux collectivités par le Fonds de compensation des cessations progressives d'activité.
Ma question peut vous surprendre, monsieur le ministre, mais un maire, connaissant les difficultés auxquelles il est de plus en plus confronté pour gérer le budget de sa commune, s'il est prêt à soutenir de toutes ses forces ce projet de loi, ne voudrait pas que, lors de son application, les charges financières de la collectivité qu'il administre augmentent.
Ma question suivante découle de la précédente : ne va-t-on pas relever le taux des cotisations pour financer le fonds de compensation, ce qui reviendrait à prendre d'une main ce que l'on a donné de l'autre ?
Les collectivités territoriales sont méfiantes mais, vous le savez, monsieur le ministre, elles ont connu tant de transferts non compensés qu'aujourd'hui elles préfèrent prévenir que guérir.
Après ces interrogations concernant il est vrai plus particulièrement la fonction publique territoriale et pour mettre un terme à mon intervention, je soulignerai l'intérêt que je porte à la mesure prévue au titre III, qui consiste à inscrire les affections liées au sida sur la liste des maladies ouvrant droit à un congé de longue durée, c'est-à-dire cinq ans, dont trois ans avec plein traitement et deux ans avec demi-traitement, au lieu de ce qui est actuellement prévu pour le congé de longue maladie.
Cette initiative, juste et humaine, aura sans doute des conséquences dans le domaine des assurances payées par les collectivités, mais elle s'impose, et la solidarité avec les victimes de ce mal oblige à faire abstraction de ces considérations matérielles.
Sous réserve des quelques remarques et observations que j'ai tenu à vous exprimer, et des précisions que vous allez nous apporter, je puis vous indiquer, monsieur le ministre, que mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants et moi-même voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de conserver votre attention, je m'efforcerai d'éviter les répétitions, puisque l'essentiel du projet de loi a été développé par M. le ministre.
Je suis d'accord avec l'objectif de résorption de l'emploi précaire et avec la volonté de permettre l'emploi des jeunes dans la fonction publique.
Le congé de fin d'activité est une bonne mesure. Elle s'inscrit dans le droit-fil de ce qui a déjà été fait pour la cessation progressive d'activité et qui a donné des résultats non négligeables. Il faut vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir pu négocier et aboutir à un accord. C'est une bonne pratique dans la fonction publique.
J'ajouterai que je partage le sentiment de mes collègues maires, présidents de conseil général, représentants - puisque nous sommes parlementaires - des collectivités locales au Sénat, s'agissant de la difficulté qu'éprouvent ces collectivités, qui sont 50 000 employeurs, à avoir une représentation unique. En effet, si les grandes associations comme l'Assemblée permanente des présidents des conseils généraux ou l'Association des maires de France sont, bien entendu, des interlocuteurs des pouvoirs publics, elles ne sont pas en tant que telles employeurs.
Cela pose une réelle difficulté juridique lorsque des discussions ont lieu pour l'application à la fonction publique territoriale - il en est d'ailleurs de même pour la fonction publique hospitalière - des protocoles signés entre l'Etat et ses propres fonctionnaires. Peut-être trouverons-nous un jour les voies et moyens pour mieux associer les collectivités locales aux discussions sur la fonction publique ; je crois que c'est le souhait de chacun. Cette difficulté juridique n'est pas négligeable, je tiens à le souligner.
Comme l'a fait M. Paul Girod, j'évoquerai d'abord les dispositions diverses.
Les validations de concours constituent une pratique détestable, mais indispensable, même lorsqu'il s'agit des actes pris après avis du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ou sur sa recommandation. La fusion en un corps unique des corps de contrôleurs du travail et de la main-d'oeuvre, de contrôleurs de la formation professionnelle et de contrôleurs des lois sociales en agriculture est une bonne disposition. Cela a été fait pour les inspecteurs du travail. Il me paraît bon de regrouper le plus possible les corps d'Etat.
L'extension du bénéfice du congé parental aux fonctionnaires adoptant un enfant âgé de plus de trois ans découle de l'application de la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption.
Au problème difficile des permanences dans le secteur hospitalier, il fallait apporter une solution législative.
Enfin, s'agissant de l'extension du congé de longue durée en cas de déficit immunitaire grave et acquis, je suis tout à fait d'accord. Toutefois, le statut de la fonction publique a toujours limité le congé de longue durée à certaines maladies. Ouvrir le droit à congé pour cette maladie me paraît justifié.
Cependant, il existe d'autres maladies évolutives, qui sont aussi graves et qui mériteraient, elles aussi, d'être prises en compte. Nous devons nous interroger sur ce point. Je pense, notamment, à la sclérose en plaques, qui interdit aux fonctionnaires d'exercer et pour laquelle ils ne bénéficient pas des mêmes mesures, si ce n'est, bien entendu, la réforme et la mise à la retraite anticipée, dispositions qui ne présentent cependant pas les mêmes avantages.
Je me suis interrogé sur l'article 48, qui concerne la protection des fonctionnaires. En fait, c'est le prolongement de la loi que le Sénat a déjà votée relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence. Nous avons inscrit dans le statut de la fonction publique une nouvelle définition de l'imprudence et de la négligence, après une définition générale dans le code pénal et plus spécifique pour les élus et les fonctionnaires publics. Mes chers collègues, vous vous souvenez que cela avait donné lieu à un débat difficile. Fallait-il étendre ces dispositions prévues pour les élus aux fonctionnaires ? Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous proposez que, dans ces cas-là, l'Etat prenne en charge la défense des fonctionnaires. Cela fait partie des obligations de l'Etat vis-à-vis de ses agents !
Je ferai peu de commentaires sur le congé de fin d'activité. Je préciserai simplement que je me suis toujours interrogé, notamment dans le cadre de la cessation progressive d'activité, sur l'instauration dans la fonction publique, comme cela existe dans le privé, du tutorat, pour permettre à des jeunes d'entrer dans la vie professionnelle et de s'adapter progressivement à leur emploi. Cela ne nécessite pas, me semble-t-il, une disposition législative. Il faudrait que vous incitiez les administrations, au moins pour la cessation progressive d'activité, notamment pour les cadres, à recourir au recrutement préalable. Nous savons la difficulté que provoque le remplacement de certains agents dans les administrations, notamment le remplacement des secrétaires généraux dans les collectivités locales. Un certain nombre d'entre eux vont bénéficier de ce congé, il sera très difficile de les remplacer immédiatement.
Ce qui a beaucoup occupé les débats de la commission des lois - à ce propos, je remercie M. Blaizot de son excellent rapport et de son énorme travail de concertation - c'est, bien entendu, tout ce qui concerne la résorption de l'emploi précaire.
S'agissant de la résorption de l'emploi précaire pour l'Etat, on se demande pourquoi, malgré des lois successives et des volontés successives de résorber ledit emploi, on en soit toujours là et que, à chaque fois, on revienne devant le Parlement pour trouver des solutions. Celles-ci sont forcément législatives. Puisque l'on déroge aux règles habituelles de recrutement, il faut en effet passer par la voie législative.
Pourquoi des contractuels sont-ils recrutés ? Là est la question. Si l'on procède ainsi, c'est incontestablement parce qu'il existe une rigidité dans le recrutement. Je ne suis pas hostile aux concours, je pense même que c'est la voie normale d'accès à la fonction publique, qu'il s'agisse des concours sur épreuves ou des recrutements sur titres.
En fait, nous ne sommes pas toujours capables de gérer le calendrier et, bien souvent, l'organisation des concours se révèle un peu aléatoire. Cela peut d'ailleurs exister pour des emplois très prestigieux de la fonction publique, comme la magistrature. Ainsi, dans la magistrature, une année on recrute soixante magistrats, l'année suivante cent, la troisième année quatre-vingts, on ne recrute jamais de juges contractuels, je ne sais pas pourquoi. Dans la fonction publique, en raison de la nécessité de faire face aux tâches, en attendant l'organisation d'un concours, on recrute des contractuels. Cet état de fait résulte d'une volonté de bonne gestion de l'administration, les collectivités locales étant d'ailleurs dans la même situation.
Il faut résoudre ces problèmes. Mais je souhaite vraiment que ce soit la dernière fois, non seulement pour l'Etat mais, surtout, pour les collectivités locales. En effet, l'Etat va pouvoir organiser des concours pour recruter des agents de catégorie C essentiellement et aussi des maîtres auxiliaires. Le problème que posent ces derniers devraient être résolu à terme. Je dois avouer que, depuis quelques années, il y a eu des améliorations tout à fait remarquables de la gestion des personnels de l'éducation nationale.
Donc, monsieur le ministre, je suis d'accord.
S'agissant de la fonction publique territoriale, j'entends des débats qui me paraissent aller dans le sens contraire à la bonne gestion des collectivités territoriales, et je vais m'en expliquer. C'est d'ailleurs une discussion que nous avons déjà eu à l'occasion du vote de la loi du 27 décembre 1994.
En fait, certains ne voudraient pas de fonction publique territoriale et souhaiteraient que les collectivités locales puissent recruter librement. Ils regrettent notamment l'extrême rigidité, l'obligation qui leur est faite de prendre des mesures prévues par les textes, les contraintes du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire.
Je considère que les agents de la fonction publique territoriale ont droit à un certain nombre de garanties, et ce conformément à la loi sur la fonction publique territoriale et au statut général des fonctionnaires. Je crois aussi que, pour parvenir à une fonction publique territoriale de qualité, il faut offrir des conditions de recrutement et d'emploi similaires à celles des autres fonctions publiques.
Si l'on veut, comme c'est inscrit dans la loi, mais pas assez pratiqué, privilégier la mobilité, il faut aussi que les conditions de recrutement et d'emploi soient équivalentes. Je pense notamment aux administrateurs territoriaux ou aux autres cadres A de la fonction publique territoriale.
L'insuffisance des dispositions est peut-être aussi liée à l'absence de volonté de déclarer les postes vacants et de fonder une vraie fonction publique territoriale. Nous ne parviendrons pas à résoudre le problème si nous avons uniquement des agents contractuels ou, au mieux, des agents détachés des grands corps de l'Etat, parce que c'est ce qui se produit. Une telle situation ne pourra durer éternellement.
Par ailleurs, nous n'avons peut-être pas encore vu tous les effets de la loi du 27 décembre 1994. En effet, pour les cadres de catégorie C en début de carrière, nous pouvons recruter sans concours. Par conséquent, tous les contractuels recrutés à ce titre auraient dû disparaître. Pourtant, leur nombre a plutôt tendance à augmenter.
L'organisation des concours est aujourd'hui décentralisée à l'échelon des régions ou des centres de gestion. Pratiquement tous les cadres d'emplois sont sortis dans la fonction publique territoriale, et il n'en reste donc que très peu. Voilà qui devrait aboutir, après l'organisation de ces concours réservés, à ne pas revoir la nomination de contractuels. Ou alors, la personne recrutée pour remplacer un fonctionnaire en congé de maternité ou en congé de maladie le serait pour une durée déterminée, et en serait informée. Il est vrai que, dans les grandes collectivités, on a tendance à garder les remplaçants qui sont bons et à les faire passer d'un remplacement de congé de maternité à l'autre. Quand ils seront là depuis quatre ans ou l'équivalent de quatre ans, on se demandera comment les titulariser. Dans ma collectivité, nous exigeons que les agents passent le concours - ils peuvent le présenter deux fois -, ce qui est le mode normal d'accès à la fonction publique ; c'est une question de justice et d'égalité vis-à-vis des autres.
Monsieur le ministre, si je suis tout à fait d'accord avec votre dispositif, je pense néanmoins qu'il faut établir des limites. Je ne souhaiterais pas que, dans la chaleur du débat, nous allions plus loin que le projet de loi, s'agissant des collectivités territoriales. Je crois en effet que, si nous permettions l'organisation de concours réservés pour ceux qui étaient présents antérieurement à la parution des cadres d'emploi, nous risquerions de paralyser les centres de gestion et peut-être le centre national de la fonction publique territoriale, et de ne plus pouvoir organiser des concours normaux. C'est pourquoi j'attire votre attention à cet égard, monsieur le ministre, mes chers collègues.
Les agents de la fonction publique, qu'il s'agisse de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique de l'Etat ou de la fonction publique territoriale, attendent ces mesures que le groupe de l'Union centriste, bien entendu, votera. Toutefois, je crois qu'une grande fonction publique repose sur les garanties statutaires car, que je sache, notre statut de la fonction publique, mais surtout le préambule de la Constitution rappellent que tous ont accès aux emplois publics dans des conditions comparables, et je ne voudrais pas que se développe l'idée que le concours n'est pas la meilleure formule et que, au contraire, on peut recruter de n'importe quelle façon et à n'importe quel moment. Ce n'est pas ainsi que nous pourrons conserver une fonction publique territoriale de qualité et assurer un bon service des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi qui nous est soumis, le Gouvernement fait preuve de courage politique, car il s'attaque à un problème difficile, lancinant, ancien, j'allais dire éternel : celui de l'emploi précaire.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous nous invitez à une avancée intéressante, avec le congé de fin d'activité, et ce en transposant le résultat de négociations déjà intervenues dans le secteur public, ce qui constitue une première.
Je bornerai mon propos aux réflexions et aux remarques que m'inspire mon travail de rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la fonction publique. En effet, je crois qu'un certain nombre de conséquences financières et budgétaires dont il a été question dans le rapport de la commission des lois et que certains collègues ont évoquées méritent une mise en perspective.
En ce qui concerne le premier aspect du dispositif qui nous est proposé, c'est-à-dire celui qui est relatif à la résorption de l'emploi précaire, rappelons les ordres de grandeur : sont concernés, au sein de la fonction publique de l'Etat, 12 000 agents de catégorie C et 11 000 maîtres auxiliaires, soit 23 000 personnes sur 72 000 agents non titulaires de la fonction publique de l'Etat ; en outre, sont concernés 50 000 agents de la fonction publique territoriale, alors que l'on estime entre 300 000 et 400 000 - l'incertitude porte sur 100 000 unités - le nombre des personnels non titulaires employés sous des statuts divers au sein de nos collectivités territoriales ; enfin, s'agissant de la fonction publique hospitalière, sont concernées 9 500 personnes par rapport à une population qui est estimée globalement, là encore avec beaucoup de précautions et d'incertitudes, à environ 100 000 personnes.
Je commençais mon propos en qualifiant le problème que vous traitez d'« éternel », monsieur le ministre. Ce point est en effet directement lié aux rigidités du statut de la fonction publique. Tout à l'heure, j'entendais avec intérêt et satisfaction notre collègue Paul Girod souhaiter que le nouveau dispositif ne conduise pas à trop de « rigidification », pour reprendre son expression.
Par conséquent, le dispositif que vous proposez et qui me paraît raisonnable est un compromis. C'est une manière d'assurer la prise en compte de préoccupations justifiées des représentants des personnels tout en ne créant pas trop de contraintes et trop de rigidités pour l'avenir, notamment pour les employeurs locaux que sont les collectivités territoriales.
Je relèverai, au sein de ce problème général, un problème particulier dont il a été relativement peu question jusqu'ici : la prolifération des contrats emploi-solidarité, les CES, soit dans un véritable but de formation et d'insertion professionnelle, ce qui est excellent, soit en vue de pallier des insuffisances en termes à la fois de budget et d'effectif.
Nous savons tous qu'il n'est pas rare que des collectivités territoriales aident l'Etat en mettant en place des dispositifs qui, s'ils ne devraient certes pas exister, permettent néanmoins de résoudre quelques problèmes matériels et locaux. Ainsi, dans certains greffes de tribunaux notamment, faute de collectivités territoriales secourables, on aurait, je crois, beaucoup de peine à sortir en temps et en heure tous les jugements !
La solution que vous nous proposez, monsieur le ministre, préserve le principe du recrutement par concours auquel je suis, moi aussi, comme notre collègue Jean-Jacques Hyest, très attaché.
Or, étant donné qu'il s'agit de concours spécifiques, je souhaite pour ma part - je pense que telle est votre intention - qu'il s'agisse non pas de régularisations automatiques déguisées mais bien de vrais concours, et que la règle du jeu républicaine du concours soit donc respectée.
