M. le président. « Art. 58. - Les articles 3, 4 et 5 de l'ordonnance n° 82-272 du 26 mars 1982 modifiée relative à la durée hebdomadaire du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, sont modifiés comme suit :
« I. - Art. 3. - Lorsque la continuité du service l'exige, certains personnels peuvent être appelés à assurer un service de permanence.
« Ce service est assuré en recourant, soit à des permanences dans l'établissement, soit à des astreintes à domicile.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 4, les mots : "à l'article L. 813 du code de la santé publique" sont remplacés par les mots : "par décret".
« III. - Art. 5. - Le temps passé pendant le service de permanence, lorsqu'il ne correspond pas à un travail effectif, est compensé selon des modalités prévues par décret. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 130, est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le second, n° 195, est déposé par MM. Peyronnet, Régnault, Allouche, Authié, Badinter, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Leguevaques, Mahéas, Piras, les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 130.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ici le problème des astreintes dans la fonction publique hospitalière.
Comme je l'ai déjà longuement développé dans mon intervention au cours de la discussion générale, l'article 58 tel qu'il figure dans le projet de loi n'a fait l'objet d'aucune négociation avec les syndicats.
Cette disposition avait même été rejetée par l'ensemble des organisations syndicales lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, qui s'est tenue le 5 septembre 1996.
Les motifs légitimement invoqués sont les suivants : on ne peut pas discuter d'un principe sans avoir au préalable déterminé les types d'établissements, les catégories de personnels concernés et les compensations afférentes.
Si certaines catégories de personnels pourraient être, dans le cadre d'une réponse bien particulière à une certaine urgence médicale, éventuellement concernées par la mise en place d'un système d'astreintes, il n'en reste pas moins à déterminer de façon précise ces catégories de personnels.
Les ouvriers ou les administratifs, par exemple, devraient en être exclus d'office.
Concernant les établissements, la mise en place d'astreintes ne peut être valable que pour des services d'urgence dans des établissements comme des maisons de retraite, par exemple.
Permettez-moi, dans ces conditions, de m'étonner de l'acharnement dont le Gouvernement fait preuve pour imposer le principe des astreintes, en passant outre l'avis des organisations syndicales.
N'y a-t-il pas là, de la part du Gouvernement, une volonté délibérée de flexibiliser davantage encore les personnels de santé ?
L'astreinte ne va-t-elle pas devenir, à terme, le mode normal de gestion de la pénurie du personnel de santé ?
Chacun sait que des services ou activités hospitaliers fonctionnent déjà en système d'astreintes ou de permanences.
Aujourd'hui, après la généralisation dans de nombreux établissements des horaires dits « coupés » ou du temps prétendument « choisi » - mais selon les pics d'activités - le Gouvernement décide la mise en place des astreintes à domicile.
A terme, on se dirige vers un système de temps partiel complété par des astreintes. Mais cela est bien éloigné de la conception que nous nous faisons d'une réelle réduction du temps de travail, sans perte de salaire et créatrice d'emplois !
En termes d'économie, les astreintes à domicile reviendront peut-être moins cher qu'une garde à l'établissement et un jour de récupération pour six jours ou six nuits de garde. Néanmoins, ne pensez-vous pas que le plein emploi rapporterait davantage au budget de la sécurité sociale ainsi qu'aux agents qui percevraient un véritable salaire ?
Cette disposition soulève d'importantes questions.
La sécurité des malades sera-t-elle efficacement assurée dans ces conditions ? Quelle vie privée les agents sous astreinte pourront-ils avoir ? Quel sera le salaire des personnes qui resteront chez elles pour répondre à un appel hypothétique et qui seront rémunérées en fonction de leur éventuel déplacement ?
Le fait d'introduire dans l'article 58 la notion de « continuité de service » ne va-t-il pas remettre en cause le droit de grève des salariés ?
Par ailleurs, le fait de renvoyer à des décrets pour fixer les conditions d'application de ces astreintes et pour définir les modalités des compensations ne peut que nous inquiéter.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter notre amendement et de supprimer l'article 58 concernant les astreintes.
Compte tenu de l'importance de ce problème, et parce qu'il est nécessaire que nos administrés soient au courant de nos votes, je demande, comme je le ferai tout à l'heure pour l'amendement n° 131, un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 195.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je comprends bien qu'il soit nécessaire de légiférer sur ce sujet. Plusieurs cas de figure peuvent d'ailleurs se présenter et nous avons connu en la matière un certain nombre de difficultés, notre collègue M. Pagès vient d'ailleurs d'y faire allusion : il est vrai que s'est développée une certaine anarchie en ce qui concerne les astreintes en milieu hospitalier.