Bien entendu, nous pouvons nous interroger sur un certain nombre de points, car votre projet de loi - vous le dites vous-même, monsieur le ministre - ne règle pas cette lancinante question dans sa totalité.
Le premier point que j'évoquerai concerne les contrats d'emploi solidarité dont je parlais voilà un instant ; sont prévus pour 1997 au budget du ministère du travail et des affaires sociales 500 000 CES, dont certainement une proportion significative dans les différentes fonctions publiques citées, avec des problèmes de financement liés en particulier à l'institution du nouveau ticket modérateur de 175 francs par mois à la charge de l'employeur, toutes choses qui ne sont pas nécessairement malsaines si elles donnent plus conscience de la responsabilité budgétaire que l'on prend en incluant dans ses effectifs, même sous un statut précaire, des personnes dont il faudra assurer le devenir professionnel, la formation et la sortie.
Si je raisonne en termes strictement budgétaires, je serai alors tenté de poser deux questions.
Lorsque la résorption aura lieu selon le processus de la loi, c'est-à-dire après l'organisation de concours spécifiques, je suppose que, dans les trois fonctions publiques considérées, il y aura bien des créations d'emplois budgétaires, autrement dit que les effectifs budgétaires seront accrus à due concurrence pour pérenniser les postes de travail qui auront ainsi été intégrés. Je suppose encore qu'au sein des différentes administrations de l'Etat c'est bien cette méthode qui sera retenue.
Sur le plan budgétaire, il y a, dans l'immédiat, neutralité, puisque l'on transforme des crédits de vacation en crédits de rémunération. Mais, pour l'avenir, il y aura bien une sorte de créance sur l'Etat détenue par ces nouveaux salariés permanents qui auront vocation à terminer leur carrière sous la protection des dispositions générales du statut de la fonction publique. Au moment où l'on évoque volontiers une comptabilité patrimoniale de l'Etat, je voudrais savoir si le volume de cette créance a été estimé. Je n'ai en effet pas trouvé cet élément dans l'étude d'imparct. Peut-on faire des calculs ? Peut-on donner une estimation de ce que rerprésentent, en valeur actualisée, les rémunérations à verser à ces différents agents jusqu'à la fin de leur carrière ?
Il s'agit non pas de rechercher un chiffre arithmétique précis, mais de bien se rendre compte de l'importance de la décision que nous prenons, décision qui, même si elle est très partielle en nombre - on l'a vu - est très significative budgétairement parlant ; en effet, nous engageons de nombreux budgets futurs par cette disposition qui, si elle est une mesure d'apaisement, de justice et si elle est, dans l'immédiat, budgétairement neutre, aura néanmoins des conséquences sur de nombreuses lois de finances.
Monsieur le ministre, telles sont, pour l'essentiel, mes questions sur le premier élément du dispositif. J'en approuve l'économie générale, c'est-à-dire votre recherche empirique d'un accord avec les partenaires sociaux.
Le statut général de la fonction publique, tant qu'il reste ce qu'il est, nécessitera à mon avis le maintien de processus spécifiques à certains emplois, processus qui se traduiront nécessairement par de nouveaux agents non titulaires. Je ne crois pas que cette loi constitue une vaccination définitive contre l'apparition de nouvelles poches de personnels non titulaires dans la fonction publique. On peut avoir des appréciations diverses sur ce point. Pour ma part, je ne considère pas que la question de la garantie de non-reconstitution d'un stock de non-titulaires soit réglée par cette loi. Au demeurant, ce serait se fixer des objectifs non réalistes que de viser à un tel résultat.
En ce qui concerne le second aspect de votre dispositif, monsieur le ministre, c'est-à-dire le congé de fin d'activité, je voudrais saluer tout d'abord les préoccupations d'emploi auxquelles il obéit.
Vous vous êtes directement inspiré de l'accord UNEDIC du 6 septembre 1995 relatif au développement de l'emploi en contrepartie de la cessation d'activité de certaines catégories de salariés. Cet accord a été transposé à la fonction publique par protocole du 16 juillet 1996. Bien entendu, une telle préoccupation est louable. L'Etat se doit de recourir à des dispositions de cette nature pour créer des emplois et pour adopter un comportement d'agent économique raisonnable, étant donné la conjoncture actuelle qui nécessite une attention particulière aux problèmes de l'emploi.
Néanmoins, je voudrais vous poser quelques questions, qui portent en tout premier lieu sur le coût budgétaire du dispositif.
L'étude d'impact qui nous a été soumise situe le coût de la mesure entre 600 millions de francs et 800 millions de francs sur 1997 et 1998, sur la base de 15 000 départs volontaires, à partir d'un coût moyen situé entre 40 000 francs et 53 000 francs. Ces 15 000 départs volontaires se décomposent en 10 000 pour l'Etat, 4 000 pour la fonction publique territoriale et 1 000 pour la fonction publique hospitalière, tandis que l'estimation de 600 à 800 millions de francs tient compte du coût des revenus de remplacement et des recrutements ainsi que des économies résultant des départs.
Une opération similaire a été ménée, M. Blaizot l'a rappelé, en 1982-1983. Elle avait suscité 16 000 candidatures pour la seule fonction publique de l'Etat.
Je n'ai évidemment pas analysé la situation de manière assez fine pour comparer les deux dispositifs, mais les populations concernées ne sont sans doute plus les mêmes et les réactions des individus ne se manifesteront plus de la même façon. Néanmoins, permettez-moi d'émettre un petit doute sur l'estimation de 600 à 800 millions de francs.
J'ai lu dans un document de la direction générale des collectivités locales que l'hypothèse devait plutôt se situer autour de 5 100 départs pour les agents territoriaux et de 2 400 pour les agents hospitaliers. Il s'agit là de chiffres légèrement différents de l'étude d'impact, nécessairement évaluative, qui nous a été transmise.
Vous avez prévu le financement du congé de fin d'activité, en ce qui concerne les fonctions publiques territoriale et hospitalière, par le recours à un mécanisme spécifique. C'est ainsi qu'un fonds de compensation doit rembourser le coût du congé de fin d'activité en cas d'embauche nouvelle.
Géré par la Caisse des dépôts et consignations, ce fonds sera alimenté par un prélèvement sur les réserves de l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI, qui s'éleveraient, à la fin de 1995, à un peu plus de 5 milliards de francs. Le coût sur trois ans - selon une évaluation d'origine administrative - serait de l'ordre de 1,135 milliard de francs - sans tenir compte, certes, des économies liées aux recrutements d'agents plus jeunes par rapport aux agents qui partent et qui sont plus âgés et plus gradés - alors que, par ailleurs, 4,5 milliards de francs devraient être mobilisés dès 1997 pour la CNRACL à partir des réserves de l'allocation temporaire d'invalidité. Je me demande donc quelle est la rigueur de ces chiffres et s'il y a vraiment correspondance.
Même si le coût ne dépasse pas 800 millions de francs sur deux ans, comme en fait état l'étude d'impact, les réserves de l'ATI, qui se sont reconstituées en 1995 autour de 600 millions de francs, risquent de ne pas suffir en 1997-1998 si l'on baisse les taux de cotisation dans une perspective d'augmentation de la cotisation à la CNRACL.
Mes chers collègues, pardonnez-moi l'aspect un peu technique de ce propos, mais je crois qu'il n'est pas dénué d'importance car, si le financement qui est ainsi offert en garantie aux collectivités locales est insuffisant, il faudra l'abonder, sauf, bien sûr, pour ces collectivités locales à devoir financer un surcoût lié à des mesures auxquelles elles adhèrent bien volontiers mais qui ont été, on l'a rappelé, négociées au plan central, et d'abord pour la fonction publique de l'Etat.
Je ne peux donc pas ne pas émettre une petite réserve de prudence sur cet aspect et ne pas souhaiter qu'il y ait neutralité absolue pour les budgets des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers. Je crois d'ailleurs que cette préoccupation était exprimée tout à l'heure de façon voisine par M. Paul Girod.
Je souhaite achever ce commentaire de la seconde partie du projet de loi par deux questions de portée un peu plus générale.
Le dispositif qui nous est proposé me paraît bon. Il incite à des départs anticipés, qui vont se mesurer par rapport à un volant annuel de départs « naturels », qui est actuellement de l'ordre de 45 000 personnes dans la fonction publique de l'Etat, dont 30 000 dans la seule éducation nationale.
Il faudra donc bien s'assurer de la réalité de la politique de recrutement face au volume important de départs que nous allons susciter grâce à cette bonne mesure. Mais cette mesure est faite pour cela, puisqu'elle doit être créatrice d'emplois. Il faudra cependant se montrer lucide pour bien arbitrer les besoins, pour les honorer là où ils sont les plus pressants, pour recruter les bons fonctionnaires là où ils sont nécessaires en vue de faire progresser le service public sans instituer d'automaticité entre un départ et un recrutement au même endroit, dans la même spécialité, pour le même travail.
C'est évidemment un sujet délicat qui nécessite un raisonnement qualitatif dans la réalisation d'une réforme de l'Etat qui doit être menée chaque jour et qui implique certainement un peu plus de souplesse que par le passé.
Permettez-moi également d'insister sur un dernier point, qui est la conséquence du précédent : si l'on anticipe les départs, ceux-ci seront, par définition, moins nombreux dans l'avenir ! Mécaniquement, cela rendra donc un peu plus difficile la diminution des effectifs globaux de la fonction publique par non-remplacement des départs.
Ne voyez pas là une critique, mais simplement une constatation, car nous nous inscrivons dans une politique persévérante de maîtrise de la dépense publique et de maîtrise des frais de fonctionnement de l'Etat. Cela implique de gérer les effectifs globaux des fonctionnaires en s'efforçant de faire coïncider les besoins et les moyens, mais en veillant aussi à ne pas accroître chaque année le nombre des titulaires de la fonction publique de l'Etat.
Je formulerai en conclusion, monsieur le ministre, quelques remarques relatives à cette fameuse réforme de l'Etat.
Nous sommes tous attachés au statut de la fonction publique, mais nous devons en mesurer les limites et les rigidités, qui se traduisent naturellement par de l'emploi précaire. De temps à autre, il faut donc procéder à une opération comme celle qui nous est proposée aujourd'hui, même si elle est partielle, parce que cela permet, en quelque sorte, un rythme de respiration pour la fonction publique, avec ses divers statuts et les diverses modalités d'emploi qu'elle propose.
Je voudrais surtout mettre l'accent une nouvelle fois sur la nécessité d'une gestion rationnelle et prévisionnelle des effectifs ministère par ministère, administration par administration, sans oublier que ce principe s'applique pour chacune de nos collectivités territoriales : cette gestion prévisionnelle et qualitative doit prévaloir partout. Mais elle suppose que l'on connaisse les besoins à venir, que l'on sache les prévoir, et que les personnels acceptent une certaine mobilité.
Voilà ce qui me paraît au coeur des réflexions, et surtout de l'action, à conduire en matière de réforme de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous l'avez constaté, les remarques que j'ai formulées - et que, en tant que rapporteur spécial de vos crédits, je ne pouvais pas ne pas formuler - sont des remarques positives, car elles s'inscrivent dans la ligne de votre raisonnement, dont j'approuve les principes. Je voudrais donc, en conclusion, vous réaffirmer de façon tout à fait franche et tout à fait amicale le soutien du groupe du Rassemblement pour la République : nous voterons le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons comporte deux types de dispositions. Les premières, qui font l'objet des titres Ier et II, tendent à la validation législative de deux protocoles d'accord signés en mai et juillet 1996 entre le Gouvernement et les grandes fédérations de la fonction publique, à l'exception de la CGT. Les dernières, par lesquelles je commencerai, constituent le titre III et portent diverses dispositions d'ordre statutaire. En réalité, ce titre est une sorte de fourre-tout, ce qui explique d'ailleurs les « cavaliers » de dernière minute.
Parmi ces mesures souvent arides et quelquefois de portée limitée, il en est un certain nombre qui méritent attention. Très rapidement, je voudrais les citer.
J'adhère à la volonté affichée de favoriser la circulation entre les fonctions publiques européennes, même si je souhaiterais obtenir des précisions sur la réciprocité de la part des différents autres pays. Néanmoins, la voie du détachement qui a été choisie a toute sa pertinence.
Par ailleurs, il est une mesure de justice qui ne peut être qu'approuvée : les victimes du sida pourront bénéficier, à l'intérieur des trois fonctions publiques, des conditions les plus favorables en matière de congé de longue durée.
De même, les dispositions favorisant l'adoption par l'extension du congé parental pour les enfants de plus de trois ans constituent un progrès. Il nous semble cependant que l'on pourrait aller plus loin. Même si le Sénat s'est prononcé voilà peu de temps sur ce point, connaissant les difficultés humaines, matérielles et financières auxquelles sont confrontés les parents candidats à l'adoption à l'étranger, il me semble légitime d'aller plus loin que le droit à disponibilité et d'aller jusqu'au droit à un congé non rémunéré, plus protecteur des intérêts des adoptants. Mon groupe a déposé un amendement en ce sens.
Enfin, parmi les mesures diverses, l'une ne peut qu'attirer l'attention du Sénat en raison des liens qu'il a avec les collectivités territoriales. Je veux parler de la protection par leur administration des fonctionnaires qui font l'objet de poursuites pénales, pour autant que celles-ci ne résultent pas de fautes personnelles. Il s'agit là d'une mesure de grande portée, apte à donner confiance à nos agents, en particulier dans l'encadrement des services des collectivités territoriales.
Les lois et règlements deviennent si complexes, la recherche de l'impossible risque « zéro » si répandue, la maladie procédurière de nos compatriotes si aiguë, la recherche du bouc émissaire si impérative, que l'on peut se demander si l'on ne s'oriente pas vers une paralysie quasi totale de notre administration, dont le symbole le plus fort pourrait devenir celui des parapluies emboîtés comme des poupées gigognes.
Cette disposition va donc dans le bon sens. Il faudra certainement que d'autres mesures, pas nécessairement d'ordre législatif ou réglementaire - mais elles ont été demandées dans le cadre de la concertation - soit prises. Je pense en particulier, bien entendu, au domaine de la sécurité, durement touché dans son évolution réglementaire mais plus encore dans son application par le syndrome douloureux de Furiani.
J'en viens maintenant aux titres Ier et II, qui résultent, cela a été abondamment rappelé, des protocoles que je citais tout à l'heure.
L'adhésion syndicale massive qui s'est manifestée par la signature de six fédérations sur sept n'est certes pas une garantie absolue de la qualité de l'accord, mais elle semble bien indiquer qu'il présente quelques mérites.
Dans le même temps, comme toujours dans ces cas-là, ces larges accords sont nécessairement le résultat de compromis acceptés avec plus ou moins de satisfaction par les syndicats, les parlementaires gardant, quant à eux, leur pleine liberté de jugement sur le résultat.
Au demeurant, les principes ne sont pas en cause. Qui pourrait s'opposer à la résorption de l'emploi précaire ? Qui pourrait s'opposer, dans son principe, à la mise en place du congé de fin d'activité, avec, en plus, l'espoir d'embauche de jeunes en compensation ?
Il convient donc non pas de mettre en cause des principes, mais de s'interroger sur l'impact même de ces mesures, sur la réalité des chiffres avancés et sur les moyens qui seront effectivement mis en oeuvre pour atteindre les objectifs annoncés.
Nous nous permettrons, monsieur le ministre, de déposer certains amendements qui nous semblent aller dans le sens de l'amélioration de ce texte, tout en regrettant, après beaucoup d'autres, que les gouvernements successifs ne jugent pas nécessaire de se concerter avec les employeurs que sont les collectivités locales ou les responsables d'hôpitaux, se bornant à leur donner une information qui, si elle existe, est généralement tardive et constitue le plus souvent une sorte de conclusion.
Cela n'est plus possible. L'Etat doit mesurer que les décisions qu'il prend pour ses propres agents en matière de salaires - dans ce domaine, la situation n'évolue d'ailleurs pas beaucoup, et on peut le regretter - mais également en matière de déroulement de carrière, de régime indemnitaire, etc., ont des répercussions directes sur les autres employeurs publics, et ce non pas seulement dans la fonction publique ; en effet, toutes les conventions collectives des secteurs sanitaire et social, de l'animation, voire du tourisme, ont des répercussions sur les budgets locaux, sans que leurs responsables aient eu réellement voix au chapitre.
Entrons maintenant dans le corps des textes proposés, mais de façon synthétique, pour ne pas anticiper sur la discussion des articles et ne pas trop répéter ce qui a déjà été dit. Je me bornerai donc à présenter quelques remarques.
D'abord, une telle loi n'aurait jamais dû être nécessaire. Cela étant, ce n'est pas la première, et je crains, quoi qu'en pense notre excellent rapporteur, que ce ne soit pas la dernière, malgré le dispositf dissuasif qui a été mis en place.
Elle n'aurait jamais dû être nécessaire si l'Etat savait gérer ses effectifs, en particulier à l'éducation nationale, et si l'éducation nationale était capable de gérer ses flux d'élèves et de faire lire à ses ordinateurs, sans doute très puissants, les conséquences de l'évolution de la pyramide des âges. Si tel était le cas, nous n'aurions pas ces dysfonctionnements.
On voit bien comment le choses se passent depuis des décennies. On a une gestion en accordéon : on constate un manque d'enseignants, d'où le recours massif, et dans l'urgence, à des maîtres auxiliaires, l'accroissement démesuré des places mises aux concours de recrutement, puis le licenciement des maîtres auxiliaires, puis le rétrécissement du nombre de postes mis au concours et, le cycle étant passé, on recommence. J'espère vivement - vous nous l'assurez ! - que ce sera la dernière fois.
Mais l'Etat n'est pas seul en cause, et, à cet égard, je serai plus sévère que M. le rapporteur, ou même que notre collègue Jean-Jacques Hyest : les collectivités se sont, elles aussi, trop facilement affranchies des contraintes, réelles, que constituent les recrutements dans le statut.
L'évolution des métiers, comme l'absence de cadres d'emplois, si elles ont pu être des obstacles, ont trop souvent constitué des alibis pour recruter des contractuels.
Il faut le dire et le redire - sur ce point, je rejoins totalement notre collègue Jean-Jacques Hyest - nous avons une fonction publique à trois volets qui est de très grande qualité, y compris dans ses spécificités et dans ses qualifications, désormais très diverses. Elle est bien formée initialement et globalement, elle est bien formée en formation continue, et les élus seraient les premiers pénalisés s'ils ne donnaient pas leur chance d'abord et en toute priorité aux agents de la fonction publique dont le statut garantit la qualité.
Deuxième remarque concernant les emplois de l'Etat : les objectifs poursuivis sont certes louables, et je comprends qu'une très forte majorité de syndicats les aient approuvés. Ce faisant, ils signaient un acte de foi, ils signaient surtout pour une dynamique que je ne vois guère se mettre en place.
Le budget de la fonction publique pour 1997 n'est pas fait pour m'éclairer. Il est dit dans le protocole concernant l'emploi précaire : « Les emplois nécessaires seront les emplois vacants du corps d'accueil et ceux créés en tant que de besoin par transformation des rapports budgétaires affectés à la prise en charge des agents concernés. »
Dès lors, monsieur le ministre, je vous pose une série de questions. Combien d'emplois vacants permettront d'accueillir, en 1997, les emplois précaires actuels et avez-vous fait des simulations pour l'avenir ? Par ailleurs, quelle masse financée en 1997 permettra de passer des emplois précaires à des emplois stables et définitifs ? Enfin, avez-vous fait des simulations pour les années à venir et, dans l'affirmative, quels en sont les résultats ?
Ma crainte, monsieur le ministre - peut-être m'accuserez-vous de vous faire un procès d'intention - est la suivante.
Partout dans le monde, la pensée unique fait la chasse aux « mauvaises graisses » et aucun des grands organismes qui veillent à la bonne application de la politique libérale ne voit d'un bon oeil le développement des fonctions publiques.
Sachant qu'il est plus facile de noyer les besoins de l'Etat dans la masse salariale que d'afficher un nombre réel de fonctionnaires, sachant que la pensée unique est plus favorable au développement de l'emploi précaire qu'à l'accroissement de l'emploi stable, comment ferez-vous ? Ne refuserez-vous pas, un jour, d'afficher une hausse du nombre des fonctionnaires même s'il s'agit, de fait, et très largement, d'une régularisation ?
A ce titre, j'aimerais que vous nous donniez quelques explications sur les chiffres en cause.
Au moment de la signature du protocole sur l'emploi précaire, il avait été prévu 30 000 à 35 000 maîtres auxiliaires. Je conçois que ce chiffre était excessif. L'étude d'impact, reprise par l'excellent rapport de M. Blaizot, fait état de 11 000 titularisables après concours.
J'ai essayé de savoir à quoi correspondait la différence. J'ai trouvé une masse, que je ne saurais chiffrer précisément, de plusieurs milliers de maîtres auxiliaires qui n'avaient pas de travail à la rentrée - les syndicats parlent de 15 000 ; vous dites 9 000. S'agit-il d'ailleurs des mêmes que ceux qui n'avaient pas de travail à la rentrée de 1995 ? C'est une question à laquelle il n'est peut-être pas facile de répondre !
J'aimerais que vous nous éclairiez sur ces chiffres qui, en tout état de cause, constituent une fâcheuse et radicale anticipation du plan de résorption. Même si l'on entre dans votre logique et si l'on accepte l'idée qu'il s'agit, selon les termes du rapport, de « l'organisation de concours et non de l'ouverture d'un droit à titularisation », il est important que vous nous éclairiez sur les intentions budgétaires du Gouvernement.
J'ajoute qu'il serait opportun, dans le cadre de ce projet de loi, d'évaluer précisément et de manière ventilée le nombre de postes pouvant être offerts par le biais les concours réservés au cours des quatre prochaines années. J'ai d'ailleurs cru comprendre que la gestion prévisionnelle des effectifs était l'un des objectifs importants de la réforme de l'Etat, à laquelle vous travaillez.
Ma troisième remarque portera sur le congé de fin d'activité, sur le principe duquel, là encore, on ne peut qu'être d'accord.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif d'ensemble, me bornant à attirer votre attention, toujours au moyen de questions simples, monsieur le ministre, sur le problème du financement par l'Etat. Où trouverez-vous l'argent, et combien vous faudra-t-il ? Même si une part importante du financement est déjà assurée par les vacations, l'ensemble ne l'est pas, et il ne l'est pas, surtout, pour le futur. Je conçois que ces éléments financiers ne figurent pas dans le présent texte, qui n'est pas un texte budgétaire, mais il vous appartient de nous fournir, autant que possible, ces précisions.
En revanche, le financement du congé de fin d'activité pour les agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière apparaît « sans douleur », comme on le disait de la politique de Necker, qui faisait beaucoup d'emprunts sans augmenter l'impôt.
En l'espèce, il s'agit non pas d'emprunt, mais - mot magique ! - de « mutualisation ». Soit ! Mais avec quel argent ? L'argent de l'Etat, ai-je entendu tout à l'heure. Eh bien, non ! Pas l'argent de l'Etat, mais celui qui a déjà été versé par les collectivités et par les hôpitaux dans une caisse - décidément, on se croirait encore dans l'Ancien Régime ! - dont non seulement le commun des mortels, mais même de nombreux parlementaires, voire, me suis-je laissé dire, certains administrateurs de la CNRACL, ignoraient complètement l'existence.
J'imagine quelque fonctionnaire zélé de Bercy veillant sur elle. Peut-être d'ailleurs doit-on à sa discrétion l'excédant de la caisse !
Quoi qu'il en soit, cela ne vas pas durer. Après le ponctionnement sur les fonds de l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI - la caisse dont il est question - de 4,5 milliards de francs en faveur du budget général, ce qui, nous dit-on, permettrait d'éviter d'augmenter le taux des cotisations de la CNRACL, vous finissez de vider la caisse en ponctionnant le reste, ou à peu près. Et voilà la mutualisation dont il s'agit !
Dès lors, quid de la suite ? Je reprends là les questions que posait tout à l'heure M. Marini. Quid, après 1997, si, comme il paraît souhaitable, l'expérience devait se prolonger ? Quid, de toute façon, des taux de cotisation de la CNRACL ?
Je disais tout à l'heure « sans douleur ». Ce sera vraisemblablement sans douleur pour 1997, mais il m'étonnerait que, pour la suite, vous trouviez beaucoup d'autres caisses aussi bien cachées et providentiellement aussi bien garnies.
Quoi qu'il en soit, ce mode de gestion de l'argent public, en caisses autonomes et sans contrôle, n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous proposerons un amendement visant à établir sur les fonds de l'ATI un véritable contrôle démocratique.
Vous le voyez, monsieur le ministre, le texte qui nous est soumis suscite bien des interrogations de notre part. Si nous avons un préjugé favorable, il est certain que notre adhésion sera fonction de la force de conviction de vos réponses et de votre volonté de prise en compte de nos amendements. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après, chacun a encore en mémoire les mouvements sociaux d'une très grande ampleur qui se sont développés dans la fonction et le secteur publics sur l'ensemble du territoire français l'hiver dernier.
Ce qui a fait la nouveauté et le succès de cette grève, outre la force et la détermination intrinsèque du mouvement, c'est que les salariés du secteur privé, pourtant gênés par les arrêts de travail, ont soutenu ce mouvement à travers ce qu'on a appelé une « grève par procuration ».
« Ils savent que ceux qui y travaillent n'y sont pas à l'abri des coups. La solidarité du privé tient en grande partie à l'attachement qu'ont les gens pour le service public, au fait qu'ils savent, souvent parce que des membres de leur famille sont concernés, que les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés », explique un directeur d'un grand institut de sondage.
Ce mouvement social - nul ne peut l'ignorer - a mis en évidence de fortes exigences en matière de lutte contre la précarité, de lutte contre le chômage, de lutte pour l'augmentation des salaires, pour la défense des services publics.
Pourtant, les réponses du Gouvernement n'ont pas été à la hauteur de cette grande mobilisation populaire.
A succédé à cette grande colère, un sommet social, à propos duquel une grande majorité s'est accordée à dire que la montagne avait accouché d'une souris.
Aujourd'hui, où en sommes-nous ?
Certes, en réponse au mouvement de novembre-décembre 1995, un protocole d'accord portant sur la résorption de l'emploi précaire a été conclu entre le Gouvernement et six des sept organisations syndicales représentatives de la fonction publique, protocole qui a fait l'objet du titre Ier du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui.
Mais avant d'aborder le contenu du texte même, je tiens à resituer le contexte dans lequel le Gouvernement soumet au Parlement des « dispositions relatives à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique ».
Tout d'abord, la récente grève du 17 octobre dernier, menée par des centaines de milliers de fonctionnaires, accompagnée de manifestations importantes et unitaires, soutenue par une large majorité d'usagers, rappelle, si besoin en était, que le profond malaise des fonctionnaires ne s'est pas estompé depuis l'année dernière.
En effet, les revendications d'hier sont toujours d'actualité malgré les tentatives d'apaisement annoncées par le Premier ministre au début de septembre : les traitements des agents des trois secteurs de la fonction publique seraient débloqués en 1997-1998, des discussions salariales seraient ouvertes, après les élections, dans les hôpitaux et dans l'éducation.
Mais ces signes d'« apaisement » sont arrivés bien tard. Je veux dire après la présentation du budget de 1997, qui prévoit la réduction de près de 6 000 postes dans la fonction publique et qui s'inscrit dans une démarche globale de réduction des dépenses excluant toute réévaluation significative des salaires. Nous ne pouvons mettre de côté, aujourd'hui, votre circulaire datée du 1er août 1996, monsieur le ministre, qui donne directive aux administrations de comprimer du personnel.
Pour résumer la situation, le Gouvernement crie haut et fort, d'une part, que la lutte pour l'emploi est la grande priorité, alors que, dans le même temps, il supprime des postes dans la fonction publique, et, d'autre part, qu'il veut lutter contre la « fracture sociale », alors qu'il affaiblit les services publics et réduit leur champ d'intervention.
Il ne faut pas s'étonner, dès lors, si les fonctionnaires marquent leur mécontentement à l'égard du Gouvernement et de son Premier ministre, surtout quand on a en tête les propos désobligeants tenus par ce dernier sur la « mauvaise graisse » sécrétée par la fonction publique.
Monsieur le ministre, comment, dans ce contexte, pouvez-vous réellement vous parer d'une volonté de dialogue social ? Cette volonté ne peut masquer celle de la réduction du rôle de l'Etat, de l'ouverture en grand de notre société aux règles du libéralisme économique.
Pour en revenir au budget de la fonction publique pour 1997, le rapport sur ce dernier de M. de Courson, député UDF, est édifiant et annonce d'emblée la couleur : « En ce qui concerne la fonction publique, le projet de loi de finances s'inscrit dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et de réforme de l'Etat qui entraîne, pour la première fois depuis 1988, une réduction de 0,3 % des emplois budgétaires de fonctionnaires civils... »
Je continue : « Sur la base du coût moyen d'un agent estimé, toutes catégories confondues, et charges patronales comprises, à 196 000 francs, l'économie attendue de ces suppressions d'emplois peut être évaluée à 1 097 millions de francs en année pleine. »
M. de Courson considère enfin qu'« il est souhaitable d'aller plus loin, mais cela suppose une meilleure appréhension des effectifs réels, seule à même de permettre une véritable gestion prévisionnelle ».
On peut lire encore dans son rapport qu'il faut revenir sur le caractère indispensable de la réforme du régime des retraites des fonctionnaires et relever le taux de la retenue pour pension des fonctionnaires de 0,47 point au 1er janvier 1997 et de la porter de 7,85 % à 8,32 %.
Il faut cesser, selon nous, une fois pour toute de prendre pour cible les fonctionnaires, leur rémunération, leur régime de retraite.
Le rapport indique encore que les augmentations de pouvoir d'achat des fonctionnaires ont été supérieures à celles des salariés du secteur privé. L'objectif, c'est d'opposer les fonctionnaires aux travailleurs du secteur privé et, sans doute, d'endiguer le mouvement de sympathie du secteur privé pour les fonctionnaires lors des grèves.
Lorsque l'on connaît la médiocrité des salaires dans la fonction publique - j'y suis passé - notamment territoriale, on voit là un bel aveu de la faiblesse du pouvoir d'achat dans le privé, laquelle est contraire à toute idée de relance économique par la consommation !
Je pourrais continuer longtemps à citer le rapport de M. de Courson, qui augure mal la volonté de la droite, au Gouvernement comme dans les Assemblées, de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique, de lutter contre le chômage et contre la fracture sociale... critères de Maastricht obligent !
A la lumière de ces observations, il est difficile de croire qu'avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous allez avoir les moyens de titulariser ne serait-ce que 150 000 agents sur quatre ans, comme vous l'annoncez.
M. Blaizot, lui-même, dans son rapport, reconnaît le paradoxe entre le contenu du projet de loi et la réalité de la politique budgétaire. Selon lui, en effet : « On ne dispose à l'heure actuelle d'aucune évaluation précise du nombre de postes qui pourront effectivement être offert par les concours réservés au cours des quatre prochaines années, et aucune création d'emploi à ce titre n'est prévue dans le projet de loi de finances pour 1997 ».
Cette volonté de résorber la précarité, que nous louons, ne masque-t-elle pas un but que nous rejetons clairement, celui du dégonflement des effectifs ? Nous affirmons en effet que les emplois précaires doivent céder la place à des emplois stables. Nous n'acceptons pas cette « cuisine budgétaire » interne qui aura pour effet de réduire les services offerts à la population et de diminuer globalement le nombre des emplois dans la fonction publique.
En réalité, ce dont la fonction publique a besoin, c'est d'une véritable loi de titularisation semblable à celle communément appelée loi Le Pors.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Robert Pagès. Ce n'est qu'à ce prix que la lutte contre la précarité sera effective.
Dans les trois secteurs de la fonction publique, il y a 600 000 agents non titulaires, dont 400 000 dans la fonction publique territoriale et 30 000 à 40 000 dans la fonction publique de l'Etat.
Or, ce projet de loi ne va résoudre les difficultés que de 20 000 agents, contrairement aux objectifs annoncés.