Il est donc indispensable de traiter le problème, mais je crois qu'il serait sage de s'en remettre à l'avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Une loi est nécessaire, un décret ne suffit pas et le temps de la concertation doit être respecté.
Il serait en tout cas paradoxal que la discussion de ce projet de loi, dont les titres Ier et II nous ont été présentés comme étant le résultat d'une vaste concertation et d'un accord très large avec les syndicats, s'achève avec un passage en force du Gouvernement, jetant ainsi une ombre sur l'ensemble du texte. Ce serait dommage !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 130 et 195 ?
M. François Blaizot, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Elle considère que le problème posé par l'organisation des astreintes est réel. La meilleure preuve est qu'actuellement, dans tous les établissements hospitaliers, il est recouru à des astreintes, selon des modalités qui varient d'un établissement à l'autre. C'est une nécessité que l'on ne saurait nier. La loi doit donc prévoir ce type d'obligations.
En conséquence, la commission est favorable au texte du Gouvernement.
Quant au recours au décret pour préciser le fonctionnement des astreintes, il me paraît nécessaire à partir du moment où celles-ci auront une existence légale. Il serait cependant opportun que M. le ministre puisse nous donner quelques indications sur la façon dont il entend organiser et rémunérer les astreintes.
M. le président Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Le texte qu'il nous propose a pour objet de donner un base légale à une politique qui existe déjà - l'astreinte à domicile - dans la quasi-totalité des établissements. Le fait qu'il n'existe aucune base légale en la matière est une situation juridique intenable qu'il faut corriger.
Par la suite, il nous faudra effectivement définir un cadre plus cohérent pour éviter certains dérapages dans les différents établissements. Ce sera l'objet de la discussion que nous aurons avec les organisations syndicales, et je sais que mon collègue chargé de la santé y veillera.
Quant au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, monsieur Pagès, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, il n'a pas donné un avis défavorable à cette disposition sur le fond, il a seulement souhaité que la discussion soit antérieure à la création de la base juridique.
Mme Nicole Borvo. C'est la moindre des choses !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nous créons donc aujourd'hui la base juridique, qui était indispensable. Puis, la discussion va se développer pour définir le contenu des décrets qui seront pris au vu de la négociation avec les organisations syndicales.
Voilà qui me paraît un schéma logique dans son calendrier et cohérent dans sa méthode.
M. le président Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 130 et 195.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. L'urgence ayant été déclarée sur ce texte, les échanges entre les deux assemblées vont être singulièrement limités. Je tiens donc à expliquer brièvement mon vote.
Si personne ne nie qu'il faille étudier sérieusement ce problème des astreintes, puisqu'elles existent, on ne peut pas pour autant accepter que la décision soit prise d'en haut, comme on nous le propose aujourd'hui, avant une éventuelle consultation des organisations syndicales. Il faut d'abord mettre le problème sur le tapis, en discuter avec les syndicats et légiférer ensuite. Cela me paraît la procédure la plus sérieuse et la plus raisonnable. Sinon, que représentons-nous ici, mes chers collègues ?
MM. Jean Chérioux et Jean-Pierre Schosteck. Il faut bien une base législative !
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je voterai contre ces amendements, car il ne servirait à rien de discuter des conditions d'application d'un principe qui doit être nécessairement fixé par la loi si nous ne votons pas d'abord la loi.
M. Jean Chérioux. Bien sûr, c'est évident !
M. Jean-Jacques Hyest. Puisqu'il faut une base législative à l'astreinte, votons donc d'abord cette base législative. Ce n'est pas au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière de déterminer comment doivent être faites les lois !
Les conditions d'application seront, bien entendu, négociées et discutées au sein de la fonction publique hospitalière. Refuser cet article, comme vous le faites, signifie que vous refusez de régler le problème des astreintes. Ce qui va alors se passer, c'est que, de plus en plus, les trésoriers des hôpitaux diront : « Nous ne payons plus, puisqu'il n'y a plus de base légale. » Or vous savez très bien que tout le monde reconnaît que les astreintes sont utiles au fonctionnement quotidien des hôpitaux.
Je ne comprends donc pas du tout votre attitude et je voterai contre ces deux amendements.
MM. Jean Chérioux et Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
M. Alain Vasselle. Cette proposition se retournerait contre les agents !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, je retire mon amendement n° 195 au profit de l'amendement n° 130, que je voterai bien évidemment.
M. le président L'amendement n° 195 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 94 |
Contre | 222 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 58.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le groupe socialiste également.
(L'article 58 est adopté.)
Article additionnel après l'article 58