En outre, les personnes bénéficiant d'un contrat emploi-solidarité, un CES, qui courent pourtant un risque important de précarisation, sont d'emblée écartées du champ d'application du texte.
En effet, et j'en viens ainsi plus précisément au projet de loi qui nous est soumis, les articles 1er à 10, qui tendent pourtant à résorber l'emploi précaire, ne concernent aucunement les CES.
Je rappelle que ces contrats masquent, de par leur utilisation massive, un besoin évident de création d'emplois stables dans les services publics. Les contrats permettent de diminuer artificiellement les chiffres du chômage en maintenant des personnes dans des situations très précaires sans les faire accéder à une profession stable. Ils n'ont par ailleurs aucun effet pour favoriser un retour à un emploi durable.
En outre, leur interdiction dans les services de l'Etat a été délibérément tournée dans différentes administrations, comme M. le ministre le sait bien. Aujourd'hui, même la Cour des comptes le reconnaît dans son rapport annuel.
La question des CES est très importante. Près d'un million d'entre eux ont été conclus dans la fonction publique, ce qui montre bien, si besoin en était encore, combien les besoins sont immenses en matière d'emplois publics.
Mais ce n'est qu'au prix d'un changement de politique profond, d'une conception nouvelle du rôle de l'Etat, du renoncement à l'obsession maastrichienne de la réduction des déficits publics que l'on arrivera à s'attaquer valablement à la résorption du chômage et de la précarité dans notre pays.
La précarité frappe les jeunes dans une proportion inquiétante. Ces derniers ne se voient proposer que des contrats de type contrat emploi-solidarité ou contrat emploi consolidé, et bientôt, grâce au projet de loi contre l'exclusion, il est prévu que 300 000 contrats d'initiative locale viendront s'ajouter aux 100 000 créations d'emploi-ville. Ainsi, un jeune peut passer d'un contrat à un autre sans jamais avoir un emploi stable.
Si nous sommes opposés au fait que ces différents contrats constituent un sas d'entrée dans la fonction publique, nous proposons en revanche un « plan national de formation et d'insertion », aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Nous avons donc déposé un amendement tendant à pousser le Gouvernement à s'engager en ce sens.
Bien sûr, cela nécessite un effort national important, que le Gouvernement n'a pas réellement la volonté d'effectuer.
Cet effort national doit diriger les richesses de notre pays, qui n'en manque pas, vers une lutte déterminée pour l'emploi.
En effet, pour résorber la précarité, le Gouvernement se contente de la création de concours spécifiques dans les trois secteurs de la fonction publique. Nous pensons que ce n'est pas suffisant, car du nombre de postes créés dépendra la résorption de la précarité.
Comme la tendance actuelle est à la suppression, et non à la création, de postes de fonctionnaire, on voit bien les limites de votre texte, monsieur le ministre.
En outre, à la lecture de ses articles, il apparaît clairement que l'Etat est dégagé de toute obligation quant à l'organisation de nouveaux concours, puisque seule la possibilité de leur ouverture est indiquée. Nous proposons donc, par voie d'amendement, une rédaction plus contraignante pour l'Etat en la matière.
Par ailleurs, pour chacune des trois catégories de fonctionnaires, des conditions restrictives, souvent communes, montrent bien les importantes limites du projet de loi, sinon le leurre, que représente la volonté affichée de réduire l'emploi précaire.
J'en veux pour preuve, pour ne prendre que cet exemple, la condition selon laquelle les agents non titulaires devront avoir exercé au moins l'équivalent de quatre années à temps plein durant les huit dernières années. Il s'agit là d'une condition contraignante qui désavantage les salariés à temps partiel, alors que c'est une modalité d'organisation du travail pourtant encouragée par le Gouvernement. De même, ceux qui ont connu des périodes de non-activité - je pense aux maîtres auxiliaires notamment - se trouvent écartés.
Par le biais du concours, le projet de loi permettrait, nous assure-t-on, de titulariser les 11 000 maîtres auxiliaires qui n'ont pas été réembauchés cette année. Or quelle assurance avons-nous que, une fois les concours passés, des postes leur seront attribués ?
Pour notre part, nous avons élaboré une proposition beaucoup plus efficace pour régler la situation des maîtres auxiliaires. Nous la défendrons sous forme d'amendement. Il s'agit de transformer les 800 000 heures supplémentaires en postes. Cela entraînerait la création de 45 000 postes, qui pourraient être proposés aux maîtres auxiliaires concernés.
J'y reviendrai plus en détail lors de l'examen des articles, ainsi qu'en présentant nos amendements visant à permettre à un plus grand nombre d'agents de bénéficier de l'ouverture de ces concours en vue d'une titularisation.
Sur le principe même des concours, je voudrais maintenant faire quelques remarques.
Si le concours est un mode de recrutement représentant le seul moyen d'assurer l'égalité d'accès à la fonction publique, il n'est pas, en revanche, un modèle pour la titularisation.
Outre le fait que je reste sceptique quant à l'organisation de ces concours, dans la pratique, j'opterais plus facilement, surtout pour la fonction publique territoriale, pour l'organisation d'examens professionnels qui, tout en permettant une vérification des connaissances, donnent lieu à une titularisation immédiate, ce qui n'est pas le cas des concours.
Ce type d'examen apparaît particulièrement adapté pour les emplois de catégorie C.
La seconde partie du projet de loi traite du congé de fin d'activité et prévoit des dispositions résultant d'un accord signé par six des sept organisations syndicales le 16 juillet 1996.
Si le dispositif en question répond à une revendication réelle des personnels, les conditions de son application, quant à elles, ne nous paraissent pas satisfaisantes.
En effet, plusieurs remarques s'imposent, qui atténueront fortement l'aspect, au prime abord positif, de ces mesures.
Tout d'abord, l'article 11 limite considérablement la portée de ce dispositif puisque la période durant laquelle un agent peut bénéficier d'un congé de fin d'activité se situe entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1997.
Ensuite, si le protocole prévoyait expressément que l'enjeu était le remplacement de ces départs en congé de fin d'activité par le recrutement de jeunes, il n'y a plus trace de cette priorité dans le texte.
De plus, en prévoyant de remplacer ces départs par le recrutement dans les conditions fixées par les titres Ier à IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, le projet de loi n'exclut pas le recrutement de nouveaux non-titulaires.
Ainsi, avec la première partie de ce projet de loi, on tente de lutter contre la précarité en ouvrant des concours pour titulariser certains non-titulaires. Mais, avec la seconde partie de ce texte, on ouvre à nouveau la porte aux agents non-titulaires. Ce texte permet en effet de recruter à nouveau des non-titulaires, puisque le statut général le permet. C'est un cercle vicieux dans lequel il convient de ne pas tomber.
Je précise que la loi Hoeffel votée en 1994 n'a pas corrigé - loin s'en faut - les effets de la loi de 1987, qui a été la première à ouvrir grand la porte au recours à la contractualisation.
Nous proposerons donc par amendement de rétablir l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, qui vise à limiter et encadrer les possibilités de recrutement dans certains cas particuliers d'agents sous contrat, afin d'éviter que la précarité dans la fonction publique ne se reconstitue par le biais des départs en congé de fin d'activité.
En outre, la condition d'âge retenue pour bénéficier d'un tel congé est de cinquante-huit ans. Or, l'accord signé le 6 septembre 1995 au sein de l'UNEDIC par les partenaires sociaux prévoyait la possibilité pour les salariés de cesser leur activité dès l'âge de cinquante-sept ans et six mois.
Pourquoi, dès lors, ne pas avoir gardé cette condition d'âge, si ce n'est pour éviter que trop de salariés ne bénéficient d'un congé de fin d'activité ?
Nous assistons, par ailleurs, à la réintroduction « par la fenêtre » de la mesure rejetée par le mouvement de décembre 1995. Je veux parler de l'instauration des quarante années d'assurance vieillesse comme condition de la retraite anticipée.
Certes, cette mesure n'est pas générale. Néanmoins, nous combattrons cette volonté gouvernementale de tenter de « rogner » toujours un peu plus le statut des fonctionnaires. J'y reviendrai lors de l'examen des articles et des amendements.
Concernant la rémunération des agents bénéficiaires d'un congé de fin d'activité, d'aucuns l'estiment insuffisante et pensent à juste titre que cela va entraîner une sorte de précarisation supplémentaire dans la société, avec des conséquences évidentes sur le pouvoir d'achat.
En outre, je m'interroge sur la différence de rémunération entre agent titulaire, avec 75% du traitement brut, et agent non titulaire, avec 70% seulement.
Enfin, concernant le financement des départs en congé de fin d'activité, le dispositif prévu à l'article 43 est loin de nous satisfaire. J'y reviendrai plus longuement lors de l'examen dudit article.
La troisième partie du projet de loi traite de dispositions diverses. J'insiste plus précisément sur l'article 58, qui dispose :
« Lorsque la continuité du service l'exige, certains personnels peuvent être appelés à assurer un service de permanence.
« Le service est assuré en recourant soit à des permanences dans l'établissement, soit à des astreintes à domicile.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat...
« Le temps passé pendant le service de permanence, lorsqu'il ne correspond pas à un travail effectif, est compensé, selon des modalités prévues par décret. »
Il s'agit là d'une disposition très grave pour le personnel hospitalier comme pour les patients.
Pourquoi avoir introduit cette mesure alors qu'elle ne figurait pas dans le protocole d'accord signé par six des sept organisations syndicales ?
Déjà, le ministère de la santé avait dû retirer de l'ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière du 5 septembre 1996 le point concernant les « astreintes dans la fonction publique hospitalière », après une « levée de boucliers » de l'ensemble des organisations syndicales.
Il s'agissait d'arrêter le principe des astreintes sans en discuter les conditions d'application, les types d'établissements et les catégories de personnels concernées ainsi que les conditions de rémunération.
Que fait le Gouvernement deux mois plus tard ? Il introduit dans un projet de loi des mesures pourtant décriées par tous, et qui soulèvent aujourd'hui les mêmes questions qu'hier.
Il est fort à craindre que les astreintes deviennent un mode de gestion normale de la pénurie d'effectifs.
Il s'agit là de ce que le Gouvernement nomme « la réorganisation du travail », sous-entendu avec les moyens existants et ceux qui vont disparaître. Restrictions budgétaires obligent !
Je reviendrai plus longuement sur cette disposition scandaleuse à l'occasion de la discussion de notre amendement de suppression de l'article 58.
Cet article n'avait pas à figurer dans ce projet de loi, tout comme certains amendements du Gouvernement n'ont pas à être discutés. Je veux parler des amendements communément qualifiés de « cavaliers ».
On nous reproche assez souvent, à nous membres du groupe communiste républicain et citoyen, de déposer de tels amendements pour ne pas intervenir lorsque c'est le fait du Gouvernement.
De manière plus générale, trop de dispositions contenues dans le projet de loi font référence, pour leur application, à des décrets en Conseil d'Etat, ce qui ajoute une note d'incertitude quant à l'efficacité réelle des dispositifs proposés, qu'il s'agisse de la lutte contre la précarité ou du congé de fin d'activité.
C'est ainsi que les membres du groupe communiste républicain et citoyen analysent ce projet de loi.
Je rappelle que l'ouverture de négociations sur la précarité de l'emploi dans la fonction publique a été considérée par les syndicats comme l'un des résultats du mouvement de novembre et décembre 1995.
Néanmoins, force est de constater que la journée du 17 octobre sur le thème de l'emploi a été marquée par la volonté de réduire la précarité. A l'évidence, le présent projet de loi semble être en décalage par rapport à l'exigence du mouvement social.
Certes, le cadre existe et il est perfectible. Nous ferons en sorte, avec nos amendements, d'aller plus loin, de rendre le texte plus ambitieux quant aux objectifs réels affichés.
Bien évidemment, notre vote final dépendra du sort de nos amendements, mais également de ceux du Gouvernement ainsi que de ceux de la majorité sénatoriale.
Je ne voudrais pas conclure sans m'élever, une fois de plus, contre la déclaration d'urgence appliquée à ce projet de loi.
Le Parlement travaille maintenant tout au long d'une session unique qui devait permettre, nous a-t-on dit, un débat plus posé, plus approfondi, un échange plus enrichissant avec l'Assemblée nationale. Je constate, une fois de plus, que la procédure d'urgence vient contrarier cette volonté que nous avons d'étudier calmement les textes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vecten.
M. Albert Vecten. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique concerne les trois branches de celle-ci : la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.
Il comporte en outre trois volets : un dispositif de résorption de l'emploi précaire, la mise en place pour un an d'un régime de départ anticipé de fonctionnaires par l'attribution d'un congé de fin d'activité et des dispositions diverses d'ordre statutaire.
L'intention du Gouvernement est louable et généreuse, et la philosophie générale du dispositif très séduisante, il faut le reconnaître. Je ne peux qu'approuver les objectifs que les auteurs de ce texte cherchent à atteindre. Toutefois, une question subsidiaire doit être posée : peut-on décemment discourir à propos des emplois précaires dans la fonction publique territoriale sans savoir ce que recouvre cette notion ?
Certes, dans son exposé des motifs, le Gouvernement considère que sa connaissance de la fonction publique territoriale est acquise, puisqu'il propose de remettre de l'ordre dans la gestion des effectifs. Je me permets à ce sujet d'émettre, au nom de l'autonomie locale, une réserve sur le fait que l'Etat vienne remettre de l'ordre dans les effectifs de la fonction publique territoriale. En est-il besoin ?
Au demeurant, il faudrait que l'Etat puisse être en mesure de répondre aux incertitudes statistiques qui accompagnent encore aujourd'hui l'identification et l'évolution en nombre de ces emplois précaires dans la fonction publique territoriale. A ma connaissance, aucun recensement rigoureux de ces emplois précaires n'a été réalisé. Comment résorber l'emploi précaire quand aucun travail approfondi d'identification des situations et des difficultés n'a été réalisé ?
Les emplois précaires recouvrent, en effet, des réalités bien disparates. Je ne citerai, à titre d'exemple, que les vacataires, les auxiliaires, les contractuels, les titulaires de CES ou d'emplois consolidés, dont la situation est liée à l'application de mesures prises par l'Etat.
La première question qu'il convenait de se poser, à mon sens, lors de l'élaboration de ce projet de loi était donc de savoir quels étaient ces emplois précaires. Une étude plus spécifique aurait dû être menée dans les secteurs médicaux, culturels, sociaux, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales. Je regrette que cette démarche n'ait pas été accomplie. Il est difficile de remédier à une situation qui n'est pas identifiée avec certitude.
Je constate, en effet, que le dispositif prévu dans le projet de loi est complètement inadapté à la fonction publique territoriale.
Bien que faisant référence aux spécificités de la fonction publique territoriale, le projet de loi calque le dispositif proposé sur la fonction publique d'Etat. Ce projet de loi résoudra les problèmes de précarité rencontrés au sein de la fonction publique d'Etat, mais pas ceux de la fonction publique territoriale. Dans la fonction publique territoriale, les problèmes de précarité se situent ailleurs.
Ce constat appelle deux remarques.
Les associations d'élus n'ont pas été associées, au même titre que les organisations syndicales, à la négociation du protocole relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique territoriale...
M. René Régnault. C'est juste !
M. Albert Vecten... alors que les élus territoriaux emploient 1 200 000 agents territoriaux.
Il me paraît indispensable aujourd'hui de reconnaître, en droit et en fait, aux exécutifs locaux la qualité d'employeurs locaux. La discussion de ce projet de loi en démontre une nouvelle fois la nécessité. Les employeurs locaux étaient, en effet, en mesure d'identifier les emplois précaires au sein de leurs collectivités territoriales.
Une négociation tripartite aurait permis d'éviter certains écueils. Or les collectivités territoriales vont être dans l'obligation d'appliquer des dispositions qui ne recueillent pas leur adhésion, car elles sont inadaptées à leurs besoins. Peut-on ainsi voter des dispositions concernant des millions d'agents sans savoir qui ils sont, d'où ils viennent et pourquoi ils sont là ?
Ce projet de loi appelle une seconde remarque.
Il n'est pas tenu compte du fait que les collectivités territoriales ont une spécificité tenant à leur caractère d'administrations de proximité. Or, pour satisfaire aux exigences inhérentes à ce caractère d'administration de proximité, l'administration publique territoriale doit être diverse, composée de métiers et adaptée aux nécessités locales.
Ce projet de loi ne tient pas suffisamment compte de ce paramètre ; c'est la raison pour laquelle il suscite des réserves de la part de mes collègues présidents de conseils généraux.
Si je ne vois pas bien l'utilité d'un tel protocole pour la fonction publique territoriale, en revanche, j'en mesure bien les dangers.
L'exposé des motifs du projet de loi précise en effet que des « dispositions sont prises pour éviter la reconstitution du phénomène de la précarité, notamment sous forme de contrôle des recrutements ».
Ainsi, il doit être fait appel à des mesures appropriées pour interdire toute velléité de reconstitution d'effectifs sur des emplois précaires.
Peut-on voter de telles dispositions sans se poser de nouveau la question de la mobilité entre les fonctions publiques, qui reste d'ailleurs un mythe ?
Peut-on, enfin, les voter en l'absence de vision claire sur leurs effets induits à l'égard des titulaires actuels ?
Il n'est donc pas interdit de penser que ce projet de loi signifiera restriction pour les créations d'emplois contractuels. Il est vraisemblable que les représentants de l'Etat chargés du contrôle de légalité seront invités à porter un regard plus critique sur l'établissement des contrats, mais également sur leur renouvellement. On peut le comprendre dans un certain nombre de cas, mais il convient de reconnaître que la fonction publique territoriale, depuis sa création, a donné lieu à l'émergence de métiers nouveaux qui n'ont pas d'équivalent dans la fonction publique d'Etat.
C'est pourquoi je considère, comme l'ensemble de mes collègues présidents de conseil général, que dans un certain nombre de domaines, une grande souplesse doit être consentie aux autorités territoriales pour le recrutement d'agents non titulaires.
Faut-il rappeler, en effet, l'époque de la mise en oeuvre de la décentralisation et de la fonction publique territoriale naissante où il a fallu recourir à des agents contractuels possédant des qualifications particulières ?
Les collectivités locales ont recruté des agents par voie de contrats à durée déterminée renouvelables afin d'assurer des fonctions pour lesquelles aucun cadre d'emploi n'existait au moment du recrutement.
Il faut savoir que le recrutement d'agents contractuels s'effectue par nécessité parce que leur formation et leur expérience professionnelle donnent l'assurance qu'ils sont immédiatement aptes à remplir certaines fonctions pour lesquelles il est difficile, voire impossible, de trouver des agents titulaires.
C'est pourquoi je souhaite que ce projet de loi contribue à faire en sorte que le contrôle de légalité s'exerce avec le plus grand discernement. Il convient, en effet, que les agents qui viennent d'horizons professionnels très divers, avec des formations et des rémunérations variant selon leur expérience et le champ d'attributions dévolu, puissent être recrutés lorsque la nature des fonctions ou le besoin des services le justifient.
Il faut rappeler que les droits accordés aux agents titulaires, tels que congés parentaux, temps partiels, induisent inéluctablement le recrutement de personnels auxiliaires. Or ce sont très certainement ces auxiliaires, recrutés en remplacement de titulaires momentanément absents, qui constituent une part importante des effectifs des non-titulaires.
Je souhaite vivement que l'adoption de ce projet de loi ne conduise pas à un renforcement du contrôle de légalité sur le recrutement des contractuels ou le renouvellement de leur contrat par les collectivités territoriales.
Les exécutifs locaux demeurent, en effet, très attachés à l'esprit de la décentralisation, à l'autonomie locale, à l'efficacité de la gestion, qui supposent un minimum de souplesse dans le recrutement. Ainsi, l'amendement n° 7, déposé par la commission des lois et à l'article 5 du projet de loi précisant que l'inscription sur une liste d'aptitude d'un lauréat à un concours réservé ne vaut pas recrutement, me paraît fondamental et doit être adopté.
Concernant le congé de fin d'activité, je ne ferai qu'une seule remarque. La commission des lois a, dans son rapport, émis des réserves quant au financement prévu pour mettre en oeuvre ce dispositif. Elle estime que rien ne permet de garantir avec certitude que la masse financière actuellement disponible sera suffisante pour assurer l'intégralité du financement du congé de fin d'activité des agents de la fonction publique territoriale.
Cette analyse m'inquiète. Jusqu'à présent, le Gouvernement a affirmé que le financement de ce dispositif n'occasionnerait aucun surcoût pour les collectivités territoriales. J'espère vivement, monsieur le ministre, que cet engagement sera respecté.
Par ailleurs, le congé de fin d'activité est censé dégager des emplois pour le recrutement de jeunes dans la fonction publique territoriale. Dans ces conditions, comment accepter encore les cumuls d'emplois au sein de la fonction publique territoriale, comme cela est trop souvent le cas aujourd'hui ? Il convient d'être cohérent.
Telles sont les principales observations que je tenais à formuler sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire que nous examinons aujourd'hui intègre dans notre droit un protocole d'accord conclu en mai dernier entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Il prévoit des dispositions relatives à la résorption des emplois précaires, au congé de fin d'activité en faveur de certains fonctionnaires et agents non titulaires des fonctions publiques et comporte certaines mesures d'ordre statutaire destinées à permettre à la fonction publique de demain de s'ouvrir sur l'Europe mais aussi à améliorer la protection des fonctionnaires.
Je ne reviendrai pas sur le détail de toutes les dispositions contenues dans ce texte excellement analysées par les orateurs qui m'ont précédé, notamment par le rapporteur de la commission des lois, notre collègue François Blaizot, mais, avant d'examiner certaines des mesures qui me paraissent particulièrement opportunes, je voudrais rendre hommage à l'ensemble des fonctionnaires et à tous ceux qui consacrent leur vie professionnelle au service de l'Etat, constituant par là même sa première richesse.
La fonction publique a connu, durant ces dernières décennies, de nombreuses transformations. La période contemporaine a, en effet, été fertile en mutations.
A « une » fonction publique ont succédé « des » fonctions publiques. C'est ainsi qu'a été créée la fonction publique hospitalière. De plus, les lois de décentralisation ont amené une redistribution des pouvoirs politiques mais également une mutation de l'appareil administratif.
Qu'il s'agisse de la fonction publique de l'Etat, qui s'inscrit dans la logique d'une France unitaire, où l'Etat est garant de l'intérêt général et porteur d'intérêts dominants, de la fonction publique décentralisée, qui doit rapprocher les Français de leur administration, rendue ainsi plus accessible, ou encore de la fonction publique hospitalière, qui participe à la fois de la fonction publique d'Etat et de la fonction publique décentralisée, les agents de la fonction publique accomplissent une tâche souvent difficile avec conscience et dévouement.
Dans son titre Ier, le présent texte comporte une série de dispositions relatives à l'emploi précaire et constitue ainsi un engagement important par sa dimension sociale.
En application de l'accord du 14 mai dernier, et afin de favoriser l'emploi des jeunes, les agents non titulaires de l'Etat pourront, dans certaines conditions, intégrer la fonction publique. Ce sont 150 000 agents non titulaires de l'Etat, des collectivités locales et du secteur hospitalier qui sont ainsi susceptibles d'être titularisés. On ne peut qu'approuver des dispositions visant à mettre fin à des pratiques contraires aux règles de la fonction publique, qui ont amené à employer des agents dans des conditions instables, alors que ces derniers accomplissent les mêmes tâches que les agents titulaires.
L'intégration s'étalera sur quatre ans, avec l'organisation d'un concours spécifique. Toutefois, pour que cette intégration puisse avoir lieu sans entraîner un alourdissement excessif du budget de la fonction publique, l'accord du 14 mai a été complété par une série d'accords permettant d'organiser le départ en retraite de certains fonctionnaires, de certains salariés ou de certains agents non titulaires, s'ils ont cotisé pendant un certain nombre d'années, dans les conditions qui ont été exposées par notre rapporteur.
L'ensemble de ces mesures constitue un volet important de la politique active de création d'emplois prévue par le Gouvernement puisque à ces départs en retraite correspondra une embauche pour les jeunes.
S'agissant des collectivités locales et des établissements hospitaliers, il est important de souligner que le coût du dispositif sera mutualisé au sein d'un fonds qui a déjà été créé pour compenser les coûts liés au mécanisme de cessation progressive d'activité. Il ne pèsera donc pas sur les budgets locaux.
Le deuxième point de mon intervention a trait aux mesures tendant à l'ouverture de la fonction publique sur l'Europe.
En effet, l'article 45 ouvre notre fonction publique aux ressortissants de l'espace européen, conformément aux engagements signés par la France en mai 1992.
L'Europe est une réalité concrète pour l'administration comme elle l'est pour les citoyens et les entreprises. Bien sûr, il importe que la libre circulation ne déstabilise ni la construction statutaire ni l'équilibre de régimes de retraite.
La libre circulation des fonctionnaires, la possibilité pour les fonctionnaires français d'être détachés dans d'autres pays européens, comme celle, pour notre administration, d'accueillir des fonctionnaires d'autres Etats de l'Union européenne, tout cela dans le respect des règles de chaque Etat membre, constituent un enrichissement incontestable. Les ministres européens se sont engagés le 10 mai 1996 à introduire dans leurs réglementations une véritable mobilité frontalière, et je me réjouis de ce nouveau pas accompli dans la construction concrète de l'Europe.
Enfin, le présent projet de loi modifie divers articles du statut des fonctionnaires qui permettent d'accorder un congé de longue maladie pour certaines affections. Il était grand temps que les articles en question soient modifiés, afin de les adapter au fléau qui ravage cette fin du xxe siècle. Ainsi, ceux qui souffrent d'un déficit immunitaire grave et acquis bénéficieront-ils d'un congé de maladie de la même durée que celui qui est prévu pour certaines autres affections graves.
Monsieur le ministre, nous examinons aujourd'hui un texte à propos duquel se dégage un large consensus. Ce texte s'intègre dans la grande réforme de l'Etat, que chacun sait difficile et cependant indispensable.
Avec mes collègues du groupe du RPR, je voterai ce projet de loi.
En conclusion, je souhaite vous remercier du travail que vous accomplissez pour que la fonction publique d'Etat conserve sa spécificité tout en s'adaptant à l'attente de nos concitoyens. Elle doit être, et je sais que vous en avez pleinement conscience, monsieur le ministre, l'élément moteur de la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, que j'appellerai « projet de loi d'adaptation de la fonction publique à son environnement économique et social », mérite d'être replacé dans son contexte historique ; d'ailleurs, M. le rapporteur n'a pas manqué de se livrer à cet exercice.
Si les intentions sont nobles, la portée des dispositions qui sont censées les traduire est souvent limitée. On peut être, dès lors, amené à s'interroger sur les véritables mobiles du Gouvernement.
On ne saurait être opposé au principe de la résorption de l'auxiliariat dans la fonction publique, tous versants de la fonction publique confondus, puisque la fonction publique française est diverse. D'ailleurs, les syndicats ont accueilli l'annonce de cette mesure avec satisfaction.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de rappeler, en particulier pour ce qui est de la fonction publique territoriale, les difficultés que nous avions rencontrées en 1983 et 1984 auprès de l'opposition de l'époque, devenue majorité aujourd'hui, pour contenir la portée d'un certain article 3 relatif au recours à des agents non titulaires. C'est précisément aux conséquences de cette situation que nous sommes invités aujourd'hui à tenter de porter remède.
En août 1986, M. de Charette, alors ministre de la fonction publique, élargissait le recours aux contractuels et y ajoutait la pérennisation de cette situation, ce qui me paraissait extrêmement préoccupant.
Plus récemment, la loi du 27 décembre 1994, qui a été votée sur l'initiative de M. Daniel Hoeffel, redevenu depuis membre de notre assemblée, apportait à son tour une ouverture supplémentaire en direction des non-titulaires.
Vouloir supprimer le recours aux auxiliaires ou aux contractuels, vouloir mettre fin à la précarité et à l'instabilité de l'activité de personnes physiques au statut provisoire, parfois sans statut, sans existence, donc sans reconnaissance, est très méritoire, monsieur le ministre. Je souhaite simplement que ces dispositions ne servent pas à dégonfler un abcès pour aussitôt en laisser se reconstituer un autre ; une telle crainte a déjà été exprimée plusieurs fois à cette tribune. Ce ne serait ni bon pour les agents ni souhaitable pour le service public, dont la qualité et la pérennité sont très appréciées par nos concitoyens.
Il ne faudrait pas que, par ailleurs, dans un contexte de réduction des effectifs de la fonction publique, réduction qui résulte de la volonté du Gouvernement, les futurs titularisés viennent diminuer d'autant le nombre des recrutements externes. Sinon, ce dispositif ne serait qu'un leurre à l'égard des jeunes qui attendent de passer un concours.
Nous apprécions la démarche proposée et nous veillerons, par nos amendements, à l'améliorer.
Il faut, par exemple, que ce plan de titularisations potentielles prenne en compte les personnes qui, sans occuper un emploi, exercent toutefois une activité de service public. Je pense aux agents rénumérés sur des crédits de fonctionnement du type « fournitures pour voirie » ou autres « habillages » similaires. Je pense aussi à tous ces agents auxiliaires de l'éducation nationale rémunérés sur des heures supplémentaires, et cela dans des proportions considérables : 800 000 !
J'ai été ravi de vous entendre affirmer tout à l'heure que ce dispositif concernait aussi La Poste, car celle-ci fait encore mieux que tous les autres en matière d'« habillages ». Elle a, en effet, réussi à faire travailler des personnes physiques pour exercer des missions de sa compétence sans que ces personnes aient un statut ou soient même reconnues par leur employeur, sans qu'elles soient, non plus, agents de nos collectivités territoriales. Je les appelle les « sans-grade » ou les « sans-statut » de La Poste.
Je suis très heureux, par conséquent, qu'au travers de ce dispositif nous placions cette grande et noble administration publique en situation de mettre de l'ordre chez elle, car ce qu'elle fait à cet égard n'est pas supportable, pas plus que ne l'est sa tendance à vouloir mettre ces agents à la charge des collectivités locales. Ces agents sont recrutés pour des missions spécifiques ; ils doivent donc être intégrés à l'administration qui est en charge de ces missions.
Le congé de fin d'activité, avec sa contrepartie, l'embauche de jeunes demandeurs d'emploi, est, en soi, également une bonne mesure, susceptible de favoriser la réduction du chômage, objectif qu'il ne faut évidemment pas perdre de vue.
Les conditions proposées - quarante ou quarante-trois années d'activité, cent soixante ou cent soixante-douze trimestres de cotisations - doivent être rapprochées de certaines intentions gouvernementales sur l'allongement des durées d'activité ou des durées de cotisations préalables à l'obtention des droits à jouissance de sa retraite. Il ne faudrait pas que ces dispositions deviennent en quelque sorte un ballon d'essai de la généralisation des allongements que je viens d'évoquer.
Ce projet de loi a fait l'objet de procédures de concertation préalable et de nombreuses consultations. L'Association des maires de France, notamment, a été consultée. Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, attirer votre attention sur la différence entre « négociation » et « consultation ».
Ce n'est certes pas la première fois que nous faisons cette remarque devant un membre du Gouvernement. En ce qui me concerne, j'y mets un certain acharnement, mais c'est la volonté de faire avancer les choses qui m'anime. Car cet acharnement, qui n'est pas encore de l'entêtement, a une justification objective.
Les autorités territoriales ne sont pas associées à la négociation concernant la rénumération et la gestion de leurs collaborateurs, sur lesquels ils ont pourtant le pouvoir de nomination, de sanction, et qu'ils sont également obligés de rénumérer.
Nous sommes - et vous êtes inclus dans ce « nous », monsieur le ministre - les seuls employeurs, parmi l'ensemble des employeurs publics et privés de France, à ne pas négocier ès-qualité et directement la rénumération des salariés qui sont placés sous notre responsabilité.
On dit : « Les associations ne sont pas représentatives de tous les maires ou de tous les présidents ! » Mais nul n'osera jamais prétendre que les syndicalistes qui se trouvent à une table de négociation sont représentatifs de tous les fonctionnaires au nom desquels ils s'expriment. Ils sont élus et, dans un système démocratique, on reconnaît la légitimité de l'élection.
Faisons donc en sorte que les maires, les présidents de conseils généraux et de conseils régionaux élisent leurs représentants et que ceux-ci participent aux négociations. Nous avons fait la décentralisation ; elle a responsabilisé les élus. Sur un terrain comme celui-là, il n'y a pas de raison que les élus, qui sont des employeurs, soient écartés de négociations qui intéressent leurs collectivités et où sont traitées des affaires qui relèvent de leur responsabilité.
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes sensible aux problèmes des collectivités territoriales et de leurs élus. Cette anomalie, ce réel dysfonctionnement doit être réparé - j'insiste sur ce point - et je compte sur l'autorité qui est la vôtre pour faire évoluer la situation.
Les élus locaux doivent participer aux négociations concernant la fonction publique territoriale. C'est d'autant plus souhaitable que nous avons mis en oeuvre, voilà bientôt quinze ans, la décentralisation. J'ajoute que la situation est quelque peu humiliante même si elle ne nous donne pas de l'urticaire. En effet, nos collaborateurs, par le biais des confédérations qui les représentent, participent aux négociations, mais pas nous. Or les décisions qui sont prises à cette occasion s'imposent à nous. Cette situation est-elle anecdotique et marginale qu'elle ne mérite pas que l'on s'y arrête ? Je n'ose y croire.
Avant d'aborder certains problèmes particuliers et de vous poser quelques questions, j'évoquerai, monsieur le ministre, la nouvelle escalade en matière de pillage des ressources de nos collectivités locales. En effet, le Gouvernement s'apprête à prélever 4,5 milliards de francs sur le fonds de gestion de l'allocation temporaire d'invalidité, que nous alimentons d'ailleurs dans la plus grande discrétion, afin d'équilibrer les comptes de la CNRACL en 1997 et d'alimenter le fonds de compensation des charges de rémunération lié à l'octroi du congé de fin d'activité.
L'examen approfondi de votre projet de loi, monsieur le ministre, permet de relever des différences d'éligibilité aux droits nouveaux, qu'il s'agisse des concours réservés préalables à la titularisation ou des congés de fin d'activité mais aussi des droits selon la branche de la fonction publique que l'agent peut espérer intégrer ou quitter.
Vos propositions concernent, d'abord, la fonction publique en général, ce qui explique d'ailleurs que des protocles d'accord aient été signés par six organisations professionnelles.
A cet égard, nos amendements auront pour objet d'atteindre l'unité qu'il convient de satisfaire en reconnaissant, par ailleurs, les caractères spécifiques. Nous espérons que le Gouvernement comme la Haute Assemblée leur réserveront un accueil favorable. Le groupe socialiste, en cette matière, vous avez déjà pu le constater, se veut tout à la fois pragmatique et constructif.
La création du congé de fin d'activité, notamment pour les fonctionnaires territoriaux, appelle, de ma part, quatre observations, monsieur le ministre.
Premièrement, en encourageant le congé de fin d'activité, puis les agents en cessation progressive d'activité à solliciter celui-ci, l'Etat ne veut-il pas plus particulièrement se désengager d'une charge - il contribue au CPA - pour la transférer de façon quelque peu habile et subreptice aux collectivités territoriales ? Le CFA est intégralement supporté par les collectivités territoriales via l'ATI, celle-ci étant alimentée par une cotisation de 0,5 % assise sur la masse salariale.
Deuxièmement, je souhaite être éclairé sur le sens exact du premier alinéa de l'article 43, qui prévoit qu'un fonds de compensation rembourse aux collectivités et aux établissements le revenu de remplacement versé aux bénéficiaires de ce congé.
Le revenu de remplacement concerne-t-il la rémunération nette de l'agent, ou la charge totale de sa rémunération, cotisations et taxes comprises ? Sinon, il conviendrait de reconnaître que le CFA est partiellement mis à la charge des collectivités et de leurs établissements publics, hors mutualisation.
Troisièmement, les réserves disponibles de l'ATI après le prélèvement pour la CNRAL au titre de 1997 sont de l'ordre de 500 à 600 millions de francs. Si cette somme est insuffisante, les collectivités devront-elles alimenter le fonds de compensation ? Sinon, quel ajustement prévoyez-vous ? Sur ce point aussi, votre réponse intéressera, j'en suis certain, tous les élus locaux susceptibles d'être concernés.
Quatrièmement, ce fonds, placé auprès de la Caisse des dépôts et consignations, échappe à l'appréciation des collectivités qui l'alimentent, la CNRACL n'étant qu'un collecteur, c'est-à-dire une sorte de « boîte aux lettres ». La gestion démocratique de cette ressource ne pourrait-elle pas être envisagée, soit à l'intérieur de la CNRACL, soit sous une forme adaptée ?
Je souhaiterais, là encore, connaître les intentions du Gouvernement. A cet égard, comme l'a indiqué tout à l'heure mon collègue Jean-Claude Peyronnet, nous avons déposé un amendement.
Pour conclure sur ce revenu de remplacement, peut-on, monsieur le ministre, être informé sur le niveau et l'évolution de celui-ci notamment par rapport à un minimum fixé par décret ?
Enfin, deux autres points retiendront particulièrement notre attention.
Le premier concerne la représentation syndicale, dont le texte ne dit mot. Je connais, monsieur le ministre, votre préoccupation ; je la comprends et je l'apprécie. Je m'intéresse d'ailleurs aux propositions que vous envisagez de faire adopter. Il n'est pas de démocratie sociale sans une organisation de la représentativité de ses acteurs. Il y va de la qualité de la cohésion sociale, de la réduction d'une fracture qui, pour être sectorielle, n'en est pas moins réelle, mais aussi de l'efficacité du service public, de sa modernisation, ainsi que de la réussite de sa souhaitable évolution.
Enfin, nous tenons également à revenir sur le déplorable et imprudent amendement dit « de Courson » et nous avons déposé un amendement en ce sens.
En conclusion, mettre fin à la précarité dans la fonction publique et mobiliser ce grand secteur en faveur de l'emploi, notamment des jeunes, constituent autant d'actions qui reçoivent notre soutien. Toutefois, nous ne pourrions accepter le maintien, voire l'accroissement, de risques de perversions parfois fondamentales pas plus qu'un nouveau transfert de charges, insidieux ou non, aux collectivités locales et à leurs établissements, alors que par ailleurs, il faut le souligner, des cadeaux substantiels sont consentis aux entreprises, au secteur privé, sans contrepartie en matière d'embauche, exception faite de la loi de Robien.
Nous nous déterminerons donc en fonction de l'évolution du texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bohl.
M. André Bohl. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref. En effet, je n'aborderai pas le fond du texte que le rapporteur, M. Blaizot, a analysé, et je me rallierai aux conclusions de la commission des lois. Je formulerai simplement trois réflexions et soulèverai trois problèmes.
Le statut de la fonction publique fête ses cinquante ans. Il existe une différence fondamentale entre la fonction publique de l'Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale. J'évoquerai surtout cette dernière car elle assure le recrutement des fonctionnaires de toutes les catégories de collectivités et de communes.
Les décisions des collectivités territoriales ont changé radicalement de nature depuis 1982, mais je ne suis pas certain que tout le monde en ait pleinement pris conscience.
La fonction publique territoriale est atomisée, avec ses quelque 40 000 employeurs et donc diverse car les élus et les fonctionnaires cohabitent dans chaque site d'emplois. Rien ne lie a priori les fonctionnaires de la région, du département, de la communauté urbaine, de la petite ville et du chef-lieu de canton. Rien ne lie non plus les communes compte tenu de la diversité de leur mode de gestion des services publics.
Les élus sont des gestionnaires confrontés à de nouvelles méthodes. Ils doivent apprécier les qualifications, les mérites et les rémunérations de leurs salariés. Ceux-ci comparent leur statut à celui des salariés des entreprises des secteurs public et privé qui assurent aussi un service public.
Permettez-moi de formuler trois questions.
Premièrement, faut-il poursuivre dans la voie de l'alignement des fonctionnaires de la fonction publique territoriale sur ceux de la fonction publique de l'Etat qui a été créée dans le souci du respect du principe d'égalité ?
Cet aspect de la question a fait l'objet de toutes les attentions de la Cour des comptes dans son rapport annuel sur les collectivités territoriales. Si l'on veut supprimer le recours à des associations pour le versement de rémunérations accessoires, il faut s'en donner les moyens. Les collectivités territoriales sont gérées différemment de l'Etat, qui a pour objectif essentiel de faire respecter la loi et qui dispose donc d'une structure hiérarchisée de fonctionnaires.
Les collectivités territoriales, je le répète, assument, depuis 1982, la responsabilité de la gestion de services administratifs ou techniques de plus en plus exigeants car ils sont soumis à l'appréciation des usagers. L'exécutif a été transféré aux élus et les fonctionnaires territoriaux ne le sont d'autorité que par délégation expresse de ceux-ci.
La multitude de cas particuliers découlant de la structure des collectivités territoriales et l'éloignement des villes importantes constituent souvent un obstacle pour le recrutement de cadres A ou B.
Ma deuxième interrogation tient à la difficulté progressive de la gestion des fonctionnaires territoriaux. Les organes nationaux orientent les décisions réglementaires. Celles-ci sont mises en application sous la tutelle des centres départementaux de gestion, le préfet exerçant le contrôle de légalité. Enfin, après quelques années de gestion, les chambres régionales des comptes sont amenées à formuler des observations rendues publiques qui engagent la responsabilité des élus.
Cette multiplicité des contrôles tend à rigidifier un système qui doit s'adapter aux réalités concrètes. L'état civil et les arrêtés concernant la circulation ne sont plus que des actes marginaux par rapport aux gestions des marchés de travaux ou de service public.
Ne serait-il pas sage de laisser quelques plages de respiration aux gestionnaires locaux pour leur permettre de résoudre les nouveaux problèmes qui surgissent, tels que l'adaptation aux normes en matière de gestion, de comptabilité, de suivi de l'urbanisme, qui induit des banques de données urbaines complexes, de qualité des services publics de l'eau, de l'assainissement et des ordures ménagères, de l'électricité et, enfin, de sécurité ? Ces nouvelles qualifications sont plus proches de celles qui sont exigées de l'entreprise que de celles qui sont exigées de la fonction publique classique de l'Etat.
Pourquoi les centres de gestion ne se consacreraient-ils pas plus à des tâches de formation et de recrutement des personnels qu'à des tâches de duplication des actes de gestion assurés par certaines collectivités ?
Je souhaite également - et c'est ma troisième question - des textes réglementaires de référence plus souples en matière d'indemnisation.
Si l'introduction des forfaits a conduit à une plus grande justice, elle a aussi modifié l'appréciation de la compétence. Ne conviendrait-il pas d'effectuer la mise à jour de certains textes ? Ainsi, la référence aux technologies de 1971 pour la prime informatique me paraît tout à fait inadaptée. Il en est de même du mécanisme de la prime de technicité qui devrait être assise un peu moins sur l'investissement et plus sur la gestion opérationnelle des équipements.
Monsieur le ministre, je voterai ce projet de loi qui, et je m'en réjouis, fait référence à la Communauté européenne. Je souhaite que l'on s'inspire de celle-ci à l'avenir dans l'évolution de notre fonction publique car je suis convaincu, comme tous les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, que ce texte ne permettra pas de sortir de la précarité et de résoudre les problèmes actuels. Je suis convaincu que nous sommes, en ce domaine, au coeur d'une procédure marchande et que nous devons nous inspirer de certains exemples étrangers qui peuvent nous donner quelques idées en matière de séparation entre les fonctions publiques d'autorité et les fonctions publiques d'exécution. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, corollaire indispensable aux deux protocoles d'accord signés au début de l'année 1996, ce projet de loi vise à améliorer la situation de l'emploi dans la fonction publique de l'Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux.
Notre collègue M. Blaizot, rapporteur, a brillamment fait connaître le sentiment de la commission sur ce texte et a donné les pistes des améliorations souhaitées par la commission. Je ne doute pas que la Haute Assemblée le suivra dans l'ensemble de ses propositions. J'espère également de tout coeur que M. le ministre ne sera pas insensible aux appels de la commission et qu'il fera siennes nombre des améliorations désirées par la commission. Il répondra ainsi, je le lui dis dès à présent, à l'attente d'une majorité d'élus responsables de nos collectivités.
Pour ma part, je limiterai mon propos au volet relatif à la fonction publique territoriale.
Je souhaite rappeler au préalable, car cela ne me paraît pas inutile, que la loi du 27 décembre 1994 a permis d'apporter des améliorations sensibles aux lois en vigueur de 1984 et 1986.
La loi de 1994 représente un acquis considérable. Conjointement avec mon collègue M. Hyest, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, et avec M. Blaizot, rapporteur de ce texte au Sénat, nous avons tous ensemble introduit un grand nombre de dispositions qui ont permis de remédier à de nombreux dysfonctionnements constatés dans la fonction publique territoriale. Il avait été rappelé à cette occasion, avec beaucoup d'insistance - à l'époque, votre prédécesseur, M. Hoeffel, l'avait reconnu avec nous - que la fonction publique territoriale avait une spécificité dont il fallait tenir compte.
Par conséquent, vouloir aligner l'ensemble des mesures réglementaires et législatives de la fonction publique territoriale sur celles de la fonction publique d'Etat, ou sur celles de la fonction publique hospitalière, serait une erreur. Je ne suis pas le seul à avoir évoqué cette spécificité : M. Bohl, qui m'a précédé à cette tribune, l'a également rappelée.
Nous devrons toujours avoir présente à l'esprit cette spécificité, lorsque nous aborderons la discussion d'un certain nombre d'améliorations que nous souhaitons apporter à ce texte. La loi du 27 décembre 1994 a recentré les missions du CNFPT sur sa mission principale de formation ; il s'agit d'un acquis important.
Elle a réorganisé les conditions de recrutement pour réduire les délais de procédure, les rapprocher des besoins locaux et faciliter ainsi la nomination de fonctionnaires sur les emplois vacants, notamment par la faculté de décentraliser au niveau des centres de gestion, voire des collectivités non affiliées, certains concours des catégories A et B.
Je tiens à me féliciter dès à présent de la rapidité avec laquelle, à l'époque, le Gouvernement a publié les décrets d'application de la loi du 27 décembre 1994.
Cette loi de 1994 a prévu un assouplissement des modalités de la formation initiale, ce dont nous nous réjouissons.
Elle a également apporté des améliorations sensibles pour les déroulements de carrière, par l'élargissement de la gestion de la promotion interne et un encadrement plus précis en matière de suppression d'emplois, de décharge de fonction et de prise en charge par le CNFPT ou le centre de gestion compétent.
Je m'arrêterai quelques instants sur les conséquences fâcheuses de l'amendement de Courson pour les centres de gestion du CNFPT.
J'espère, monsieur le ministre, que vous ne serez pas insensible à l'appel que nous vous lancerons. D'autant que j'ai déjà eu l'occasion d'intervenir avec mon collègue M. Hyest lors de la discussion du projet de loi portant DDOSS, que nous avons examiné au cours de la session précédente : nous nous étions alors interrogés sur la place de l'amendement de Courson dans un tel texte.
A l'époque, M. Gaymard avait apporté une réponse de nature à apaiser nos inquiétudes. Aujourd'hui, nous souhaitons que cela se concrétise par des aménagements des dispositions introduites par l'amendement de Courson. L'idéal serait que ces dispositions soient purement et simplement supprimées.
Cela étant, nous ne souhaitons pas provoquer des tensions entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Cependant, il est absolument indispensable de trouver un terrain d'entente, qui permette au moins de neutraliser les coûts du CNFPT et des centres de gestion, qui ont déjà fait l'objet d'inscriptions budgétaires dans le cadre de ces différentes institutions qu'il est difficile de mettre en cause. C'est d'ailleurs ce qui a conduit M. de Courson à déposer un amendement pour les communes qui bénéficiaient des dispositions antérieures à la loi de 1994.
S'agissant des mesures réglementaires, un travail important a été effectué, j'y ai déjà fait allusion. Il reste cependant deux ou trois points sur lesquels je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, et pour lesquels nous attendons toujours la publication de décrets.
C'est notamment le cas en matière d'annualisation du temps de travail : la loi du 27 décembre 1994 a introduit une mesure intéressant, en particulier, de nombreuses collectivités employant des fonctionnaires à temps non complet : il s'agit de la possibilité d'annualiser le temps de travail.
Compte tenu de la jurisprudence relative au temps de travail et eu égard à la nécessité pour les nombreuses petites collectivités d'organiser les services, notamment pour suivre les rythmes scolaires, la mise en application de cette disposition est vraiment essentielle.
Or, en la matière, la loi n'est pas d'application immédiate et le décret portant modification du décret du 20 mars 1991 nécessaire à sa mise en application fait partie de ceux qui n'ont pas encore été publiés. Cela est pourtant essentiel dans la mesure où cette disposition est prévue à titre expérimental pendant trois ans à compter du 1er janvier 1995.
Pratiquement deux ans se sont écoulés depuis et le décret n'est toujours pas publié ! Le délai de trois ans va arriver à son terme. Il faudrait donc prévoir une prolongation de la période expérimentale et que le décret soit d'application immédiate.
En ce qui concerne la commission départementale de réforme, l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit son institution par le régime des pensions des agents des collectivités locales.
Le décret du 9 septembre 1965, modifié par le décret du 14 novembre 1985, fixe ce régime et prévoit que la « composition et le fonctionnement des commissions de réforme sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique territoriale, du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé, pris après avis du conseil supérieur compétent » ; cette précision est apportée par l'article 25 de la loi.
La nouvelle rédaction apporte notamment deux modifications : d'une part, quant aux signataires de l'arrêté, le ministre de l'intérieur a été remplacé par le ministre chargé de la fonction publique territoriale ; d'autre part, quant à la procédure, l'avis du conseil supérieur est désormais nécessaire.
Il apparaît donc que la prise d'un nouvel arrêté, après avis du CSFPT, notamment, est nécessaire.
Par ailleurs, les modalités de fonctionnement de cette commission et le nombre important des dossiers à examiner conduisent, dans de nombreux départements, à des délais d'instruction préjudiciables aux fonctionnaires concernés et aux collectivités qui ont à traiter ces dossiers.
Le maintien des secrétariats de ces commissions auprès des préfectures ne semble plus être justifié. A l'instar des secrétariats des commissions chargées de la promotion sociale qui ont été placés auprès des centres de gestion, ceux des commissions de réforme et des comités médicaux pourraient l'être également.
Les contacts permanents que les centres de gestion ont aussi bien avec les représentants des collectivités qu'avec ceux du personnel, ainsi que leur maîtrise des questions statutaires permettraient un traitement des dossiers soumis à ces commissions dans de meilleures conditions.
Aussi, un nouvel arrêté permettrait, d'une part, de prendre en compte les évolutions législatives et réglementaires intervenues pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière et, d'autre part, de prévoir de nouvelles modalités de fonctionnement susceptibles de résoudre les difficultés rencontrées actuellement.
A ce titre, le projet d'arrêté élaboré, en 1991, par la DGCL soulève deux difficultés : la présidence de la commission de réforme compétente pour les problèmes territoriaux par le préfet ; la non-distinction entre le secrétariat chargé d'assurer le fonctionnement de la commission et le secrétariat des séances qui, compte tenu du caractère médical des dossiers, doit être confié à un médecin.
Il serait préférable, monsieur le ministre, de s'inspirer des modalités de fonctionnement des comités techniques paritaires et des conseils de discipline de recours : tout d'abord, il conviendrait, notamment, d'instituer deux commissions de réforme, l'une pour les hospitaliers, l'autre pour les territoriaux, à l'instar de ce qui est prévu pour les administrations parisiennes à l'article 25 ; ensuite, il faudrait donner la présidence et le siège de la commission des territoriaux au centre de gestion ; enfin, devrait être prévu un secrétariat de séance assuré par un membre de la commission.
En tout état de cause, une modification s'impose. En effet, si les termes du projet de loi ne sont pas modifiés, les commissions départementales ou interdépartementales ne concerneraient que les collectivités affiliées ; les agents des communes non affiliées ne relèveraient donc d'aucune commission.
Je vous livrerai maintenant quelques réflexions plus brèves sur la fonction publique territoriale.
Je tiens à attirer votre attention sur un point, mes chers collègues : la nécessité de fusion des cadres d'emploi d'ATSEM et d'agent social.
Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas insensible au problème que posent les agents spécialisés des écoles maternelles, les ASEM ; vous avez déjà demandé au CSFPT de travailler sur ce dossier.
Il m'apparaît urgent que, sur ce point, nous progressions rapidement et que la fusion de ces deux cadres d'emploi puisse intervenir. D'ailleurs, cela permettra de régler, au moins en partie, l'une des préoccupations qu'avait exprimée M. de Courson dans son amendement : la suppression d'un certain nombre d'écoles maternelles et, par voie de conséquence, de postes d'ASEM, lesquels deviennent à la charge des centres de gestion ; ceux-ci en supportent le coût et éprouvent les pires difficultés pour procéder au reclassement de ces agents. En améliorant le cadre d'emploi de ces agents, on réglerait du même coup la situation des ASEM.
L'autre problème concerne le cadre spécifique d'emploi des secrétaires de mairie. Là encore, il faudrait que, avec votre accord, le conseil supérieur de la fonction publique territoriale travaille sur ce sujet.
Avec la dernière modification statutaire les concernant, ils ne remplissent plus les conditions pour être détachés, ni dans le cadre d'emploi des rédacteurs ni dans le cadre d'emploi des attachés.
Aussi serait-il nécessaire de les intégrer dans la filière administrative puisque toutes les collectivités n'ont pas de seuil de recrutement à ce niveau.
Enfin, je voudrais évoquer un dernier point : le congé de fin d'activité. Il est prévu que des fonctionnaires susceptibles de bénéficier d'un congé de fin d'activité soient en position d'activité ou de détachement.
Pour les fonctionnaires détachés, il n'est pas précisé quelle est l'autorité - collectivité d'accueil ou collectivité d'origine - qui accorde le congé. Compte tenu du fait que le congé doit, d'une part, s'accompagner d'un recrutement et que, d'autre part, le revenu de remplacement est assuré par la collectivité qui employait l'agent au moment de son départ en congé, il apparaît que c'est la collectivité d'accueil de l'agent en détachement qui est susceptible d'accorder un tel congé. Il serait donc judicieux qu'un texte législatif ou réglementaire apporte un éclairage sur ce point.
Quant à la possibilité du congé de fin d'activité pour les agents non titulaires, ceux-ci ne peuvent pas bénéficier du congé au-delà de la date de fin de leur engagement. Il serait donc également souhaitable qu'un texte vienne préciser que le congé ne concerne que les non-titulaires dont la durée d'engagement couvre toute la période de congé.
Cela permettrait d'éviter que des non-titulaires ayant l'âge requis mais employés pour une courte durée croient pouvoir y prétendre.
En conclusion, il conviendrait - j'ai déposé des amendements dans ce sens - de compléter les dispositions du texte actuel. Je crois savoir que M. Blaizot, rapporteur, n'a pas été insensible à l'appel que j'ai lancé par ailleurs en ma qualité de président du groupe de travail de la fonction publique territoriale de l'Association des maires de France : un certain nombre d'agents de la fonction publique territoriale, dont le statut a été publié tardivement après les lois de 1986, devraient pouvoir bénéficier des mêmes dispositions que celles que vous offrez dans le cadre de la précarité à un certain nombre d'agents qui n'ont pu profiter d'un concours pour intégrer la fonction publique territoriale.
La plupart de ces agents donnent satisfaction à leur employeur - aux maires, aux présidents de structures intercommunales. Ils ont tenté des concours mais ne les ont pas réussis, ou ils n'ont pas passé de concours.
Les délais excessifs entre la publication de la loi statutaire et celle des statuts particuliers constituent un dysfonctionnement dans la mise en place de la fonction publique territoriale.
Enfin, le dernier point de mon intervention concernera les modalités de remboursement aux collectivités et aux établissements du revenu de remplacement versé aux agents qui bénéficient d'un congé de fin d'activité.
Il conviendrait de porter le délai en la matière de trois mois à six mois. Cela permettrait de répondre à l'attente des collectivités, qui éprouvent quelquefois des difficultés à procéder à des recrutements ; c'est notamment le cas d'un certain nombre de communes rurales. Je crois savoir que M. le rapporteur a prévu un amendement en ce sens.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que m'inspire le projet de loi que vous nous présentez.
Il est globalement satisfaisant. Les maires approuvent vos propositions, monsieur le ministre, et ils vous soutiendront d'autant plus volontiers que vous accepterez un certain nombre d'améliorations que nous vous soumettrons. je ne doute pas, d'ailleurs, que vous nous entendrez, ou tout au moins que vous prendrez des engagements en vue d'atténuer les inquiétudes des uns et des autres, afin que, plus tard, nous n'ayons qu'à nous féliciter des dispositions qui auront été adoptées à la fois par le Sénat et par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord répondre aux questions posées par M. le rapporteur et évoquer tout de suite un point qui a été soulevé également par un certain nombre d'intervenants, notamment MM. Vecten et Régnault, à savoir l'association des élus aux négociations relatives à la fonction publique territoriale. Il s'agit d'une question difficile, et je crois nécessaire de la traiter en prenant bien la mesure de l'ensemble des problèmes qu'elle pose.
En effet, nous évoluons, comme toujours dans une société complexe, à la croisée de priorités, de conceptions et d'orientations qui peuvent être contradictoires à certains égards. Ainsi, nous avons construit un système de fonction publique regroupant trois composantes, en particulier une fonction publique territoriale, qui a pour vocation de conserver une certaine unité, ce qui confère nécessairement au Gouvernement, c'est-à-dire au pouvoir exécutif, et au Parlement, c'est-à-dire au pouvoir législatif, un rôle prépondérant. Cela me paraît une évidence mais, si j'en juge par certaines interrogations que j'ai entendues, il n'est peut-être pas inutile de le rappeler.
Ensuite - autre proposition en apparence contradictoire avec la précédente, nous sommes dans un système - avec la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, où il y a non pas un employeur mais une multiplicité. Donc, la mise en oeuvre des règles des fonctions publiques dépend de la personnalité, du tempérament des uns et des autres, et des priorités qu'ils déterminent.
A partir de là, la contradiction est posée dans ses différents éléments ; il faut essayer de la dépasser.
Personnellement, pour la négociation des trois protocoles du printemps, j'ai réalisé ce qui me paraissait de bonne politique, c'est-à-dire un effort de concertation dont je tiens le détail à votre disposition et qui a été très important. Cette concertation a été faite de courriers envoyés largement à l'avance avant chaque réunion, de rencontres avec un certain nombre de responsables de ces associations, de réunions de travail avec telle ou telle commission de ces associations avec, et toujours, en général une dizaine de jours avant la conclusion d'un accord, une transmission du projet pour avis auxdites associations.
Bien sûr, ces associations sont ce qu'elles sont, c'est-à-dire faites de volontaires, avec, certes, quelques permanents - mais elles ont sans doute des difficultés pour consulter leurs membres. J'ai d'ailleurs eu le sentiment tout à l'heure, en vous écoutant, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous n'avez peut-être pas été consultés vous-mêmes par les associations que j'avais moi-même consultées. Ce n'est d'ailleurs pas un reproche, c'est simplement une observation qui montre bien la difficulté de l'entreprise.
Je vous proposerai donc volontiers, mesdames, messieurs les sénateurs, en prévision d'autres accords et pour les négociations que je mènerai à l'avenir, de formaliser davantage la manière d'associer les associations d'élus à ces négociations, afin que les uns et les autres n'aient plus de doute quant aux démarches qu'ils doivent accomplir.
Je tiens cependant à dire, très concrètement, qu'une négociation est un processus parfois exigeant, en termes de calendrier, de réunions, comme en termes de rapidité des réponses aux questions qui sont posées. Ce n'est pas de mon fait mais une négociation commence, en général, lentement puis s'accélère, pour, souvent, se terminer la nuit. Bien entendu, il faut alors que les aller-retour entre le négociateur que je suis et mes différents partenaires puissent être suffisamment rapides pour que la négociation ait une vraie signification et que chacun ait le sentiment d'avoir participé à cette avancée que constitue toujours, en tout cas je l'espère, un bon accord.
Quoi qu'il en soit, je tiens à dire combien je suis attentif à tout ce qui a été dit sur ce sujet, et je comprends l'exigence qui est la vôtre.
Toutefois, dans le même temps, il faut que nous comprenions tous que nous sommes à l'intersection de nécessités parfois contradictoires. Il faut que nous y prêtions attention, car, aller trop loin - je le dis aujourd'hui en quelque sorte pour prendre date - c'est peut-être s'inscrire dans une scission des différentes fonctions publiques.
Il faut que nous en soyons conscients : on pourrait prendre la direction qui semble avoir été esquissée par certains orateurs tout à l'heure, mais cela signifierait qu'un jour il y aurait une fonction publique d'Etat, une fonction publique pour la territoriale et peut-être même une fonction publique hospitalière. C'est un autre choix. Ce n'est pas celui que nous avons fait au cours des années quatre-vingt, toutes majorités confondues, et qui a consisté, au contraire, à maintenir une certaine unicité des trois fonctions publiques.
M. René Régnault. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je vous prie de m'excuser d'avoir répondu un peu longuement sur ce point, mais je crois que cela méritait une certaine réflexion. En effet, il ne s'agit pas seulement d'une question d'organisation de la concertation, mais d'un problème plus profond.
S'agissant, monsieur le rapporteur, des mesures à prendre pour éviter la réapparition des emplois précaires - ce que tous les orateurs ont souhaité - il me semble que l'obligation, qui est maintenant bien fixée, d'un contrat écrit pour tout recrutement dans les administrations, en particulier dans l'administration d'Etat, est une bonne exigence. Par ailleurs, je crois que l'obligation de recruter sur des emplois et non pas, comme cela s'est pratiqué un certain nombre de fois, sur des crédits de vacation ou de fonctionnement - la gestion prévisionnelle souhaitée par un certain nombre de sénateurs - va également dans le même sens.
Je voudrais dire, pour conclure sur ce point, que le rôle des comptables publics dans cette affaire doit, bien entendu, être déterminant. A cet égard, il ne sera sans doute pas inutile que mon collègue du ministère de l'économie et des finances et moi-même rappelions aux comptables publics qu'en cette matière - ils le font d'ailleurs souvent pour d'autres types de dépenses - ils devront être tout à fait vigilants.
Pour ce qui est de l'ajustement du nombre de places ouvertes par rapport au nombre de candidats, le calage que nous avions envisagé correspondait effectivement à l'estimation du nombre de candidats éventuels à la date du 14 mai 1996. Un certain élargissement du nombre des personnes concernées est peut-être de nature à entraîner une certaine différence, mais je ne pense pas que nous ayons des difficultés dans ce domaine.
J'en viens à la différence du revenu de remplacement entre titulaires et non-titulaires, que plusieurs intervenants, notamment vous-même, monsieur le rapporteur, ont évoquée. Je voudrais, sur ce point, lever toute ambiguïté.
Cette différence tient au fait que la base de référence n'est évidemment pas la même.
Les non-titulaires bénéficient du même régime de retraite que les salariés du secteur privé. Aux termes de l'accord UNEDIC, ceux-ci perçoivent un revenu de remplacement de l'ordre de 65 % du salaire moyen des derniers mois sans charges de retraite ; pour ce qui concerne les non-titulaires, ils versent à l'IRCANTEC une cotisation d'environ 5 %. C'est la raison pour laquelle nous avons fixé le chiffre à 70 %.
S'agissant des titulaires, leur retraite s'établit à 75 % du traitement indiciaire hors primes. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu ce chiffre.
Ces deux chiffres me paraissent parfaitement clairs et explicables.
Monsieur Paul Girod, l'accord a effectivement prévu un certain balayage de tous les cas particuliers, ministère par ministère, afin de combler d'éventuels vides, que vous avez évoqués tout à l'heure en commentant l'accord sur la précarité et le dispositif du projet de loi.
En ce qui concerne la fonction publique territoriale, je ne pense pas, sincèrement - je le dis également à M. Vecten - que ce texte introduise une rigidité supplémentaire. Il ne change rien ; je vais être honnête : il n'apporte pas non plus d'assouplissement. Il constate ce qui existe. Nous traitons les emplois qui existent. Nous proposons une mesure sociale pour les personnels qui sont en situation de précarité. Ce projet de loi respecte l'équilibre de la loi Hoeffel de 1994 et de ses décrets d'application. C'est un moment fort de la construction du système de la fonction publique territoriale, et je n'ai pas, à travers le présent texte, l'intention de modifier l'équilibre qui a été trouvé à ce moment-là.
Je voudrais simplement vous dire à nouveau, monsieur Paul Girod, combien je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faudra - malgré les doutes qui ont été exprimés ici ou là - faire en sorte que nous ne retrouvions pas en grand nombre des situations de précarité dans les années à venir.
M. Habert a longuement évoqué la question des emplois dans l'enseignement français à l'étranger. Une erreur d'interprétation ne doit pas être faite : le projet de loi que je vous propose ne remet pas en cause, monsieur le sénateur, ce qui a été voté par le Parlement au printemps, lors de l'examen d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire. Ainsi, les enseignants auxquels vous avez fait référence pourront, bien entendu, se présenter aux concours normaux.
Ce qui est en cause aujourd'hui, ce sont des mesures tout à fait particulières qui concernent la résorption de l'emploi précaire. A ce propos, je vous indique, ainsi qu'à M. le rapporteur, que le problème que vous avez évoqué, monsieur Habert, et que vous semblez vouloir traiter dans un amendement pose à l'évidence un problème. En effet, en réalité, vous abordez là une tout autre question.
Le cas que vous avez longuement présenté est celui de personnels salariés d'associations qui, certes, reçoivent des subventions de fonctionnement, mais ces dernières sont toutefois très loin de couvrir la masse salariale des enseignants que ces associations emploient. Je me permets donc de le dire très clairement : le Gouvernement ne peut pas accepter le principe d'un dispositif qui ferait entrer dans la fonction publique de l'Etat des personnes qui n'ont jamais été payées par l'Etat. Même si l'Etat accorde des subventions aux associations supports, ces subventions ne représentent pas du tout, loin s'en faut, la masse salariale qui est versée par ces associations à ces personnels.
D'ailleurs, quand bien même, par distraction, je laisserais passer une telle orientation, elle tomberait sous le coup de l'article 40 de la Constitution, monsieur le sénateur. Je serai donc obligé d'invoquer cet article. En effet, il s'agit là de quelque chose de bien différent par rapport à l'ensemble du texte, qui, comme vous le savez, consiste à transformer des crédits en emplois. En l'occurrence, il ne s'agit pas de faire passer des crédits en emplois. Or, en l'occurrence, les crédits n'existent pas puisque ces personnes ne sont pas payées par l'Etat. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de la soirée, mais je souhaitais dès à présent m'exprimer très clairement sur ce point.
M. Bordas a évoqué le souhait d'une unicité de fonctionnement des différentes fonctions publiques. Je suis d'accord avec lui ; cela renvoie à ce que je disais tout à l'heure.
S'agissant du fonds de gestion de l'ATI, je dirai aux différents orateurs qui se sont exprimés sur ce point que toutes nos estimations montrent que les crédits seront suffisants, d'autant plus qu'ils se réapprovisionnent année après année, avec un excédent de l'ordre de 200 millions de francs. Il n'y a donc pas de risque de voir ce fonds devenir insuffisant pour traiter ce qui est en cause aujourd'hui, c'est-à-dire la cessation anticipée d'activité au cours de l'année 1997.
M. Hyest a évoqué la difficulté de mieux associer les collectivités locales. J'ai répondu sur ce point tout à l'heure.
Le tutorat me semble être une bonne idée. Il n'y a pas nécessité de support législatif. Il n'est pas inutile de dire que, dans le présent projet de loi, nous abordons directement ce sujet puisque nous pérennisons la possibilité d'apprentissage, qui fonctionne assez bien, en particulier dans la fonction publique territoriale. Nous avons donc l'occasion de pérenniser les choses à travers ce texte.
Vous avez souhaité qu'il y ait un certain contrôle pour éviter de nouveau la prolifération de non-titulaires. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet.
Par ailleurs, je partage complètement votre analyse, monsieur le sénateur, sur la nécessité de respecter la lettre et l'esprit du statut général de la fonction publique. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ce point lors de l'examen de certains amendements. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons veiller à respecter la valeur que représente le concours comme mode de recrutement dans la fonction publique. En particulier dans la fonction publique territoriale, où des personnes passent des concours et sont parfois inscrits sur des listes d'aptitude en attendant leur recrutement, nous devons faire attention à ce que ceux qui ont raté des concours ne prennent pas la place, par le biais de tel ou tel dispositif qui ne figure pas aujourd'hui dans ce texte mais qui transparaît à travers certains amendements, de personnes qui ont pris la peine de préparer les concours, qui les ont réussis et qui se feraient donc doubler par ceux qui auraient échoué aux mêmes concours.
Il y a là un risque qu'il ne faut pas prendre, sans quoi notre dispositif concernant la fonction publique ne serait plus lisible par les fonctionnaires, ce qui serait extrêmement dangereux.
M. Marini a évoqué un certain nombre de points sur lesquels je voudrais revenir.
Tout d'abord, le dispositif que nous proposons est non pas un système de régularisations, mais des concours spécifiques, et ce pour les raisons que je viens d'indiquer.
S'agissant des CES, qui ont été évoqués par MM. Marini et Pagès, nous sommes dans une toute autre logique, à savoir une logique d'insertion, et non pas une logique d'emplois définitifs.
M. Robert Pagès. C'est le sens de ce que j'ai proposé !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je suis toujours sensible aux professions vertueuses, mais je crois me souvenir que les CES sont une invention non pas du gouvernement actuel, mais d'un gouvernement que vous avez dû soutenir.
M. Robert Pagès. Ne refaites pas l'histoire à votre façon !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. C'est peut-être une expression de vertu tardive de votre part. Mais il me semble qu'on aurait pu l'entendre voilà quelques années lorsque les CES ont été effectivement créés par d'autres.
S'agissant du recrutement en remplacement des départs anticipés, M. Marini a évoqué la nécessité de ne pas figer les possibilités de redéploiement.
Les modalités prévues par le projet de loi sont très claires : le remplacement doit se faire ministère par ministère et non pas emploi sur emploi. S'agissant des collectivités territoriales, l'obligation qui leur est imposée est de recruter une personne, mais pas nécessairement sur l'emploi libéré par l'agent qui part. La possibilité d'ajustement des effectifs aux nécessités de service est tout à fait préservée. C'est là une vision globale qui me paraît assez raisonnable.
S'agissant du flux des départs à la retraite et de l'inquiétude, que je comprends, exprimée par M. Marini, l'objection est fondée : c'est arithmétiquement exact, sauf que nous entrons dans une période pendant laquelle le nombre des départs à la retraite va continuer d'augmenter d'environ 2 000 à 2 500 par an. Le flux de sorties va donc plutôt progresser, en particulier en 1999 et en l'an 2000, si tant est qu'on puisse faire des prévisions précises.
Par ailleurs, je suis, comme M. Marini, un ardent partisan d'une meilleure gestion prévisionnelle des effectifs. Cela méritera d'être rappelé à l'ensemble des gestionnaires de la fonction publique.
M. Peyronnet a évoqué divers points, en particulier les risques juridiques. Je suis bien d'accord avec lui : le développement du tout-judiciaire va finir par se faire au détriment de l'action et du sens des responsabilités, et ce pas seulement dans les collectivités territoriales.
La mesure inscrite dans le texte devrait quelque peu aider les fonctionnaires de responsabilité à assumer leur charge malgré une certaine dérive.
J'en viens à la gestion des effectifs. La gestion prévisionnelle est toujours difficile, y compris au ministère de l'éducation nationale. En effet, l'évolution du nombre d'élèves n'est pas le seul critère qui doit être pris en compte pour déterminer le nombre de professeurs nécessaires. C'est le nombre d'écoles qui importe, car le nombre d'élèves par école peut varier en fonction des sites géographiques et du nombre de matières et d'options. La gestion des effectifs va donc au-delà d'un simple calcul arithmétique.
En ce qui concerne le CFA, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, il y aura un coût pour l'Etat.
S'agissant des collectivités locales et des hôpitaux, monsieur Régnault, je n'ai jamais dit que l'Etat apportait des crédits à travers l'ATI ; j'ai toujours parlé de mutualisation pour que le mouvement puisse se déclencher. Si nous avions laissé à la charge de chaque collectivité le surcoût du CFA, un frein très fort à la mise en oeuvre du dispositif serait apparu. La mutualisation devrait permettre, même s'il s'agit de ressources des collectivités locales, la réussite du système.
M. Peyronnet a évoqué un autre point important, à savoir la manière dont le dispositif sur les emplois précaires pourra se mettre en place. Comme vous, monsieur le sénateur, je suis bien conscient que, au-delà de l'accord et de la future loi, il y aura l'application du texte. Je ne considère pas que mon travail sera fini dès que le Parlement aura voté ce projet de loi, et je suis convaincu que nous devrons veiller à l'application du texte. Nous avons d'ailleurs commencé à travailler ministère par ministère, en commençant par les ministères les plus largement concernés : l'éducation nationale, l'agriculture, la culture, les affaires sociales. Il est clair que nous aurons la possibilité, en 1997, de dégager une première tranche d'intégration, qui pourrait être de l'ordre d'un tiers des agents remplissant les conditions, grâce aux emplois existants qui servent de base au recrutement des non-titulaires, grâce aux emplois gelés et grâce à un certain flux de vacances, auxquels s'ajoutera probablement un minimum de transformations de crédits en emplois. Voilà comment les choses devraient se faire.
Nous continuons l'examen ministère par ministère, et, lorsque le Parlement aura voté le projet de loi, nous serons prêts, je pense, à mettre en oeuvre ce dispositif. Il est vrai qu'il faut de la volonté, de la détermination, mais je suis convaincu que nous y parviendrons.
M. Pagès a également émis le souhait d'une loi de titularisation. Vous avez compris, monsieur le sénateur, que nous ne sommes pas d'accord sur l'approche du sujet.
M. Robert Pagès. Effectivement !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Vous proposez une loi de titularisation, et ce n'est à mon avis pas l'esprit du statut général de la fonction publique. Disant cela, je défends à mon avis mieux que vous l'esprit du statut général de la fonction publique ; le concours spécifique me paraît en effet beaucoup plus cohérent avec la nature fondamentale de la fonction publique.
Par ailleurs, le fait d'avoir signé trois accords en six mois avec six organisations syndicales sur sept me paraît constituer un signe de dialogue social et de réhabilitation de la politique contractuelle dans la fonction publique, et aller dans le bon sens.
S'agissant des quarante annuités, je souhaiterais qu'il n'existât pas de quiproquo entre nous. Vous avez sûrement observé, monsieur Pagès, que ces quarante annuités exigées pour le départ en congé de fin d'activité, le CFA, concernent les non-titulaires, c'est-à-dire des non-fonctionnaires. Pour les fonctionnaires, ce sont toujours trente-sept annuités et demie qui sont nécessaires. Nous respectons ainsi parfaitement les règles régissant la fonction publique. J'ai donc été quelque peu étonné, monsieur Pagès, de vous entendre me rappeler le débat de décembre 1995, dont j'ai tiré clairement les conclusions. Ce débat a eu lieu et il a été clos. Dont acte ! Le Gouvernement propose trente-sept annuités et demie. Cela me paraît très clair. Mais il n'était pas inutile de le redire, et je vous remercie de m'en avoir donné l'occasion, monsieur le sénateur. En effet, malgré mes déclarations répétées depuis six mois, c'est un dossier qui ressort à toute occasion.
M. Robert Pagès. Nous sommes très vigilants !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je tiens à dire très clairement que le Gouvernement n'a pas de projet dans ce domaine !
Monsieur Vecten, s'il est certes difficile de disposer de statistiques sur la précarité dans la fonction publique, un premier travail réalisé en liaison avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale nous a tout de même donné un certain nombre d'éléments à cet égard.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce projet de loi n'entraîne ni plus ni moins de rigidités. Il respecte l'esprit de la loi Hoeffel et de ses textes d'application.
Je partage votre souci de voir le contrôle de légalité s'exercer avec précision et discernement. Qui dit contrôle de légalité dit contrôle et analyse des considérants au cas par cas. C'est une exigence de précision qui peut justement permettre la qualité d'un contrôle de légalité exercé par l'administration préfectorale.
Je rappelle, à l'occasion du débat sur la fonction publique territoriale au sein de ce texte, que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale - vous le savez mieux que personne, monsieur Vecten - a donné un accord unanime à ce projet de loi.
Je tiens à remercier M. Courtois de son analyse et de la mise en perspective des propositions incluses dans ce texte.
Monsieur Régnault, j'ai répondu tout à l'heure à votre interrogation sur les disponibilités financières résultant de l'ATI.
Quant au revenu de remplacement, il s'entend toutes charges comprises. Cela signifie, mesdames, messieurs les sénateurs - soyons très clairs - que, comme il est probable qu'un jeune aura un salaire plus faible que l'agent qui part, la collectivité aura en réalité - au moins au début - une dépense légèrement inférieure à celle qu'elle connaissait auparavant. Par conséquent, la mutualisation joue vraiment.
M. René Régnault. Dont acte !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Il n'est pas inintéresssant de le dire autour de nous, car cet accord permettra de régler des difficultés d'emplois dans nos régions.
M. Bohl a évoqué un certain nombre de sujets qui ne sont pas directement liés au texte.
S'agissant des risques qui résultent de l'existence et de la disparition d'associations pour le versement de primes, c'est là un problème que nous pourrions effectivement régler. Je crois savoir qu'un amendement a été déposé à cet égard. Nous pourrions, à mon avis, valider le principe du maintien d'avantages acquis. Mais c'est un débat que nous aurons au cours de la discussion des articles.
S'agissant des centres de gestion, outre les questions de formation professionnelle, l'outil est tout de même très utile pour les petites communes en matière de gestion de personnel. Par ailleurs, depuis la loi Hoeffel, les centres de gestion se sont vu reconnaître un rôle plus important en matière de recrutement et d'organisation de concours. Les choses se passent plutôt bien.
M. Vasselle a évoqué toute une série de points.
En ce qui concerne l'amendement de M. de Courson sur le CNFPT, je pense qu'une solution sera trouvée d'ici à demain soir.
M. René Régnault. Merci !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. A la suite de l'intervention du président de la commission des lois, je me suis engagé à tout faire pour que, malgré le caractère d'urgence, des contacts suffisants puissent s'établir entre les deux assemblées afin que nous avançions de manière utile. Nous en avons là une première expérience, et je pense que nous allons aboutir à un accord Vasselle-Courson. Cela se fera au bénéfice de la clarté des budgets du CNFPT et des collectivités concernées. En effet, il faut sortir de cette obscurité.
Nous allons essayer d'avancer, s'agissant de l'annualisation du temps non complet, dans le cadre des discussions que j'ai actuellement sur l'aménagement du temps de travail. Mais je ne vous cache pas, monsieur le sénateur, que c'est un sujet extrêmement difficile à faire progresser tant politiquement que sur le plan du dialogue social.
J'en viens à la fusion du cadre d'emploi des agents spécialisés des écoles maternelles avec un autre cadre d'emploi. C'est un point sur lequel il nous faut trouver une solution satisfaisante au plus vite, car il y a trop de disparitions de postes dans les petites communes. Je vais donc m'y employer dans les discussions avec les organisations syndicales.
De la même manière, monsieur le sénateur, je suis d'accord pour ouvrir une concertation avec les associations d'élus et les centres de gestion afin d'améliorer le fonctionnement des commissions de réforme.
En ce qui concerne les secrétaires de mairie, le cadre d'emploi a été revalorisé en 1996. La question que vous posez a trait à la possibilité de détachement vers d'autres cadres d'emplois. Je suis prêt à engager une concertation sur ce sujet dans le cadre du fonctionnement du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale afin d'essayer de trouver une formule satisfaisante pour ces personnels.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, tout en sachant que le temps m'était relativement compté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.)